Mexique

Le 7 septembre, au Mexique, s’est déroulée la plus importante manifestation étudiante des cinquante dernières années dans ce pays. Près de 70 000 étudiants se sont réunis à l'UNAM, la plus grande université du Mexique, sous un même mot d’ordre : « ¡Fuera porros de la universidad! » (« Les porros hors de l'université ! »).

Les « porros » sont des étudiants plus ou moins fascistes qui s'attaquent aux mobilisations étudiantes. Le 3 septembre, ils ont agressé des étudiants qui menaient des actions de solidarité avec une lutte des enseignants pour de meilleurs salaires. Plusieurs étudiants ont été grièvement blessés.

La réaction de la communauté étudiante fut immédiate : dès le lendemain, des Assemblées Générales se sont tenues dans tout Mexico et ont voté le blocage d'une vingtaine de facultés. Elles ont réclamé que les agresseurs soient poursuivis en justice – et que les noms de leurs commanditaires soient révélés.

Violence endémique

Ce mouvement est l’expression d’un ras-le-bol général. L'agression fasciste du 3 septembre n’est pas un cas isolé : cela fait des décennies que les porros interviennent contre les mouvements étudiants, souvent à la demande des directions des Universités. En fait, l'Etat mexicain lui-même finance des groupuscules fascistes – et les utilise comme outils de répression.

Toutefois, plus que le rôle des porros, qui reste marginal, c’est la violence de la société mexicaine en général que dénoncent les étudiants. Par exemple, ces dernières semaines, deux étudiants ont été assassinés sur le chemin de l’université. Entre janvier et juin derniers, 387 femmes ont été assassinées.

Une succession de petites étincelles ont fini par déclencher ce vaste mouvement étudiant, qui a pris de plus en plus d’ampleur et a commencé à formuler des revendications sur la sécurité, l’accès à l’enseignement public et l'égalité hommes-femmes.

Toutefois, comme en France, il manque au mouvement étudiant une direction aux idées claires. Cela engendre une certaine désorganisation, qui épuise la mobilisation. L'absence de syndicats étudiants est un facteur aggravant.

Nos camarades mexicains d'Izquierda Socialista ont participé à cette mobilisation. Dans leur journal et leurs interventions publiques, ils ont développé leur programme de lutte pour une université publique, gratuite et de qualité. Ils ont aussi insisté sur l'absolue nécessité, pour le mouvement étudiant, de se lier au mouvement ouvrier mexicain, via ses organisations syndicales. Sans une lutte commune des étudiants et des travailleurs, aucune victoire ne sera possible !

Le 1er juillet dernier, au Mexique, Andres Manuel Lopez Obrador (AMLO) a remporté l'élection présidentielle dès le premier tour, avec 53 % des voix et un taux de participation record. Deux siècles après l'indépendance du Mexique, plus d'un siècle après la révolution de 1910 et tout juste 50 ans après les grandes luttes de 1968, ce pays a, pour la toute première fois de son histoire, un président de gauche. Il s'est engagé à tenir tête à la bourgeoisie et à défendre les intérêts des travailleurs et des paysans pauvres.

En réaction à la victoire d'AMLO, une partie de la presse a annoncé la venue d'un Chavez mexicain. Qu'en est-il ?

Le contexte de la victoire

Le Mexique a été frappé très violemment par la crise mondiale de 2008. La misère croissante et les conflits armés ont entraîné plus de 300 000 assassinats (dont 26 500 sur la seule année 2017), des disparitions, une augmentation des violences à l’égard des femmes et le déplacement forcé de milliers de personnes. 130 hommes politiques ont été assassinés pendant la campagne électorale. Enfin, le Mexique est le deuxième pays le plus dangereux au monde pour les journalistes.

En 2006, AMLO, ancien maire de Mexico, se présente une première fois à la présidentielle sous l'étiquette du Parti Révolutionnaire Démocratique (PRD, social-démocrate). Il « perd » suite à une fraude massive et manifeste, qui provoque au passage un puissant mouvement de masse. En 2012, AMLO quitte le PRD sur sa gauche et fonde son propre mouvement, Morena (pour « Mouvement de Régénération Nationale »), qui se transforme officiellement en un parti en 2014.

La victoire écrasante de Morena, en juillet dernier, a mis sur le carreau tous les autres partis traditionnels. Le Parti Révolutionnaire Indépendant (PRI, droite), qui a régné sans interruption sur le Mexique pendant près de 60 ans, a obtenu le score le plus faible de son histoire. Le Parti d'Action Nationaliste (PAN, droite) connaît également une crise énorme. Enfin, l'aile droite et corrompue du PRD a pratiquement détruit ce parti.

Perspectives

Le programme d'AMLO formule une dizaine d'engagements généraux. Il défend la « souveraineté économique » et déclare vouloir empêcher la privatisation de certains secteurs, mais sans pour autant proposer de nationalisations. Il annonce sa volonté de créer divers services publics (eau, nourriture, logement). Il dit vouloir combattre l’interventionnisme des Etats-Unis – et, en général, lutter pour l'autodétermination de tous les peuples. Il critique sévèrement le « néolibéralisme », mais ne parle jamais de « capitalisme ». En bref, ce programme va dans la bonne direction, mais reste très flou. Il est typiquement réformiste.

Ceci dit, malgré ses limites, ce programme suscite les espoirs de dizaines de millions de Mexicains, qui sont prêts à se battre pour sa mise en œuvre. Et c'est cela qui inquiète le plus la bourgeoisie.

La victoire de Morena se fait sentir dans toutes les organisations politiques et sociales du pays, qui doivent définir leur position vis-à-vis du nouveau gouvernement. Il est clair qu'AMLO ne pourra pas faire confiance aux directions des principaux syndicats du pays, car elles sont corrompues jusqu'à la moelle. Il ne pourra pas non plus s'appuyer sur les grands médias qui, bien sûr, sont contrôlés par la bourgeoisie nationale et les impérialistes.

La bourgeoisie mexicaine et son maître, l'impérialisme américain, ne sont pas disposés à faire la moindre concession aux jeunes, aux travailleurs et aux pauvres. Ils feront tout ce qui est en leur pouvoir pour empêcher la mise en œuvre des mesures progressistes annoncées dans le programme électoral de Morena.

Comment réagira AMLO ? On ne peut pas l'anticiper avec précision. Il est clair qu'il n'a pas le profil révolutionnaire d'un Chavez. En outre, une bureaucratie droitière, pro-capitaliste, s'est formée au sommet de Morena. Mais cela n'épuise pas la question. Les masses mexicaines n'en peuvent plus de la misère et de la pauvreté. Elles feront donc pression sur AMLO – y compris, sans doute, en se mobilisant dans les rues – pour qu'il tienne ses engagements électoraux.

AMLO subira donc les pressions contradictoires et colossales de sa base sociale, d'une part, et d'autre part de la bourgeoisie. Or il ne pourra pas satisfaire les deux. Il ne pourra pas, non plus, s'en tenir aux réformes progressistes de son programme officiel. Soit il cédera aux pressions de la classe dirigeante et renoncera à ses réformes, soit il devra compléter son programme par des mesures révolutionnaires, des mesures d'expropriation et de nationalisation des banques, des grandes entreprises et des multinationales qui dominent le Mexique.

Izquierda Socialista, l'organisation sœur de Révolution au Mexique, travaillera à convaincre les militants et sympathisants de Morena qu'il n'y a pas d'autre issue, pour les masses de ce pays, qu'une rupture avec le capitalisme et le développement de la révolution socialiste sur le reste du continent latino-américain.

Article publié le 1er juillet sur le site de La Izquierda Socialista (section mexicaine de la Tendance Marxiste Internationale)


Le 1er juillet a eu lieu l’élection générale mexicaine au cours de laquelle 18 229 postes publics étaient en jeu, cette élection fut marquée par une participation massive. Cependant, de tous ces postes, le plus important était de loin la présidence. Avec plus de 89 millions d’électeurs inscrits, le niveau de participation (selon les données disponibles) fut l’un des plus élevés de l’histoire du Mexique.

Un séisme politique et social s’est produit avec la victoire d’Andrés Manuel López Obrador (AMLO) du parti MORENA. L’oligarchie et l’impérialisme, qui ont toujours été habitués à commander et à être obéis, sont maintenant confrontés à un gouvernement qui les défie ; un gouvernement qui dit qu’il séparera les pouvoirs économique et politique, et qui donnera la priorité aux pauvres.

