Italie

Samedi 16 septembre à Trieste, des camarades de Sinistra Classe Rivoluzione, la section italienne de la TMI, tenaient un stand dans le cadre de notre campagne « Tu es communiste ? Rejoins-nous ! » lorsqu’ils ont été soudainement attaqués par des fascistes qui ont renversé la table et frappé les camarades, avant de s’enfuir. Quelques heures auparavant, la page nationale d’une autre organisation fasciste avait publié l’image d’une affiche de notre campagne.

Cela ne nous surprend pas. Le rôle des fascistes a toujours été d’attaquer ceux qui s’organisent pour défendre les droits des travailleurs, des jeunes, des femmes et des migrants. C’est encore plus vrai aujourd’hui, alors qu’ils jouent le rôle de chiens de garde des politiques réactionnaires du gouvernement Meloni.

Il est évident que même les fascistes ont noté le succès de notre campagne « Tu es communiste ? » En moins d’une semaine, plus de 15 000 affiches et stickers ont été collés dans toute l’Italie. Depuis la rentrée, nos camarades sont intervenus dans plus de 200 lycées. Beaucoup de lycéens ont saisi cette occasion d’exprimer leur haine du capitalisme et leur volonté de lutter pour l’avènement d’une autre société. Nous recevons en permanence des demandes d’adhésion à notre organisation.

La construction d’une puissante organisation communiste est aujourd’hui plus que jamais nécessaire. C’est précisément la tâche que s’est donnée la Tendance Marxiste Internationale, pas juste à Trieste mais dans le monde entier. Le fait que les fascistes s’en inquiètent et nous attaquent ne nous rend que plus déterminés à continuer.

Nous apportons toute notre solidarité aux camarades qui ont été agressés. Nous appelons tous ceux qui le peuvent à venir participer au rassemblement antifasciste qui se tiendra jeudi à Trieste.

Contre le fascisme !

Contre le capitalisme !

Rejoignez-nous !

 

Le 26 novembre, les militants de Sinistra Classe Rivoluzione (« Gauche Classe Révolution »), la section italienne de la TMI, ont organisé un cortège sur la manifestation nationale contre les violences faites aux femmes, à Rome. Ils y ont été la cible d’une campagne de harcèlement et d’attaques verbales de la part des organisateurs de la manifestation, des militants Queer de Non una di meno (NUDM - « Pas une de moins »). Le lendemain, alors que plusieurs de nos camarades italiennes participaient à un rassemblement national de NUDM, des militants de cette organisation ont attaqué le stand de nos camarades et les ont empêchées de prendre la parole pour se défendre.

Ci-dessous, un appel public de notre section italienne.


Les rues appartiennent à tous - Pour un mouvement large et démocratique

Aux associations, aux organisations politiques et syndicales et à tous ceux qui participent à la lutte pour les droits des femmes et des LGBT

La victoire de la droite aux élections italiennes du 25 septembre et l’arrivée au pouvoir du gouvernement Meloni représentent un défi dans la lutte pour la défense des droits des femmes et des personnes LGBT.

Le programme de Fratelli d’Italia, l’élection à la présidence du parlement de Lorenzo Fontana [un homophobe ultra- réactionnaire du parti d’extrême-droite Lega], la présentation d’un projet de loi pour la « reconnaissance de l’enfant à naître comme personnalité légale », la nomination comme ministre (de la famille traditionnelle) d’Eugenia Roccella, une implacable ennemie des droits des femmes et des LGBT – ce sont là autant de signes clairs que la droite au pouvoir a déclaré une guerre ouverte sur ces questions.

Il pourrait donc sembler qu’appeler à se mobiliser pour chasser un tel gouvernement serait la chose la plus naturelle à faire pour le mouvement.

Comme membres de Sinistra Classe Rivoluzione, nous sommes descendus dans les rues de Rome, le 26 novembre, à l’occasion de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, sous une banderole marquée du slogan : « Meloni dehors ! Notre libération : révolution ! » A notre surprise, les organisateurs de la manifestation, membres de Non una di Meno (NUDM - « Pas une de moins ») ont jugé que ce slogan était « inapproprié », et leur service d’ordre a tout fait pour nous isoler de la manifestation.

Le lendemain de la manifestation, alors que nous participions à l’assemblée générale de NUDM, le stand sur lequel nous exposions notre matériel politique a été attaqué par plusieurs dizaines de militants et de dirigeants de NUDM, qui ont renversé et piétiné nos tracts, nos journaux et nos brochures. Ils ont déclaré qu’ils nous empêcheraient de nous exprimer. C’est ce qu’ils ont fait le jour même. Lorsqu’une de nos camarades a demandé à prendre la parole pour expliquer ce qui venait de se produire et pour défendre nos positions, elle a été tournée en ridicule et huée, tandis que les dirigeants de NUDM chantaient à tue-tête pour couvrir son intervention.

Lors de l’introduction de cette même assemblée, les dirigeants de NUDM ont affirmé qu’ils souhaitaient une « discussion démocratique », avant d’ajouter cependant : « nous n’accepterons pas que des gens descendent dans la rue avec du contenu qui n’a pas été distribué et discuté [par Non Una di Meno». Ils officialisaient ainsi ce qu’ils avaient déjà affirmé lors de l’attaque de notre stand : « c’est notre manifestation et c’est nous qui choisissons quels slogans peuvent y figurer ».

Ceci est présenté sous le nom de « méthode du consensus ». Mais ce soi-disant consensus est obtenu par l’intimidation, la violence et la censure. Malheureusement, ces méthodes ne sont pas nouvelles. Nous sommes parfaitement conscients que de telles méthodes ont été perpétrées contre nombre de féministes qui ne se reconnaissent pas dans les théories Queer. Quand il ne s’agit pas d’intimidation physique, leurs auteurs ont recours aux insultes et vont jusqu’à interdire de considérer que les femmes puissent être une réalité biologique.

Nous ne pouvons pas accepter que des journées de mobilisation comme celle du 25 novembre – qui se tient chaque année, depuis sept ans, suite à une vague de luttes massives à l’échelle internationale – ou encore les manifestations du 8 mars (dont la tradition remonte à plus d’un siècle) deviennent le monopole d’une seule organisation. Les manifestations de rue et les rassemblements de masse doivent rester des espaces publics dans lesquels tous doivent jouir du droit inviolable d’exprimer leurs opinions. L’idée des dirigeants de NUDM, selon laquelle les manifestations et les rassemblements seraient leur propriété, en vertu de laquelle ils pourraient décider de notre identité, est inacceptable. Et nous ne l’accepterons pas.

De même, nous ne pouvons pas accepter que soient censurés ceux qui s’opposent ouvertement au gouvernement de Meloni ! Nous sommes confrontés à la tâche urgente de construire un vaste mouvement d’opposition aux attaques que prépare ce gouvernement. Nous pensons qu’il existe un énorme potentiel pour une telle mobilisation, à condition qu’il trouve les voies par lesquelles s’exprimer. Ce n’était clairement pas le cas, le 26 novembre : la participation à la manifestation était beaucoup plus faible que les années précédentes.

Nous en appelons à toutes les femmes, aux travailleurs, à toutes les composantes du mouvement des femmes et à toutes les personnes LGBT qui s’opposent aux méthodes des dirigeants de NUDM. Nous devons nous unir contre ceux qui veulent dicter leur volonté à l’ensemble du mouvement, un mouvement qui a un potentiel bien plus important que ce à quoi nous avons assisté jusqu’à présent.

En nous inspirant des meilleures traditions du mouvement ouvrier et de tous les mouvements de luttes sociales, nous lançons cet appel avec la ferme conviction qu’il est possible de mener un débat franc, ouvert et démocratique, sans cacher nos divergences, pour trouver des points d’accord sur lesquels bâtir le mouvement.

