chine

Au cours des derniers mois, le conflit entre la Chine et le Japon au sujet d’une poignée de petites îles, au large des côtes chinoises, a focalisé l’attention des médias. La possibilité d’un conflit armé en Asie de l’Est a été posée. L’archipel en question, Senkaku en japonais ou Diaoyu pour les Chinois, est composé de 5 petites iles inhabitées, qui ont été « conquises » par le Japon en 1895, lors de la guerre sino-japonaise. Se fondant sur des textes antiques, la Chine n’a commencé à revendiquer sa réappropriation qu’en 1968, lorsqu’on y a découvert d’importants gisements de pétrole et de gaz. Le paroxysme des tensions régionales a été atteint en septembre dernier, lorsque le gouvernement japonais a nationalisé l’archipel, qui appartenait à la famille Kurihara. En y plantant leur drapeau, l’expédition des nationalistes japonais a immédiatement entrainé en Chine une vague de manifestations antijaponaises, avec le soutien du régime. La tension actuelle a donc été délibérément orchestrée et politiquement exploitée par le Japon, mais aussi par les dirigeants chinois.

Au cours des soixante dernières années, les relations mondiales ont connu une période de paix et de stabilité relatives, dont les fondements ont été sapés par la crise historique que traverse le capitalisme mondial. Les tensions croissantes dans la mer de Chine du Sud sont une preuve évidente que nous sommes entrés dans une nouvelle ère d’instabilité dans les relations entre les grandes puissances mondiales. Dans ce cadre, il est significatif que l’archipel convoité se trouve au cœur de cette mer : un tiers du transport maritime mondial y transite. Les relations diplomatiques qui régissent cette route commerciale sont encore essentiellement basées sur la domination américaine, issue de la Seconde Guerre mondiale. Outre le Japon, de nombreux pays – le Cambodge, la Corée du Sud, la Malaisie, Taiwan, le Vietnam, l’Indonésie – se considèrent comme des alliés des Etats-Unis. Cependant, c’est le développement économique chinois qui a fait de cette région un lieu clé du transport maritime international. Cela signifie que la Chine ne contrôle pas politiquement et militairement ses routes commerciales. Cette contradiction est grosse de conflits à venir.

Outre sa position prépondérante au sein du marché mondial, la Chine a acquis de nombreuses technologies. Elle investit énormément dans le développement de son armée, notamment sa flotte. Une telle force peut donc constituer une menace pour les puissances qui bénéficiaient de l’équilibre passé.

Ainsi s’explique la provocation japonaise, qui a été planifiée à l’avance en anticipant la réaction chinoise : les manœuvres militaires ont commencé dès 2011. Le Japon, avec le soutien des Etats-Unis, a voulu utiliser l’incident pour renforcer l’idée, parmi les voisins de la Chine, que celle-ci a des ambitions impérialistes, le Japon et les Etats-Unis restant les seuls alliés fiables pour y faire obstacle.

Ce conflit a permis de révéler le nouvel équilibre des pouvoirs entre les capitalismes concurrents de la région. Plusieurs pays profitent du conflit entre la Chine et le Japon : ceux qui dépendent fortement de la Chine pour leur commerce, et qui ont aussi des conflits territoriaux avec le Japon, comme la Corée du Sud ou Taiwan. De son côté, le Japon tente de resserrer ses liens avec des pays tels que le Vietnam, l’Indonésie et le Cambodge. Ce sont les principaux concurrents de la Chine pour le travail peu cher dont dépendent les multinationales japonaises. Les entreprises japonaises envisagent de délocaliser la production de Chine vers ces pays. Les manifestations appuyées par le gouvernement chinois, qui ont entraîné la fermeture de nombreuses usines japonaises, ne peuvent qu’avoir accéléré ce processus.

Lutte des classes

Les grèves de protestation dans les usines japonaises n’entraient sûrement pas dans les plans des dirigeants chinois, qui redoutent cette méthode de lutte. On touche ici à l’autre élément clé de la situation, à savoir les antagonismes de classe croissants en Chine comme au Japon. Les conservateurs japonais, de retour au pouvoir, comptent à leur tour user de la « distraction » nationaliste auprès d’une population qui a surtout connu, depuis 20 ans, le développement du chômage, la précarisation et la paupérisation – sans oublier la catastrophe nucléaire de Fukushima. Mais ils ne peuvent mettre un terme au déclin du capitalisme japonais (chute des exportations et endettement massif), à ses conséquences sociales et aux contestations qui en découleront. Le gouvernement chinois aussi a depuis longtemps compris combien il est utile de rappeler les crimes des impérialistes japonais du passé, afin de détourner l’attention des crimes les plus récents des capitalistes chinois. Mais c’est d’une efficacité limitée. La classe ouvrière chinoise est dans un état d’effervescence. Les grèves se multiplient, et ce alors que se profile une crise de surproduction en Chine même.

Une retombée temporaire des tensions est possible, à court terme. Cependant, toutes les contradictions économiques, politiques et militaires vont s’aggraver. D’autres explosions diplomatiques – voire militaire –sont inévitables. Mais dans le même temps, la lutte des classes ne cessera de se développer en Chine comme au Japon. Et les travailleurs chinois ont le même intérêt que les travailleurs japonais : la fin du capitalisme !