Le chemin qui nous a menés là

La route vers ces élections fut brutale. L’oligarchie nationale a clairement démontré qu’elle ne fait pas confiance à AMLO. Elle a lancé une campagne médiatique, composée de vidéos, d’appels au public et d’articles dans la presse disant qu’un vote pour MORENA signifierait transformer le Mexique en Venezuela.

En outre, 130 hommes politiques furent assassinés lors de la campagne. De plus, d’autres cas de violences électorales sont à noter, notamment le vol d’urnes par des bandes armées. Nous avons pu également assister à l’achat généralisé de votes via des « cadeaux » tels que des appareils ménagers et du matériel de construction, et des millions de lettres ont été envoyées dans le but d’influencer les votes. La démocratie bourgeoise (voter tous les 3 ou 6 ans pour des personnes qui nous gouvernent et nous volent) est intrinsèquement limitée et utilisée comme un masque pour couvrir la dictature des riches.

Néanmoins, la bourgeoisie n’hésite jamais à enfreindre ses propres lois et à freiner ses processus « démocratiques » dans le cas ou ses intérêts seraient menacés.

La véritable raison de cette situation est la brutale crise économique, politique, sociale et sécuritaire que les partis de l’oligarchie et de l’impérialisme ont créée. Cette crise a entraîné plus de 300 000 assassinats, des disparitions, des violences à l’égard des femmes et le déplacement forcé de milliers de personnes en raison des conflits armés et de la misère devenant insupportable. Cette dure période a servi d’école à la classe ouvrière, aux jeunes, aux femmes et à la paysannerie pauvre. En conséquence, la campagne de diffamation hystérique a augmenté les votes pour AMLO au lieu de les diminuer : le cynisme des bandits n’a fait qu’encourager les masses à les rejeter.

Un séisme politique

Sans aucun doute, la victoire d’AMLO est un véritable séisme politique. C’est la première fois que MORENA se présente aux élections présidentielles en tant que parti et, sur neuf états importants, il a réussi à en gagner cinq (Mexico, Veracruz, Morelos, Chiapas et Tabasco) et ont frôlé la victoire dans deux autres (Puebla et Jalisco). Il est probable que le Sénat et le Parlement compteront un bon pourcentage de candidats de la coalition dirigée par MORENA.

La deuxième chose à souligner est le déclin spectaculaire des partis traditionnels de la bourgeoisie : PRI, PAN et PRD. Le PRI a obtenu le score le plus faible de son histoire. Il fut le premier à reconnaitre publiquement sa défaite. Les conséquences de ce résultat vont bousculer toute la structure du PRI, qui pourrait même se disloquer.

Le PAN subit également une crise politique énorme. Un jour avant les élections, deux membres de sa direction politique furent expulsés pour avoir dénoncé la corruption de son candidat à la présidence, Ricardo Anaya, qui n’est que le sommet de l’iceberg. Il est probable que la crise va s’intensifier, se terminant avec plus d’expulsions et peut-être même avec l’emprisonnement d’Anaya.

En ce qui concerne le PRD, nous observons leurs derniers moments en tant que parti politique national. Ce parti, formé dans le feu de la lutte contre la fraude électorale de 1988, pour lequel plus de 600 militants moururent afin de créer un outil de lutte de classe, a fini par servir de béquille de gauche aux éléments les plus pourris de son aile droite, et a finalement signé sa propre condamnation à mort.

La victoire d’AMLO se fera sentir dans toutes les organisations politiques et sociales du pays. Dans beaucoup d’entre elles, nous verrons des discussions, des rapprochements et des scissions pour définir leur position vis-à-vis du nouveau gouvernement. Non seulement les organisations de gauche, mais aussi les représentants du capitalisme vont tenter de s’adapter au nouveau gouvernement.

Un chemin pour la lutte des classes

Le vote en faveur d’AMLO fut significatif. Dans tout le pays, le vote pour les candidats de gauche a été massif. Les estimations électorales montrent que dans la zone 1 (Basse-Californie, Sonora, Sinaloa, Durango et Zacatecas), le vote pour la gauche fut de 61,2 % ; zone 2 (Yucatán, Quintana Roo, Tabasco, Veracruz, Campeche, Oaxaca et Puebla) 77,4 % ; zone 3 (Chihuahua, Coahuila, Durango, Tamaulipas, et Nuevo León) 48,3 % ; zone 4 (Jalisco, Guanajuato, Aguascalientes, Michoacán et San Luis Potosí) 51,5 % ; zone 5 (Querétaro, État de Mexico, Morelos et Guerrero) 61,3 % et zone 6 (Hidalgo, Tlaxcala, Puebla et Ciudad de México) 72 %.

Il convient de mentionner que les régions ayant le plus soutenu AMLO furent le sud et le sud-est, régions ayant une longue tradition de luttes militantes. La deuxième région ayant le plus voté pour AMLO est la zone centrale, contenant Mexico, qui fut également l’un des remparts de la lutte dans la dernière période. Dans les zones où la droite avait pour habitude de dominer et même dans les zones des narcos, AMLO les a tous éliminés. Il y a beaucoup de confiance et de capital politique accumulés entre les mains d’AMLO pour la période à venir.

Ce capital politique peut être utilisé de deux manières, car les marges de manœuvre sont très étroites. D’un côté, tout ce soutien peut se traduire par des mobilisations de masse pour transformer le pays de fond en comble (c’est ce qu’AMLO a promis). Cela signifierait mettre fin à la dépendance du Mexique, sous tous ses aspects, à l’impérialisme américain et à l’oligarchie rapace qui contrôle l’ensemble des échanges commerciaux et des ressources naturelles du pays, qui a exploité la classe ouvrière sans entrave et a imposé des contre-réformes éliminant peu à peu les conquêtes obtenues par le passé. D’un autre côté, AMLO peut utiliser son soutien pour freiner les mobilisations des masses et maintenir le régime d’exploitation existant.

Durant la campagne, AMLO a dit que sa lutte est principalement contre la corruption ; qu’en résolvant ce problème, couplé avec la mise en œuvre d’une « austérité républicaine » (couper les salaires des hauts fonctionnaires et des fonctionnaires pour augmenter les salaires des enseignants, des infirmières, des médecins, etc.), l’Etat aura assez d’argent pour investir dans les programmes sociaux. Nous soutenons pleinement l’aide économique aux personnes âgées, à l’éducation de la jeunesse, aux bourses d’études, à la sécurité sociale, etc. Le problème est que dans tous les pays latino-américains où un gouvernement « démocratique » ou réformiste a été formé, les impérialistes et l’oligarchie ont empêché toute réforme, aussi minime soit-elle. C’est la contradiction fondamentale qui nécessite un mouvement de masse organisé.

Dans ces luttes, des millions de personnes mettront à l’épreuve le programme réformiste du gouvernement, ce qui créera à son tour des possibilités pour des tendances révolutionnaires. Sans l’ombre d’un doute, la victoire d’AMLO ouvre une nouvelle période de lutte des classes au Mexique. Ces élections ne représentent qu’un premier tour, dans lequel les masses ont gagné. Cependant, le combat ne s’arrête pas là ; en réalité, il ne fait que commencer.

En 2012, le Parlement mexicain a voté une loi réformant de fond en comble le système scolaire. Jusqu’alors, la Constitution mexicaine donnait un pouvoir très étendu aux enseignants dans la conception des programmes, la répartition des effectifs d’élèves et l’organisation logistique de l’enseignement. La contre-réforme mise en œuvre par le gouvernement de droite de Peña Nieto visait à détruire ce fonctionnement, à l’image de ce qui existe aux Etats-Unis : gestion centrale du système scolaire par les Etats fédéraux et relégation des syndicats à un rôle consultatif, et non plus décisionnaire.

Pour décourager la mobilisation contre cette loi, le gouvernement avait fait arrêter la principale dirigeante du CNTE, le syndicat majoritaire chez les enseignants. Mais cette manœuvre avait échoué et une lutte intense s’était alors engagée, ponctuée par des assassinats et des enlèvements perpétrés impunément par la police. Après des mois de lutte courageuse, la combativité des grévistes, isolés, a été temporairement brisée. Des milliers de professeurs ont dû payer de leurs emplois leur refus d’appliquer la réforme.

