Assez ironiquement, la victoire de Trump a été aidée largement par ses appels démagogiques à la « classe ouvrière », un terme qui n’est même plus utilisé par les dirigeants réformistes du mouvement ouvrier. Les travailleurs désespérés ayant voté pour Trump n’ont pas voté pour davantage d’austérité, au contraire. Plusieurs référendums visant à augmenter le revenu minimum dans des Etats devenus Républicains le prouvent. Malgré tout, c’est pourtant l’austérité que va leur offrir Trump.

Make America great again... ?

Derrière le slogan nationaliste de Make america great again (Rendre l’Amérique grande à nouveau) s’exprimait le désir de retourner à une version idéalisée des trente glorieuses, lorsque des millions d’Américains pouvaient compter sur une situation de quasi-plein emploi et une amélioration régulière des conditions de vie. Nous sommes aujourd’hui aux antipodes de cette période de croissance économique, et ces conditions ne se reproduiront plus. Trump pourra essayer autant qu’il veut, il ne pourra pas dépasser les lois du capitalisme.

Au nom d’une prétendue unité nationale, les syndicats acceptent depuis des décennies des concessions au nom de la collaboration de classes, imposant aux travailleurs des contre-réformes en faveur du patronat. Facteur aggravant aux yeux des travailleurs, toutes ces mesures n’ont pas du tout contribué à faire baisser le chômage. Au contraire, le taux de non-participation à l’économie atteint des niveaux record à près de 37 % de la population active. Trump ne peut qu’accélérer ce processus. Pour maintenir les taux de profits de la bourgeoisie, les attaques vont se multiplier. Les salaires en vigueur vont être remis en question au niveau fédéral, la privatisation des écoles publiques est en cours, et des projets de loi pour limiter l’organisation des syndicats de base sont à l’étude.

Diviser et corrompre pour mieux régner

Face à ces attaques, Richard Trumka, président de l’AFL-CIO (la plus grande centrale syndicale du pays) n’a pas appelé à l’organisation ou à la lutte, mais a au contraire approuvé le protectionnisme de Trump. Les travailleurs et les jeunes les plus conscients sont de plus en plus dégoûtés par ces bureaucrates syndicaux qui, loin de représenter les intérêts des travailleurs dans leur ensemble, sont complètement intégrés à l’establishment de la classe dirigeante et constituent un obstacle objectif à la lutte de la classe ouvrière. Cette situation représente pour la bureaucratie syndicale un risque sérieux, celui de l’apparition de courants syndicaux de gauche qui affaibliraient son autorité sur la base.

Faute de pouvoir revenir aux conditions économiques des années 50 et 60, l’extrême droite cherche à imposer artificiellement un retour aux valeurs morales de l’époque. En revenant sur les mesures de protection pour les étudiants transgenres dans les écoles publiques ou en menaçant le droit à l’avortement, ils s’attaquent aux droits fondamentaux et portent atteinte à la dignité humaine. Tout cela est bien utile à la bourgeoisie. Puisque la force brute ne peut pas être utilisée pour faire marcher droit la majorité des travailleurs, le gouvernement « divise pour mieux régner ». En plus d’attiser ouvertement le racisme et le sexisme, des traitements de faveur minimes sont donnés à certains tandis que d’autres servent de boucs émissaires.

Une crise de régime

En dépit de ses rodomontades, les options sont limitées pour Trump. Une économie complexe plongée en pleine crise ne peut être dirigée par des décrets exécutifs. Ce qui explique qu’il ait dû accepter de voir plusieurs de ses projets se faire retoquer au Congrès. De son côté, la classe dirigeante a dû accepter la victoire de Trump et essayer de composer avec lui plutôt que de l’attaquer frontalement et risquer de mettre en cause le système électoral. Mais les actions du président, notamment ses décrets anti-immigration, pourraient déclencher une crise constitutionnelle, soulignant les limites de la plus ancienne charte gouvernementale toujours active au monde.

Dans ce système bipartite, les Démocrates continueront à bénéficier d’un rôle de parti d’opposition tant que la classe ouvrière ne créera pas un parti pour la représenter. Pour gagner les futures élections, les Démocrates auront besoin des électeurs les plus radicalisés, et s’appuieront sur des personnalités comme Sanders. Mais plus la création d’un parti représentant l’intérêt des travailleurs sera retardée, plus ceux-ci deviendront difficiles à contrôler pour les Démocrates – car chaque attaque fera augmenter leur colère et le risque d’explosions sociales.

Face aux attaques de Trump, la classe ouvrière n’a d’autre choix que riposter. Depuis l’élection, les protestations sont quotidiennes et les dirigeants politiques et syndicaux vont vite être débordés sur leur gauche. Des grèves générales à l’échelle de villes, des occupations d’usines ont d’ores et déjà fait reculer certains patrons et ont montré la voie pour les luttes nationales. C’est dans l’organisation et la solidarité des travailleurs américains que reposent leurs seules chances de se défendre contre les multiples attaques que prépare le gouvernement Trump.