Contre l’avis de la majorité de la population américaine, le gouvernement « démocratique » du Texas a décidé d’attaquer, une fois de plus, le droit à l’avortement. Dans la foulée de toute une série de mesures du même ordre, une nouvelle loi interdit désormais l’avortement à partir du moment où l’on peut percevoir les battements de cœur du fœtus, soit à peu près six semaines de grossesse. A un stade aussi peu avancé, une femme enceinte n’est parfois même pas consciente de l’être.

Cette loi permet également à n’importe quel citoyen du Texas de porter plainte contre toute personne qui aiderait une femme à recourir à un avortement illégal – et de lui réclamer jusqu’à 10 000 dollars. Cette mesure ne se limite pas aux médecins qui pratiqueraient l’avortement, mais aussi, par exemple, à quelqu’un qui conduirait une femme enceinte à son rendez-vous médical.

Enfin, dans un pays où 44 % des femmes déclarent avoir été victimes d’une forme de violence sexuelle, la nouvelle loi ne prévoit aucune exception pour les grossesses issues de viol ou d’inceste.

Par 5 voix contre 4, la Cour suprême des Etats-Unis a validé cette loi scandaleuse.

Calcul politique

Pourquoi des politiciens bourgeois sont-ils aussi acharnés dans leur lutte contre le droit à l’avortement ? Pour des raisons de basse politique : ils cherchent à s’assurer le vote des Blancs évangélistes et archi-réactionnaires. Jusqu’aux années 1970, la défense de la ségrégation raciale était un moyen efficace d’y parvenir, mais depuis que le mouvement des droits civiques a rendu cette position intenable, les politiciens en question ont dû trouver une autre méthode. Ils ont décidé de tout miser sur la lutte contre le droit à l’avortement. Et tant pis pour la santé, le bien-être et les droits démocratiques des femmes.

De leur côté, les politiciens libéraux pleurent à chaudes larmes (de crocodile) sur le sort des femmes du Texas. Mais que font-ils, concrètement ? Le président Biden a dit de cette loi qu’elle était « un assaut sans précédent sur les droits constitutionnels des femmes ». Pourtant, c’est le même Joe Biden qui, en 1973, affirmait ne pas croire qu’« une femme soit la seule à pouvoir décider de ce qu’il arrive à son corps ». C’est le même Joe Biden qui, depuis, a voté à de nombreuses reprises pour empêcher que des subventions publiques ne facilitent l’accès à l’avortement. Il a même donné son nom à un amendement législatif stipulant que « l’aide » internationale distribuée par les Etats-Unis ne devait jamais servir à financer des recherches médicales liées à l’avortement. Sur ce sujet comme sur d’autres, ses actes pèsent plus lourd que ses paroles.

Melissa Upreti, membre d’une commission de l’ONU sur la discrimination des femmes, a déclaré que cette loi était « profondément discriminante et viol[ait] un certain nombre de droits garantis par le droit international. » Nous demandons : par qui ces droits sont-ils prétendument « garantis » ? Par les gouvernements au service des capitalistes ?

Aucun gouvernement bourgeois ne « garantit » les droits des travailleurs, puisque leurs intérêts et ceux des capitalistes sont irréconciliables. Lorsque des gouvernements bourgeois procèdent à des coupes budgétaires, les droits de la classe ouvrière sont remis en cause. Et comme l’ONU n’existe que pour défendre le capitalisme à l’échelle internationale, la seule « garantie » que Melissa Upreti et ses collègues puissent apporter aux travailleuses, c’est que leur oppression va perdurer – et même s’aggraver.

Une question de classe

Ces attaques contre le droit à l’avortement ne touchent pas seulement les femmes, mais toute la classe ouvrière. Une grossesse non planifiée peut précipiter une famille entière dans la misère. Beaucoup de familles, aux Etats-Unis, n’ont ni mutuelle ni assurance maladie. Or le coût moyen d’un accouchement à l’hôpital est de 10 808 dollars (s’il n’y a aucune complication). Si l’on y ajoute les soins prénataux et post-partum, la facture s’élève à près de 30 000 dollars.

Le solde moyen du compte en banque d’un Américain de moins de 35 ans est de 3240 dollars. Ce chiffre tombe à 1150 dollars pour les Afro-Américains et à 1950 dollars pour les Hispaniques. Autrement dit, pour des millions d’Américains, une grossesse non-désirée peut être synonyme d’endettement à vie. De telles situations ne concernent pas que les femmes : quand nous chutons dans la misère, les hommes qui partagent nos vies tombent avec nous.

La classe ouvrière a tout intérêt à lutter massivement pour les droits à la contraception et à l’avortement, dans le cadre d’un système de santé socialisé, universel, gratuit et placé sous le contrôle démocratique des travailleurs eux-mêmes. Dans cette lutte, nous faisons face à la résistance acharnée de la classe dirigeante. C’est pourquoi le combat pour le droit à l’avortement est indissociable du combat contre le système capitaliste.