Pour Sinistra Classe Rivoluzione :

Grazia Bellamente
Serena Capodicasa
Margherita Colella
Silvia Forcelloni
Martina Gaeta
Arianna Mancini
Chiara Mazzanti
Giada Tramparulo
Elvira Vitale

La récente victoire électorale de la coalition des droites menée par le parti Fratelli d’Italia (FdI), de Giorgia Meloni, suscite à gauche toutes sortes de réactions pessimistes et affolées. Sans minimiser le caractère réactionnaire du nouveau gouvernement italien, disons-le d’emblée : non, le fascisme n’est pas aux portes du pouvoir – et non, la société italienne n’a pas massivement « viré à droite ».

Les résultats de l’élection

Depuis les élections de 2018, le bloc des partis de droite a à peine progressé : il est passé de 12,16 à 12,30 millions de voix. La percée de FdI s’est faite au détriment de la Lega de Matteo Salvini. La Lega était sortie victorieuse du scrutin, il y a quatre ans, mais son passage au pouvoir – sur fond de crise – l’a rapidement discréditée. De son côté, Meloni a bénéficié de son statut de seule opposante au gouvernement d’« union nationale » de Mario Draghi.

Les populistes du Mouvement cinq étoiles (M5S) – autres vainqueurs de 2018 – ont perdu six de leurs dix millions d’électeurs, après avoir renié les promesses démagogiques de leur programme « anti-système ». Si le M5S demeure le premier parti dans les couches les plus pauvres de la population, le vote contestataire a largement cédé la place à l’abstention. Celle-ci a atteint le niveau record de 36 % au plan national, et approche les 50 % dans les régions les plus pauvres du Sud (Calabre, Campanie). Jusqu’aux années 1980, en Italie, plus de 90 % des électeurs se rendaient aux urnes, habituellement.

Le Parti Démocrate – qui a participé, lui aussi, au gouvernement Draghi – a perdu près de 800 000 voix. L’absence d’une alternative sérieuse et crédible, à gauche, a laissé le champ libre à la droite la plus dure, sur le plan électoral. Pourtant, selon une enquête menée par l’agence Edelman, 61 % des Italiens estimaient, fin 2019, que le capitalisme causait plus de mal que de bien, dans le monde.

Meloni au pouvoir

L’Italie n’est pas sur le point de sombrer dans le fascisme. Certes, des membres de FdI cultivent la nostalgie de l’ère mussolinienne. Mais Meloni ne dispose pas des cohortes de petits-bourgeois enragés – et armés – qui formaient la base du fascisme, au début des années 1920. En fait, le poids de cette couche sociale n’a cessé de fondre depuis un siècle. Par ailleurs, Meloni n’arrive pas au pouvoir dans le contexte d’une classe ouvrière démoralisée après deux années de révolution manquée (le Biennio Rosso de 1919-1920).

Ce qui attend l’Italie n’est pas l’établissement d’un pouvoir totalitaire (avec interdiction des partis de gauche et des syndicats), ni une politique de déportations de masse, mais une série de contre-réformes et d’attaques contre les couches les plus vulnérables de la société. Meloni a déjà annoncé la couleur : elle s’en prendra au droit du travail, aux acquis sociaux, aux immigrés et à tout ce qui contredit à sa conception médiévale de la famille.

Mais ces provocations rencontreront une résistance massive, tôt ou tard. L’automne dernier, l’attaque d’un groupuscule d’extrême droite contre le siège de la CGIL – l’équivalent de la CGT française – avait provoqué une manifestation de plusieurs centaines de milliers de personnes dans les rues de Rome. Tel est le véritable rapport de forces entre les travailleurs et la réaction. Quant à la jeunesse italienne, elle s’est politisée à travers les luttes pour l’environnement, contre le racisme, pour les droits des femmes et des LGBT. Elle n’attend qu’un signal pour renouer avec les grandes traditions militantes du mouvement lycéen et étudiant italien.

La tempête à venir

La polarisation politique et l’instabilité croissante, en Italie, ne sont pas tombées du ciel. Elles découlent de la crise mondiale du capitalisme, qui a violemment frappé cette puissance industrielle en déclin. Alors que la dette publique dépasse les 150 % du PIB, le nouveau gouvernement, qui a prêté allégeance à la Confindustria (le syndicat patronal), devra engager de nouvelles coupes budgétaires, c’est-à-dire attaquer une classe ouvrière déjà saignée à blanc par l’inflation (9 % en septembre).

Dans les décennies qui ont suivi la Deuxième Guerre mondiale, les travailleurs de ce pays ont été trahis par les dirigeants de l’ancien Parti Communiste Italien, qui était le plus puissant PC d’Europe occidentale. La classe ouvrière a subi d’innombrables attaques contre ses conditions de vie. Elle a accumulé les frustrations. Tôt ou tard, sa colère trouvera une expression offensive. Comme le montrent la révolte populaire en Iran et les grèves massives au Royaume-Uni, même les classes ouvrières qui semblent les plus passives et les plus résignées finissent par entrer dans l’arène de la lutte.

Le front électoral étant bloqué, la lutte se développera dans les entreprises et dans la rue. Cet été, à Trieste, les travailleurs de l’entreprise Wartsila ont mené une lutte courageuse contre un projet de fermeture de leur usine. Le mouvement de solidarité des travailleurs du port de Trieste a donné un aperçu de ce qui attend l’Italie. La relative popularité de Meloni sera probablement de courte durée.

Samedi dernier (9 octobre) à Rome, des centaines de fascistes ont attaqué et saccagé le siège national de la CGIL (la Confédération Générale du Travail Italienne).

Cela s’est produit pendant une manifestation contre le « passe vert » (le passe sanitaire italien), rendu obligatoire sur les lieux de travail à partir du 15 octobre. Cette mesure a déchaîné une vague de colère parmi les travailleurs (mais pas chez la majorité d’entre eux), et surtout parmi la petite-bourgeoisie et le lumpenprolétariat. Cette colère confuse a ouvert un certain espace politique pour la droite et l’extrême droite.

Les fascistes qui ont pris d’assaut le siège de la CGIL ont bénéficié d’une impunité totale de la part de la police, qui est restée l’arme au pied et les a regardés faire pendant un moment avant de finalement se décider à intervenir. La classe ouvrière a immédiatement réagi à cette provocation. Des milliers de personnes se sont rassemblés le lendemain devant les locaux de la CGIL partout en Italie, et une manifestation a été appelée pour le samedi 16 octobre à Rome. Elle promet d’être massive.

Une nouvelle phase d’intensification de la lutte des classes s’ouvre en Italie. Ci-dessous, la déclaration de nos camarades de Sinistra Classe Rivoluzione, la section italienne de la TMI, le 12 Octobre 2021 :


Les vidéos montrant les fascistes de Forza Nuova envahir le siège national de la CGIL et détruire tout ce qui se trouve à leur portée ne peuvent que susciter une profonde colère. Il s’agit d’une attaque délibérée contre le mouvement ouvrier et sa principale organisation.

Les fascistes passent leur misérable existence plongés dans une permanente hystérie raciste et homophobe. Les organisations ouvrières sont leurs principaux ennemis. Pour les fascistes, toute excuse est bonne quand il s’agit d’attaquer les travailleurs. C’est exactement ce qu’ils ont fait quand l’occasion s’est présentée samedi dernier. Celle-ci leur a été offerte par les mobilisations contre le passe sanitaire, qui est vu en Italie par beaucoup de travailleurs comme une mesure discriminatoire imposée par les patrons et par l’Etat.

La droite joue un rôle dans ces mobilisations. Sur les vidéos de l’attaque, on pouvait voir le dirigeant du mouvement anti-confinement IoApro (« J’ouvre ») parmi les assaillants du siège de la CGIL.

Nous devons apporter la réponse la plus forte, la plus ferme et la plus directe possible à cette attaque fasciste. Dimanche dernier, tous les locaux de la CGIL sont restés ouverts, et ont été occupés par des délégués syndicaux et des travailleurs. Une manifestation nationale contre le fascisme a été organisée et se tiendra le samedi 16 octobre.

