En l’espace d’un mois et demi, du 10 janvier au 27 février dernier, la Guinée a connu deux grèves générales massives, qui ont complètement paralysé l’économie du pays pendant 33 jours. Cette magnifique lutte de la jeunesse et des travailleurs guinéens a semé la panique, non seulement dans l’entourage du dictateur Lansana Conté, mais aussi dans les rangs de l’impérialisme français. La classe dirigeante française est l’une des principales causes de l’effroyable misère qui frappe la plupart des 9,4 millions de Guinéens. Depuis de nombreuses décennies, elle pille ce pays – premier producteur mondial de bauxite, un minerai de l’aluminium – et couvre tous les crimes que sa dictature corrompue commet contre le peuple.

La crise du capitalisme a des conséquences absolument dramatiques pour ces peuples d’Afrique. La famine les menace à tout moment, comme un épée de Damoclès suspendue à un fil que fait vaciller, sans cesse, les fluctuations de l’économie mondiale. Ulcérés par la hausse des prix, et notamment des combustibles et du riz, la classe ouvrière, la jeunesse et les pauvres ont jeté toute leur force dans la lutte pour défendre leurs conditions de vie.

Le grève générale de janvier et février fut le point culminant d’un série de mobilisations qui secoue le pays depuis novembre 2005. Entre cette date et juin 2006, les travailleurs guinéens se sont lancés dans pas moins de trois grèves générales, à l’appel de leurs deux grandes organisations syndicales, l’USTG et la CNTG. La répression fut féroce : il y a eu des dizaines de morts lors de la troisième grève, en juin 2006. La haine des masses à l’égard de Lansana Conté, au pouvoir depuis 23 ans, a alors atteint des sommets.

Le 10 janvier, à l’appel des organisations syndicales, une nouvelle grève générale illimitée commence. Elle est très suivie. Dans les grandes villes, les banques, les écoles, les commerces et les bureaux sont fermés. L’industrie du bauxite, veine jugulaire du pays, est paralysée. Les travailleurs réclament la démission de Lansana Conté et la baisse des prix.

D’entrée de jeu, malgré la puissance du mouvement, les perspectives étriquées des directions syndicales se manifeste par le fait qu’elles ne réclament pas le départ pur et simple de Lansana Conté, comme le souhaite ardemment la masse des grévistes. Au lieu de cela, elles acceptent de négocier avec le dictateur la nomination d’un « premier-ministre de consensus », supposé tenir l’exécutif et « résoudre la crise ».

C’est d’ailleurs sur la promesse d’une telle nomination que les dirigeants syndicaux appellent à la reprise du travail, le 28 janvier. Le travail reprend. Mais entre temps, les policiers, l’armée et les différents « escadrons de la mort » que contrôle l’Etat se sont livrés à une répression sanglante, tuant plus de 60 personnes. Les arrestations et tortures se sont multipliées. En guise de remerciement pour leur modération, les dirigeants syndicaux ont même été jetés quelques temps en prison, dont ils sont sortis pour aller immédiatement « négocier » avec leur geôlier, Lansana Conté !

Le 9 février, la nouvelle éclate comme une bombe : Lansana Conté nomme l’un de ses proches les plus détestés par la population, Eugène Camara, comme « premier ministre de consensus ». Immédiatement, la révolte embrase toutes les forces qui, la veille, ont arrêté le travail sur la foi d’une promesse de « changement ». La jeunesse se soulève. Des bâtiments officiels sont brûlés ; la garde présidentielle est attaquée à coups de pierres ; des barricades s’élèvent à travers Conakry, la capitale. L’effervescence est telle, dans la classe ouvrière, que les dirigeants syndicaux doivent appeler à une nouvelle grève générale, qui commence le 12 février.

La colère gagne également les rangs de l’armée, dont certains membres se rallient à la grève. Pour éviter que l’armée ne se brise, Lansana Conté s’appuie davantage sur les diverses milices, qui sèment à nouveau la mort parmi les grévistes et les manifestants. Au total, les grèves de janvier-février auront coûté la vie à plus de 120 personnes, officiellement.

Isolé, Lansana Conté ne peut compter ni sur l’armée, ni sur le Parlement – qui, le 23 février, rejette sa demande de prolonger l’état de siège instauré depuis la reprise de la grève. Probablement « conseillé » d’une main pragmatique et autoritaire par la diplomatie française, qui voulait une issue rapide et sûre à la crise, il est obligé de remplacer son dauphin, Eugène Camara, par un technocrate qu’on lui impose : Lansana Kouyaté. Les directions syndicales, « satisfaites », appellent de nouveau à la reprise du travail, le 27 février.

Nous ne savons pas grand chose de ce nouveau premier-ministre « de consensus ». Mais il suffit d’entendre les médias français vanter, la main sur le cœur, sa « probité » et son « professionnalisme », pour savoir que nous avons affaire à un servile laquais de l’impérialisme français. L’homme a d’ailleurs traîné dans toutes ces « institutions africaines » où la France exerce une forte influence.

Tant que l’impérialisme dominera la Guinée, comme il domine la quasi-totalité du continent africain, son peuple ne sortira pas de la misère. A l’époque actuelle, celle de l’impérialisme déclinant, cela signifie le renversement du capitalisme et l’instauration d’une économie socialiste. Les Guinéens ne pourront pas accomplir ces tâches sans l’aide des travailleurs du reste du continent. Le sort de l’Afrique dépend, dans une large mesure, des puissantes classes ouvrières des pays le plus industrialisés de ce continent, notamment l’Afrique du sud, l’Egypte, l’Algérie, le Sénégal et le Nigeria. La lutte héroïque des Guinéens leur servira d’exemple. Elle montre la voie. De même que des millions de miséreux vivent, en Guinée, sur des trésors de matières premières – de même les peuples d’Afrique agonisent au milieu d’inépuisables richesses matérielles et humaines. Mais la vague révolutionnaire qui est partie d’Amérique latine finira par balayer l’Afrique. Et ces peuples que l’histoire officielle a plongés dans l’oubli finiront par nettoyer ce continent de toutes les oppressions que le capitalisme mondial y a concentrées.

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