Cependant, en juin 2016, le combat contre cette réforme a repris de l’ampleur, relancé par la mobilisation contre la privatisation du secteur pétrolier. La grève des travailleurs du pétrole et des enseignants a réactivé l’opposition générale au gouvernement du PRI. Celui-ci a adopté de très nombreuses contre-réformes, ces dernières années, menant à la privatisation de biens publics et à une précarisation de l’emploi toujours plus grande.

Face à un tel mouvement de contestation, le président Peña Nieto a appliqué des méthodes extrêmement répressives : attaques des cortèges et des piquets de grève, utilisation de groupes de chocs pour provoquer les manifestants, arrestation et mise en examen de militants et de dirigeants syndicaux. Plusieurs militants du CNTE ont de nouveau été arrêtés et la menace d’une arrestation plane encore sur de nombreux autres, parmi lesquels nos camarades de la Izquierda Socialista, la section mexicaine de la TMI. Mais rien n’y a fait : la classe ouvrière mexicaine ne cédait pas. Alors, à un mois de la saison touristique, le gouvernement a voulu coûte que coûte briser le mouvement. Début juin, la répression a pris une tournure dramatique.

Oaxaca, cible privilégiée

Depuis plusieurs semaines, la ville de Nochixtlan, dans l’Etat d’Oaxaca, était le théâtre d’une puissante mobilisation unitaire des professeurs et des ouvriers du pétrole, mais aussi des paysans, des lycéens, des étudiants et des mineurs. Le gouvernement a décidé de concentrer la répression sur cet Etat, en raison de son rôle dans l’insurrection de 2006, pendant laquelle « la Commune d’Oaxaca » avait échappé au contrôle du gouvernement, pendant plusieurs mois.

Face à cette menace, les travailleurs de Nochixtlan ont cherché à protéger leur ville, bloquant les autoroutes pour empêcher l’arrivée de renforts policiers. La police mexicaine a réagi en ouvrant le feu sur les habitants avec des armes de guerre. Les tirs ont fait au total 8 morts et 60 blessés, dont 30 graves. Une vingtaine de personnes ont disparu. Les habitants qui cherchaient à emmener les blessés à l’hôpital en ont étés refoulés. Les autorités avaient donné l’ordre de soigner en priorité les policiers. Parmi les 8 morts, plusieurs auraient pu être sauvés sans cette complicité de l’administration hospitalière.

Comme souvent, ce massacre organisé par le gouvernement, pour briser le mouvement, a eu l’effet inverse : les travailleurs agricoles de la vallée de San Quitin, par exemple, ont annoncé leur soutien à la grève des professeurs.

Dix ans après le mouvement insurrectionnel de 2006, la crise du capitalisme mexicain prépare de nouvelles explosions de la lutte des classes dans ce pays aux grandes traditions révolutionnaires. La convergence des luttes contre l’ennemi de classe commun – la bourgeoisie nationale corrompue et ses maîtres impérialistes – doit être mise à l’ordre du jour. C’est ce que promeuvent nos camarades mexicains d’Izquierda Socialista.

Solidarité internationale avec les travailleurs et les paysans pauvres du Mexique !
A bas la répression ! Pour la libération immédiate de tous les syndicalistes !
Unité dans la lutte ! A bas le régime assassin de Peña Nieto !

Le 19 juin, la police mexicaine est intervenue pour dégager un barrage routier dans la ville de Nochixtlan. La répression brutale a fait 12 morts et des dizaines de blessés, et au moins 21 personnes ont été arrêtées. Le barrage était organisé par les enseignants, avec le soutien des communautés locales, pour empêcher la police fédérale de se rendre à la capitale de l’Etat d’Oaxaca où les enseignants en grève ont organisé un campement.

C’est le dernier exemple de la répression brutale de la part du gouvernement mexicain de Peña Nieto contre le mouvement des enseignants en lutte depuis des mois pour rejeter la contre-réforme de l’éducation. Vendredi 17 juin, des milliers de policiers ont formé un bouclier humain qui a empêché la manifestation des enseignants de se rendre au centre-ville de Mexico, où un campement avait déjà été brutalement évacué auparavant.

Des milliers d’enseignants ont été licenciés pour avoir refusé de passer des tests, qui font partie de la « réforme » de l’éducation, et des centaines ont été arrêtés dont de nombreux dirigeants du syndicat démocratique des enseignants, le CNTE. Parmi les détenus, on trouve 15 dirigeants du syndicat, dont les secrétaires généraux de la section 22, représentant Oaxaca, et de la section 18 dans le Michoacán, qui sont détenus dans des prisons de haute sécurité.

L’aile démocratique du syndicat des enseignants est majoritaire dans les Etats du Chiapas, de Guerrero, de Michoacán et d’Oaxaca, ainsi qu’à Mexico. La CNTE, qui fut fondée en 1979 pour lutter contre les dirigeants bureaucratiques pro-gouvernement du syndicat SNTE, a le soutien des militants enseignants à travers le pays. Dans les régions rurales qu’ils contrôlent, les enseignants sont aussi la colonne vertébrale de nombreux mouvements sociaux.

La « réforme » de l’éducation est un élément clé de la stratégie du gouvernement de Peña Nieto pour deux raisons : premièrement, sa mise en œuvre détruira effectivement l’éducation comme un droit garanti par l’Etat, ouvrant la voie à la privatisation ; deuxièmement, parce que la réforme vise à détruire le pouvoir du syndicat militant CNTE. Dans ce sens, elle est en adéquation avec la stratégie d’« ouverture » aux investissements privés et étrangers de l’industrie pétrolière du pays, d’attaque contre l’Universite Polytechnique IPN, et d’écrasement du syndicat militant des électriciens SME.

Le gouvernement cible la section 22 du CNTE d’Oaxaca parce qu'elle a joué un rôle dans le soulèvement de 2006 à Oaxaca, qui a consolidé ses liens avec les communautés locales, dont de nombreuses sont indigènes. Le souvenir de la commune d’Oaxaca qui a duré plusieurs mois il y a 10 ans n’a pas été effacé

Ce que nous avons vu le 19 juin à Nochixtlan était des scènes de guerre civile. D’un côté, les communautés civiles, armées de bâtons et de pierre, ont monté des barricades bloquant la principale autoroute reliant Puebla à Oaxaca pour empêcher l’arrivée des forces de répression de la capitale. Ils ont bloqué la route pendant une semaine. De l’autre côté, la police fédérale a utilisé tous les moyens à sa disposition pour les dégager : gaz lacrymogène, balles en caoutchouc, hélicoptères et, selon des témoins locaux, balles réelles.

Les affrontements ont duré plus de 7 heures. Pendant ce temps, la police a empêché les ambulances d’accéder au site et, quand la communauté locale a essayé d’amener des blessés à l’hôpital, la police les a empêchés de recevoir des soins.

 

Les personnes tuées sont : Yalid Jiménez Santiago, 29 ans, de Santa María Apazco, dans le Nochixtlán. Il était venu renforcer les barricades quand la police a tiré sur son fourgon. Oscar Nicolás Santiago, de Las Flores Tilantongo, 21 ans, paysan, s’est fait tirer dessus par la police fédérale. Il a été emmené à l’hôpital, mais on a refusé de le soigner, car on ne traitait que les policiers. Il est mort de ses blessures. Andrés Aguilar Sanabria, 23 ans, était un enseignant indigène. Anselmo Cruz Aquino, de Santiago Amatlán, tué d’une balle. Antonio Pérez García, lycéen. Jesús Cadena Sánchez Meza, 19 ans, étudiant.

Le même jour, la police a attaqué un autre blocage de route à Salina Cruz, dans l’état d’Oaxaca, où les enseignants et leurs soutiens avaient élevé une barricade fermant l’accès à l’autoroute Chipas – Oaxaca.

Au début, la police a nié que ses hommes portaient des armes à feu, mais plus tard elle a changé sa version, prétendant que des gens « inconnus » ont commencé à tirer « à la fois sur les manifestants et sur la police », ce qui a conduit à « l’arrivée de policiers armés » sur les lieux.

Le mouvement des enseignants est largement soutenu, non seulement dans les régions où ils sont les plus forts, mais aussi dans tout le pays. Les ouvriers agricoles de la vallée de San Quintin, en Basse-Californie, en lutte pour des salaires décents et contre le harcèlement patronal, ont manifesté en soutien aux enseignants d’Oaxaca. En fait, nombre de ces ouvriers agricoles surexploités sont des travailleurs migrants originaires de l’état d’Oaxaca.