Nous appelons à participer en masse à cette manifestation. Il faut faire la démonstration de la force de la classe ouvrière dans les rues. Ces organisations néo-fascistes vont pâlir de frayeur quand elles seront confrontées à toute la puissance de la classe ouvrière.

Les communiqués d’appel à la manifestation de samedi réclament la dissolution de toutes les organisations fascistes. C’est indiscutablement une mesure nécessaire, et nous y souscrivons entièrement. Néanmoins, nous ne devons nous faire aucune illusion sur la possibilité que le gouvernement de Mario Draghi et les « institutions démocratiques » ne démantèlent ces organisations – comme le croit le secrétaire général de la CGIL Maurizio Landini.

L’appareil de l’Etat ne connaît que trop bien les responsables de l’attaque de samedi et a, en fait, une longue histoire de collaboration avec l’extrême droite.

Roberto Fiore, le secrétaire national de Forza Nuova, a fui à l’étranger dans les années 1980 pour échapper à une condamnation pour appartenance à un groupe armé et n’est revenu en Italie qu’après la fin de la prescription.

Les dirigeants de Forza Nuova commettent régulièrement des attaques contre des migrants, des militants de gauche, etc. Ils continuent pourtant à agir en toute impunité – et tant pis pour la loi Mancino qui est supposée punir les crimes racistes

Giuliano Castellino, le dirigeant de Forza Nuova à Rome, avait annoncé à l’avance que le siège de la CGIL serait une des principales cibles de la manifestation de samedi. Pourtant, alors que la ville était pleine à craquer de policiers, et que les bâtiments stratégiques étaient sévèrement gardés, le siège de la CGIL a été laissé sans protection policière.

Il est évident qu’aucune confiance ne doit être accordée à l’Etat pour régler le problème du fascisme.

Nous sommes maintenant les témoins d’un chœur de déclarations de solidarité et d’antifascisme de la part de Draghi, du patron de la Confindustria (le MEDEF italien) Carlo Bonomi et même de dirigeants de partis politiques de droite.

Pour autant, ce que craignent ces messieurs-dames, ce ne sont pas les fascistes, sur lesquels ils s’appuieront pour accomplir leurs sales besognes si le besoin s’en fait sentir. Ce qu’ils craignent réellement c’est que cet acte ne provoque une réaction des masses qui ne se contenterait pas d’écraser Forza Nuova, mais pourrait ensuite devenir une menace pour eux aussi.

Toutes les mesures qui pourraient être prises contre Forza Nuova (et aucune ne l’a encore été) ne viseront qu’à contenir la colère des masses. Elles ne régleront absolument rien.

Le Parti Démocratique (PD) essaie de tirer un profit politique de la colère des masses (il a en tête les prochaines élections qui approchent) en présentant au sénat une motion pour l’interdiction des organisations fascistes. Il ne voit par contre aucun problème à participer à l’actuel gouvernement d’union nationale aux côtés de partis ouvertement racistes.

Draghi a rendu visite en personne à Landini pour montrer sa solidarité. Mais les mesures qu’il a proposées reviennent en fait à une restriction générale du droit de manifester. Il est facile d’imaginer comment elles seront très vite utilisées contre les travailleurs d’Alitalia de GKN ou d’ailleurs qui perdront leurs emplois après la levée de mesures de restriction des licenciements le 31 octobre.

Bonomi a lui aussi offert sa solidarité à la CGIL. Il leur a demandé en même temps de continuer à soutenir le « pacte de croissance » : c’est-à-dire de s’abstenir de toute mobilisation, pendant que les patrons pressurent la classe ouvrière pour en extraire jusqu’à la dernière goutte de profit.

Cette « solidarité » offerte aux syndicats est en fait un calice empoisonné que nous devons renvoyer à l’expéditeur. Nous nous rappelons que les fascistes ont entamé leur ascension en attaquant les bourses du travail, nous devons aussi nous souvenir que jamais ils n’ont été vaincus par la collaboration de classes. La seule voie pour vaincre les fascistes se trouve dans la lutte de classe.

C’était le cas pendant la Résistance, et c’était à nouveau le cas lors de la grande grève générale de Gènes en 1960.

La force des syndicats repose dans ses adhérents, et dans les travailleurs qui les voient comme un point de référence dans la lutte pour la défense de leurs droits. Faire des courbettes devant la Cofindustria et le gouvernement Draghi ne fait qu’affaiblir la CGIL.

Aujourd’hui, des millions de travailleurs ont besoin d’un syndicat qui organise une riposte contre les politiques patronales, les licenciements, l’exploitation, la mortalité au travail, et les discriminations. La meilleure réponse à l’attaque fasciste de samedi est d’enfin lancer cette contre-offensive ouvrière, en commençant par une grève générale dirigée contre les fascistes, contre la Cofindustria, et contre le gouvernement Draghi.

La section italienne de la Tendance Marxiste Internationale (TMI) a lancé une campagne intitulée : Les travailleurs ne sont pas de la chair à canon ! Cette campagne exige : 1) la suspension de toute production non essentielle, avec payement intégral des salaires ; 2) dans les entreprises et services essentiels, la mise en place de mesures de protection efficaces.

A ce jour, plus de 200 délégués et militants syndicaux, en Italie, ont signé l’appel lancé par nos camarades. De nouvelles signatures arrivent quotidiennement.

Sous la pression du grand patronat italien, le gouvernement de Giuseppe Conte a autorisé un grand nombre d’entreprises non essentielles à poursuivre leur activité. Ceci affecte des millions de salariés italiens, qui sont obligés de travailler dans la promiscuité – après avoir pris des transports publics plus ou moins bondés. Cette situation a grandement favorisé la propagation du virus dans le pays.

En réaction, de nombreuses grèves spontanées ont éclaté dans des usines, des centres d’appel et d’autres sites. Nos camarades italiens sont directement impliqués dans ces luttes. Des délégués syndicaux membres de la TMI y ont joué un rôle dirigeant.

Le 30 mars, nos camarades italiens ont organisé une réunion publique en ligne, à laquelle ont participé 250 personnes. La réunion a commencé par une intervention de Mario Iavazzi, membre de la TMI et dirigeant de la CGIL (l’équivalent de la CGT) dans le secteur de la Santé. Il a expliqué l’objectif de la campagne et la situation dramatique des travailleurs de tous les secteurs.

Tous les intervenants ont souligné le fait suivant : les directions des entreprises et des services ont systématiquement minimisé l’impact du Covid-19. Elles ont insisté pour que les salariés continuent de se rendre au travail, malgré les risques. Les intervenants ont aussi expliqué que cette situation a poussé beaucoup de travailleurs – jusqu’alors plus ou moins passifs – à comprendre la nécessité de s’organiser. Les discours des patrons sur le thème : « nous formons une grande famille, etc. », ne passent plus parmi les salariés, car il est évident que les patrons n’ont aucun égard pour leur santé.

La réunion du 30 mars a adopté un « Appel aux travailleurs du monde entier », que nous publions ci-dessous. Nous vous invitons à le signer et à le faire circuler largement autour de vous.


De travailleurs italiens aux travailleurs du monde entier

Nous sommes un groupe de militants syndicaux italiens réunis pour discuter la terrible crise qui frappe l’Italie et toute l’humanité. Nous lançons cet appel aux travailleurs du monde entier, car cette crise n’est pas un problème italien ; c’est un problème international. Le virus ne connaît pas de frontières. La crise économique non plus. Et nous pensons que notre expérience, en Italie, comporte des leçons importantes pour les travailleurs de tous les pays.

Notre gouvernement a appelé tout le monde à « rester chez soi » pour combattre la propagation du virus. Mais en réalité cette consigne ne s’appliquait pas à des millions de salariés travaillant dans des industries non essentielles. Pourquoi ? Uniquement pour garantir les profits des grands patrons de ces entreprises.

