Maroc

Article publié le 23 avril sur In Defence of Marxism.


« Le mouton passe toute sa vie à avoir peur du loup, mais qui l’égorge à la fin ? Le berger ! », proverbe marocain.

 

Bien après la Chine (décembre 2019) et dix jours après l’Italie, les autorités marocaines ont annoncé les premières infections au coronavirus (le 2 mars) et les ont évidemment attribuées à des « facteurs extérieurs » : un Marocain venu d’Italie, puis des touristes français. L’épidémie s’est aggravée et atteint aujourd’hui 2024 cas, dont 126 décès (au 15 avril 2020, 45 jours après les premières contaminations) selon les chiffres officiels.

Après avoir négligé l’ampleur du danger, les autorités craignent aujourd’hui l’impact que le confinement aura sur l’économie et les bénéfices des entreprises. Elles ont donc pris des mesures largement chaotiques, suspendant par exemple les vols avec la Chine tout en annonçant recevoir un groupe d’étudiants marocains vivant là-bas. Les autorités ont également affirmé resserrer la surveillance dans les ports et les aéroports, tandis que beaucoup de ceux qui y sont passés ont souligné de nombreux manques de matériel sur le terrain. Cette surveillance s’est progressivement resserrée, jusqu’à l’annonce d’une « quarantaine » puis finalement d’un état d’urgence sanitaire s’étendant du 20 mars au 20 avril.

Une fois cette mesure imposée, les forces de sécurité puis les véhicules blindés de l’armée sont sortis dans les rues, pour « assurer la bonne application de la quarantaine » ; l’État a bien sûr exploité cette situation pour resserrer son emprise et a souvent eu recours à des interventions violentes et humiliantes à base d’insultes, de coups de pied et de gifles, comme en témoignent de nombreuses vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux.

Un plan « proactif et efficace » ?

Toutes ces étapes ont été accompagnées d’une campagne médiatique visant à dépeindre l’État, en particulier sa « majesté », comme l’incarnation de la sagesse et plus encore. L’État n’a-t-il pas fourni une aide à ceux qui ont perdu leur emploi ? Le Maroc n’est-il pas l’un des pays qui ont enregistré le moins de cas, avec moins de 2 000 contaminations et moins de 200 décès ? Cette situation serait même bien meilleure que celle des Etats-Unis !

Voilà les discours officiels, mais la réalité est toute autre. Ces messieurs-dames oublient, bien à propos, quelques données trop triviales pour eux : le montant de l’aide financière mensuelle pour les ouvriers licenciés atteint seulement 800 dirhams (environ 86 $) pour une famille de deux personnes, 1000 dirhams (environ 107 $) pour une famille entre trois et quatre personnes, et 1200 dirhams (129 $) pour une famille de quatre personnes ou plus. Ces montants suffiraient à un ascète qui n’aurait besoin ni de manger, ni de boire, ni de se loger, ni de toutes les autres bagatelles de la vie quotidienne...

Il faut également comparer ces montants misérables aux sommes absorbées chaque année par le Palais Royal : 230 millions d’euros[1], soit 19 millions d’euros par mois, soit 638 milliers d’euros par jour, rien de moins !

En ce qui concerne le nombre de cas enregistrés, bien que plus de 40 jours se soient écoulés depuis les premières observations, le Maroc est toujours en bas du classement en termes de nombre de tests effectués. Selon les statistiques de WorldOMeters[2] (au 15 avril 2020), à peine 10 359 tests ont été menés sur une population d’environ 36 millions, loin derrière des pays en pleine guerre et dans des situations très difficiles comme l’Irak (qui a déjà effectué 46 135 tests pour 38 millions d’habitants), la Palestine (17 329 tests pour 5 millions de personnes) et d’autres pays qui subissent le blocus impérialiste comme Cuba (20 451 tests pour une population de 12 millions d’habitants), le Venezuela (225 009 tests pour une population de 29 millions), etc.

Nous sommes donc loin de pouvoir constater l’efficacité de « Sa Majesté » ou de l’Etat de « Sa Majesté », bien au contraire !

Ceci est normal, compte tenu de l’état désastreux des infrastructures du secteur de la santé au Maroc. Après 60 ans de ce qu’on a appelé l’« indépendance », le Maroc compte encore très peu d’hôpitaux, de lits de réanimation, etc. Bien sûr, quelle peut bien être la nécessité d’investir dans toutes ces choses alors que l’argent peut être utilisé pour l’armement, pour les salaires des hauts responsables ou bien tout simplement détourné par évasion fiscale (la fuite des capitaux vers les paradis fiscaux et les banques étrangères entre 2004 et 2013 a dépassé 41 milliards de dollars[3]) ?

En conséquence, le Maroc ne dispose jusque à maintenant que de 1 640 lits d’hôpitaux, pour près de 40 millions d’habitants, dont seulement 684 dans le secteur public ! Pour l’ensemble de la période 1960-2014, on enregistre une diminution de 31 % des lits d’hôpitaux[4]. Il y a aujourd’hui seulement 3,7 médecins et 2,9 infirmiers pour 10 000 habitants.

C’est une catastrophe, mais ni « Sa Majesté » ni le gouvernement de « Sa Majesté » ne sont concernés par cette situation, car la majorité des ministres et des membres de la classe dominante ont une double nationalité et se rendent tous en Europe pour se faire soigner. Le problème n’est apparu que lorsque le monde leur a été fermé ; ils ont alors décidé que les lits existants devaient être alloués aux « sangs bleus », tout en demandant aux autres, la majorité, de rester chez eux et de faire confiance à leur immunité pour être sauvés.

Enfin, n’oublions pas de signaler que « Sa Majesté » a quitté le pays pour se réfugier aux îles Canaries, dans son yacht de luxe à 90 millions d’euros[5] !

« Dans le même bateau » ?

Lors de la réunion de la Commission de l’Intérieur et des collectivités territoriales au parlement, le ministre de l’Intérieur a fait « appel à l’esprit de citoyenneté pour pouvoir dépasser ensemble cette crise », soulignant que les Marocains étaient tous dans le même bateau.

Quel magnifique bateau que celui-là ! Il ferait même envie à Noé : non seulement il est capable de transporter la poule à côté du renard, mais il est même capable de transporter les médecins à côté du ministre qui les a réprimés il y a deux ans, quand ils sont sortis pour protester contre les conditions catastrophiques du secteur de la santé. Ce bateau peut aussi transporter les travailleurs exploités pour des salaires de misère à côté des vampires qui les obligent toujours à travailler sans aucun moyen de protection !

Selon cette métaphore, nous devrions nous convaincre que le « Makhzen » (appareil d’Etat marocain) se soucie soudainement de la santé des citoyens… C’est pourtant ce même régime qui a imposé des programmes d’austérité à des secteurs vitaux comme la santé, qui incarcère toujours des centaines de militants du Hirak dans le Rif et qui les a condamnés à des centaines d’années d’emprisonnement, uniquement parce qu’ils ont demandé l’installation d’un hôpital dans leur région délaissée.

Nous devrions nous convaincre que le même Etat qui tue des manifestants innocents – et qui a abattu d’un coup de feu une jeune femme dont le seul crime était de migrer dans un bateau loin d’un pays ne lui donnant ni travail ni dignité – s’est soudainement préoccupé du sort de millions de Marocains. Nous devrions également nous convaincre que le même Etat, qui laisse 20 000 enfants mourir chaque année de maladies facilement traitables (telles que la diarrhée, la malnutrition, etc.) et ne se soucie pas de la mort chaque année d’une centaine de personnes par piqûres de scorpion, a soudainement commencé à ressentir de l’affection pour elles. Le « Makhzen »  ne commet bien sûr pas d’erreurs, et comme il l’a dit, il doit avoir raison !

« Confinement » ne veut pas dire la même chose pour tous

Bien que le nombre de tests réalisés au Maroc atteigne à peine 10 000, le nombre de personnes arrêtées pour « violation des règles de confinement » dépasse les 28 000[6] ! Bien sûr, les seuls à être punis sont les travailleurs et les pauvres que leurs conditions de vie obligent à sortir pour essayer de survivre dans ces circonstances difficiles. Ceux qui ont des accointances au sein du gouvernement, comme la sœur de la dirigeante du Parti Justice et Développement, peuvent, eux, contacter le Premier ministre ou une personne influente pour être libérés.

En outre, cette loi ne s’applique évidemment pas aux propriétaires des usines qui imposent aux ouvriers de travailler sans même leur fournir les moyens de protection les plus basiques. Les travailleurs se déplacent dans des moyens de transport surchargés et travaillent épaule contre épaule pendant de longues heures, sous la menace de licenciement... C’est ainsi que des dizaines de travailleurs dans diverses zones industrielles, notamment Tanger, Casablanca, Marrakech et Fès se retrouvent contaminés, sans parler de leurs familles et de leurs contacts (Casablanca 85 cas, Marrakech 66, Tanger 21 et Fès 68[7]).

L’État a-t-il pris des mesures pour punir ces capitalistes ? Bien sûr que non ! Les syndicats ont-ils bougé ? Impossible, puisqu’ils soutiennent maintenant « l’unité » et « la paix sociale » (unilatérale).

Tout cela confirme que ni le gouvernement ni le système capitaliste ne peuvent aider la société à faire face à la pandémie ; ils sont précisément ce qui l’empêche d’agir, en raison de décennies de politiques d’austérité, de répression et de recherche de profit, au détriment de la vie de millions d’hommes et de femmes.

Qui paie le prix ?

En dépit des déclarations du ministre de l’Intérieur sur « le bateau » dans lequel nous serions tous, les conséquences de cette crise ne sont en réalité pas partagées entre tous les « passagers » ! Des millions de travailleurs, de paysans et les couches les plus vulnérables de la société sont écrasés par une crise terrible qui se manifeste avec l’augmentation du chômage, du coût de la vie et de la répression ; des millions vivent quotidiennement dans la faim et bataillent pour obtenir le minimum nécessaire pour survivre, en risquant de contracter le virus dans les usines, les serres agricoles et les quartiers surpeuplés où il n’y a pas d’hygiène et parfois même pas d’eau potable. Et pourtant, une minorité de parasites capitalistes se précipite pour profiter au maximum de la situation et accumuler d’énormes profits en accélérant le rythme de l’exploitation, en augmentant tous les prix, y compris ceux des aliments pourris et des masques nocifs pour la santé.

La presse officielle nous invite « à être honnêtes et à ne pas oublier de mentionner les contributions importantes que nombre d’entre eux ont apportées au Fonds Anti-Corona », estimées à des milliards. Pour ne pas gâcher cette belle image, nous ne devons surtout pas souligner que toutes ces sommes ne sont que des miettes des richesses énormes qu’ils ont accumulées en exploitant les travailleurs et les ressources du pays pendant des décennies, avec des méthodes que les capitalistes eux-mêmes considèrent criminelles. Nous ne devons pas non plus souligner qu’ils n’essayent que de sauver leur propre système. Surtout, nous ne devons pas mentionner qu’ils ne l’ont fait qu’après que le ministre de l’Économie a confirmé qu’il considèrerait leurs contributions « comme des dons revêtant le caractère de charges comptables déductibles du résultat fiscal »[8], c’est-à-dire qu’il les exonérerait d’impôts en échange de leur générosité ! Enfin, il n’est pas opportun de souligner qu’ils sont tous maintenant devant la porte du gouvernement pour obtenir de l’aide du même fonds, comme l’a ouvertement déclaré la Confédération générale des entreprises du Maroc.