Une marche nationale de soutien au mouvement des enseignants a été convoquée pour dimanche à Mexico, avec le soutien du dirigeant de Morena, Andrés Manuel Lopez Obrador.

Ce que nous voyons au Mexique est un gouvernement qui est décidé à mener un programme de coupes budgétaires et de contre-réformes, prêt à le faire passer par tous les moyens nécessaires, en ayant recours à la violence et à la répression. Cependant, le gouvernement est extrêmement discrédité et a du faire face à une série de mouvements de masse, y compris le mouvement réclamant justice pour les 43 étudiants d’Ayontzinapa qui ont disparu il y a près de 2 ans.

Le problème principal des différents mouvements qui ont eu lieu, c’est qu’ils ont un caractère isolé et fragmenté. Il y a un besoin urgent d’unir toutes les différentes luttes en un seul mouvement puissant pour contrer toutes les attaques et pour faire tomber le gouvernement

Nous appelons à la solidarité internationale la plus large et à soutenir la lutte des enseignants mexicains.

A bas la répression !
Pour la libération immédiate de tous les dirigeants syndicaux !
Unité dans la lutte !
A bas le régime meurtrier de Peña Nieto !


Envoyez un message aux autorités mexicaines pour protester contre la répression et demander la libération immédiate des dirigeants de la CNTE. Les messages devraient être envoyés :

- au Président de la république Enrique Peña Nieto : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
- au Gouvernement Fédéral : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
- au Secrétariat du Gouvernement : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
- au Secrétariat de l’Education Publique : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Envoyez en copie à :
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Le 26 août, à la fin de la manifestation pour les 43 étudiants d'Ayotzinapa enlevés par l’État il y a 11 mois, la police de Mexico a attaqué un groupe de militants qui rentraient chez eux, en blessant plusieurs. Parmi eux se trouvaient des mères des étudiants d'Ayotzinapa ainsi que des dirigeants de la Gauche Socialiste (La Izquierda Socialista – section mexicaine de la TMI) et du CLEP (Comité de Lutte des Étudiants de l’École Polytechnique).

Des milliers de personnes ont marché vers la place Zocalo pour marquer les 11 mois de la disparition forcée des 43 élèves instituteurs ruraux à Guerrero. Sur le trajet de retour, quelques dizaines d'activistes ont essayé d'ouvrir les portes de la station de métro, ce qui est courant après les grands rassemblements. A ce moment, un groupe de policiers anti-émeute et d'agents de sécurité du Métro ont attaqué les manifestants pacifiques. Parmi eux se trouvaient des syndicalistes, des militants étudiants et du mouvement social ainsi que des mères d'étudiants d'Ayotzinapa.

 
Golpean en metro #Zócalo a madres de los normnalistas

#Zócalo #MadresNormalistasCiudad de México 26/08/15Esta noche al hacer metro popular los granaderos y trabajadores del metro aparecieron para reprimir a los participantes, se llevaron a varios compañeros a quienes golpearon brutalmente, en el video se ve cómo las madres de los normalistas de Ayotzinapa son encapsuladas y golpeadas por esos bastardos.ESTA NOCHE REPRESIÓN EN EL METRO ZÓCALO AL HACER METRO POPULAR, DENUNCIAMOS LA REPRESIÓN HACIA MADRES DE LOS NORMALISTAS DE AYOTZINAPA, GUERRILLA COMUNICACIONAL MÉXICO, BRIGADA ORIENTE 2-CAÑA, LA IZQUIERDA SOCIALISTA, COMITÉ DE LUCHA ESTUDIANTIL DEL POLITÉCNICO, Y SOCIEDAD CIVIL. LOS POLICÍAS INTENTARON DESAPARECER A LOS COMPAÑEROS, PERO GRACIAS A LA DIFUSIÓN INMEDIATA Y A LA SOLIDARIDAD DE LAS PERSONAS QUE SE QUEDARON A ACOMPAÑARNOS, APARECIERON EN LA PLANCHA DEL ZÓCALO TIRADOS Y COMPLETAMENTE GOLPEADOS

Posted by Guerrilla Comunicacional México on mercredi 26 août 2015

 

Plusieurs personnes ont été enlevées par la police, dont certaines des mères d'Ayotzinapa, des militants dirigeants du CLEP et le camarade Ubaldo Meneses, qui est membre du conseil national de MORENA et rédacteur du journal de La Izquierda Socialista. La police, qui avait encerclé le groupe, les avait visés spécifiquement lors des arrestations. Ils ont pénétré dans la manifestation en s'aidant de leurs boucliers et de leurs matraques, et les ont arraché des mains de leurs camarades de façon très violente.

La réaction rapide des personnes présentes – qui craignaient qu'ils ne disparaissent – a obligé la police à les relâcher sur la place Zocalo peu après, non sans les avoir auparavant passé à tabac. Ubaldo Meneses était alors couvert de sang suite à plusieurs blessures à la tête et a eu besoin de soins médicaux. Il a ensuite été emmené à l’hôpital. Nous pouvons signaler qu'il a pu sortir peu après et, malgré quelques contusions et points de suture, il va bien.

Après avoir été relâchée, la camarade Mayren a fait une déclaration expliquant que la répression ne réussirait pas à faire reculer le mouvement – « plus ils attaqueront, plus nous nous révolterons » :

 
Testimonio de la represión de esta noche en el metro #zócalo

#MetroPopular #Zócalo #RepresiónTestimonio de la represión de esta noche en el metro zócalo

Posted by Guerrilla Comunicacional México on mercredi 26 août 2015

 

Les militants du CLEP qui ont été attaqués par la police sont :
• Karen Romero Sánchez. Étudiante en prépa à l'Institut Polytechnique National (IPN), elle a aussi dû être emmenée à l’hôpital.
• Sharon Mayren Padilla. Étudiante à l’École Supérieure d'Ingénierie Textile (IPN).
• Carlos Contreras. Étudiant à l'École Supérieure d’Ingénierie Mécanique et Électrique de Zacatenco (IPN).
• Ivan Guerrero. Étudiant en prépa à l'Institut Polytechnique National (IPN).
• Roberto Carlos Cruz. Étudiant en prépa à l'Institut Polytechnique National (IPN).
• Ramón Díaz Lescas. Étudiant à l’École Supérieure de Commerce et d'Administration (IPN).

Plusieurs des militants du CLEP enlevés et battus par la police avaient été élus délégués au comité central de grève (Asamblea General Politécnica) pendant le long mouvement de grève de l'IPN (Institut Polytechnique National), qui avait duré 3 mois en 2014.

Parmi les personnes attaquées par la police se trouvaient également des mères des 43 d'Ayotzinapa, des membres du groupe « d'activisme médiatique » Guerrilla Comunicacional, de la campagne contre l’augmentation des frais de transports Brigada Oriente 2 - Caña, et d'autres personnes.

Ce n'est pas par hasard que la répression a visé particulièrement des membres de La Izquierda Socialista (LIS) et du CLEP. Dans la dernière période, le CLEP a mené une mobilisation de centaines d'étudiants de classes préparatoires à l'IPN qui s'étaient vus refuser une place à l'université, en même temps qu'il préparait un mouvement contre les baisses de budget de l'IPN.

Nous sommes certains que la tentative d'arrestation d'Ubaldo Meneses n'est pas le fruit d'un accident. Il est secrétaire de La Izquierda Socialista, qui a joué un rôle crucial dans la grève de l'IPN à la fin de l'année dernière et tout particulièrement en liant cette grève étudiante au mouvement d'Ayotzinapa. Des dirigeants de la LIS, notamment Ubaldo, ont été attaqué par le journal bourgeois La Razón durant toute la grève.

Il faut noter que la police de Mexico qui a mené cette attaque est aux ordres du gouvernement du district fédéral de Mexico, dirigé par Miguel Mancera du Parti de la Révolution Démocratique (PRD) – le parti le plus impliqué dans l’affaire d’Ayotsinapa.

C'est un nouvel exemple de la répression menée par le régime narco-capitaliste.

La Tendance Marxiste Internationale condamne cette répression brutale et appelle le mouvement ouvrier, la jeunesse et les militants à rester vigilants et montrer leur solidarité.
Des messages peuvent être envoyés au CLEP (Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.), ou à La Izquierda Socialista (Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.).