En refusant de contraindre les entreprises non essentielles à suspendre leur activité, le gouvernement a exposé au virus des millions de travailleurs et leur famille. Notre santé est sacrifiée sur l’autel du profit.

La situation est pire encore parmi les travailleurs de la Santé. Les hôpitaux sont devenus des foyers de contagion ; le personnel soignant n’a ni les équipements de protection nécessaires, ni un nombre suffisant de tests (pourtant cruciaux). Le système sanitaire s’écroule sous le poids de l’épidémie, ce qui est la conséquence de décennies de coupes budgétaires et de privatisation.

Nous, travailleurs, délégués ou militants syndicaux, affirmons qu’il est temps de prendre notre destin en main.

Nous exigeons la fermeture de toutes les entreprises qui ne produisent pas des biens essentiels. Les salariés de ces entreprises devront toucher l’intégralité de leur salaire – aux frais de l’entreprise. Si le patron refuse, il faut organiser – partout où c’est possible – une grève, pour arrêter la production. Les grèves en Espagne, en France, aux Etats-Unis, au Canada et ailleurs montrent que les travailleurs de tous les pays comprennent la situation et refusent de sacrifier leur santé au nom du profit.

Dans toutes les entreprises en activité, des comités de travailleurs doivent être formés pour superviser la mise en œuvre de mesures de protection efficaces. Les membres de ces comités doivent être élus et révocables à tout moment. Dès qu’ils le jugent nécessaire, les travailleurs doivent pouvoir imposer l’arrêt de la production.

Les organisations syndicales doivent pleinement assumer leur responsabilité, coordonner et unifier toutes les luttes autour d’une revendication centrale : la fermeture de toutes les activités non essentielles.

Les patrons disent que s’ils ferment leur entreprise, ils vont perdre des parts de marchés dans leur pays et dans le reste du monde. Ils cherchent à nous diviser suivant des lignes nationales. Une énorme crise économique est à l’ordre du jour, et les travailleurs ne doivent pas en faire les frais. C’est pourquoi nous devons nous unir, par-delà les frontières, et coordonner les efforts des travailleurs du monde entier. Une action internationale et unifiée des travailleurs peut jeter les capitalistes sur la défensive et les contraindre à satisfaire nos revendications légitimes.

Cliquez ici pour signer !

Pris en étau entre les mouvements de grève des travailleurs et la pression du patronat, le gouvernement italien est revenu sur sa décision de suspendre les activités de production non essentielles, annulant de fait les mesures prises le samedi 21 mars pour lutter contre la pandémie de coronavirus. En réponse, les travailleurs de Lombardie préparent désormais une grève générale, qui pourrait entrainer d’autres régions dans le mouvement.

L’épidémie de coronavirus est en train de déclencher la crise économique et sociale la plus sévère qu’ait connue l’Italie depuis des décennies. Les coupes dans les services publics de santé et l’attitude irresponsable du gouvernement Conte, dans les premières semaines de la crise sanitaire, ont conduit à la situation gravissime dont nous sommes aujourd’hui victimes. Le nombre croissant de décès (5476 au 22 mars) et de personnes infectées (officiellement 60 000, beaucoup plus en réalité) provoque une énorme colère et une profonde remise en question du système.

Les différents décrets du gouvernement ont entraîné l’arrêt progressif des activités quotidiennes : les écoles, les universités, les bars, les restaurants et un grand nombre de magasins sont désormais fermés. Le transport aérien et ferroviaire a été nettement limité. Les habitants ne peuvent plus sortir du quartier où ils vivent – et il est interdit de se promener, même seul, trop loin de son domicile. Le hashtag #restezchezvous, partout affiché et repris, semble s’appliquer à tous… sauf aux travailleurs ! Les usines, les centres d’appels et les bureaux étaient encore ouverts jusqu’au week-end dernier – et les transports en commun étaient toujours bondés aux heures de pointe. Cette situation a créé les conditions idéales pour la propagation du virus, rendant impossible le maintien de la distance d’un mètre entre individus. La discrimination de classe est flagrante : les personnes les plus exposées au virus sont bien les travailleurs et leurs familles.

Pression des travailleurs, pression du patronat

La pression qui a finalement abouti à un arrêt complet de la production est venue non seulement des travailleurs, qui ont lancé une série de grèves sauvages dès le 11 mars, mais aussi de gouverneurs régionaux et de maires du Nord de l’Italie. Les institutions médicales locales craignaient l’effondrement total du système de santé.

Alors que la revendication d’un arrêt total de l’industrie grandissait à la vitesse de l’éclair, le patronat, les dirigeants syndicaux et le gouvernement ont signé un accord le 14 mars pour maintenir l’activité économique « en toute sécurité », ce qui a provoqué un énorme mécontentement parmi les travailleurs. Le succès de notre appel Les travailleurs ne sont pas de la chair à canon !, qui a réuni 300 signatures de délégués et militants syndicaux en l’espace de 48 heures, en est une petite illustration.

Le soir du samedi 21 mars, après l’annonce de plus de 700 morts en 24 heures (un record), le gouvernement s’est retrouvé le dos au mur. Après une rencontre avec les représentants syndicaux et patronaux, le Premier ministre Giuseppe Conte a déclaré l’arrêt de toutes les activités de production, à l’exception des secteurs essentiels. Les travailleurs y ont vu une victoire partielle.

Mais dès le lendemain, dimanche 22 mars, le lobbying patronal a commencé.

Dans une lettre au Premier ministre, le dirigeant de l’organisation patronale Cofindustria, Vincenzo Boccia, a demandé l’assouplissement des mesures de fermeture d’entreprises, pour différentes raisons, et notamment sous prétexte que certaines entreprises pourraient « manquer de liquidités » ! Il a également prié le gouvernement « d’évaluer les mesures nécessaires pour éviter un impact négatif sur les stocks des entreprises », avant de déplorer la « perte d’espoir » en l’investissement que représenterait une fermeture totale des entreprises !

Face à la plus grave urgence sanitaire depuis l’après-guerre, la classe dirigeante a choisi de défendre les profits de quelques-uns plutôt que la santé de la grande majorité de la population.

La réponse du gouvernement au courrier de Boccia a été quasi immédiate ! Un décret a été signé le dimanche soir, levant l’ordre de fermeture pour un grand nombre de secteurs. De l’industrie de la défense à l’aérospatiale, du textile aux usines chimiques, des centres d’appels aux banques, le décret a élargi le maintien de l’activité productive à tous les secteurs jugés « stratégiques » pour l’intérêt national.

Le dernier mot concernant l’application de ce décret reviendra aux préfets locaux… après examen de l’auto-certification des entreprises !

Maurizio Landini, le secrétaire général de la CGIL [le premier syndicat italien], a déclaré : « Ce n’est pas le texte que nous avions approuvé ». Voilà ce qui arrive lorsqu’on croit seulement aux négociations – et non à la force de la classe que l’on représente !

Une fois de plus, la situation en Italie confirme la fameuse phrase du Manifeste du Parti Communiste : « Le gouvernement moderne n’est qu’un comité qui gère les affaires communes de la classe bourgeoise tout entière. »

Pour une grève générale !

Aujourd’hui, des grèves ont éclaté dans de nombreuses usines du Nord du pays. Interrogé par une radio nationale, Maurizio Landini a clairement affirmé que sa confédération « soutient chaque grève engagée par les syndicats locaux et par les comités de délégués du personnel » – et que « nous sommes prêts pour une grève générale ». Un appel à la grève générale a déjà été lancé pour mercredi prochain, en Lombardie.

Le patron des patrons, Boccia, a répondu qu’il ne voyait « aucun intérêt à mener une grève générale » et que les travailleurs ne devraient pas envoyer de tels « signaux négatifs » !

