Les 24 et 25 août derniers, le Chili a été secoué par une grève générale de 48 heures. 400 000 personnes ont participé aux manifestations organisées à Santiago et 600 000 dans tout le pays : travailleurs, étudiants, retraités, chômeurs... Cette grève constituait le point d’orgue d’une série de mobilisations commencées quatre mois plus tôt, en mai, par un puissant mouvement de la jeunesse étudiante. Cette situation met en évidence la crise d’un système qui, malgré une apparente réussite économique, génère des inégalités et un mécontentement croissants. Le succès de la mobilisation est porteur d’espoir pour un pays qui, manifestement, veut en finir avec le système hérité de l’ère Pinochet.

La grève générale était appelée par la CUT, principale confédération syndicale du pays, qui organise 10 % de la population active. Six grandes revendications étaient avancées : une réforme fiscale qui ponctionne davantage les plus riches, une éducation publique et gratuite, un système public de santé de qualité et sans spéculation, une réforme du système de pensions, un Code du travail garantissant le respect des droits des travailleurs et un référendum pour une nouvelle Constitution politique.

Le gouvernement de droite du milliardaire Sebastián Piñera avait déclaré que cette grève générale était « illégale ». La répression s’est soldée par 1200 interpellations, des dizaines de blessés et la mort d’un adolescent, tué d’une balle par un policier.

D’après les chiffres du gouvernement, la participation à la grève était de 14,3 % dans le secteur public. Mais le gouvernement a évidemment cherché à minimiser l’ampleur du mouvement. Les organisations syndicales ont annoncé, elles, plus de 80 % de participation dans le secteur public, alors même qu’une partie de ces salariés n’a pas le droit de faire grève. Dans le secteur privé, il est difficile de connaître les chiffres de la participation à la grève. Néanmoins, plusieurs centaines d’entreprises ont fermé à Santiago.

Crise du système

La grève des étudiants dure depuis quatre mois. Voici comment ils qualifient le système éducatif chilien : « cher, de mauvaise qualité et discriminant ». Le Chili est l’un des pays où la part du financement public dans l’éducation supérieure est la plus faible : moins de 25 %. Autrement dit, 75 % des financements sont privés. Pour payer leurs études, beaucoup d’étudiants sont obligés de contracter des crédits universitaires à des taux moyens de 5,6 %, qu’ils doivent rembourser pendant les 15 ou 20 premières années de leur vie professionnelle. Et forcément, ce système est très inégalitaire. L’écart se creuse sans cesse entre les élèves du privé et du public, d’une part pour l’accès à l’université, d’autre part pour trouver un emploi.

L’éducation n’est qu’un exemple d’un système inégalitaire qui devient insupportable pour la masse de la population. Le mouvement étudiant a joué le rôle de catalyseur. Il a fait remonter à la surface toute la colère accumulée dans le peuple.

Les observateurs bourgeois ne comprennent pas de quoi se plaignent les Chiliens. En effet, le pays poursuit son « miracle économique », avec un taux de croissance du PIB de 5,2 % en 2010 – et de 6,5 % prévus en 2011. Certes, il y a de la croissance économique, mais les inégalités persistent et la concentration des richesses aux mains d’une très petite minorité devient de plus en plus inacceptable.

Les institutions politiques de la « démocratie de basse intensité » chilienne sont également en cause. La constitution en vigueur est directement héritée de la dictature de Pinochet. Un système binominal permet à la droite de s’assurer la moitié des sièges du Sénat et de la Chambre des Députes, même lorsqu’elle est minoritaire dans les urnes. Les masses sont également écoeurées par les turpitudes d’une élite politique « professionnelle » et corrompue.

Et maintenant ?

Face au succès de la mobilisation, le gouvernement a décidé de recevoir les dirigeants du mouvement étudiant pour « discuter » de leurs revendications. C’est le signe d’une crainte de la classe dirigeante à l’égard de la puissance potentielle d’une mobilisation générale du peuple chilien.

Les étudiants ont montré une très grande détermination, depuis le mois de mai. Leur combativité a suscité l’admiration et le soutien d’autres secteurs de la population. Aussi le gouvernement s’efforce-t-il de diviser le mouvement en traitant séparément la mobilisation étudiante et celle des travailleurs. Le « dialogue » avec les étudiants vise à désamorcer une mobilisation qui pourrait entraîner l’ensemble des couches opprimées – et faire tomber le gouvernement de Piñera. Cependant, la manœuvre est flagrante. Les étudiants et travailleurs ont les mêmes intérêts – et ils le savent bien !

Les revendications de la CUT sont assez modestes en elles-mêmes. Mais la classe dirigeante chilienne refuse obstinément de les satisfaire. Elle ne tolère pas la moindre réforme progressiste. Au contraire, exige des contre-réformes. Aussi n’y a-t-il pas grand-chose à attendre des « discussions » avec le gouvernement Piñera. Ce dernier n’est plus soutenu que par 21 % de la population. Il doit partir ! La CUT et la gauche chilienne doivent mobiliser le peuple dans le but proclamé de renverser ce gouvernement réactionnaire et corrompu. Pour un gouvernement des travailleurs !

Jusqu’au printemps dernier, le Chili faisait pratiquement figure d’exception en Amérique latine. Les capitalistes et les impérialistes se félicitaient de la stabilité du pays. Il semblait avoir été épargné par la vague révolutionnaire qui a balayé le continent, ces dernières années. Ironie de l’histoire : au moment où la révolution latino-américaine semble marquer le pas au Venezuela, en Bolivie et en Equateur, c’est la jeunesse et la classe ouvrière chiliennes qui prennent le relais !

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