Le véritable ennemi 

Au Maroc, comme partout dans tout le monde, le virus n’est pas la cause de la crise ; il est simplement le catalyseur qui a accéléré un processus en cours depuis longtemps. Nous, les marxistes, l’avons déjà expliqué dans nombreux de nos documents.

La véritable cause de la crise est le système capitaliste lui-même. Le virus n’est pas responsable de la destruction du secteur de la santé et de l’éducation, ni des privatisations qui ont rendu la société incapable de faire face à la pandémie.

La poursuite fiévreuse du profit, qui est le seul objectif du capitalisme, a transformé la vie de millions de personnes en enfer en intensifiant les attaques contre leur niveau de vie et leurs conditions de travail, ainsi qu’en accélérant la destruction de l’environnement et de tous les éléments de la civilisation.

La crise était déjà présente au moment du déclenchement de la pandémie ; les choses se sont ensuite aggravées jusqu’à la catastrophe. Le Haut-Commissaire au Plan, Ahmed Al-Halimi, avait prévu mi-mars que le taux de croissance ne dépasserait pas 1 %. Lundi 13 avril, il a cependant radicalement revu ses prévisions et a déclaré à l’agence espagnole EFE que la croissance serait négative (-1,8 %) lors du deuxième trimestre de cette année. Il a ajouté que « le Maroc devrait enregistrer sa pire année économique de ce siècle »[9].

C’est ce que le capitalisme a à offrir crise après crise. La classe ouvrière et les pauvres sont ceux qui en paient le prix. Les capitalistes et leurs gouvernements aiguisent déjà leurs couteaux en se préparant à la période post-corona. Le gouvernement a ainsi décidé de geler les promotions des travailleurs et des employés du secteur public ; il prévoit également de prélever 3 jours sur les salaires des fonctionnaires et des employés des établissements publics, y compris des travailleurs du secteur de la santé ; il devrait également avoir recours à l’emprunt de manière intensive. Ceci revient à mettre tout le poids de la crise sur les épaules des travailleurs, pour de nombreuses générations à venir.

Les capitalistes demandent déjà à l’État d’intervenir pour les aider à préserver leurs profits après la pandémie, aux dépens du peuple, bien évidemment. Dans ce contexte, Akhenouch (ministre et homme d’affaires) a récemment publié un article, certainement écrit par l’un de ses partisans, pour présenter le point de vue d’une grande partie de la classe dirigeante sur ce qu’il convient de faire après la crise du coronavirus. Il a ainsi déclaré que l’Etat devrait emprunter pour aider les « acteurs économiques »[10]. Ce qui veut dire : « Privatiser les profits et nationaliser les pertes ».

La prochaine période sera très difficile pour la classe ouvrière. Les licenciements de masse, le démantèlement de nombreux secteurs et la disparition de nombreuses petites et moyennes entreprises porteront le chômage à des niveaux sans précédent. La réduction des salaires, la vie chère et les diverses attaques que la classe dirigeante et son État mèneront contre les travailleurs aggraveront leurs conditions de vie et de travail.

La classe ouvrière est sous le choc de l’ampleur de la crise et de la pandémie ; elle se trouve coincée par les chaînes de la bureaucratie syndicale criminelle qui ne fait que défendre le système capitaliste coûte que coûte, comme l’illustre leur traîtrise lorsqu’ils ont approuvé la décision de prélèvement sur les salaires et leur silence devant les diverses attaques contre les travailleurs. La classe ouvrière ne possède pas non plus de parti politique qui pourrait l’unir en tant que classe et lui donner un programme de lutte. Tout cela aura un impact sur la classe ouvrière et sur sa capacité à répondre à court terme.

Mais ce qui est certain, c’est qu’une fois la pandémie passée, la classe ouvrière retournera dans les usines et dans les rues, avec une conscience plus développée. Elle aura vu où la politique d’austérité et de privatisation nous a menés, elle aura subi le mépris de l’État et des capitalistes envers la vie des travailleurs et leurs souffrances. Elle se sera également rendu compte que le secteur public est celui qui a le mieux résisté à la crise, à l’inverse des capitalistes privés qui se sont tous cachés sous leurs lits.

Ensuite, la classe ouvrière se lèvera pour lutter, que ce soit économiquement ou politiquement. Elle exigera l’arrêt des attaques contre le secteur de la santé et de l’éducation et s’opposera à la répression. Cette lutte des classes sera à l’ordre du jour au niveau international : la classe ouvrière marocaine s’inscrira dans ce mouvement en restaurant ses traditions révolutionnaires, en s’inspirant des luttes des travailleurs du monde entier et en les enrichissant de sa propre expérience.

Dans ce contexte, les idées marxistes – qui proposent une alternative révolutionnaire, avec comme piliers le contrôle des travailleurs sur la richesse produite et la planification de l’économie au service de toute la société – attireront de plus en plus. Il deviendra facile pour les travailleurs de comprendre pourquoi ils ne doivent pas laisser leur sort entre les mains d’une minorité de parasites, mais bien en prendre eux-mêmes le contrôle.

Ce développement de la conscience ne sera pas nécessairement graduel, mais se fera par explosions et bonds. C’est la perspective à laquelle nous devons nous préparer en construisant une direction révolutionnaire qui peut rendre ce processus court et victorieux, pour construire une société socialiste dans laquelle la vie sera sûre, belle, libre de toute oppression et de toute violence !


[1] https://www.middleeasteye.net/fr/opinion/le-palais-royal-continue-de-mener-un-train-de-vie-fastueux-pendant-que-la-pauvrete-touche

[2] https://www.worldometers.info/coronavirus/

[3] https://www.moroccoworldnews.com/2015/12/174872/over-4-billion-smuggled-out-of-morocco-every-year-report/

[4] http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMTendanceStatPays?codePays=MAR&codeStat=SH.MED.BEDS.ZS&codeStat2=x&langue=fr

[5] https://diariodeavisos.elespanol.com/canariasenred/segun-algunos-medios-el-rey-de-marruecos-se-habria-refugiado-en-canarias-en-plena-pandemia-del-coronavirus/

[6]  https://www.middleeasteye.net/news/coronavirus-morocco-arrests-thousands-breaching-emergency-rules?fbclid=IwAR1BRu7dgHZXUN0HuOzgWeCWU7Hzw83f58K8YwDQCpb3BUlUiHrZ8A5O5qI

[7] https://leseco.ma/coronavirus-au-maroc-4-foyers-de-contamination-font-grimper-le-bilan-global-en-24h/

[8] https://www.medias24.com/le-fisc-consacre-la-deductibilite-des-dons-au-fonds-covid-19-8752.html

[9] https://fr.le360.ma/economie/lahlimi-a-lagence-efe-le-maroc-devrait-enregistrer-sa-pire-annee-economique-de-ce-siecle-213239

[10]  https://www.medias24.com/akhannouch-9433.html

Le 28 octobre 2016, à Al Hoceima, dans le Rif, la police jette dans un camion-poubelle la marchandise de Mohcine Fikri, un jeune vendeur de poisson. En tentant de sauver ses produits, le jeune homme est broyé par la benne à ordures. Des témoins accusent la police d’avoir activé la benne. Filmée et diffusée sur le net, cette scène a déclenché une vague d’indignation et de manifestations dans le Rif, puis dans tout le pays. Le Hirak –  « Mouvement » – a rapidement pris une dimension politique. Les manifestants s’en sont pris aux violences policières et au régime, à la monarchie et à l’oligarchie qui contrôlent les richesses du Maroc.

Comme lors des révolutions arabes de 2011, les manifestants réclament du travail, des universités, des hôpitaux, des infrastructures, la justice sociale et la démocratie. La mort de Mohcine Fikri a mis le feu aux poudres, dans un contexte économique et social explosif. La croissance économique était d’à peine 1,6 % en 2016, contre 4,5 % en 2015. Le secteur informel représente près de 25 % du PIB. Le chômage touche plus de 30 % des jeunes. Selon un rapport de l’ONU, 60 % des Marocains vivent dans la pauvreté et le besoin ; cinq millions vivent avec moins de deux dollars par jour, un million avec moins d’un dollar par jour. 60 % de la population est analphabète, dont 83 % des femmes vivant en milieu rural. L’Indice de Développement Humain du Maroc est passé du 117e rang mondial en 1995 au 127e rang en 2015 (sur 192).

Répression

Pendant plus de dix mois, le Hirak n’a cessé de se développer, malgré la répression. Grèves et manifestations se sont multipliées. Les manifestants ont établi une liste de 21 revendications, véritable programme de développement économique et social. Des dirigeants honnêtes et combatifs ont émergé spontanément des masses, comme le jeune Nasser Zefzafi. Le mouvement rassemble de larges couches de la société : les jeunes et travailleurs des villes ont été rejoints par des avocats, des petits commerçants et des paysans pauvres – entre autres.

Le 26 mai dernier, la répression s’est renforcée. Sur ordre du régime, un imam d’une mosquée d’Al Hoceima s’est lancé dans un prêche contre le Hirak. De nombreuses personnes présentes ont manifesté leur indignation. Le dirigeant Nasser Zefzafi a pris la défense du mouvement. C’était l’occasion pour le régime de décapiter le Hirak en emprisonnant et en torturant ses dirigeants, dont Zefzafi.

Mais au lieu de détruire le mouvement, cette répression l’a renforcé. Des manifestations et des grèves de soutien au mouvement et pour la libération des prisonniers politiques ont eu régulièrement lieu, partout dans le pays. Le 11 juin, la gigantesque manifestation à Rabat a dépassé, par son ampleur, le mouvement du 20 février 2011.

Face aux révolutions arabes de 2011, le roi avait fait mine d’engager des réformes institutionnelles et économiques. Mais six ans plus tard, rien de fondamental n’a changé. Le régime est dans une impasse ; il semble avoir déjà jeté toutes ses cartes. Incapable de répondre aux revendications populaires, la violence est sa seule réponse. Mais cette fois-ci, les masses sont mieux organisées et mieux préparées qu’en 2011. Elles ont mûri, politiquement. Les partis officiels – tous corrompus et soumis à la monarchie – sont profondément discrédités. Les élections législatives du 7 octobre 2016 l’ont montré : près de 60 % des électeurs se sont abstenus, dont 72 % des habitants de Al Hoceima.

Modernité et arriération

Le Maroc combine des éléments de modernité et d’arriération. D’un côté, les investissements étrangers y ont introduit – du moins dans certaines villes – une industrie et des moyens de communication modernes. Mais d’un autre côté, le pays est lesté par une économie informelle massive, la grande propriété foncière, une petite paysannerie traditionnelle et tout ce qui va avec. La bourgeoisie marocaine est faible, corrompue et dépendante des impérialistes (français, en particulier). Loin de contester le pouvoir de la monarchie, elle le soutient. Elle est liée de mille manières – notamment via les banques – aux grands propriétaires terriens.

Seul un gouvernement des travailleurs et des paysans pauvres peut moderniser et démocratiser le pays. La puissance du Hirak nous démontre, une fois de plus, que les travailleurs, les paysans pauvres et les éléments progressistes des classes moyennes ont un pouvoir potentiel colossal. Ce qui manque, c’est un parti des travailleurs démocratique, résolument hostile à la monarchie, et doté d’un programme révolutionnaire.