• A bas la répression ! Une attaque contre l'un d'entre nous est une attaque contre tous. Solidarité internationale.
• Justice pour les 43 d'Ayotzinapa. « Ils les ont pris vivants, on veut les voir revenir vivants ! » – l’État les a pris.

L’enlèvement et le meurtre de 43 étudiants, en septembre 2014, ont plongé le Mexique dans une profonde crise politique et sociale. Les étudiants de l’école normale d’Ayotzinapa, à Iguala, dans l’État de Guerrero, ont été kidnappés par la police municipale – sous les ordres de José Luis Abarca et de sa femme – et livrés aux narcotrafiquants.

Les étudiants ont été enlevés lors d’une récolte de fonds pour la commémoration, à Mexico, du massacre du 2 octobre 1968. Cela devait être un moment important de la lutte contre la privatisation de l’enseignement supérieur, en permettant aux grévistes de se rendre compte de leur force et de s’organiser.

Le 20 novembre, des manifestations massives réclamant le retour des jeunes ont lieu au Mexique et à travers le monde. Des travailleurs se sont joints aux cortèges, notamment ceux de l’opérateur Telmex (propriété du multimilliardaire Carlos Slim), le personnel des universités, le personnel de bord des avions et des travailleurs de l’industrie nucléaire.

Pauvreté, corruption et répression

Ces manifestations sont un retour à la réalité pour la classe dirigeante du Mexique et du monde. Il y a peu, le Times écrivait à propos du Président mexicain Peña Nieto : « il est en train de sauver le Mexique ». Il sauve sûrement le Mexique des capitalistes, avec la privatisation du pétrole et les contre-réformes du Code du travail et de l’enseignement supérieur. Mais il ne sauve certainement pas le Mexique des pauvres et des travailleurs. En Amérique latine, le taux de pauvreté est tombé de 48 % en 1990 à 28 % en 2013. Au Mexique, il était de 52,4 % en 1994, puis de 42,7 % en 2006, pour revenir à 51,3 % en 2012. Il y a 80 millions de pauvres ; 7 millions de jeunes ne travaillent pas et n’étudient pas. A cela s’ajoutent les affaires de corruption. Le Président Peña Nieto vit dans une maison luxueuse appartenant à l’entreprise ferroviaire qui a profité de contrats très lucratifs de la part de l’Etat de Mexico. Nieto en était le gouverneur…

L’arrestation d’Abarca et de sa femme en novembre, après le début des premières manifestations, n’est qu’une tentative désespérée d’éviter l’embrasement. Nieto n’en était d’ailleurs pas à son premier coup, en matière de répression brutale. Quand il était gouverneur de Mexico, sa police a réprimé des manifestants à San Salvador Atenco, faisant deux morts. 27 manifestantes ont été violées lors de leur transport en détention. Des syndicalistes ont été condamnés à des peines allant jusqu’à 112 ans de prison. Et ce ne sont que quelques exemples parmi tant d’autres.

A la violence s’ajoute le mépris. Jesus Murillo Karam, ministre de l’Intérieur, a arrêté une conférence de presse sur les disparus par cette phrase : « je suis lassé de parler des disparus ; plus de questions. »

Narco-capitalisme

La bourgeoisie mexicaine est méprisante et brutale. Depuis 2005, au moins 24 500 personnes auraient disparu. Depuis que l’on a découvert le charnier où l’on pensait trouver les corps des étudiants, 14 autres charniers ont été trouvés à travers tout le pays. Depuis des années, la bourgeoisie utilise la « démocratie » pour se maintenir au pouvoir, mais en recourant systématiquement à la fraude électorale, comme lors de la présidentielle, en 2006, contre le candidat du PRD Lopez Obrador. Mais cela ne suffit plus : la révolte grandit et les forces de l’Etat ne sont plus suffisantes. Alors, les capitalistes font appel à des forces auxiliaires. Au Mexique comme ailleurs, il existe une sous-classe issue des couches les plus pauvres de la population. Ces gens se vendent aux plus offrants et sont prêts à tout : enlèvement, meurtre, viol, passage à tabac, massacre. Certains sont enrôlés de force, sous les menaces et l’intimidation.

Au Mexique, tout le monde sait qu’il existe une connivence entre l’Etat et le crime organisé. On achète un représentant de l’Etat comme on achète du pain. Personne ne peut dire où s’arrête le crime organisé et où commence l’Etat.

Ce gouvernement mafieux ne peut mener une lutte sérieuse contre le banditisme : cela reviendrait à demander au loup de garder la bergerie. Seule une révolution du peuple mexicain – avec à sa tête la classe ouvrière – pourra nettoyer cet Etat et en finir avec la criminalité.

Le commerce de la drogue ne pourrait se faire sans la complicité des grandes banques mondiales. Bank of America, Wells Fargo et HSBC ont toutes les trois été condamnées pour blanchiment d’argent. HSBC a été condamnée, à elle seule, à une amende de 1,9 milliard de dollars.

Mais le saccage du Mexique ne se limite pas au commerce de la drogue. Les entreprises capitalistes y participent. Les entreprises minières canadiennes ravagent des terres protégées et, pour s’imposer, utilisent des milices privées lourdement armées.

Au fond, quelle est la différence entre les narcos et les grandes multinationales ? Aucune, sauf que les multinationales saccagent la planète à une échelle bien plus grande. Combien de vies et d’œuvres d’art inestimables ont été détruites en Irak par la soif de profit d’Enron ? En comparaison, les narcos du Mexique sont des petits joueurs.

« Nous sommes prêts à changer ce pays. »

La disparition de ces jeunes a transformé la situation sociale dans le pays. Si, au début, Nieto n’avait que faire de ces disparitions, il cherche à présent par tous les moyens à démontrer qu’il fait tout son possible pour les retrouver. Mais pour rappel, sa première réaction avait été de déclarer qu’ils étaient en vie dans leurs familles.

Le peuple en tire des conclusions très importantes. À la fin du meeting de masse clôturant la manifestation du 20 novembre, Felipe de la Cruz, le père d’un des étudiants disparus, déclarait : « Nous sommes déterminés à changer une fois pour toutes ce pays. Nous sommes prêts à envoyer au diable les institutions, car elles ne servent plus. Nous voulons la voie pacifique, mais nous ne pouvons pas parler de paix quand il nous manque 43 jeunes. Nous ne pouvons garder notre calme quand ils envoient leurs provocateurs et la police réprimer le peuple. Et cela nous devons le changer.

« Aujourd’hui nous voulons vous dire que ce n’est pas seulement Guerrero. Grâce aux convois, nous nous sommes rendu compte qu’il y a des fosses clandestines et des disparus dans tout le pays. Aujourd’hui, le 20 novembre, nous ne fêtons pas le 104e anniversaire de la Révolution mexicaine. Si nous sommes ici debout, c’est parce que les gouvernements ont mutilé notre Constitution à leur bénéfice et pour justifier leurs actes.

« Même s’il se peut que les narcos soient coupables de ces exécutions, les vrais responsables sont ceux qui dirigent le pays, ceux qui nous ont menés à cette situation insoutenable où la pauvreté, le manque d’opportunité de trouver un travail décent et la destruction systématique du droit à l’éducation ont obligé des dizaines de milliers d’hommes et de femmes à émigrer et s’éloigner de leur communauté. »

Ces conclusions sont mille fois correctes. Il est évident que la situation actuelle est devenue intolérable pour les Mexicains et que la disparition des 43 jeunes a cristallisé toute la colère accumulée depuis des années. Il est question ici d’une lutte des classes entre une poignée d’oligarques et la grande majorité du peuple mexicain. Le Mexique n’a pas connu de tels événements depuis la Révolution mexicaine de 1910. Et tout comme en 1910, il y a des éléments insurrectionnels dans les développements actuels.

À Guerrero et Michoacán, le peuple s’est armé et a expulsé de la ville la police et les narcotrafiquants. En conséquence, la criminalité a chuté. A Guerrero, les communautés locales, le syndicat des professeurs CETEG, les étudiants et les familles des disparus ont créé une Assemblée Nationale Populaire exigeant « un gouvernement honnête d’ouvriers et de paysans ».

Ce qu’il faut, c’est une direction capable d’unifier cette lutte au niveau national. Le parti Morena se présente comme une alternative sur la gauche du PRD, mais limite sa stratégie à des manifestations saute-mouton subordonnées à une perspective électorale. Or, le mouvement est déjà allé bien au-delà des limites légales. Heureusement, les masses sont prêtes à lutter. Pour que le mouvement gagne en force et cohésion, la participation de l’ensemble de la classe ouvrière sera déterminante.