Les directions syndicales devraient appeler à une grève générale dès maintenant pour faire face à l’urgence, en arrêtant toutes les usines non essentielles et pour assurer le respect des mesures de sécurité sanitaire dans les secteurs essentiels toujours en activité.

L’expérience de ces dernières semaines montre clairement que nous ne pouvons pas faire confiance aux patrons et au gouvernement pour préserver notre santé. Des comités de contrôle ouvrier doivent être constitués dans tout le pays. Ils doivent décider ce quelles activités sont essentielles – ou pas.

L’épidémie de coronavirus est en train de changer les idées et les habitudes de millions de personnes, qui commencent à voir la contradiction fondamentale entre les intérêts des capitalistes et ceux des salariés. Ces intérêts sont inconciliables.

Quand le péril sanitaire sera écarté, la lutte des classes (qui n’en est encore qu’à ses débuts) connaîtra une énorme intensification. Les marxistes italiens se tiennent prêts, en ces temps orageux, et interviennent dès à présent dans le développement des luttes.

 Le 23 mars 2020

Depuis la publication de cet article par Rivoluzione (journal de la TMI en Italie) jeudi 19 mars, dans un communiqué publié dans la nuit de samedi à dimanche, le Premier ministre italien a demandé aux entreprises de cesser toutes leurs activités, à l’exception des chaînes d’approvisionnement essentielles. Mais bons nombre de revendications exprimées dans cet appel sont toujours d'actualité et sont une source d'inspiration pour les travailleurs du monde entier.


Nous sommes au beau milieu d’une situation d’urgence sanitaire liée au coronavirus. Les réglementations gouvernementales obligent à rester à la maison et fournissent des mesures de protection et de sécurité maximales. C’est en effet une nécessité pour arrêter la propagation de l’infection – une pandémie, comme l’a déclaré l’Organisation Mondiale de la Santé.

Et pourtant ces règles ne s’appliquent pas à tout le monde. Des millions de travailleurs sont obligés d’aller travailler. Les décrets publiés au fur et à mesure par le gouvernement italien garantissent tous le maintien de la production de secteurs qui ne relèvent pas de services essentiels à la population. La santé des travailleurs est sacrifiée sur l’autel du profit. Même l’accord signé par les syndicats le 14 mars dernier, avec les associations patronales et le gouvernement, va malheureusement dans ce sens.

Les salariés de tous les services essentiels travaillent sans aucune sécurité, dans de nombreux cas sans dispositifs de protection ou avec des Equipements de Protection Individuelle (EPI) non conformes. Le cas des personnels de santé est particulièrement choquant. De lieux de soins, les hôpitaux se transforment en lieux de contagion. Les travailleurs de la santé constituent 8,3 % des personnes infectées selon les derniers chiffres, deux fois plus que la Chine ! Notre système de santé s’effondre littéralement, résultat de son démantèlement au cours de ces 30 dernières années. Si les professionnels de la santé et des pharmacies entrent en contact avec une personne infectée au COVID-19, selon le décret Speranza [ministre de la Santé] du 9 mars, ils ne sont plus mis pour autant en quarantaine et doivent continuer le service. Cette obligation est une conséquence du blocage des embauches au cours de ces 10 dernières années ! Ces travailleurs sont présentés comme des héros, mais dans la réalité ils sont maltraités.

Le maire de Brescia a dénoncé ce qui est évident pour tout le monde : les usines restées ouvertes ont constitué un terrain fertile pour que le virus continue de se répandre dans les provinces comme celles de Brescia ou Bergame [au Nord de l’Italie] qui se trouvent aujourd’hui dans la situation la plus dramatique. 

Nous sommes des dirigeants syndicaux, des délégués et des travailleurs qui, pour les raisons décrites ci-dessus, jugent nécessaire que la classe ouvrière agisse par elle-même, comme cela se produit déjà de nos jours, avec ses outils, ses compétences et un programme pour organiser la lutte. Nous considérons qu’il est erroné d’avoir signé l’accord du 14 mars, qui n’arrête pas la production, laisse les entreprises libres et n’introduit que des mesures de protection partielles. En conséquence nous revendiquons les points suivants :

1. Les travailleurs des services essentiels à la population doivent travailler en toute sécurité. Un plan extraordinaire d’acquisition d’EPI est nécessaire, comme des masques, des gants et des solutions hydroalcooliques adaptés à l’hygiène. Cela doit passer également par la nationalisation des grandes entreprises utiles à cet effet, sans compensation financière et en convertissant la production. 

2. Le recrutement immédiat de tous les professionnels de santé au chômage et réquisition sans compensation de structures privées pour le traitement des patients atteints de coronavirus et renforcement des soins intensifs dont les lits doivent être décuplés rapidement. 

3. L’extension du nombre de tests de dépistage afin de prévenir la propagation de l’infection, et non plus seulement pour recenser les patients déjà clairement malades. 

4. Les agents de la Fonction publique en contact avec des personnes infectées sans protection adéquate, comme tout citoyen, doivent être soumis à un dépistage et placés immédiatement en quarantaine pour éviter de propager l’infection. Le point 11 de l’accord qui attribue à l’entreprise l’évaluation de la poursuite ou non du travail des travailleurs à risque doit être supprimé. 

5. La production de biens non essentiels doit être arrêtée immédiatement, au nom de la sécurité des travailleurs et de la nécessité d’aider à stopper la pandémie.

6. La réduction des heures de travail avec garantie du salaire au même niveau, un plan d’embauche massif et une réduction des heures d’ouverture des magasins alimentaires et des entreprises qui vendent des produits de première nécessité, ainsi qu’une réduction de la charge de travail pour le secteur du transport de marchandises, de la logistique postale.

Le gouvernement annonce de nouveaux décrets restrictifs à venir. Les syndicats ont également le devoir d’exiger via la mobilisation et la grève que le premier point de ce décret soit la fermeture de toutes les usines, entreprises et services non essentiels et l’application rigide de mesures de sécurité pour ceux qui doivent continuer à fonctionner.

Il faut fermer les usines et toutes les entreprises qui ne produisent pas ou ne distribuent pas de produits primaires, avec une couverture à 100 % des salaires garantie par l’entreprise, comme cela est arrivé à Ferrari et à d’autres entreprises ! Si les patrons ne sont pas d’accord pour fermer les lieux de travail qui ne fournissent pas de services essentiels, que les travailleurs et leurs syndicats proclament la grève et l’arrêt de la production si les conditions existent. Les grèves qui éclatent également en Espagne, en France, aux États-Unis, au Canada et dans d’autres pays confirment que les travailleurs ont très bien compris la situation et ne souhaitent pas se rendre à l’abattoir au nom du profit.

Nous soutenons et participons à toute action, même partielle, visant à défendre la santé des travailleurs, et en particulier nous nous battrons pour que les « commissions d’application et de vérification des règles de l’accord », prévues dans l’accord du 14 mars lui-même, assurent effectivement la présence de délégués et travailleurs élus et révocables à tout moment. Ces délégués doivent constituer une épine dans le pied [du patronat et du gouvernement] qui permettra de garantir le respect de la sécurité des travailleurs, et d’obtenir un lieu où les travailleurs ont le pouvoir d’imposer l’assainissement des installations et des environnements et le respect de toutes les mesures de sécurité. Ce pouvoir doit aller jusqu’à imposer l’arrêt de la production en cas de danger réel, via la transmission d’informations à tous les travailleurs dans la plus grande transparence.

En même temps, nous n’acceptons pas que la responsabilité soit entièrement transférée aux travailleurs et aux délégués. Les syndicats doivent assumer pleinement leur tâche en unifiant les grèves et les protestations autour de la demande centrale de blocage des activités non essentielles.

Après cette période critique, nous devrons présenter l’addition. Il faudra récupérer ce qui a été perdu pendant ces mois d’arrêts forcés et de chômage partiel ou total. Une crise économique sans précédent approche et nous, les travailleurs, n’aurons pas à la payer.