Nasser Zefzafi et d’autres camarades sont encore en prison. Nous devons lutter pour leur libération. Mais le mouvement est puissant. Dans les mois et les années qui viennent, des milliers de Zefzafi émergeront. Que les classes dirigeantes marocaines et du monde tremblent face au Hirak et à la révolution marocaine !

Article publié dans la nouvelle édition du journal de la section marocaine de la TMI du mois de juillet 2017. Il aborde l'avenir du soulèvement populaire dans le Rif.


Après plus de sept longs mois de luttes héroïques, malgré la répression et le blocus, le mouvement est entré dans une phase décisive. Il est arrivé à un stade critique de son développement qui peut se résumer par l’absence d’un programme, d’une direction et d’une organisation révolutionnaires.

Ces lacunes ont certes accompagné le mouvement depuis sa création ; mais elles ont été initialement (et temporairement) comblées par la présence de dirigeants honnêtes, courageux et très combatifs, des dirigeants de terrain, clairement hostiles au régime dictatorial. Ces dirigeants ont refusé toute concession sur les revendications du mouvement et se sont méfiés avec raison des faux amis, en particulier des partis bourgeois ou « des boutiques ».

L’État a essayé durant des mois de briser ces dirigeants par la répression et le harcèlement et a également cherché à les acheter. Mais ils ont opposé à ces tentatives une fermeté révolutionnaire héroïque et une honnêteté impressionnantes.

Pour ces qualités, les masses populaires leur ont fait confiance, les ont aimés et se sont regroupées autour d’eux, permettant au mouvement de continuer à se développer malgré ses propres faiblesses, surpassant également la répression et le blocus.

Le régime l’a bien compris ; il a donc attendu le bon moment pour bondir sur les dirigeants avec une vague d’arrestations rapides et brutales (en utilisant raids nocturnes, enlèvements, tortures, etc.). Aujourd’hui, le nombre de détenus s’élève à plus de 140 personnes.

Nous avions prévu cette évolution dans un article de novembre 2016, quand le mouvement était encore au plus haut de sa puissance ; nous avions averti nos jeunes camarades révolutionnaires et les masses par ces mots :

« Le plan du régime est clair : son objectif stratégique consiste à enterrer le mouvement, mais il sait que pour atteindre cet objectif, il devra suivre plusieurs étapes tactiques :

[...] - isoler le mouvement à Al Hoceima des régions avoisinantes.

- Tracer des lignes rouges pour le mouvement, et passer à l’étape suivante dès qu’elles sont « franchies »

- Préparer la répression contre les manifestants et en particulier contre les dirigeants du mouvement ».

Nous avions également noté : « [...] Dès qu’il en aura l’opportunité, [le gouvernement] va attaquer les dirigeants et se venger d’eux et, à travers eux, des masses qui ont « osé » lever la tête et contester son pouvoir ».

Nous avions signalé que : « il ne va pas se limiter à l'utilisation des forces de répression, mais aussi recourir à des bandes de voyous et de mercenaires, à la jeunesse des partis officiels et à des ONG pour saboter le mouvement. Le PAM (Parti Authenticité et Modernité) et le PJD (Parti de la Justice et du Développement) vont se mettre en action, ainsi que tout le reste des chiens du pouvoir, soit en essayant de séduire soit en attaquant, avec le but de miner le mouvement de l’intérieur et de l’éliminer complètement ».

Et nous avions conclu que : « Nous sonnons l'alarme, nous ne devrions avoir confiance que dans nos propres forces, nous ne devrions avoir confiance que dans les jeunes et les combattants de la liberté qui ont prouvé leurs mérites sur le terrain et dans les dirigeants que nous élisons démocratiquement.

Tous les efforts seront déployés par le régime pour isoler le mouvement à Al Hoceima du reste du Maroc, en le présentant comme un mouvement de certains « séparatistes » « racistes » qui sont intéressés uniquement par la division du pays.

Pour mettre en place cette tactique, le régime passera par des associations qui utiliseront un discours raciste séparatiste, qui pourront attirer une certaine jeunesse marginalisée et défavorisée. Nous comprenons les sentiments de colère, de frustration et de rancœur ressentis par ces jeunes, mais en même temps nous leur recommandons de ne pas faire confiance à ces demandes fourbes d’isoler leurs luttes des luttes de la classe ouvrière et de tout le reste des travailleurs marocains dans l’ensemble des villes et villages du Maroc ».

C’est ce qui est arrivé. Ces derniers temps, le régime dictatorial a accéléré le rythme de la répression, pas seulement à Al Hoceima, mais partout au Maroc, même contre les manifestations de solidarité pacifiques ayant eu lieu dans d’autres villes. Ces manifestations ont souffert d’une répression sauvage, où le régime a utilisé, de pair avec la police, des voyous criminels, des délinquants et des vendeurs de drogue, ainsi que toutes sortes de petits voleurs et leurs semblables, unis sous le slogan menteur : « non au désordre ! »

Il a également essayé de faire émerger de nouveaux « chefs » du mouvement, choisis parmi les éléments les plus enclins aux concessions, les plus arriérés, que les médias ont transformés, du jour au lendemain, en des « leaders », des « dirigeants » et des « symboles » du mouvement. Ces « leaders » choisis par le régime ne ratent aucune occasion de mettre l’accent sur « leur loyauté envers le roi », réclament son intervention pour résoudre les problèmes et répondre aux demandes !

On a vu aussi l'apparition de personnages pourris, de symboles du régime oppresseur : par exemple Zyan, ancien ministre dans les gouvernements de Hassan II et avocat du gouvernement contre l’opposition et les dirigeants syndicaux pendant les années 1990, ennemi féroce du mouvement 20 février, et organisateur des voyous contre le mouvement il y a quelques années seulement ; ou encore Hassan Ourid, ancien porte-parole du palais royal, ancien gouverneur de Meknès et ami du roi, ainsi que des journalistes, des avocats, etc. Le régime tire avantage du vide résultant de l’arrestation des dirigeants combatifs ainsi que du choc de la répression et des vagues d’arrestations sur les masses.

En pleine connaissance de cause, ces nouveaux « leaders » sont tous occupés à courtiser le mouvement et à considérer ses revendications comme légitimes. Mais s’ils se sont imposés comme porte-paroles des manifestants, des prisonniers et du mouvement, c’est pour faciliter son détournement et lui arracher griffes et dents, en vue de son élimination finale.

Bien avant le déclenchement de la mobilisation actuelle, directement après le ralentissement du 20 février, beaucoup de gens de gauche prônaient la réanimation du mouvement ou professaient, désespérés, qu’il n’y avait aucun espoir.

Nous, les marxistes, avons écrit de nombreux articles qui analysent les limites du mouvement du 20 février et les raisons de sa défaite. Les événements actuels confirment notre analyse : la lutte des classes va vraiment reprendre.

Nous avons également alerté la jeunesse révolutionnaire sur la nécessité de se préparer, en développant une conscience de classe et en s’organisant. Dans notre article intitulé « Nos Perspectives pour le mouvement du 20 février », écrit en 2013, nous déclarions ainsi :

Nous considérons que le mouvement du 20 février demeurera une lueur d’espoir dans l’histoire de notre peuple, mais nous considérons qu’elle est dépassée [...] Il s’agit de la loi de la lutte des classes, négation de la négation. Notre position est une invitation aux autres courants de gauche à se préparer aux mouvements révolutionnaires qui vont éclater, plutôt que de s’enliser dans des conflits marginaux au sein de réunions de sectes, qui ne font que drainer les énergies ».

Et dans notre article « Le Mouvement du 20 février, quatre ans après son commencement », écrit en février 2015, nous expliquions :

« Le matérialisme dialectique nous a appris que tout ce qui existe est condamné à l’extinction, dans un processus de négation sans fin. Ce serait donc une grave erreur de transformer le mouvement [du 20 février] en un objet de culte. La jeunesse révolutionnaire et les militants de gauche doivent regarder l’arbre vert de la vie [...]

La réalité nous promet des luttes et des batailles héroïques des ouvriers, des jeunes et des masses ; nous devrions nous y engager et les fertiliser par la conscience révolutionnaire. Il ne faut pas s’isoler sous prétexte de réanimer un mouvement qui n’est en fin de compte qu’un épisode de la longue série de la lutte de classe ».

Et nous ajoutions : « la lutte révolutionnaire est une question sérieuse [...]. Nous devons travailler à en construire les outils et à la préparer sérieusement pour la prochaine phase qui va inéluctablement se produire, et qui portera avec elle la promesse d’une victoire et d’un changement ».

Notre compréhension du mouvement du 20 février nous a permis de prévoir le dernier soulèvement. Il était certain qu’il se produirait, et que la classe ouvrière ainsi que la jeunesse révolutionnaire et tous les opprimés se battraient à nouveau. Et nous savons qu’ils se soulèveront encore et encore, pour lutter contre l’exploitation et contre la dictature.

Cette conviction découle de notre compréhension de la nature de notre époque : elle est la phase la plus turbulente de l’histoire, au niveau international et national, comme nous l’avons expliqué dans le document de Perspectives pour le Maroc d’avril 2016 :

« La nouvelle phase dans laquelle nous sommes entrés, aussi bien à l’échelle mondiale, régionale que nationale, est d’une part la phase de la faillite totale du capitalisme et des attaques à coup austérité et d’exploitation et, d’autre part, la phase de la montée des luttes, de la radicalisation et des soulèvements massifs des travailleurs, étudiants, jeunes, chômeurs, et des pauvres en général, contre la dictature, le capitalisme, l’austérité, l’exploitation et la marginalisation.

[...] Le sentiment de ras-le-bol s’accumule partout au sein des masses ; certains ont déjà commencé à se battre et d’autres le feront inévitablement au cours de la prochaine période. Le système capitaliste n’a rien à leur offrir, sauf la répression. »

Nous avons affirmé que : « les masses se soulèveront à plusieurs reprises pour se battre pour de multiples revendications économiques et politiques, testant les partis les uns après les autres et faisant pression sur les syndicats, ce qui provoquera le déclenchement de luttes à l’extérieur des organisations. »

Nous avons également dit que « cela ne signifie pas que le mouvement révolutionnaire rencontrera une route pavée de triomphes d’un bout à l’autre. Bien au contraire : en l’absence d’une direction révolutionnaire, les grandes victoires iront main dans la main avec de sévères défaites, pendant une longue et pénible période ».

Au cours de cette période turbulente, dans les moments où le reflux des mouvements est une réalité et où tout le monde semble désespéré, notre tâche est de tirer les conclusions nécessaires à la poursuite de la lutte, d’inviter les jeunes à restaurer l’espoir et de nous préparer pour l’inévitable soulèvement suivant. Lorsque le soulèvement devient une réalité, notre rôle est de mettre en avant les slogans appropriés, pour que ce soulèvement se développe sur les plans politique, organisationnel et programmatique, tout en expliquant les dangers, les lacunes et les complots du régime et des ennemis.

Notre mission, à nous les marxistes, c’est d'expliquer les perspectives, de clarifier les risques qui menacent le mouvement et de proposer une alternative aux jeunes engagés dans la lutte ; il ne s’agit pas de se contenter d’encenser les avancées du mouvement, à l’instar de tous ceux qu’une fascination naïve empêche de voir les risques ou les faux amis qui courtisent le mouvement pour pouvoir tromper plus facilement les masses.