Depuis le mois de septembre, le Mexique est secoué par un magnifique mouvement de protestation contre la destruction programmée de l’Education publique supérieure. La lutte des étudiants a déjà contraint le gouvernement à d’importantes concessions, mais les perspectives pour ce mouvement pourraient être bien supérieures. En effet, « l’incident » des 43 étudiants disparus d’Ayotsinapa, kidnappés par la police dans l’Ouest du pays, a cristallisé contre l’Etat mexicain toute la colère accumulée depuis des années dans la population. C’est un tournant dans la lutte de classes au Mexique, qui pourrait déboucher sur un mouvement à caractère insurrectionnel.

Crise et contre-réformes

Au cœur des attaques du gouvernement de Peña Nieto et des mobilisations étudiantes qui ont suivi se trouvent l’IPN et les Ecoles Normales Rurales (ENR), des institutions issues des luttes révolutionnaires du peuple mexicain des années 1920. Créées dans les années 1930 par le gouvernement progressiste de Làzaro Cardenas, sous la pression du mouvement ouvrier, elles répondaient alors à un double objectif : alphabétiser les campagnes (pour les ENR) ; former les enfants de paysans et d’ouvriers aux métiers d’ingénieurs et techniciens (pour l’IPN) nécessaires pour moderniser le pays.

C’est ce système d’enseignement public et de promotion sociale qui est remis en cause par l’actuel gouvernement mexicain. L’objectif est de transformer la « technique au service de la patrie » (l’objectif initial de la réforme de Cardenas) en « technique au service du marché ». Concrètement, le gouvernement Nieto souhaite abaisser le niveau de préparation offert aux étudiants en créant des obstacles toujours plus insurmontables à l’accès à l’éducation publique, en ouvrant la gestion des universités aux intérêts privés et en transformant les étudiants en main d’œuvre à bas coût pour le capital mexicain et international. La crise mondiale du capitalisme pousse la bourgeoisie mexicaine – et celles du monde entier, comme on le voit en France – à accélérer ce type de contre-réformes.

La lutte exemplaire des étudiants

Le caractère massif du mouvement a surpris le gouvernement – et même de nombreux militants. Une nouvelle couche de jeunes est entrée dans la lutte. La répression et les manœuvres du gouvernement n’ont fait que radicaliser le mouvement. A Mexico et dans d’autres villes, les cortèges immenses rappellent ceux de 1968. Grève illimitée à l’IPN et dans de nombreuses Ecoles Normales Rurales ; blocages et piquets de grève ; structuration démocratique à la base autour d’une Assemblée Générale du Polytechnique, qui élit des représentants dans chaque faculté : le mouvement est puissant, s’est étendu à d’autres universités et reçoit le soutien de nombreux travailleurs.

La principale organisation à diriger la lutte à l’IPN est le CLEP (« Comité de Lutte Etudiant de Polytechnique »). Les militants révolutionnaires qui le dirigent – dont nos camarades mexicains d’Izquierda Socialista – sont la cible privilégiée des autorités et des médias. Deux d’entre eux, Pedro Cruz Garcìa et Daniel Antonio Rosales, ont reçu des menaces de mort et font l’objet d’une campagne de calomnie dans les journaux pro-gouvernementaux La Razòn et Excelsior.

Le gouvernement a cherché à diviser le mouvement en s’appuyant sur les préjugés « antipolitiques » de nombreux étudiants contre les militants « politisés » du CLEP, en infiltrant des policiers et des provocateurs dans les manifestations, ou encore en créant de fausses organisations étudiantes – en lieu et place des représentants élus par l’Assemblée Générale de l’IPN – pour donner l’illusion de « négociations ». Le gouvernement ne cherchait pas seulement à freiner la mobilisation de l’IPN, mais surtout à éviter qu’elle se lie aux autres mobilisations étudiantes et à la classe ouvrière. Or, malgré une courte période d’essoufflement début octobre, le mouvement a continué et s’est amplifié tout en se radicalisant, au point de mettre en danger la stabilité même du gouvernement.

Etat et narcotrafiquants unis dans la répression

L’indignation, locale et internationale, contre la gestion calamiteuse par l’Etat de l’affaire des 43 étudiants disparus depuis un mois a fait franchir une étape au mouvement, en cristallisant la colère de la population mexicaine et son soutien croissant au mouvement étudiant.

Rappelons les faits : le 26 septembre, des étudiants de l’Ecole Normale d’Ayotsinapa, dans l’Etat de Guerrero, subissent un assaut de la police de la ville d’Iguala. Trois sont tués sur le coup et 23 autres blessés. Les étudiants survivants sont ensuite pourchassés et emmenés par la police d’Iguala jusqu’à Cocula, où ils sont livrés au cartel de la drogue local, les Guerreros Unidos. Certains sont retrouvés quelques jours plus tard dans des fosses communes. L’un d’eux a la peau du visage arrachée, signe évident de l’action des cartels. 43 étudiants restent aujourd’hui introuvables.

Le maire d’Iguala, très lié au cartel, craignait que les étudiants viennent perturber une réception organisée par sa femme, elle aussi impliquée en politique et liée au cartel. Connus pour leur militantisme, les étudiants d’Ayotsinapa ont été attaqués lorsqu’ils étaient dans des autobus, dans le cadre d’une campagne pour recueillir des fonds en prévision de la grande manifestation du 2 octobre. D’autres voix se sont élevées, depuis, pour faire connaitre la disparition d’étudiants dans d’autres Etats du Mexique, victimes eux aussi de la répression des manifestations pour commémorer le 2 octobre. Cette date n’est pas anecdotique pour le mouvement étudiant mexicain : le 2 octobre 1968, le gouvernement de Diaz Ordaz fusillait des centaines d’étudiants regroupés place de Tlatelolco, à Mexico. Aujourd’hui encore, la répression sanglante reste un moyen privilégié par la classe dirigeante mexicaine contre toute contestation.

Une colère contre le « narco-capitalisme »

Ce que cet épisode révèle clairement, c’est une réalité bien connue des Mexicains : un degré de répression, de corruption et d’impunité qui concerne toutes les couches de l’Etat mexicain, en lien étroit avec les narcotrafiquants. D’où l’explosion de colère de la population mexicaine.

Dans le cas de l’assaut d’Iguala, la police, le maire et les cartels ont collaboré activement. Mais le gouverneur de l’Etat régional de Guerrero est lui aussi impliqué : il a permis la fuite du maire d’Iguala, son allié politique, et de sa femme (toujours introuvables). Il a été contraint depuis à la démission. Enfin, au plus haut sommet de l’Etat, le président Peña Nieto n’a littéralement rien fait, jusqu’à ce que la pression de l’opinion publique nationale et internationale ne devienne trop forte. Aujourd’hui encore, les investigations n’ont pas avancé d’un pouce, malgré l’arrestation de 52 policiers. La chaine des responsabilités est infinie. Elle révèle dans ce cas comme dans de nombreux autres les limites de la justice officielle, corrompue elle aussi, et l’absence de « neutralité » d’un Etat pourri jusqu’à la moelle. L’analyse marxiste de la nature de l’Etat est confirmée : il s’agit en dernière analyse d’un instrument au service de la classe dominante, qui gère ses différents intérêts.

C’est pourquoi il est impossible pour la classe dirigeante mexicaine de répondre favorablement aux revendications anti-corruption qui émergent du mouvement depuis le mois d’octobre. La bourgeoisie mexicaine est intrinsèquement liée aux activités des cartels et à un système politique où la corruption est la norme. Au cours de la dernière période, les narcotrafiquants ont diversifié leurs « activités ». Ils participent à certains secteurs de l’économie « légale ». Ils gèrent des flux de migrants arrivant d’Amérique centrale pour passer aux Etats-Unis. Ils ont fini par intégrer des rouages essentiels de l’économie et de l’appareil d’Etat. Le capitalisme mexicain est, de plus en plus, un « narco-capitalisme ».

La population mexicaine ne tolère plus cette situation. Sa colère se concentre sur les milliers de personnes tuées dans la prétendue « guerre contre les drogues », sur la collusion entre les politiciens et le crime organisé, sur les kidnappings et les extorsions des migrants d’Amérique centrale par les forces de l’Etat et les cartels, sur les assassinats réguliers (et impunis) de militants des droits humains, syndicalistes, paysans et jeunes, sur la corruption généralisée et les fraudes électorales – et ainsi de suite.

