Au Brésil, la pandémie est hors de contrôle. Pour le seul mois de mars 2021, les chiffres officiels annonçaient 66 500 morts, soit deux fois plus que lors du pire mois de 2020 (juillet). Le mois d’avril s’annonce déjà comme une hécatombe, avec une moyenne quotidienne qui approche les 3000 victimes. A l’heure où nous écrivons ces lignes, 375 000 Brésiliens sont morts du Covid, au total, un bilan que seuls les Etats-Unis dépassent.

Crise sanitaire, économique et sociale

Dans la plupart des Etats brésiliens, les hôpitaux sont saturés. Face à la pénurie de lits, les patients se voient attribuer une place en réanimation en fonction de leurs chances de survie. Chaque jour, des personnes meurent sans avoir été prises en charge, faute de place à l’hôpital.

La situation économique et sociale s’est énormément dégradée. Le PIB du Brésil a chuté de 4,1 % en 2020. Le pays compte environ 14 millions de chômeurs, mais ce chiffre officiel ne tient pas compte des travailleurs qui ont renoncé à chercher un emploi, ni du secteur informel. Toutes les formes de pauvreté augmentent rapidement. 10 millions de Brésiliens souffrent d’insécurité alimentaire. Depuis un an, l’inflation s’est envolée ; elle atteint désormais 6,1 %.

Inaction

Aucune politique sérieuse de lutte contre la pandémie n’a été engagée par le gouvernement archi-réactionnaire de Jair Bolsonaro. Il a constamment minimisé le problème. C’est d’ailleurs ce qui a contribué à l’apparition du variant brésilien, particulièrement virulent et contagieux.

Bolsonaro balaye les critiques d’un revers de main. Récemment interrogé sur l’aggravation de la crise sanitaire, il répondait froidement : « ça suffit avec ces histoires (...). Vous allez pleurer jusqu’à quand ? ».

Ceci dit, Bolsonaro n’est pas le seul responsable de cette situation. Sa politique est subordonnée aux intérêts des grands capitalistes. Les gouverneurs et les maires – dont beaucoup se présentent comme des « opposants » au gouvernement – servent les mêmes intérêts. Les politiciens brésiliens, qui ont fait trop peu et trop tard pour contenir la pandémie, ont surtout cherché à préserver les profits de la bourgeoisie. Dans la plupart des régions où le système de santé s’est effondré, les entreprises, les restaurants et les bars restent ouverts au public. Dans les grandes villes, les transports en commun sont toujours aussi bondés aux heures de pointe.

La campagne de vaccination brésilienne est un fiasco. A ce jour, seuls 5,5 % de la population ont reçu une dose – et seulement 2 % ont reçu deux doses. Bien sûr, le Brésil pâtit de la course mondiale aux doses de vaccin, qui voit les plus grandes puissances impérialistes se servir en premier. Mais la politique de Bolsonaro a entraîné des retards dans les commandes de vaccin.

La situation est si mauvaise que, désormais, la bourgeoisie brésilienne s’inquiète de l’incompétence du gouvernement. Elle comprend que la vaccination de masse est indispensable pour permettre une certaine reprise économique. Elle regarde avec anxiété ce qui se passe au Paraguay, où la mauvaise gestion de la pandémie a provoqué des mobilisations massives et spontanées contre le gouvernement de Mario Abdo Benítez, un allié de Bolsonaro.

Lula et la bourgeoisie

Dans ce contexte, un juge de la Cour suprême a décidé d’annuler les condamnations de l’ex-président Lula, du Parti des Travailleurs (PT). Or ces condamnations – qui s’appuyaient sur une farce juridique – le rendaient inéligible.

Prononcées en 2018 dans le cadre de l’opération « anti-corruption » Lava Jato (« Lavage auto »), les condamnations avaient pour objectif de discréditer le PT et, surtout, d’empêcher Lula de se présenter à l’élection présidentielle de la même année. Plus largement, l’objectif de l’opération Lava Jato était de démoraliser et de criminaliser les organisations de travailleurs en général.

Le résultat fut l’élection de Jair Bolsonaro en octobre 2018. L’opération Lava Jato, autrefois utile aux capitalistes et donc encensée par les grands médias, est désormais critiquée par les mêmes. Face à la crise et à l’incompétence du gouvernement Bolsonaro, la bourgeoisie réalise qu’elle pourrait avoir besoin de Lula, de nouveau, pour contrôler et canaliser la colère des masses. Lorsque Lula était au pouvoir, entre 2003 et 2011, il a défendu les intérêts fondamentaux des capitalistes brésiliens, tout en profitant de la croissance économique pour faire des concessions à la masse des Brésiliens les plus pauvres.

Lula déclarait récemment : « Les hommes d’affaires et les banquiers brésiliens devraient prier, chaque jour, prier pour que je dirige à nouveau le pays ». C’est une façon, de sa part, de dire à la bourgeoisie : « même du point de vue de vos intérêts de classe, je suis la meilleure option. »

Cependant, ce dont la jeunesse et les travailleurs ont besoin, au Brésil, ce n’est pas d’un gouvernement « de gauche » qui s’engage à défendre les intérêts de la classe dirigeante. Ils ont besoin d’un gouvernement qui place à l’ordre du jour l’expropriation des « hommes d’affaires et banquiers » dont parle Lula.  

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