Lorsque cette pandémie se résorbera, ce sera grâce au professionnalisme des travailleurs de la recherche, de la santé et des services essentiels. Cette expérience dramatique et tragique aura davantage mis en évidence à quel point le capitalisme est une catastrophe.


Premiers signataires :

Mario Iavazzi (Direttivo nazionale Cgil), Paolo Brini (Comitato Centrale Fiom-Cgil), Antonio Forlano (Rsu Ups Milano, direttivo nazionale Filt-Cgil), Irene Forno (Direttivo nazionale Nidil-Cgil), Gianplacido Ottaviano (Rsu Bonfiglioli Bologna Assemblea generale Fiom-Cgil), Paolo Grassi (Assemblea generali Nidil-Cgil), Margherita Colella (Assemblea generale Emilia Romagna), Davide Ledda (direttivo Regionale Fiom-Cgil Emilia Romagna), Federico Toscani (direttivo Filcams-Cgil Parma), Pierugo Sorbo (Assemblea generale Flai-Cgil Parma), Filippo Agazzi (Rsu Ggi Spa Fiom-Cgil Parma), Ferdinando De Marco (Er Sistemi Sano Polo di Torrile Fiom Parma), Daniele Chiavelli (Assemblea generale Flc-Cgil Mantova), Domenico Loffredo (Operaio Fca Pomigliano Direttivo Campania Fiom-Cgil), Vincenzo Chianese (delegato Ergom direttivo Campania Fiom-Cgil), Vittorio Saldutti (direttivo Flc-Cgil Napoli), Luca Paltrinieri (Rsu Netscout direttivo Fiom-Cgil Modena), Giuseppe Violante (delegato Rsu Maserati direttivo Fiom-Cgil Modena), Matteo Parlati (delegato Ferrari direttivo Fiom-Cgil Modena), Giuseppe Faillace (Rsu Motovario direttivo Fiom-Cgil Modena), Simona Leri (Rsu Coop Alleanza 3.0 direttivo Cgil Modena), Luca d’Angelo (Rsu TR direttivo Fiom-Cgil Modena), Davide Bacchelli (delegato Ima direttivo Fiom-Cgil Emilia Romagna), Gian Pietro Montanari (Rsu Toyota Fiom-Cgil Bologna), Gianluca Sita (Rsu Fiom-Cgil Ima assemblea generale Fiom Bologna), Domenico Minadeo (Rsu Fiom Metaltarghe Assemblea generale Fiom-Cgil Bologna), Massimo Pieri (Rsu Tas spa Casalecchio di Reno direttivo Fiom-Cgil Bologna), Nico Maman (direttivo Funzione Pubblica-Cgil Bologna), Laura Minadeo (assemblea generale Filcams-Cgil Bologna), Emanuele Miraglia (direttivo Nidil-Cgil Bologna), Luca Ibattici (Rsu Spal direttivo Fiom-Cgil Reggio Emilia), Marco Mussini (delegato Rsu Corghi Correggio, Dir. Fiom-Cgil Reggio Emilia), Davide Tognoni (Rsu FP-Cgil Comune di Rolo Reggio Emilia), Ilic Vezzosi (Dir. Cgil Emilia Romagna), Marco Paterlini (direttivo Flc-Cgil Reggio Emilia), Nensi Castro (delegata Rsa CNA Reggio Emilia), Gianluca Pietri (delegato RSU Istituto.Russell di Guastalla Reggio Emilia), Christian Febbraro (Rsu Dgs Spa direttivo Fiom-Cgil Genova), Giannantonio Currò (Direttivo Flc-Cgil Genova), Paola Agostrini (Assemblea generale Flc-Cgil Genova), Franco Ferrara (Spi-Cgil Genova), Diego Sabelli (delegato Rsu Elt Assemblea generale Fiom-Cgil Lazio), Giordano Amato (direttivo Nidil-Cgil Roma est), Marco Carletti (direttivo Fisac-Cgil Lazio), Irene Caporale (Assemblea generale Fisac-Cgil Lazio), Nicola Di Sarli (Assemblea generale Fisac-Cgil Roma Nord), Mirko Sighel (Direttivo Cgil Trentino), Davide Fiorini (Direttivo Nidil-Cgil Trieste), Chiara Massimello (Direttivo Nidil-Cgil Trentino), Angelo Raimondi (delegato Rsu Filcams-Cgil Esselunga Corbetta-Milano), Elena Mondini (Rsu Ups Vimodrone Milano direttivo Filt-Cgil), Cinzia Crespi (Rsu Ups Vimodrone Milano direttivo Filt-Cgil), Barbara Lietti (direttivo Lombardia Funzione pubblica-Cgil), Francesca Esposito (Direttivo regionale Lombardia Filt-Cgil), Joan Valdiviezo (delegato Filt-Cgil Italgroup Ups Milano), Jeisson Zuniga (delegato Filt-Cgil Planet Cantiere Ups Milano), Fiammetta Fossati (Rsu Fiom-Cgil Etipack Milano), Antonio Mangione (delegato Rls Appalti ferroviari Filt-Cgil Milano), Serenella Ricci (Assemblea generale Lombardia Fisac-Cgil), Lorenzo Esposito (Rsa Banca D’Italia Milano), Sergio Schneider (delegato Rsu scuola Direttivo Flc-Cgil Milano), Tomaso Perani (delegato Rsu Università Statale Milano, Assemblea generale Milano Flc-Cgil).

Article de Mario Lavazzi (direction nationale de la CGIL) et Paolo Brini (CC FIOM-CGIL) paru le 14 mars sur Rivoluzione.


Les directions des confédérations syndicales italiennes ont signé un accord pour gérer la crise du Coronavirus avec le gouvernement et les représentants patronaux, Confindustria [le Medef italien, NDT], Confapi [confédération des PME]. Cet accord est une capitulation en faveur des patrons et de leurs intérêts.

L’accord explique que « la poursuite des activités productives peut avoir lieu en présence des conditions qui assurent aux travailleurs des niveaux de protection adéquats ». Mais l’essentiel est bien que la production continue, mettant en péril l’objectif d’arrêter la diffusion de la contagion. En effet, la gestion de la sécurité et de l’urgence sanitaire dans les usines est laissée au libre arbitre des patrons eux-mêmes. Cette même gestion en temps normal est tellement efficace qu’elle cause 4 morts par jour au travail.

Il faut constater que le texte en soi n’a aucun caractère prescriptif ; le gouvernement déclare qu’il favorise l’application de l’accord qui est en continuité avec ses décrets précédents, lesquels sont une recette parfaite pour la diffusion de la contagion parmi les travailleurs.

Avec cet accord, la responsabilité des entreprises est déchargée sur la responsabilité individuelle des travailleurs :

  • Les entreprises ont une totale liberté dans la gestion de la sécurité.
  • L’article 5 du Statut des travailleurs, qui oblige tous les salariés à se faire prendre leur température avant d’entrer sur le lieu de travail, est piétiné.
  • Les réunions sont interdites dans les entreprises – y compris les réunions syndicales –dans des espaces qui ne permettent pas une distance de sécurité entre un travailleur et un autre.
  • On applique aussi aux salariés les dispositions honteuses prévues dans le Décret du 9 mars pour le personnel de santé. En fait, pour les professionnels de la santé qui sont entrés en contact avec un patient positif, la quarantaine ne s’applique pas, mais uniquement la surveillance médicale, donc ils doivent continuer à travailler et ils sont exemptés seulement en cas de symptômes respiratoires.
  • L’utilisation des vacances est encouragée, sans même préciser si ce sont les anciennes, celles accumulées cette année ou peut-être encore celles à venir.

Bref, les salariés ne pourront rentrer chez eux sans l’accord du patron, et de toute façon en faisant payer le coût de l’urgence aux travailleurs mêmes.