Par conséquent, nous disons clairement que le mouvement actuel a atteint le maximum permis par les formes d’organisation et les slogans utilisés jusqu’à maintenant. Le régime a déjà commencé à reprendre la main avec une campagne de répression dans les rues, couplée aux arrestations de la plupart des dirigeants les plus combatifs, pour les éloigner du mouvement (puisque le régime a été incapable de les acheter). Parallèlement, le régime essaye par divers moyens de mettre en avant les nouveaux « dirigeants » dont l’entièreté du programme consiste à appeler à l’intervention du roi et à lui exprimer leur « pleine confiance ». Il les transforme en symboles et les nomme « leaders » pour faciliter leur manipulation et leur collaboration en vue de l’élimination du mouvement.

Le régime a également repris l’initiative au niveau national, où il a réussi à interrompre les efforts de développement de nombreux mouvements de solidarité dans d’autres villes du Maroc. Cette solidarité aurait pu permettre de briser le siège sur le mouvement dans le Rif et lui aurait donné un nouveau souffle. Son écrasement témoigne de la volonté d’empêcher que le mouvement rifain ne se transforme en un nouveau printemps marocain. Pour mener cette répression brutale et éliminer toute possibilité de radicalisation du mouvement, le régime a recours à l’armée, aux voyous payés pour attaquer les manifestations pacifiques, et également à l’infiltration des manifestations et des comités de soutien par des agents provocateurs et par les partis royalistes réactionnaires.

Face à cette situation, il ne reste pas d’autre choix au mouvement que de développer ses formes d’organisation, d’avoir des tactiques claires, valables, et une direction démocratiquement élue, que les masses peuvent contrôler et révoquer à tout moment… s’il ne veut pas échouer complètement. Cela ne signifie pas que le mouvement va s’arrêter immédiatement ; nous pensons au contraire qu’il est en mesure de continuer pendant un certain temps grâce aux sacrifices héroïques des jeunes révolutionnaires et des prolétaires.

Mais cette continuité ne serait rien de plus que l’élan résiduel de la phase précédente [1], car les masses ne peuvent pas rester en ébullition en continu, en l’absence d’organisation et d’horizon clair.

Nous attirions déjà l’attention sur cette loi dans le document « Perspectives pour le mouvement du 20 février » : « Celui qui connaît un peu le déroulement des mouvements de masse révolutionnaires sait certainement que la révolution n’est pas un cortège triomphal de victoires en ligne ascendante. C’est un processus complexe avec des hauts et des bas, combinant de brillantes victoires et les défaites les plus sombres, voire des régressions.

Celui qui connaît un peu les mouvements de masse sait que les masses ne peuvent pas rester dans les rues en perpétuelle ébullition lorsqu’aucun horizon clair n’apparaît. Que les masses sont capables des plus grands sacrifices (et elles l’ont déjà montré), mais dans certaines limites et pour certains objectifs. Les masses protestent avec le plus grand sérieux [...] par conséquent, elles en attendent des résultats concrets ».

Que faire maintenant ?

Puisque nous célébrons cette année la centenaire de la Révolution socialiste d'Octobre 1917, grâce à laquelle la classe ouvrière russe a renversé le régime autoritaire tsariste, il serait très utile d'apprendre de ses riches leçons. Une de ces leçons est que la classe ouvrière russe, quand elle s’est mobilisée contre le régime tsariste, a bâti des conseils démocratiquement élus dans les usines, les universités, les casernes militaires, les quartiers pauvres et les villages.

Ces conseils n’étaient pas le fruit de la créativité de Lénine ou de Trotsky, mais le résultat de l'initiative des travailleurs eux-mêmes. Grâce à ces conseils, la classe ouvrière russe, les paysans pauvres et les soldats révolutionnaires ont réussi à construire l'État qui était, avant son déclin staliniste, l'Etat le plus démocratique de l'histoire.

Nous avons observé la même chose au cours de la révolution tunisienne, qui, à son tour, a vu l'émergence de comités des quartiers et des provinces, qui ont joué un rôle important dans le développement de la révolution, dans sa continuité et son extension. Ils étaient l'embryon du pouvoir populaire face à l'Etat bourgeois, finalement trahis par les réformistes (Le Front populaire) qui ont préféré une coopération avec l'ancien régime, en prétextant que « la situation n'était pas mûre » pour la construction des organes du pouvoir ouvrier.

« Des conseils populaires, des conseils des travailleurs, des jeunes révolutionnaires, des femmes pauvres et des paysans, dans les lieux de travail, les écoles et les quartiers populaires, et la coordination de ces conseils par des représentants élus dans des rassemblements publics, contrôlés et révocables à tout moment par ceux qui les ont élus », tel est le slogan que nous devons mettre à l'ordre du jour. Le mouvement doit avoir une direction démocratiquement élue. Ce n’est qu’ainsi que nous serons en mesure d'empêcher le régime et ses agents de pénétrer dans le mouvement et d’y imposer ses soi-disant « leaders ».

Nous ne devons avoir confiance que dans nos propres forces ! Nous ne devons avoir confiance que dans les comités et conseils démocratiquement élus. Pas de confiance dans ces « amis » qui sont soudainement apparus et qui ont commencé à parler au nom du mouvement, pour lui imposer des limites, au profit des maîtres qui les ont envoyés, comme Zyan et les autres. Ils flattent aujourd’hui le mouvement pour l’utiliser ensuite dans leurs projets politiques et pour pouvoir finalement le saboter.

Nous devons travailler immédiatement, par le rassemblement des masses, à la formulation d'un programme destiné à exprimer toutes leurs demandes, reliant dialectiquement les demandes économiques (infrastructure, fin de l’exploitation, etc.) et politiques (la libération des détenus politiques, la poursuite en justice des responsables de l'assassinat de Mohsin et des martyrs du 20 février, ainsi que des responsables de la répression des manifestations, le renversement de la dictature et de la tyrannie) et qui élargiront les perspectives de mouvement sur une transformation radicale de la société.

Dans ce contexte, règne l’illusion (diffusée par les faux « amis » du mouvement et certains crédules) que si on se limite à des revendications purement économiques et « simples », la réponse de l'État sera favorable, et que si nous abandonnons la condamnation des symboles de la corruption en faveur d’un compromis appelant à l’« intervention » du Roi et à la « bienveillance » du gouvernement, etc., l'Etat agira avec tendresse et la solution viendra rapidement. « Il suffit de demander une intervention royale afin de résoudre tous les problèmes », nous disent ces charlatans.

Demander de construire un hôpital et une université n’est-il pas une demande simple ? Combien cela va coûter ? Quelques milliards de centimes ? Ce ne sera même pas à la hauteur de ce qu’a coûté le château en Grèce que la femme du roi a récemment acheté pour y passer ses vacances : 3,8 millions d'euros, soit environ 42 millions de Dirhams, soit 4,2 milliards de centimes ! Et, bien sûr, cela n’atteindra même pas une fraction de l’énorme quantité du budget public absorbée par le palais, qui dépasse 200 milliards de Dirhams par an.

Soyons clairs, la cause de l'intransigeance de l'Etat n'est pas son incapacité à financer de tels projets ; il sait pertinemment que toute réponse favorable pousserait inéluctablement d’autres régions à suivre la même voie, la voie de la lutte pour imposer leurs demandes, ce qui est un chemin dangereux pour l'Etat et pour la classe dirigeante.

C’est une lutte à mort entre l'Etat et les masses, la fin sera la défaite d'un camp et la victoire de l’autre. Soit les masses gagneront et imposeront leurs revendications légitimes, ce qui ouvrira la porte à l'avancement de la lutte au niveau national pour conquérir des droits matériels et démocratiques ; soit c’est l'Etat qui l’emportera et imposera le statu quo, la logique de la mendicité, de la charité, les « paniers du ramadan » et la « bienfaisance royale ».

La lutte pour l'hôpital, l'université, l'emploi et les autres droits économiques, est par excellence une lutte politique qui n’aboutira que si on arrive à un changement de politique officielle : la fin de la politique de pillage, de marginalisation et d'appauvrissement, et le renversement des bénéficiaires et responsables. Elle inclut également la liberté et la libération des détenus politiques, etc.

L’option qui se présente aujourd’hui au mouvement n’est pas de diluer telle demande ou telle autre, ou de changer l’une ou l’autre tactique, mais bien de continuer la lutte avec des revendications militantes et radicales claires… à l’opposé de ceux qui veulent accepter les aumônes et attendre « l’intervention du Roi ».

Donc il n'y a pas d’autre choix que de poursuivre la lutte et de lui donner une perspective révolutionnaire pour le renversement de la dictature et du système d'exploitation et d’oppression qui ravage le pays depuis plus de six décennies. Ceux qui pensent que ce système peut être réformé se trompent, tout comme ceux qui pensent que le système responsable de la marginalisation et de la pauvreté depuis des décennies, peut devenir un système de prospérité et de liberté.

Nous devons lutter pour briser le siège que le système impose au mouvement, cherchant à l'isoler du reste des villes et villages du Maroc : nos revendications sont les mêmes que celles du reste de la classe ouvrière partout au Maroc ; notre ennemi est le même, un système qui impose la pauvreté, l'exploitation et le pillage sur tout le peuple marocain, partout. Notre objectif est le même, recherché par tous les fils du peuple marocain : la liberté, la dignité et la justice sociale.

Nous devons adresser un appel à la jeunesse révolutionnaire et à la classe ouvrière marocaine dans le reste des villes et des villages du Maroc pour une lutte commune, unifiée, contre le système qui nous exploite et nous opprime tous, et pour la coordination des formes et des structures organisationnelles : les conseils de lutte populaires dans tous les villages et les villes du Maroc.

La leçon la plus importante de la révolution russe est que, bien que la classe ouvrière russe soit arrivée à renverser le tsar et à construire des conseils révolutionnaires (les soviets), la bourgeoisie, alliée avec les réformistes, a presque réussi à en finir avec la révolution et à restaurer l'ancien régime. Ils auraient même poussé le pays à la ruine et à la mise en place d'un régime fasciste sanglant.

Ces projets réactionnaires auraient réussi sans l'existence du parti bolchevique, le parti marxiste révolutionnaire, dirigé par Lénine et Trotsky, qui a unifié les luttes ouvrières et les a conduites à la tête du reste des paysans pauvres et des soldats révolutionnaires, pour saisir le pouvoir, confisquer les banques et les usines, et les mettre sous le contrôle des conseils des ouvriers, des paysans pauvres, et des soldats révolutionnaires.

Tant que ce facteur, i.e. le parti ouvrier révolutionnaire, est absent chez nous, l'Etat bourgeois continuera à être en mesure de rétablir l'équilibre et pourra éliminer tout mouvement, peu importe sa puissance, et peu importe sa durée.

Prenons, par exemple, ce qui est arrivé en Egypte et en Tunisie au cours de ces dernières années : des millions de travailleurs et de jeunes révolutionnaires sont descendus dans les rues affronter la police et résister aux arrestations, aux voyous et à toutes les formes d'oppression. Le pouvoir était entre leurs mains alors que l'Etat bourgeois ne tenait plus qu’à un fil. Mais les masses qui ont fermé les portes du Parlement et le siège du gouvernement « au nom de la révolution » n'ont pas été en mesure de prendre le pouvoir et de contrôler les clés de l'économie, faute d’une direction révolutionnaire. Inévitablement, l'Etat bourgeois a finalement repris le contrôle et les masses ont perdu l'occasion d’un changement révolutionnaire profond dans la société, pour l’instant.

