Le 28 octobre 2016, à Al Hoceima, dans le Rif, la police jette dans un camion-poubelle la marchandise de Mohcine Fikri, un jeune vendeur de poisson. En tentant de sauver ses produits, le jeune homme est broyé par la benne à ordures. Des témoins accusent la police d’avoir activé la benne. Filmée et diffusée sur le net, cette scène a déclenché une vague d’indignation et de manifestations dans le Rif, puis dans tout le pays. Le Hirak –  « Mouvement » – a rapidement pris une dimension politique. Les manifestants s’en sont pris aux violences policières et au régime, à la monarchie et à l’oligarchie qui contrôlent les richesses du Maroc.

Comme lors des révolutions arabes de 2011, les manifestants réclament du travail, des universités, des hôpitaux, des infrastructures, la justice sociale et la démocratie. La mort de Mohcine Fikri a mis le feu aux poudres, dans un contexte économique et social explosif. La croissance économique était d’à peine 1,6 % en 2016, contre 4,5 % en 2015. Le secteur informel représente près de 25 % du PIB. Le chômage touche plus de 30 % des jeunes. Selon un rapport de l’ONU, 60 % des Marocains vivent dans la pauvreté et le besoin ; cinq millions vivent avec moins de deux dollars par jour, un million avec moins d’un dollar par jour. 60 % de la population est analphabète, dont 83 % des femmes vivant en milieu rural. L’Indice de Développement Humain du Maroc est passé du 117e rang mondial en 1995 au 127e rang en 2015 (sur 192).

Répression

Pendant plus de dix mois, le Hirak n’a cessé de se développer, malgré la répression. Grèves et manifestations se sont multipliées. Les manifestants ont établi une liste de 21 revendications, véritable programme de développement économique et social. Des dirigeants honnêtes et combatifs ont émergé spontanément des masses, comme le jeune Nasser Zefzafi. Le mouvement rassemble de larges couches de la société : les jeunes et travailleurs des villes ont été rejoints par des avocats, des petits commerçants et des paysans pauvres – entre autres.

Le 26 mai dernier, la répression s’est renforcée. Sur ordre du régime, un imam d’une mosquée d’Al Hoceima s’est lancé dans un prêche contre le Hirak. De nombreuses personnes présentes ont manifesté leur indignation. Le dirigeant Nasser Zefzafi a pris la défense du mouvement. C’était l’occasion pour le régime de décapiter le Hirak en emprisonnant et en torturant ses dirigeants, dont Zefzafi.

Mais au lieu de détruire le mouvement, cette répression l’a renforcé. Des manifestations et des grèves de soutien au mouvement et pour la libération des prisonniers politiques ont eu régulièrement lieu, partout dans le pays. Le 11 juin, la gigantesque manifestation à Rabat a dépassé, par son ampleur, le mouvement du 20 février 2011.

Face aux révolutions arabes de 2011, le roi avait fait mine d’engager des réformes institutionnelles et économiques. Mais six ans plus tard, rien de fondamental n’a changé. Le régime est dans une impasse ; il semble avoir déjà jeté toutes ses cartes. Incapable de répondre aux revendications populaires, la violence est sa seule réponse. Mais cette fois-ci, les masses sont mieux organisées et mieux préparées qu’en 2011. Elles ont mûri, politiquement. Les partis officiels – tous corrompus et soumis à la monarchie – sont profondément discrédités. Les élections législatives du 7 octobre 2016 l’ont montré : près de 60 % des électeurs se sont abstenus, dont 72 % des habitants de Al Hoceima.

Modernité et arriération

Le Maroc combine des éléments de modernité et d’arriération. D’un côté, les investissements étrangers y ont introduit – du moins dans certaines villes – une industrie et des moyens de communication modernes. Mais d’un autre côté, le pays est lesté par une économie informelle massive, la grande propriété foncière, une petite paysannerie traditionnelle et tout ce qui va avec. La bourgeoisie marocaine est faible, corrompue et dépendante des impérialistes (français, en particulier). Loin de contester le pouvoir de la monarchie, elle le soutient. Elle est liée de mille manières – notamment via les banques – aux grands propriétaires terriens.

Seul un gouvernement des travailleurs et des paysans pauvres peut moderniser et démocratiser le pays. La puissance du Hirak nous démontre, une fois de plus, que les travailleurs, les paysans pauvres et les éléments progressistes des classes moyennes ont un pouvoir potentiel colossal. Ce qui manque, c’est un parti des travailleurs démocratique, résolument hostile à la monarchie, et doté d’un programme révolutionnaire.

Nasser Zefzafi et d’autres camarades sont encore en prison. Nous devons lutter pour leur libération. Mais le mouvement est puissant. Dans les mois et les années qui viennent, des milliers de Zefzafi émergeront. Que les classes dirigeantes marocaines et du monde tremblent face au Hirak et à la révolution marocaine !

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