Non seulement cet accord n’améliore rien, mais il aggrave même les règles de sécurité et les droits des travailleurs.

Il faut poursuivre les grèves pour obliger les patrons à fermer leurs entreprises jusqu’à la fin de la situation d’urgence sanitaire, et forcer les dirigeants syndicaux à soutenir cette bataille.

Chez Ferrari par exemple, grâce au travail des représentants de la FIOM [fédération de la métallurgie de la CGIL, la principale confédération syndicale italienne], un accord a été signé selon lequel l’entreprise ferme 2 semaines et tous les travailleurs seront payés intégralement. Cet objectif doit être poursuivi dans toutes les entreprises.

La santé des travailleurs passe avant tout !

En août dernier, le premier gouvernement Conte s’est effondré... pour laisser la place à un deuxième gouvernement Conte. Le premier gouvernement était formé par une alliance du « Mouvement 5 étoiles » (M5S, « anti-système ») et de « La Ligue » de Matteo Salvini (extrême droite). Le deuxième gouvernement Conte rassemble de façon inédite le M5S et le Parti Démocratique (PD, centre gauche), qui était auparavant dans l’opposition.

La crise du gouvernement Conte 1

Ce retournement de situation a été provoqué par la décision de Salvini de faire tomber le gouvernement Conte 1, dans l’espoir de déclencher de nouvelles élections politiques. Son idée était qu’il pourrait ainsi capitaliser sur les très bons résultats de son parti aux élections européennes de mai 2019. Mais le M5S et le PD ont empêché ces nouvelles élections en forgeant une nouvelle alliance gouvernementale.

Le gouvernement Conte 2 est donc formé par une coalition de deux forces qui, auparavant, étaient opposées. Elles justifient ce retournement par la nécessité de garantir la « gouvernabilité » et le «  bien » du pays. Mais dans une société divisée en classes, le soi-disant « intérêt national » cache en réalité la défense des intérêts de la bourgeoisie qui, au niveau national et international, s’est félicitée de cette nouvelle majorité.

Le M5S, qui se présentait à ses débuts comme un parti « anti-système », est devenu le principal garant de la stabilité de ce même système. Le leader du M5S, Di Maio, avait proposé la diminution du nombre des parlementaires pour économiser 50 millions d’euros. Or ce chiffre représente seulement un centième de la fortune que l’Etat a donné aux grands patrons à travers différents cadeaux et avantages fiscaux – alors que Di Maio lui-même était au gouvernement. Voilà bien l’hypocrisie à la 5 étoiles !

Parmi les militants et sympathisants de gauche, la première réaction à l’annonce de la chute du gouvernement Conte 1 a été le soulagement. Cela s’explique par la sortie de La Ligue de ce gouvernement, et donc par la « fin » (théorique) des politiques ouvertement répressives et racistes de l’ex-ministre de l’Intérieur Matteo Salvini. Mais ce sentiment a rapidement laissé place à la désillusion.

La politique du gouvernement Conte 2

Plutôt que de barrer la route à l’extrême droite de Matteo Salvini, le nouveau gouvernement lui permet en réalité de consolider son rôle d’opposition au « système ». Salvini accuse les élites de manœuvrer au Parlement pour faire obstacle à l’expression des classes populaires dans des élections. La Ligue est à l’offensive pour faire le plein de voix aux prochaines élections. De plus, Salvini émerge comme le leader de la droite, au vu de l’hémorragie électorale de Forza Italia dirigée par Berlusconi. Selon les sondages, cette formation autrefois dominante n’est désormais plus créditée que de 5 % des intentions de vote.

Le gouvernement Conte 2 a tenté de se présenter comme le « défenseur des travailleurs ». Il a promis la mise en place d’un salaire minimum et de nouvelles protections pour les salariés. Il a également promis (vaguement) de ne pas mettre en place de politiques d’austérité. Mais dans les faits, sa loi de finances de plus de 30 milliards visant à empêcher une augmentation de la TVA à 25 % est bien loin de répondre aux besoins de la population. Celle-ci souffre en effet des coupes budgétaires dans les services sociaux, l’Education nationale ou encore la Santé.

Les masses à la recherche d’une issue politique

En l’absence d’un véritable parti politique pour les représenter, les salariés et les jeunes sont pris en tenaille entre le populisme d’extrême droite de Salvini et les nouvelles attaques du gouvernement Conte 2. Malgré cette impasse, les masses se sont pourtant mobilisées à nombreuses reprises ces dernières années. Au sein de la jeunesse, ce fut lors des mobilisations mondiales pour le climat (les Fridays for future). Il a y eu aussi de puissantes manifestations de femmes contre les violences conjugales et contre les politiques réactionnaires sur la famille appliquées par le premier gouvernement Conte. Et très récemment, a émergé le mouvement des « Sardines ».

La première mobilisation des « Sardines » a été déclenchée à Bologne, à l’occasion de la venue de Matteo Salvini. Il voulait tenir son meeting de campagne pour les élections régionales de l’Emilie-Romagne, qui auront lieu le 26 janvier prochain. 15 000 personnes se sont rassemblées à la Piazza Maggiore, à l’appel d’un groupe de jeunes de la ville. Ils se sont identifiés rapidement sous le nom de « sardines ». Le succès de Bologne a provoqué l’organisation de nombreuses manifestations des « Sardines contre Salvini » dans plusieurs villes italiennes. A Milan, Naples, Gènes ou encore Palerme, la participation a été particulièrement importante. Une grande manifestation a eu lieu à Rome le 14 décembre dernier, sur la fameuse Piazza San Giovanni.

Mais qui sont les « sardines » ? Il s’agit avant tout d’un mouvement d’opinion, qui ne dit pas quels intérêts sociaux il veut défendre, mais qui fait appel à des valeurs comme l’antiracisme, la solidarité, la paix, etc. Sa composition sociale et politique est très hétérogène. La couche dirigeante est formée par des cadres du PD et de ses satellites. Mattia Santori, par exemple, un des leaders du mouvement, a été un partisan de la politique du gouvernement Renzi, qui était au pouvoir jusqu’en 2018.

Mais cela ne constitue pas tout le mouvement. On y trouve notamment des secteurs de la jeunesse. Le mouvement des « sardines » apparait en effet comme le moyen le plus facile de manifester contre le racisme et la démagogie réactionnaire de Salvini. En outre, les manifestations antifascistes et antiracistes n’ont pas manqué ces dernières années, et ce n’est pas un hasard si certaines places publiques qui se sont le plus mobilisées récemment (Bologne en particulier) avaient déjà connu des mobilisations importantes et combatives.

La composition hétérogène des « sardines » se reflète également par le bon accueil qu’ont reçu nos camarades de Sinistra Classe Rivoluzione (« Gauche, Classe, Révolution », la section italienne de la TMI), presque partout où ils sont intervenus. L’apolitisme ostentatoire des promoteurs du mouvement ne représente en effet pas l’ensemble du mouvement. Nos camarades rapportent qu’à Parme, « malgré le fait que le climat a été imprégné de cet esprit du type "tout sauf Salvini", parmi les jeunes avec qui nous avons discuté, nous n’avons trouvé ni ostracisme, ni hostilité envers les symboles et le matériel politique. Mais plutôt de la curiosité envers nos idées et l’envie d’avoir des discussions politiques. »

A travers cette mobilisation, les dirigeants du PD essaient de recréer un espace de centre-gauche doté d’un soutien de masse, qui pourrait être dirigé contre toute forme de radicalité politique. C’est pour cette raison que le Manifeste des « sardines » se dit carrément « antipopuliste ». Et pour se distinguer du « populisme », il se présente comme l’expression d’un « peuple de gens normaux », de tous âges : « nous aimons nos maisons et nos familles, nous essayons de nous engager dans notre travail, dans le bénévolat, dans le sport, dans les loisirs. Nous éprouvons de la passion en aidant les autres, quand et comment nous pouvons. Nous aimons les choses drôles, la beauté, la non-violence, la créativité, l’écoute ».

