Le 17 avril dernier, le Parlement brésilien a voté à une large majorité la procédure de destitution (impeachment) de la présidente Dilma Rousseff, après des mois d’intense pression judiciaire, médiatique et politique contre le Parti des Travailleurs (PT) au pouvoir. La crise est devenue politique suite aux révélations impliquant l’ancien président Lula (dirigeant historique du PT) dans un scandale de pots-de-vin entre la compagnie pétrolière Petrobras et le gouvernement. Le PT a alors été lâché par les « centristes » du vice-président Michel Temer. Tous les partis bourgeois ont voté la destitution de Dilma, sans aucune justification légale.

A l’heure où nous bouclons ce numéro de Révolution, Temer s’apprête à former avec la droite un gouvernement de combat contre la classe ouvrière. Mais ce passage en force – qui viole ses propres règles constitutionnelles – risque de coûter cher à la classe dirigeante brésilienne. Le Brésil se dirige vers une crise révolutionnaire.

Une farce hypocrite

La procédure de destitution de Dilma repose sur l’accusation de manipulation des comptes publics. Or en réalité, Dilma a fait ce qu’ont fait tous les présidents précédents : elle a retardé des paiements et contracté des prêts pour garantir le fonctionnement des finances publiques. Le vice-président Temer a signé ces documents, mais n’est pas concerné par l’impeachment. La majorité des politiciens qui ont voté pour la destitution de Dilma font eux-mêmes l’objet d’une enquête pour corruption. La farce est complète !

Les partis bourgeois exploitent le fait que Dilma est beaucoup moins populaire que ne l’était Lula. Le capitalisme brésilien a longtemps bénéficié de la croissance de la Chine, où il exportait massivement des matières premières. Mais dans un contexte de profonde crise économique, il ne peut plus se permettre les mêmes concessions, notamment salariales. Depuis la réélection de Dilma, en octobre 2014, le taux de chômage a bondi de 4,9 % à 7,5 %. En 2015, le PIB brésilien s’est contracté de 3,8 %, avec des chutes de 6,4 % dans l’industrie et de 6,6 % dans le secteur minier. Ce sont les plus mauvais chiffres en 25 ans. L’inflation est de 10,7 %. L’économie pourrait sombrer dans une longue dépression.

La faillite du réformisme

Le gouvernement de Dilma Rousseff a mené la politique d’austérité que réclamaient les classes dirigeantes brésilienne et internationale. Il a garanti le paiement de la dette intérieure et extérieure en faisant des coupes dans les budgets sociaux et en ouvrant la voie à l’exploitation par les multinationales des réserves de pétrole, à travers la privatisation partielle de Petrobras. Cette politique a rencontré la résistance des masses, en particulier depuis l’explosion sociale de juin 2013. En retour, le gouvernement a choisi la voie de la répression et de la criminalisation des mouvements sociaux (loi « antiterroriste »). Cette politique réactionnaire et les nombreux scandales de corruption ont détruit l’image du PT dans de larges couches de jeunes et de travailleurs conscients.

Dans cette phase d’approfondissement de la crise économique et politique, l’intention de la bourgeoisie est d’attaquer brutalement les conquêtes et les droits des travailleurs. Du fait de ses liens historiques avec la classe ouvrière, le PT représentait un obstacle pour les secteurs les plus agressifs de la classe dirigeante, malgré la soumission de la direction du PT aux intérêts de la bourgeoisie. Jusqu’au moment du vote pour sa destitution, Dilma a cherché à s’attirer ses bonnes grâces, au nom du « respect de la démocratie », pour arriver à un compromis – sans succès. Les partis bourgeois brésiliens ont tombé le masque et démontré que la « légalité », la « démocratie », etc., ne les intéressent que lorsqu’il s’agit de contrôler les masses asservies.

Maintenant que le « coup d’Etat » a eu lieu, selon leurs propres mots, Dilma, Lula et la direction du PT entendent se montrer plus royalistes que le roi. C’est au nom de la légalité bourgeoise et du respect de la Constitution que la bureaucratie du PT tente, en vain, de survivre à elle-même et de « poursuivre le combat » – dans des formes raisonnables ! La faillite du réformisme est complète.

Deux camps antagonistes

Les grands capitalistes brésiliens ont longtemps résisté à l’idée de destituer Dilma. Mais ils ont été mis devant le fait accompli par leurs médiocres représentants politiques. Les hurlements de joie et l’attitude de hooligans de ces derniers, lors du vote au Parlement, soulignent leur impatience à reprendre le contrôle direct des « affaires ». Mais ils risquent de regretter amèrement d’avoir ainsi piétiné leur propre légalité constitutionnelle. Ils ont accéléré la polarisation politique et sociale : d’un côté la classe dirigeante, qui s’appuie sur la mobilisation d’une petite-bourgeoisie hystérisée ; de l’autre, un large front qui regroupe les militants de gauche et les secteurs les plus combatifs de la classe ouvrière. Ces derniers se sont déjà massivement mobilisés, les 18 et 31 mars dernier, contre l’offensive de la droite.

Les puissances impérialistes sont aussi inquiètes. Elles ont cherché à mettre en garde la bourgeoisie brésilienne contre l’instabilité qu’elle risquait de créer. Les masses ne reconnaîtront jamais la légitimité d’un gouvernement issu de ce qu’elles perçoivent comme un « coup d’Etat » de riches parlementaires corrompus. Elles voudront le combattre dans la rue et obtenir sa chute. Le coup parlementaire ouvre la voie à une mobilisation révolutionnaire de ces masses.

Une Assemblée Nationale des Travailleurs a été convoquée pour le 1er Mai par une large coalition d’organisations ouvrières. Celle-ci comprend les syndicats, le Mouvement des Sans-Terre et d’autres organisations des travailleurs réunis dans le « Front du Brésil Populaire » et le « Front du peuple sans peur », dont fait partie la « Gauche Marxiste », section brésilienne de la TMI. Nos camarades appellent à ne pas paralyser la lutte dans la défense des dirigeants du PT et de la « légalité » bourgeoise. La nouvelle situation pose la question d’un gouvernement des travailleurs déterminé à en finir avec le capitalisme brésilien et le règne de sa bourgeoisie corrompue.

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