Vers un mouvement insurrectionnel

Cette colère s’est exprimée avec force lors des manifestations massives des 22 et 23 octobre, pour exiger entre autres la justice et la vérité sur les 43 étudiants kidnappés. Des centaines de milliers de personnes ont défilé à Mexico et dans des dizaines de villes mexicaines, dans une ambiance particulièrement offensive. Cette action faisait partie d’une grève nationale de 48 h des étudiants. Mais le mouvement a désormais dépassé le terrain des revendications étudiantes et pointe clairement le doigt contre l’Etat mexicain. Le mouvement ouvrier s’empare de la question : le syndicat UNT a appelé à une grève générale de 24 h, demain 28 octobre, en même temps qu’une nouvelle grève étudiante de 48 h.

La défiance envers l’Etat est telle que le mouvement commence à prendre une tournure insurrectionnelle dans certaines régions, à commencer par l’Etat de Guerrero, d’où viennent les étudiants disparus. Une Assemblée Populaire Nationale s’y est formée avec pour objectif d’occuper les centres locaux du pouvoir et de le confier aux Polices Communautaires, des organisations démocratiques de lutte et d’auto-défense mises en place ces dernières années pour se protéger de l’Etat et des gangs criminels. La mairie d’Iguala a été incendiée, comme d’autres bâtiments publics à Chilpancigo, la capitale du Guerrero, ainsi que le siège du PRD, le parti au pouvoir dans l’Etat régional. Le 25 octobre, les étudiants de l’Ecole Rurale d’Ayotsinapa et des enseignants ont « pillé » nourriture et articles électroménagers des supermarchés et d’autres commerces de Chilpancingo, la capitale du Guerrero. Sur les murs de plusieurs établissements, ils ont peint le slogan : « tout gratuit ». Loin d’être du simple vandalisme, c’était une action militante, organisée, au caractère éminemment politique. Les jeunes et travailleurs impliqués dans le mouvement en cours commencent à remettre en question toute la légitimité de l’ordre social existant.

Pour une direction révolutionnaire !

Quelle que soit l’issue du conflit en cours, le gouvernement est affaibli au point qu’il lui sera difficile de mettre en œuvre la moindre contre-réforme, désormais, sans rencontrer une résistance acharnée de la part des jeunes, des paysans et des travailleurs. Le rapport de force est favorable aux étudiants et au mouvement ouvrier, mais cela doit à présent se traduire sur le plan politique. Le nouveau parti de gauche, Morena, créé autour de la personnalité populaire de Lopez Obrador, devrait être le canal d’expression de la colère de la population. Malheureusement, sa direction ne semblait jusqu’à présent préoccupée que par sa stratégie électorale. Les derniers développements l’ont cependant obligée à soutenir le mouvement, bien que tardivement.

La différence fondamentale avec les luttes isolées ou ponctuelles des dernières années, au Mexique, réside dans l’émergence d’une direction claire et combattive – chez les étudiants de l’IPN et des ENR, dans le mouvement enseignant et sous la forme des Polices Communautaires. Leur appel à transformer la prochaine grève étudiante en une journée internationale de protestation est significatif. Toutefois, aucune des questions soulevées ne pourra être réglée sur la base du capitalisme. La direction politique qui émerge du mouvement révolutionnaire mexicain n’aura pas d’alternative, si elle veut vaincre, que de lutter pour en finir avec le capitalisme et toutes les barbaries qu’il engendre.

Pierre Zamboni, le 27 octobre 2014

MOBILISONS-NOUS FACE À LA RÉPRESSION DE LA COMMUNE D’OAXACA !

Alors qu’au Mexique, la répression s’abattait sur le village de San Salvador Atenco, près de Mexico, en mai 2006 ; dans l’État d’Oaxaca, depuis plusieurs mois, le peuple s’est soulevé contre le despote au pouvoir, Ulises Ruiz. Une Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca (APPO) s’est formée suite à la répression d’une longue grève d’enseignants de la région, et rassemble des centaines d’organisations de différents secteurs de la société de cet État.

L’idée que le peuple puisse révoquer à tout instant celui qu’il a élu et qui n’accomplit pas sa tâche pour le bien commun est l’idée centrale de ce mouvement qui rassemble des centaines de milliers de personnes d’origines et d’horizons les plus divers. C’est elle qui anime la résistance. Au-delà des barricades, c’est une autre vision de la politique et des rapports que les gens peuvent avoir entre eux qui se construit...

Alors que l’APPO contrôlait une grande partie de la ville, le 27 octobre, des paramilitaires au service du gouvernement local ont tiré sur des barricades faisant 4 morts. Cela a été le prétexte rêvé du gouvernement fédéral pour envoyer la PFP (police militarisée) à Oaxaca. Elle est entrée dans la ville le 29 et a occupé le zócalo (la place centrale). Depuis, la PFP a repris le contrôle de l’université et contrôle désormais toute la ville.

Aujourd’hui, la PFP et l’AFI (le FBI local) sèment la peur dans la ville, entrent illégalement dans les domiciles de personnes soupçonnées d’être des dirigeants ou des sympathisants du mouvement, aidées en cela par des voisins délateurs et soutenues et approuvées par des médias locaux et nationaux. On compte aujourd’hui des centaines de personnes arrêtées, torturées ; des disparus ; des blessés et des morts.

Oaxaca vit aujourd’hui les heures sombres qu’ont connues en leur temps d’autres pays d’Amérique latine. Il est de notre devoir de nous mobiliser et de faire pression sur le gouvernement mexicain, ainsi que d’exprimer notre solidarité envers la lutte des peuples d’Oaxaca. C’est pourquoi, en réponse à l’appel à la mobilisation nationale et internationale lancé par l’EZLN pour le 22 décembre, nous appelons à manifester : Le vendredi 22 décembre à partir de 18 h 30 Départ : parvis Beaubourg.

Dehors Ulises ! Dehors la PFP ! Libération de touTEs les prisonnierEs ! Réapparition en vie de touTEs les disparuEs !

Nous appelons tous les collectifs, toutes les organisations solidaires à signer cet appel et à être présente ce vendredi (oaxacalibre(a)no-log.org). Il est important que toutes et tous soyons mobiliséEs.

Premiers signataires : Comité de solidarité avec les peuples du Chiapas en lutte, Association Tamazgha, France Amérique latine, Fédération anarchiste, Alternatives libertaires.

A présent que la Commune de Oaxaca est terminée, il est important d’analyser les évènements et d’en tirer les leçons, de façon à préparer les prochaines étapes de la lutte. Telle est l’intention de cet article.

L’insurrection de Oaxaca a été écrasée par l’appareil répressif de l’Etat – militaires, policiers et paramilitaires – qui a instauré une forme dictature militaire dans la capitale de Oaxaca : 200 prisonniers (dont beaucoup de torturés), 200 ordres d’appréhension, environ 20 morts, 150 blessés et plus d’une trentaine de disparus.

L’insurrection populaire bénéficiait de toutes les conditions objectives pour triompher. Il a manqué à ce mouvement héroïque une direction révolutionnaire conséquente, armée de perspectives, de méthodes et de tactiques correctes – une direction luttant ouvertement pour le socialisme, c’est-à-dire pour le seul programme à la hauteur des aspirations des travailleurs des villes et des campagnes. Ceci-dit, cette lutte constitue une grande source d’inspiration. Elle a montré la capacité révolutionnaire des masses. Lors de la prochaine étape de la lutte des classes, dans notre pays, une nouvelle opportunité se présentera aux peuple de Oaxaca, qui a appris de dures leçons au cours de la période écoulée.

Contrairement à ce que répètent sans cesse les dirigeants réformistes, qui se déchargent de leur propre responsabilité sur les masses, ces dernières ont fait tout ce qui était en leur pouvoir. Elles ont lutté héroïquement jusqu’à la fin, et ce à chacune des étapes les plus significatives du mouvement : lors de la déroute des militaires vêtus de gris qui, en juin dernier, ont tenté de reprendre la place Zócalo de Oaxaca aux professeurs en lutte ; lors de la création de l’Assemblée Populaire des Peuples de Oaxaca (APPO), cet embryon de Soviet ; lorsque les femmes ont engagé la lutte pour la réquisition des médias ; enfin, lors de l’humiliante défaite des militaires qui, en novembre, ont tenté de reprendre l’Université Benito Juárez et se sont heurtés à l’intervention de dizaines de milliers de personnes. Telle fut la magnifique mobilisation du peuple de Oaxaca. Etant donné cet élan révolutionnaire, et au vu de la situation à l’échelle nationale – avec, notamment, la mobilisation contre la fraude électorale –, nous pensons que la Commune de Oaxaca pouvait triompher.