Regardons aussi ce qui s’est passé chez nous, au Maroc, ces dernières années, lorsque le mouvement du 20 février a pu mobiliser des dizaines de milliers de travailleurs dans la majorité des villes et villages. Le régime était alors impuissant et terrifié devant la puissance des masses. Il aurait été possible de transformer ce mouvement en une révolution victorieuse, s’il y avait eu un parti révolutionnaire avec des racines profondes dans les usines, les syndicats, les villages pauvres, les casernes et les quartiers ; mais c’est exactement ce qui manquait à l'époque et qui a donc permis au système de retrouver son équilibre et de reprendre la main, tout en mettant un terme au mouvement par un mélange de répression, de concessions formelles et d’autres manœuvres.

Comme nous l'avons déjà écrit dans un article mentionné ci-dessus :

« La bataille avec le régime existant et la classe capitaliste dominante, cause de toute oppression, exploitation et marginalisation dans laquelle nous vivons, est une longue bataille qui n’aboutira à la victoire que par la révolution socialiste et par l'arrivée au pouvoir de la classe ouvrière, qui va mettre fin au système capitaliste et à toute exploitation, oppression ou persécution ».

Nous avons souligné que « toutes les conditions objectives sont mûres pour atteindre ce but glorieux : les masses luttent comme des tigres et donnent des preuves chaque jour, chaque heure et chaque minute de leur volonté de changement révolutionnaire. Elles sont capables de l’accomplir. [...] Ce qui manque est le facteur subjectif, à savoir un parti révolutionnaire marxiste capable de diriger la classe ouvrière et les masses pour saisir le pouvoir et commencer la transformation socialiste de la société.

« [...] La force du mouvement contemporain réside dans l'éveil des masses [...] et sa faiblesse réside dans l'insuffisance de la conscience et de l'initiative des dirigeants révolutionnaires. » Cette contradiction est ce que nous devons résoudre, ô jeunesse révolutionnaire, afin d’offrir à notre peuple ce qu’il attend de notre génération, et d’atteindre le but pour lequel nos ancêtres se sont battus : réaliser et construire un avenir prospère pour les générations à venir. Un avenir fait de socialisme et de liberté.

« Nous, la Ligue d'Action Communiste, la section marocaine de la TMI, travaillons à la construction de ce parti révolutionnaire. Si vous êtes d’accord avec nos idées, rejoignez-nous dans cette lutte pour la révolution socialiste dans notre pays, dans notre région et dans le monde ! »

Rejoignez la section marocaine de la TMI pour accomplir cette grande tâche historique : la construction du parti qui empêchera les luttes du peuple marocain de s’épuiser en vain et le conduira à l'élimination de l'exploitation et de la dictature, pour bâtir le Maroc du socialisme et de la liberté.


[1] Le mouvement pourrait toutefois connaître un développement surprenant, par exemple, suite à un accident, comme la mort d'un manifestant, ou suite au déclenchement d'un mouvement similaire dans une autre région du Maroc pour telle ou telle raison, ou suite à d'autres événements qui pourraient déclencher une nouvelle forme d'avancement. Le régime travaille dur à éviter toutes ces possibilités.

Le régime marocain réprime durement le Rif en révolte. Vendredi 26 mai, les croyants de la mosquée d’Al-Hoceïma ont été surpris et offensés en entendant les sermons des chefs religieux.

Ces fonctionnaires corrompus, représentants de l’Etat et pas de Dieu, ont fait un usage extrêmement politique du prêche du vendredi pour lancer une attaque contre le mouvement Hirak et son dirigeant charismatique Nasser Zefzafi, en l’accusant d’organiser la Fitna (discorde) dans le pays. De nombreuses personnes ont quitté immédiatement les lieux religieux pour exprimer leur colère et aller manifester.

Zefzafi lui-même a ensuite tenu un discours pour défendre le Hirak, qui proteste sans relâche depuis six mois contre la marginalisation du Rif, contre la répression policière et militaire, et contre les attaques subies par ceux qui portent ces demandes justes et populaires. L’an dernier déjà, la mort brutale d'un vendeur de poisson avait provoqué un mouvement de masse dans toute la région montagneuse du Rif et dans les principales villes du Royaume. Les manifestants revendiquent des emplois, des hôpitaux, des infrastructures, une université, la fin de la militarisation de la région (en place depuis 1959) ainsi que la fin de la corruption endémique, et la garantie de la liberté politique.

Usage politique de la religion

L’indignation spontanée dans la ville a déclenché l’intervention des forces de police et le lancement d’une campagne médiatique au vitriol par les médias à la solde du régime, contre le dirigeant du mouvement d’opposition. Le ministère des Affaires religieuses (sous contrôle direct du Roi, le chef des croyants, supposé être un descendant direct du Prophète) a publié une déclaration dénonçant une « attaque contre les lieux sacrés » et a condamné Zefzafi. Pour la politique marocaine dictatoriale, défier le monopole du roi dans les affaires religieuses (en réalité des affaires politiques), c’est franchir une ligne rouge. L’opposition de Zefzafi n’est ainsi pas tant religieuse que politique : il a contesté l’autorité du monarque absolu, ce qui ne saurait être toléré.

En un temps record, tous les corps de l’Etat ont réagi de manière concertée pour resserrer le filet autour d’Al Hoceïma. Un mandat d’arrêt contre Zefzafi a été publié et vingt dirigeants ont été immédiatement arrêtés. Zefzafi a d’abord échappé à cette arrestation et a tenu un discours du toit de sa maison. Il s’est ensuite caché, avant que la police ne l’arrête le lundi 29 mai. Une véritable mise en scène de la police face aux caméras se chargeait de donner de lui l’image d’un terroriste arrêté ou d’un leader humilié.

La jeunesse d’Al Hoceïma a réagi avec audace par des manifestations et des actes de résistance aux forces de police et à l’armée, dans différentes villes de la région. Une grève générale a paralysé Al Hoceïma. Le 31 mai, la plus grande manifestation a eu lieu, avec de formidables preuves de courage, de solidarité et de discipline. Le régime espérait décapiter le mouvement en arrêtant ses dirigeants, mais au contraire, la population s’organise maintenant comme jamais auparavant. Les jeunes filles et les femmes prennent notamment un rôle de plus en plus important.

Le régime ne sait plus comment freiner ce mouvement

La provocation tentée par le régime est un acte de désespoir. Il y a six mois, il espérait qu’avec quelques démonstrations d’empathie dans les médias, le licenciement de hauts fonctionnaires, et les promesses habituelles d’investissements, le mouvement décélérerait. Cela n’a pas eu lieu.

En réalité, le régime ne sait plus comment gérer les manifestations. Pendant des mois, il a essayé de faire passer les participants au mouvement du Rif pour des racistes et des séparatistes, en espérant pouvoir les isoler et les démoraliser. Le gouvernement a essayé de corrompre des dirigeants et d’en coopter de nouveaux dans l’appareil d’Etat local. Puis, il y a une douzaine de jours, le gouvernement central a envoyé sept ministres dans la ville d’Al Hoceïma, avec un panier rempli de … promesses.  Mais le peuple ne se nourrit pas de promesses ; particulièrement quand les fausses promesses n’ont pas été digérées. La population a réagi avec mépris et totale indifférence à ce spectacle hypocrite. En parallèle, les différents bras armés de l’Etat ont commencé à placer leurs pions. Une confrontation se préparait, dont l’apogée a eu lieu vendredi 26. Comme un boomerang, la situation semble s’être totalement retournée contre le régime.

Tout d’abord, la population de la ville est plus méfiante que jamais. Le régime s’attaque à une population qui a une fière tradition de lutte anti-coloniale (la guerre du Rif contre la France et l’Espagne de 1921 à 1926) et de soulèvements politiques (la guerre de 1958-1959). Elle n’a plus peur. Bien au contraire, la peur a changé de camp. De plus petites villes de la région sont en train de rejoindre le mouvement. Les femmes qui avaient joué un rôle secondaire prennent le devant. De plus grandes villes comme Nador ne sont pas encore aussi impliquées qu’Al Hoceïma ; mais si Nador se rallie, comme le contrôle policier y est moins présent et rendu plus difficile (la ville est trois fois plus grande qu’Al Hoceïma), le régime deviendra vraiment nerveux.

Le Rif n’est pas seul

Des actions de protestations ont également été organisées dans d’autres grandes villes dont Rabat (capitale politique), Casablanca (capitale économique), Nador, Oujda, Tétouan, Tanger, Kenitra, Fez, Ain Taoujdate, El Kelaâ des Sraghna, Agadir, et Tiznit. Du Nord vert et montagneux, jusqu’au Sud torride et sableux, c’est tout le Maroc qui se soulève.

Le dimanche 11 juin, une manifestation nationale aura lieu à Casablanca. Dans certaines villes, le régime a payé des bandits et des marginaux pour mettre en place des contre-manifestations et provoquer des incidents. Mais ces faits sont restés très minoritaires face au caractère massif du mouvement. Là où les protestations sont plus petites, la police essaye d’utiliser la violence pour intimider les militants et freiner la naissance d’un mouvement de masse.

Il faut noter que la classe moyenne prend ses distances du régime et rejoint le mouvement de protestation. Un millier d’avocats ont annoncé publiquement qu’ils prendraient volontairement et gratuitement en charge la défense des militants arrêtés. Ceci montre une véritable défiance envers la justice. Le sort des prisonniers est très important ; les premiers rapports indiquent qu’ils sont torturés et maltraités. Certains sont forcés de crier « longue vie au Roi ! » et battus s’ils ne s’exécutent pas. Mais ils refusent et crient plutôt « longue vie au peuple ! ». Un régime qui oblige sa jeunesse à crier « longue vie au Roi ! » est un régime condamné.

Dans le passé, l’emprisonnement des militants tendait à faire échouer les mouvements. Les demandes initiales étaient alors oubliées. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Toutes les causes du malaise social et politique du pays convergent.

Un militant a ainsi déclaré sur Media24 : « A Casablanca, où j’habite, j’entends des gens qui bouillonnent de colère, dans les taxis et les cafés, mais aussi dans les classes moyennes, qui ont du mal à rembourser leurs crédits […] Les Rifains sont les premiers à réagir, mais aujourd’hui, je suis presque certain que s’il n’y a pas de travail, nous verrons de nouveaux Zefzafi émerger dans tous les quartiers avec un taux de chômage élevé. Et Nasser risque de passer pour le plus doux d’entre eux […] Chaque année, 300 000 jeunes rentrent sur le marché du travail, mais seulement 30 000 postes sont ouverts. Ce qui veut dire qu’il y a 270 000 jeunes chômeurs de plus chaque année. Imaginez ce que cela représentera dans dix ans. »

La jeunesse héroïque et tenace du Rif est devenue une référence pour tous les opprimés et pour toutes leurs revendications. De nombreuses régions du pays font face à une exclusion similaire. Il devient de plus en plus évident qu’il est possible de s’unir. C’est quelque chose que le régime cherche à éviter, mais qui prend forme devant nos yeux.

Il faut une organisation démocratique et un programme révolutionnaire

Le mouvement doit dépasser la spontanéité et commencer à s’organiser rigoureusement. Nasser Zefzafi est un dirigeant courageux et sincère, personne n’en doute. Mais plus un mouvement grandit, moins un dirigeant ou un groupe de dirigeants suffisent à organiser, former et guider politiquement. Les avancées du mouvement ne peuvent dépendre des décisions, opinions ou état d’esprit d’une seule personne. Une structure plus démocratique et plus large est nécessaire, basée sur des assemblées publiques dans les écoles, les universités, les lieux de travail, et les quartiers.

Dans une dictature, chaque petite revendication revêt un caractère politique et vient défier les privilèges établis de la classe dirigeante. Les justes revendications du Hirak et de la myriade d’autres mouvements de protestation doivent donc être liées à l’exigence de la pleine liberté politique et de la fin de la dictature.

Les provocations qui ont eu lieu dans les mosquées soulignent également le besoin de séparation de la religion et de l’Etat. La dictature utilise cyniquement les croyances religieuses du peuple pour perpétuer son pouvoir et ses privilèges. La religion doit devenir une affaire personnelle et ne pas pouvoir être utilisée pour des raisons politiques. C’est une part importante de la lutte contre l’oppression.

Il est correct de mettre en avant toutes les revendications contre l’exclusion sociale et économique du Rif, et contre la militarisation de la région. Mais nous pensons que le programme devrait également parler à TOUS les opprimés et exploités à travers le Maroc. Il ne peut pas y avoir de fin à l’oppression du Rif sans une fin à l’oppression de l’ensemble de la jeunesse et des travailleurs du Maroc. Sur une base unifiée, le mouvement peut renverser la dictature.

Dans les limites du capitalisme, il ne peut y avoir de réelle liberté, de justice, de fin à l’oppression, à la pauvreté ou à l’exploitation, ou de fin à la guerre et aux maladies. Les vastes ressources naturelles et humaines du pays peuvent être utilisées pour transformer radicalement la vie de millions d’habitants. Ce changement peut avoir lieu au cours de notre existence. Il faut pour cela une révolution, une révolution socialiste, qui expropriera les riches et les corrompus, reprendra le pouvoir aux riches, aux rois fainéants et aux princes parasites, et qui établira un plan de production démocratique pour répondre aux besoins de la population.

Pour véritablement obtenir tout ce que nous demandons, nous avons besoin de cette révolution socialiste aussi vite que possible. Rejoignez la Tendance Marxiste Internationale au Maroc et aidez-nous à construire un mouvement pour y arriver !

Les masses ripostent avec colère contre le régime du roi Mohammed VI

Outrés, des dizaines de milliers de Marocains sont descendus dans les rues le weekend dernier, après qu’un vendeur de poisson ait trouvé la mort, broyé par un camion poubelle alors qu’il tentait de récupérer sa marchandise confisquée par la police locale. Les poissons de Mouhcine Fikri avaient été confisqués ce vendredi, les autorités locales voulant faire respecter une interdiction saisonnière de vente de l’espadon. Des témoins de l’incident déclarent que la police aurait délibérément activé le système de compression du camion poubelle, alors que Mouhcine Fikri avait sauté dedans, pour récupérer ses poissons.

Des images du corps broyé, gisant dans le camion, ont été postées sur les réseaux sociaux et ont déclenché une vague de réactions indignées. Sur le Net, deux Hashtags en arabe, #طحن_مو  (« broyez-le ») et #كلنا_محسن_فكر (« Nous sommes tous Mouhcine Kikri »), sont devenus viraux. Au cœur de cette colère se trouve la « Hogra », terme arabe désignant les sentiments d’abus et d’injustice causés par l’État. C’est un ressentiment puissant alimenté par l’expérience quotidienne vécue par de nombreux pauvres. Voilà la réalité du mépris, de l’exploitation et de l’oppression infligés par les patrons, les propriétaires terriens, les officiels locaux et régionaux, les directeurs d’écoles, les responsables religieux, la police, les politiciens et les hommes et femmes du roi. En d’autres mots : par le régime lui-même. Ce sentiment est renforcé par un fort taux de chômage, des salaires bas et des prix élevés. De nombreuses personnes se reconnaissent dans le destin de ce vendeur de poisson. Comme un manifestant l’a déclaré : « Ici, tout le monde se sent broyé par ce camion poubelle ». Cette machine est devenue une métaphore du système oppresseur et exploiteur. Un des slogans entendus lors de ces démonstrations affirmait que « Mohcine a été assassiné, Makhzen est responsable ». Le Makhzen est le terme utilisé pour décrire les institutions royales d’État, la monarchie absolue contrôlant la société et les richesses du Maroc. Le peuple comprend bien que le comportement des policiers locaux est intimement lié à l’appareil d’État et au système économique.

 

 

Les activistes des réseaux sociaux et les manifestants ne croient pas à la théorie officielle du suicide ou de la mort accidentelle de Mouhcine Fikri. Ils sont convaincus que la police l’a délibérément assassiné et ils demandent à ce qu’elle soit punie. Bien entendu, les autorités policières rejettent ces accusations.

Ces démonstrations de masses n’ont pas eu lieu que dans la ville d’Al Hoceïma, dans le Nord, mais également à Casablanca, Rabat et bien d’autres encore. Elles ont été largement spontanées, mais les militants de l’ancien mouvement du 20-Février ont participé à leur organisation. Ces manifestations sont probablement les plus importantes qu’ait connues le royaume depuis la vague de protestations qui avait suivi le Printemps arabe, en 2011. Dans la région septentrionale du Rif, les manifestations ont pris un tour quasiment insurrectionnel, et un appel à la grève générale y a été lancé le 31 octobre. Cette zone a toujours été, historiquement, un foyer de révoltes et de dissidence. La guerre du Rif du début des années 1920, menée par le légendaire Abdelkrim contre le pouvoir colonial espagnol et français, était la première révolte anti-impérialiste de masse de l’histoire. Son esprit est toujours vivant. Mais la victoire contre l’oppression de l’État marocain ne pourra être obtenue qu’à travers un combat commun avec la classe ouvrière et la jeunesse de tout le pays. Le séparatisme mis en avant par certaines forces politiques du Rif ne pourra qu’affaiblir le mouvement révolutionnaire contre le régime.

La mort de Mohcine Fikri et l’indignation massive qu’elle a suscitée à travers tout le Maroc est une réminiscence de l’auto-immolation en Tunisie de Mohamed Bouazizi, vendeur pauvre également, en décembre 2010. Cet évènement tragique avait été l’étincelle à l’origine de la Révolution arabe. Ce n’est pas le premier « incident » de ce type cette année au Maroc. Des dizaines de gens souffrant du traitement brutal et humiliant offert par les autorités ont mis fin à leurs jours devant des bâtiments officiels ou sur des places de marché. Cette vague de protestations massives d’indignation n’est pas une surprise. Toutes les conditions sociales et politiques de cet embrasement étaient déjà réunies et n’attendaient qu’un incident, une étincelle qui mettrait le feu aux poudres. La situation ne s’est améliorée nulle part au Moyen-Orient, depuis le début de la Révolution arabe. À elle seule, la Tunisie a connu deux émeutes massives en réponse à des politiques d’austérité brutales. L’Égypte est au bord d’une nouvelle explosion sociale alors qu’elle s’enfonce toujours plus dans la spirale de la récession, des attaques contre le niveau de vie et de la répression. Les jours du nouveau pharaon, Abdel Fattah al-Sissi, sont comptés. S’ils veulent réussir, les nouveaux mouvements ne peuvent se limiter à changer un président ou un roi par un autre. Ils doivent s’attacher à déraciner le vieil appareil d’État et le système capitaliste, et les remplacer par un État ouvrier démocratique et une économie planifiée.

Les autorités vivent dans la peur d’une répétition des évènements houleux de la Révolution arabe. Le régime marocain avait survécu à la tempête de la révolution grâce à une combinaison de concessions matérielles, de réformes cosmétiques et de corruptions des dirigeants syndicaux et du mouvement de protestation. Cela donnait une impression de stabilité sous « l’orientation sage et progressiste » du roi et nourrissait l’idée d’une « exception marocaine » au Moyen-Orient. Ils pensaient avoir apprivoisé les masses. Les marxistes marocains ont toujours affirmé le contraire. Ces derniers jours ont confirmé nos analyses en opposition à tout le défaitisme et la démoralisation des tendances de gauche du pays.

Le roi, Mohammed VI, envoie maintenant ses représentants visiter la famille de la victime et offrir ses royales condoléances. Il a également promis une enquête, tout comme les ministres de l’Intérieur et de la Justice. Ce n’est pas la première fois que les autorités promettent des « investigations approfondies et transparentes ». Mais elles n’ont jamais mené à rien. L’État est menteur. Tous les officiels tentent désespérément de renvoyer l’image de personnalités et d’institutions préoccupées par ces questions. En faisant cela, le régime déclenche le mécanisme conçu pour le protéger d’un questionnement plus approfondi. Si nécessaire, des officiers de police seront sacrifiés pour tenter de calmer les masses en colère. Pour faire dérailler le mouvement, le régime tentera de s’appuyer sur les dirigeants des partis discrédités, sur la gauche réformiste comme sur les islamistes d’Al Adl Wal Ihssane. Mais rien de fondamental ne changera. Cela ne fera que renforcer l’évidence de la nécessité d’un vrai parti révolutionnaire capable de mener à bien la seule révolution en mesure de satisfaire les demandes des masses : une révolution socialiste. Une nouvelle étape de la révolution marocaine vient de s’ouvrir. Les masses marocaines rejouent la scène des évènements de 2011, quand « le peuple réclamait la fin du régime ».

Pour la fin de ce régime assassin et oppresseur !
Pour la fin du capitalisme !
Longue vie à la révolution socialiste au Maroc et dans toute la région !
Rejoignez la section marocaine de la TMI !

Article paru le 13 janvier 2016 sur In Defence of Marxism.


Le jeudi 7 janvier 2016 sera pour les Marocains le « Jeudi Noir ». Depuis plusieurs semaines, les professeurs stagiaires manifestaient pacifiquement pour protester contre deux décrets gouvernementaux. Ceux-ci mettaient fin au recrutement automatique des stagiaires ayant achevé leur formation et accompli une année d'internat. Ils devront maintenant chercher un emploi sur le marché privé, ce qui revient à mettre l'éducation publique au service du secteur privé. 20 000 professeurs stagiaires ont donc manifesté jeudi dernier à Casablanca, Tanger, Marrakech, Fès, Oujda et Inezgane. Ils ont été accueillis par des barrages de policiers armés de matraques. Dans la seule ville d'Inezgane, 100 étudiants ont été blessés (dont 37 dans un état critique). Les chiffres sont de la même ampleur dans toutes les autres villes du pays.

Le ministère de l’Intérieur a bien sûr sa propre version des événements. Les représentants du bras armé de l’État prétendent qu'ils ont été attaqués par des étudiants « agressifs ». Ils expliquent qu'il n'y aurait que quelques blessures légères et de faux évanouissements (!). Ajoutant l'insulte au mépris, le ministère explique en outre que la plupart de ces blessures auraient été faites, non par les coups de la police, mais par des cailloux lancés par les étudiants eux-mêmes. Cette répression a causé beaucoup d'agitation dans ce pays que la « communauté internationale » décrit comme une exception dans un Moyen-Orient tumultueux, grâce à la direction éclairée du roi Mohamed VI. C’est complètement faux, comme le démontrent les événements du « Jeudi noir ».