Pourtant, le 29 novembre dernier, la dernière barricade est tombée, à « Cinco Señores ». Cette barricade protégeait le dernier bastion du mouvement : la Radio Universitaire. Et cette fois-ci, les masses ne sont pas sorties pour défendre cette dernière position, comment elles l’avaient fait héroïquement il y a de cela quelques semaines. Comment expliquer que les dizaines de milliers de personnes armés des pierres, de bâtons et de pétards qui avaient mis en déroute les militaires, début novembre, ne soient pas sortis engager la lutte, cette fois-ci ? D’un point de vue marxiste, la réponse est claire : les masses ne peuvent être maintenues indéfiniment dans un état de mobilisation révolutionnaire. Soit le mouvement trouve une issue vers le socialisme – soit un reflux finit par s’opérer. D’une part, les masses ne sont pas sorties, cette fois-ci, parce que ni la direction de l’APPO, ni celle du PRD n’avaient présenté de plan concret pour la défense du dernier bastion du mouvement. Mais surtout, la direction du mouvement n’a présenté aucune alternative politique susceptible de mobiliser une population épuisée par des mois de luttes. Aucune initiative n’a été prise pour unifier le mouvement au niveau national, ce qui passait par la formation d’Assemblées Populaires dans tous les Etats du Mexique et par l’organisation d’une grève générale contre la fraude et Caldéron.

Dans les moments décisifs de la lutte des classes, la direction du mouvement est l’élément clé – exactement comme l’Etat-major dans les moments décisifs d’une guerre. L’argument selon lequel l’APPO n’avait pas de direction individuelle – mais seulement une direction collective – ne tient pas compte du fait que même dans des structures démocratiques et réellement représentatives des masses, comme le fut l’APPO, une direction politique se dégage forcément. La masse révolutionnaire n’est pas homogène. Elle est composée de différentes couches ayant des niveaux de conscience différents. Inévitablement, un mouvement révolutionnaire se donne d’abord des dirigeants connus, jouissant d’une autorité morale et du prestige de « ceux qui savent ». Ainsi, lors de la révolution russe de 1917, on a vu se succéder, à la tête des Soviets, des dirigeants provenant de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel politique, des réformistes jusqu’aux véritables communistes révolutionnaires : les bolcheviks. Ces dirigeants ont joué un rôle important dans le processus révolutionnaire, jusqu’à ce que, finalement, les Soviets et les comités d’usines soient dirigés par les bolcheviks, en septembre 1917. Cela résultait du déplacement progressif des masses vers la gauche et de l’incapacité des dirigeants réformistes à répondre aux exigences populaires. Lénine et Trotski ont été les dirigeants qui, placé à la tête des masses, ont garanti la victoire de la révolution russe – victoire qui a dépendu aussi bien de conditions objectives que de conditions subjectives : le parti bolchevik.

Nier le rôle de la direction sert souvent aux dirigeants anarchistes et réformistes – tel le « sub-délégué Zéro » – à cacher leur propre responsabilité politique dans les défaites. Malheureusement, à Oaxaca, il n’existe aucun parti bolchevik, et la direction du mouvement est tombée entre les mais de gens tels que Rueda Pacheco (qui a trahi le mouvement en devenant le porte-voix du régime) et Flavio Sosa, qui n’avait pas de perspectives et se laissait empiriquement pousser par les masses. Le camarade Flavio Sosa, actuellement incarcéré par le régime, est un exemple de la façon dont la pression des masses pousse certains dirigeants vers la gauche. Flavio Sosa était un dirigeant du PRD très conservateur, qui avait même quitté le PRD, en 2000, pour soutenir la campagne électorale de Vicente Fox ! En 2005, il a demandé sa réintégration dans le PRD, avant de devenir l’un des principaux dirigeants de l’APPO.

Les dirigeants de l’APPO, des syndicats, et en particulier Lopez Obrador, avaient la possibilité d’éviter la vague répressive contre l’APPO. Au lieu de prendre l’initiative d’organiser une grève générale contre Caldéron, Obrador a confiné la lutte à des meetings et de manifestations de masse, qui à ce stade du mouvement s’avèrent insuffisants et dilapident son potentiel révolutionnaire. De fait, Obrador craint une grève générale, car dans le contexte d’effervescence révolutionnaire qui prévaut dans le pays, une grève générale aurait immédiatement un caractère insurrectionnel.

Ni la direction de l’APPO, ni Obrador n’ont donné de consigne claire pour former un front unique, et ce malgré l’élan favorable des masses face à la répression. Ce sont les masses qui, d’une façon largement spontanée, ont transformé le ridicule défilé d’automobiles organisé par le PRD en une manifestation contre la répression, et qui ont forcé Obrador à convoquer des manifestations de soutien à l’APPO. Le sentiment d’unité était évident. Cependant, ni la direction de l’APPO, ni Obrador n’ont fait de pas sérieux pour traduire cet élan dans des actes. Il aurait fallu former un réseau d’Assemblées Populaires au niveau national et remplir ainsi la carcasse bureaucratique de la Convention Nationale Démocratique – actuellement dirigée par des bureaucrates du PRD et quelques ex-staliniens – pour la convertir en un instrument de conquête du pouvoir des masses mexicaines. Un front unique des syndicats, du PRD, de l’APPO et de l’EZLN, cimenté par l’organisation d’une grève générale, aurait sans aucun doute empêché Caldéron d’être officiellement investi. A tout le moins, de nouvelles élections auraient été convoquées, et la victoire d’Obrador aurait donné confiance aux masses pour les prochaines luttes.

Dans les révolutions, les masses sont cent fois plus à gauche que leur direction, et la preuve en a été clairement donnée – entre autres – par les femmes de Oaxaca. Elles ont marché toute une après-midi dans les rues de Oaxaca, en frappant des casseroles, en direction des locaux d’une chaîne de télévision. Et comme on refusait de leur donner accès à l’antenne, elles ont eu l’audace de prendre le contrôle de la télévision, ouvrant la voie à l’occupation de 13 radios par le peuple. Quelle merveilleuse leçon ! Les dirigeants auraient dû s’en inspirer pour en appeler à l’expropriation, non seulement des médias, mais aussi de la terre et des ’industries. Entre les mains du peuple, ces piliers de l’économie et du pouvoir de la classe dirigeante auraient permis de satisfaire les besoins du plus grand nombre. Or, de telles mesures ne seraient pas restées confinées à l’Etat de Oaxaca : elles auraient immédiatement inspiré le mouvement à l’échelle nationale. Ici, le rôle crucial d’une direction révolutionnaire est évident.

La direction de l’APPO n’a pas compris que cette organisation populaire n’était pas une organisation de plus. Elle représentait un embryon du pouvoir ouvrier – l’embryon d’un nouvel Etat, qui devait prendre le pouvoir en main et détruire les institutions pourrissantes de la classe dirigeante. De fait, jusqu’au début du mois de novembre – c’est-à-dire jusqu’à ce qu’un mouvement de reflux ne s’amorce – l’APPO avait le pouvoir en main. Dans la pratique, elle se substituait à l’Etat capitaliste dans toute une série de tâches, depuis la sécurité jusqu’au transport.

La répression, à Oaxaca, marque une recul du poste le plus avancé du front révolutionnaire mexicain. Cependant, le mouvement est très loin d’avoir subi une défaite décisive. Une vague de grèves et de mobilisations syndicales est à l’ordre du jour, à l’échelle nationale, face aux attaques du gouvernement Caldéron. Ce dernier a tous les symptômes d’une décadence sénile. Il n’a d’autres choix que de lancer des attaques contre nos acquis sociaux, mais il est en même temps extrêmement faible et fragile. Arrivé sur la base d’une fraude massive, qui a jeté des millions de mexicains dans la rue, le gouvernement de Caldéron sera impuissant. Le mouvement de Oaxaca soignera ses plaies dans le cours de la lutte du mouvement ouvrier au niveau national. La révolution mexicaine a commencé. La première vague est passée – mais d’autres suivront, à court terme.

Jeudi 7 décembre 2006