Les camarades de la TMI au Maroc participent à ce mouvement. Nous demandons à nos lecteurs et à nos sympathisants d'exprimer leur solidarité dans la lutte contre la répression des professeurs stagiaires. Vous pouvez le faire aussi par des photos montrant des étudiants, des enseignants, des syndicalistes exprimant leur solidarité et en les postant sur les réseaux sociaux.

Envoyez vos messages de solidarité et vos photos à : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. et à Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Merci de publier aussi vos photos sur la page Facebook de Marxy.com.

Plus d'images et de photos ici et .


Depuis mercredi 10 octobre, presque 300 mineurs (de la mine de Bou-Azzer - Ouarzazate) ont entamé une grève de 48 heures avec l’occupation de la mine (voir article dans la presse locale – en arabe). Ils sont tous membres de la section « Energie et Mine », du syndicat CDT à Taznakhte et Agdze. La mine est la propriété de l’ONA, un groupe d’entreprises tentaculaires du roi Mohammed VI.

La réaction des travailleurs est le résultat de l’échec à parvenir à un accord avec la direction sur le travail le week-end, les congés payés, les jours de fermeture arbitraire, les droits à la retraite, etc. L’accord précédent avec la compagnie n’a pas été suivi par des actions concrètes de la part de la direction qui a ignoré les décisions prises.

Dans le même temps, cinq travailleurs ont commencé un sit-in devant les bâtiments de l’entreprise pour réclamer leur réintégration après avoir été arbitrairement licenciés. L’organisation de droits de l’homme AMDH précise que les patrons utilisent « des méthodes terroristes contre les travailleurs » en envoyant des explosifs au fond de la mine contre les mineurs en grève. « Cette action vise à intimider les travailleurs à quitter la mine et à arrêter leurs actions ». Le personnel administratif a été utilisé pour provoquer d’autres incidents violents (frapper les travailleurs, les insulter et d’autres violences verbales). Mais les travailleurs sont restés calmes et n’ont pas répondu à ces provocations. À 9h30 du matin, la Gendarmerie a encerclé la mine et a arrêté 4 des 5 travailleurs licenciés qui faisaient un sit-in devant les bâtiments. Ils sont toujours en détention. Le commandant a menacé d’intervenir à l’intérieur de la mine contre les grévistes, s’ils n’arrêtaient pas l’occupation de la mine.

Les mineurs et leur syndicat ont besoin de votre solidarité de toute urgence.Retour ligne automatique
Merci d’envoyer vos messages de protestation au Ministère de l’Energie et des Mines :Retour ligne manuel
http://www.mem.gov.ma/contact.htmRetour ligne manuel
ainsi qu’à la direction du groupe :Retour ligne manuel
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Vous pouvez laisser un message de solidarité sur le site Facebook du syndicat CDT :Retour ligne manuel
http://www.facebook.com/groups/205787546208828/

Ou bien par fax :Retour ligne manuel
Numéro de fax de l’union locale du syndicat CDT : +0524887142Retour ligne manuel
Numéro de fax du bureau exécutif du syndicat CDT : +0522994473

A la demande de l’Association de Défense des Droits de l’Homme au Maroc (ASDHOM), nous relayons la Campagne de parrainage des prisonniers politiques au Maroc qui vient d’être lancée samedi 17 novembre.


Campagne de parrainage des prisonniers politiques au Maroc

Parrainer un(e) détenu(e) politique, c’est l’aider à retrouver sa liberté
Campagne parrainée par l’écrivain Gilles Perrault

« Dans le combat pour un Maroc démocratique et équitable, les détenus politiques, hommes et femmes, sont en première ligne. Ils subissent de plein fouet la répression, l’injustice, les mille et une techniques utilisées pour briser leur volonté de lutte. Leurs familles, plongées dans l’angoisse, sont prises en otages par le régime. La prison est le lieu de toutes les souffrances, mais c’est aussi l’enclume sur laquelle se forge le Maroc de demain.
Parrainer un ou une prisonnière politique représente un geste de solidarité élémentaire auquel nul ne doit se dérober. C’est briser la solitude que peut ressentir celui ou celle qu’on parraine. C’est réconforter les familles. C’est aussi et surtout démontrer au pouvoir que ses victimes ne sont pas à sa merci, ignorées du monde extérieur, livrées à sa vindicte. 
Je vous remercie, chers amis, de me faire l’honneur de m’associer à cette campagne. Vous en avez déjà mené de semblables, et avec succès. De celle-ci aussi, j’en suis sûr, nous allons faire un succès.
 » Gilles Perrault

A l’occasion de la quinzième édition de la Semaine de la Solidarité Internationale (SSI), l’ASDHOM a organisé sa soirée de solidarité samedi 17 novembre 2012. Cette année, l’ASDHOM a choisi de dédier sa soirée au combat mené par les détenus politiques et leurs familles au Maroc.

Nous avons par le passé, et dans le cadre du soutien aux prisonniers politiques au Maroc, opté pour le parrainage. Cette opération, portée par des parrains et des marraines, a créé un élan de solidarité en France et ailleurs. On a pu mesurer son impact positif sur le moral des détenus politiques et leurs familles qui se sont sentis soutenus dans leurs luttes.

La détention politique reste une des caractéristiques de l’Etat de non droit qui prévaut au Maroc. Desserrer l’étau sur les détenus politiques et d’opinion est le devoir de tout démocrate et défenseur des droits de l’Homme.

L’ASDHOM a décidé donc de renouveler l’expérience et lance, à l’occasion de cette semaine de solidarité internationale, la campagne « Parrainer un(e) détenu(e) politique, c’est l’aider à retrouver sa liberté ».

Le samedi 17 novembre 2012 a donné le coup d’envoi de cette campagne. Elle est parrainée par l’écrivain Gilles Perrault, auteur du best-seller « Notre ami le roi ».

Si, comme Gilles Perrault, le combat des droits de l’Homme au Maroc vous interpelle ; si l’injustice et le déni de droit au Maroc vous indignent et si vous voulez parrainer à votre tour un(e) détenu(e) d’opinion, nous vous invitons à participer à cette campagne de solidarité.

L’ASDHOM met à votre disposition tous les documents nécessaires pour cette démarche citoyenne. Vous trouverez ci-dessous la démarche à suivre pour concrétiser votre acte de solidarité.

Nous comptons sur votre soutien. Les détenus de la liberté, de la dignité et de l’Etat de droit au Maroc le réclament bien et nous devons être au rendez-vous.

Parmi les listes des prisonniers politiques et syndicaux que l’ASDHOM vous joint dans ce dossier spécial parrainage, vous pouvez choisir un nom ou plus.

A chaque nom correspond une fiche d’identité complète, dans la mesure du possible, comportant surtout les adresses auxquelles vous pouvez envoyer vos courriers.

Parrainer un prisonnier politique, c’est d’abord lui écrire ; écrire pour le libérer. Ecrire pour briser le silence et l’isolement dans lesquels veulent l’enfermer ses geôliers.

Il est évident que tous les courriers ne parviennent pas toujours à leurs destinataires en prison. C’est une autre forme de privation de droit à la correspondance que pratiquent les autorités pénitentiaires marocaines. C’est pour cela que nous vous suggérons de joindre une copie à la famille du détenu politique quand vous disposez de son adresse. Vous pouvez aussi interpeller directement les autorités marocaines à travers le ministère de la Justice, de l’Intérieur ou l’ambassade du Maroc à Paris en mettant le Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH) en copie.

N’oubliez pas de joindre une copie à l’ASDHOM pour diffuser autour de cette opération.

Une rubrique spéciale parrainage sera dédiée à cette campagne sur le site de l’ASDHOMwww.asdhom.org

Plus nombreux nous serons à parrainer les détenus politiques au Maroc, plus ils se sentiront soutenus dans leur lutte pour un autre Maroc, un Maroc des libertés et des droits de l’Homme. Plus les autorités marocaines seront interpellées par la communauté internationale, plus elles réfléchiront à deux fois avant d’emprisonner quelqu’un pour ses opinions.

Dans cette campagne de parrainage, il n’y a qu’un seul engagement à prendre : celui d’écrire et entretenir une correspondance avec la ou le détenu politique et sa famille.

Il n’y a aucun engagement financier pour accompagner cette opération.
Les parrains et les marraines seront libres de choisir, après, la forme qu’ils souhaiteront donner à cette action de parrainage. L’ASDHOM ne jouera qu’un rôle d’interface entre le parrain et la marraine d’un côté et la ou le parrainé de l’autre. Les parrains et les marraines peuvent également passer par l’ASDHOM pour faire passer un message ou un soutien à leurs parrainés.

Tous les messages de soutien seront envoyés à leurs destinataires et publiés sur notre rubrique spéciale parrainage. Cette rubrique restera ouverte à tous vos témoignages sur cette campagne de parrainage.


Adresses pour la campagne de parrainage

Adresse de la prison où se trouve actuellement le (la) parrainé(e) : Voir sa fiche

Ambassade du Maroc en France
5, rue le Tasse 75016 Paris
Tél : 00 33 1 45 20 69 35
Fax : 00 33 1 45 20 22 58
Courriel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Ministère de la Justice au Maroc
Place El Mamounia Rabat Maroc
Tél : 00 212 5 37 21 84 29
Courriel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Ministère de l’Intérieur au Maroc
Quartier administratif-Rabat Maroc
Tél : 00 212 537 76 42 43/76 44 43
Fax:00 212 537 76 20 56

Conseil National des Droits de l’Homme CNDH 
Place Achouhada- BP 1341
10 001 - Rabat - Maroc
Tel : +212 537 72 22 07
Fax : +212 537 72 68 56
E-mail : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Copie à l’ASDHOM
79, rue des Suisses 92000 Nanterre
Courriel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
Site : www.asdhom.org


ENGAGEMENT DE PARRAINAGE

Je soussigné, M. Mme ………………………………………, domicilié(e) .........……………....................…………………….., m’engage dans le cadre de la campagne de parrainage lancée par l’ASDHOM à parrainer le (la) détenu(e) politique : ……………………………………………………….

J’entame une correspondance avec……………………………………., avec sa famille et j’interpelle les autorités marocaines pour réclamer sa libération.

Je tiens l’ASDHOM informée de mes différentes correspondances.

Fait à …………………………, le ………………………….

Nom et prénom :

Signature :

PS : Engagement à renseigner et à retourner à l’ASDHOM


Listes des prisonniers politiques et leurs groupes

I - Groupe UNEM
Prison Fès 
1-Abdelwahab Ramadi, 2-Abdennabi Chaoul, 3-Mohamed Aït Raïss, 4-Mohamed Salah, 5-Tarik Bourass
Prison Taza 
1-Tarik Hommani

II - Groupe Sahraouis
Prison Aït Melloul
1-Yahya Mohamed El Hafed, 2-Cheikh Amaïdan, 3-Marir Sid Ahmed, 4-Sahel Rtaimi, 5-Isa Bouda, 6-Elhait Mahfoud, 7-Mohamed Ali Elbasraoui
Prison Benslimane
1-Abdellah Hassan
Prison Dakhla
1-Souilem Ould Chibani Ould Najem, 2-Mohamed Salem Argueibi, 3-Ladour Ould Haya, 4-Mohamed Ould Doua Ould Kmach, 5-Lafdal Ould M’Barek
Prison Rabat
1-Brahim Chiayah, 2-Moussad Sleima, 3-Aâbilil Saïd, 4-Lhabib Mansouri, 5-Ahmed Ayoub, 6-Barrak Mohamed
Prison Salé 2
1-Enaâma Asfari, 2-Ahmed Sbaï, 3- Cheikh Banga, 4-Khadda El Bachir, 5-Mohamed Tahlil, 6-Hassan Dah, 7-Mohamed Lamine Haddi, 8-Abdallah Lakhfaouni, 9-Abdallah Toubali, 10-Elhoucine Ezzaoui, 11-Deich Eddaf, 12-Abderrahmane Zayou, 13-Mohamed Bourial, 14-Abdeljalil Laâroussi, 15-Mohamed Elbachir Boutinguiza, 16-Taki Elmachdoufi, 17-Mohamed El Ayoubi, 18-Sidi Abdallah Abman, 19-Brahim Ismaïli, 20-Mohamed Mbarek Lefkir, 21-Babait Mohamed Khouna, 22-Sid Ahmed Lamjayed, 23-Mohamed Bani, 24-El Bakai Laarabi
Prison Kenitra
1-Saleh Amidan
Prison Laâyoune
1-Moustafa Boudani, 2-Mohamed N’Dour, 3-Ghali Bouhela, 4-Mahjoub Ouald Cheikh, 5-Kamel Trayeh, 6-Mohamed Manolo, 7-Abdelaziz Barraï, 8-Anouar Lhamad, 9-Saleh Sgayer, 10-Hammada jaffar, 11-Omar Mayoub, 12-Lamar Bousseif, 13-El Ouali Ahssana, 14-Atiq Barray, 15-Cherif Nassiri
Prison Taroudant
1-Salek Laasari, 2-Khalad Hassan
Prison Tiznit
1-Bouamoud Moulay Saïd, 2-El Mayoub Aillal, 3-Lahman Salama, 4-Brahim Khalil Mghiemma

III - Groupe Ouarzazate
Prison Ouarzazate
1-Hicham Amermach, 2-Abdelaziz Al Azhari, 3-Mohamed Chakir, 4-Mohamed Moujane, 5-Abderrahmane Achlhi, 6-Saïd Aït Saleh, 7-Abdelaziz Amkraz, 8-Mbarek Amazigh, 9-Abderrahmane Maâsoudi, 10-Youssef Ouidar, 11-Saïd Aït Caïd, 12-Lahcen Akhraz, 13-Hassan Naciri, 14-Mohamed Sakhi, 15-Ibrahim Madi, 16-Amina Morad, 17-Smaini Ben Nacer

IV - Groupe Imider-Mineurs
Prison ???
1-Mustapha Ouchtoubane, 2- ??????, 3- ??????, 4- ??????, 5- ??????, 6- ??????

V- Groupe Chlihat
Prison ????
1-Mohamed Zbati, 2-Abderrahim Achtir, 3-Abdessalam Hambouch, 4-Nourredine El Kaou Ben Jelloun, 5-Tarek Daoui

VI - Groupe Agadir
Prison ???
1- Youssef Houdi, 2- Hassan Nafaâ, 3- Hassan Akram, 4- Latifa Saber

VII - Groupe 20 février
Prison El Hoceima
1-Adil Taïbi, 2-Abdellah Affelah, 3-Abdelmajid Bouscout, 4-Abdeljalil Bouscout, 5-El Bachir Benchaïb, 6-Mohamed Jelloul, 7-Ahmed Badri, 8-Belhaj Hassan Ben Mohamed, 9-Saïd Agrouj Ben Mohamed, 10-Nasser Hasnaoui, 11-Najim Karchouhi, 12-Najim Souhou, 13-Ahmed Baâli, 14-Mohamed Ahbad, 15-Mohamed Bouziane, 16-Abdelhalim Taliï, 17-Abdelhalim Bakkali, 18-Mustapha Bouhani
Prison Oukacha Casablanca
1-Mouad Belghouat alias Lhaqed, 2-Younes Belkhadim, 3-Hassan Hainoussi, 4-Abderrahman Al Assal, 5-Samir Bradly, 6-Tarek Rochdi, 7-Youssef Oubla
Prison Tiznit (Ifni)
1-Abdellah El Hihi, 2-Zine El Abidine Erradi, 3-Youssef Rguini, 4-Mohamed Hamouda, 5-Hassan Boughaba, 6-Abdelmoula Hallab, 7-Hassan Boulahdir, 8-Akaida, 9-Brahim Bara, 10-Hassan Agherbi, 11-Amazzouz
Prison Tanger
1-Mohamed Sokrat, 2-Saïd Ziani


Une première lettre (modèle) que les parrains et les marraines peuvent adresser à leurs parrainé(e)s

A M. ou Mme...............
N° d’écrou.................
Prison de...................

L’Association de Défense des Droits de l’Homme au Maroc, basée en France, lance une campagne de parrainage des prisonniers politiques au Maroc, campagne parrainée par l’écrivain Gilles Perrault. Cette initiative qui s’inscrit dans le cadre de la mobilisation pour la libération des prisonniers politiques m’interpelle et m’intéresse.

Je soutiens l’ASDHOM dans cette démarche et en tant que citoyen, défenseur des droits de l’Homme, j’ai choisi de vous parrainer.
A travers cette correspondance, je vous apporte mon soutien et ma solidarité dans votre combat ainsi qu’à vos compagnons de lutte pour un Etat de droit au Maroc.

J’espère que cette correspondance vous permettra de vous sentir soutenu pour recouvrer votre liberté et retrouver votre famille.
Je m’engage à interpeller les autorités marocaines pour réclamer votre libération et à sensibiliser autour de moi pour que votre combat soit connu et soutenu.

Pour entretenir cette correspondance, je vous prie de me tenir en retour informé de vos conditions de détention et de vos combats. 
Je participe ainsi à briser les chaînes de votre emprisonnement.

Signature

Copie à : Ministère de la Justice, CNDH, Ambassade du Maroc en France

Liberté pour Mohamed Ghalout !

Depuis le 18 mai 2011, le camarade Mohamed Ghalout, un militant étudiant de la « Voix démocratique basiste » dans les rangs de l’Union nationale des étudiants marocains, est détenu dans les prisons de la dictature alors que son audition a été reportée pour la deuxième fois. Il a été arrêté sur des accusations fausses et il subit un procès politique injuste.

Le véritable « crime » que le camarade Mohamed Ghalout a commis est simplement d’appartenir au peuple avec lequel il lutte avec ses camarades de l’Union nationale des étudiants marocains. Il est très important de souligner le fait que le camarade a été soumis systématiquement à divers types de tortures barbares, y compris des sévices sexuelles. Cela fait de la lutte pour sa libération une tâche encore plus immédiate et urgente.

Travailleurs, votre solidarité est nécessaire pour obtenir sa libération. Nous exigeons sa remise en liberté et un procès contre les responsables qui oppriment les étudiants et le peuple, et qu’ils soient considérés comme des criminels contre l’humanité, à commencer par Mohammad VI lui-même, ainsi que tous ceux qui sont responsables de l’organisation des forces d’oppression.

Nous vous invitons à signer des pétitions et à organiser des manifestations devant les ambassades marocaines ou les consulats dans votre pays (voir les ambassades marocaines) ainsi que l’envoi de lettres de protestation au Premier Ministre marocain, au Ministre de l’Intérieur et au Ministre de la Justice :

Premier Ministre :
Fax : 00212537761777
E-mail : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Ministre de l’Intérieur :
Fax : 00212537761777 ou 00212537767404
E-mail : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Ministre de la Justice :
E-mail : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Nous vous demandons également d’envoyer des copies de vos lettres et des photos de vos éventuelles protestations au site Web Marxy.com (Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.), de manière à les montrer aux masses de Fez, et ainsi leur faire savoir qu’ils ne sont pas seuls dans leur lutte.

Source : Marxy.com

Cet article a été écrit fin avril.

Depuis le début de l’année, les hommes politiques et observateurs bourgeois célèbrent « l’exception marocaine ». Ils affirment que le Maroc ne connaîtra pas de scénario « à la tunisienne ». Comprenez : c’est un pays réformateur et progressiste ; tous les marocains adorent le roi ; l’économie avance – et ainsi de suite. Pourtant, il y a près de 10 % de chômeurs (officiellement). 15% de la population vit sous le seuil de pauvreté. L’analphabétisme frappe 60 % des Marocains.

Comme le rappellent nos camarades de la Ligue d’Action Communiste, section marocaine de la Tendance Marxiste Internationale, le Maroc est classé 130e (sur 182) par le Programme de Développement des Nations Unies. La Tunisie occupe la 81e place. Le chômage des jeunes Marocains, la corruption endémique, la main mise de la famille royale sur l’économie du pays : tous ces éléments n’ont rien « d’exceptionnel » et font penser à la Tunisie comme à l’Egypte ! Ainsi, le roi et sa famille sont les plus grands propriétaires de terres, mines, banques, etc. Les entreprises du « roi des pauvres » représentent 60 % des échanges de la bourse de Casablanca, le deuxième plus gros centre financier d’Afrique. L’érosion des classes moyennes accentue la polarisation de la société entre une minorité de riches et une grande majorité de pauvres.

Le 20 février dernier, des manifestations ont secoué 52 villes du pays. Le régime a répondu par une vague de répression, que les médias français couvrent d’un silence complice – et par des pseudo-concessions. Le 9 mars, Mohamed VI annonçait une réforme de la Constitution, de véritables élections démocratiques du parlement, une justice « indépendante », une meilleure séparation des pouvoirs, etc. Le tout serait élaboré par une commission nommée... par le roi ! Les manifestants ont bien compris que ces réformes de façade visaient à calmer la rue. Un nouvel appel à manifester a été lancé pour le 20 mars. Ce jour-là, 64 villes ont participé au mouvement. Selon les organisateurs, il y avait près de deux fois plus de manifestants que le mois précédant (40 000 contre 25 000).

Entre ces grandes manifestations, plusieurs petits rassemblements ont été organisés chaque semaine, à travers le pays, pour maintenir la pression. Le 24 avril, plus de 100 villes du pays avaient appelé à manifester ! Des manifestations de soutien étaient organisées à Boston, Barcelone, Montréal, Paris, Bruxelles... Les mots d’ordre des jeunes et des travailleurs marocains se radicalisent. Ils demandent la fin du régime. Sur l’une des pancartes brandies par un manifestant, on pouvait lire : « Nous luttons pour nous libérer de la servitude, pas pour obtenir des meilleurs conditions d’esclavage ». Fait notable : à Casablanca, de nombreuses discussions ont eu lieu, à la fin de la manifestation, pour savoir s’il fallait démarrer un meeting permanent sur la place centrale, à l’image de la place Tahrir en Egypte.

Le capitalisme marocain est incapable de répondre aux besoins et aspirations des masses, et aucune « réforme constitutionnelle » n’y changera rien. Comme en Tunisie et en Egypte, les revendications démocratiques – comme la convocation d’une Assemblée Constituante – doivent être prolongées par des revendications de type socialistes, à commencer par l’expropriation des immenses richesses de la famille royale. La lutte a commencé au Maroc. Un seul mot d’ordre : « révolution jusqu’à la victoire ! »