En réalité, comme nous l’avons vu, la « virginité politique » des promoteurs du mouvement est très discutable. Ces derniers tentent de rejeter sur les travailleurs la responsabilité de l’arrivée au pouvoir de la Ligue en 2018. Ils blâment ainsi les réseaux sociaux et l’ignorance, qui pousseraient le peuple « analphabète » dans le piège de la démagogie populiste de la droite. L’idée que le « peuple ignorant » vote pour la Ligue, parce qu’il serait lobotomisé par les télévisions et les réseaux sociaux, est en réalité propagée par les véritables ignorants, qui sont incapables d’expliquer ce qu’il s’est passé en Italie ces dernières décennies. Le « Jobs Act » (contre-réforme du travail de Renzi), la loi Fornero (contre-réforme des retraites de 2011), les privatisations à répétition, la casse de la Sécurité sociale, la participation aux guerres impérialistes, la spéculation et la dévastation environnementale, etc. Or le centre gauche et le PD en particulier portent la responsabilité de tout ce fatras.

L’absence d’un parti de gauche radicale

C’est cette crise de la gauche qui expliquait la montée du M5S. En l’absence d’un parti de gauche radical capable d’offrir une expression à la colère et la frustration des travailleurs et des jeunes d’Italie, ceux-ci se sont tournés vers d’autres formes d’activité politiques, comme les « sardines », ou vers le M5S. Les ambiguïtés du programme de celui-ci (et l’absence de tout concurrent sérieux à gauche) lui ont permis de se présenter comme un « défenseur des travailleurs ». L’expérience du premier gouvernement Conte a sonné le glas de ces illusions parmi les masses, en même temps que celui du M5S. Le parti a vu sa popularité baisser rapidement et est entré en crise. Un processus qui ne peut que se poursuivre avec le nouveau gouvernement.

Le facteur déterminant dans la situation politique italienne – l’absence d’un parti de gauche radicale – n’est pas un élément immuable, ou le fruit d’un quelconque « virage à droite ». En réalité, un tel parti peut tout à fait émerger à l’avenir sur la base des mobilisations de masse qui agitent la jeunesse, mais aussi de celles qui vont inéluctablement dresser les travailleurs italiens contre les politiques d’austérité des gouvernements bourgeois de toutes tendances. La nécessité d’un tel développement est en fait posé clairement par les mobilisations actuelles, qui soulignent l’absence d’une opposition sérieuse à la fois à l’austérité et au racisme de Salvini, mais aussi par la crise de l’économie italienne. Depuis 2008, plus de 600 000 postes de travail ont été supprimés. Aujourd’hui encore, 160 entreprises sont déclarées en crise, et 210 000 salariés risquent de perdre leur emploi.

En replaçant les questions de classes au centre de l’échiquier politique, un tel parti anéantirait les divisions artificielles qui sont utilisées par la classe dirigeante. L’heure n’est pas aux lamentations, elle est à l’organisation !

Cet article a été publié le 18 juin 2018 par Rivoluzione, le journal de la section italienne de la Tendance Marxiste Internationale.


La vie des 629 hommes, femmes et enfants, transportés par le navire Aquarius, a été au cœur d’une campagne raciste du nouveau ministre de l’Intérieur et chef de la Ligue, Matteo Salvini. L’œuvre du gouvernement « jaune-vert » [les couleurs respectives des deux partis à l’origine du nouveau gouvernement italien, le Mouvement 5 Etoiles (M5S) et la Ligue – ndt] est une attaque contre les droits des réfugiés qu’il faut rejeter sans condition.

Il s’agit d’une campagne totalement instrumentale : le débarquement de l’Aquarius a été refusé par la Marine italienne ; mais la veille, la même Marine a pourtant ouvert les ports italiens à un navire d’une autre ONG, la Sea Watch, avec 223 réfugiés à bord. Le 14 juin, plus de 900 personnes débarquaient à Catane du navire « Diciotti » de la Garde côtière italienne.

Le gouvernement jaune-vert n’a pas réellement l’intention de fermer tous les ports de manière permanente. Il compte utiliser des cas comme l’Aquarius comme un écran de fumée pour sa base électorale. Il s’agit dans le même temps de donner plus de force à l’Italie dans les négociations au sein de l’Union européenne.

Hypocrisie

Nous combattons la xénophobie de Salvini et ses associés. Mais nous refusons de nous joindre aux chœurs des défenseurs de l’Union Européenne et de ses soi-disant « valeurs ». L’Union Européenne est tout sauf un modèle d’accueil. 3017 personnes ont perdu la vie dans en Méditerranée en 2017, et déjà 638 au cours des cinq premiers mois de 2018. Et encore, il ne s’agit que des chiffres officiels. Dans les palais de Bruxelles, Paris, Berlin ou Madrid, personne n’a versé de larmes pour ces morts.

Un conflit entre les bourgeoisies européennes se joue sur la peau des immigrés. L’attitude du gouvernement Macron est répugnante, lui qui a rejeté vers l’Italie plus de 10 000 migrants aux frontières de Bardonnèche et de Vintimille rien que cette année. La solidarité du nouveau gouvernement espagnol, du socialiste Sanchez, n’est pas moins hypocrite : il accueille l’Aquarius à Valence, mais il maintient les murs – ou plutôt des barbelés – de 12 mètres de haut dans ses enclaves de Ceuta et Melilla sur le sol africain, pour empêcher l’entrée de tant de désespérés.

Nous ne partageons aucune valeur avec cette Europe si démocratique et solidaire qui délègue à la Turquie le soin de retenir les réfugiés syriens loin de ses frontières. L’accord a été renouvelé en avril dernier ; le coût total de l’opération s’élève à six milliards d’euros. Le président turc Erdogan a expliqué, avec la même arrogance qu’un criminel confirmé, qu’il va utiliser ces fonds pour installer les réfugiés dans les zones conquises aux YPG, la milice populaire kurde au nord de la Syrie.

Cette même Europe a non seulement réitéré le principe de l’inviolabilité de la « forteresse Europe », mais d’après le journal Il Sole 24 Ore, elle a aussi « éliminé l’obligation de transférer les migrants secourus en Italie », au moyen d’une nouvelle opération sécuritaire en Méditerranée de Frontex (l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes) appelée Themis. Celle-ci, qui a remplacé depuis le 1er février l’ancienne opération Triton lancée en 2014, a donc fourni un soutien juridique à la position de Salvini à l’égard de la question de l’Aquarius.

Le chef de la Ligue n’a aucune originalité, y compris sur la proposition de fermer les ports italiens. Cette idée a été avancée l’été dernier par Minniti, son prédécesseur au ministère de l’Intérieur. Son parti, le Parti Démocrate (PD) [représentant la « gauche » officielle au Parlement, et qui était au pouvoir depuis 2013 – ndt] se présente aujourd’hui comme un champion de la solidarité. Mais hier, au gouvernement, il était l’auteur de l’accord avec la Libye pour la construction de 34 centres « d’accueil » sur le sol du pays africain, financé par l’Italie. Il s’agit en réalité de centres de détention, de véritables camps de concentration, condamnés par l’ONU pour torture, viol et toutes sortes d’abus sur des centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants. Ils avaient pourtant assuré à Minniti l’acclamation bipartisane de toutes les principales forces politiques.

De fait, les centres libyens ont contribué à rassurer l’opinion publique et bloqué les débarquements : les arrivées depuis la Libye ont diminué de 78 % en 2016. La gestion de l’urgence humanitaire a été « sous-traitée » aux seigneurs de guerre libyens. Or si la Libye est aujourd’hui un « no man’s land », c’est la conséquence de la guerre impérialiste de 2011, qui a conduit à la chute puis à la mort de Kadhafi. Cette intervention fut approuvée par le gouvernement Berlusconi, dans lequel siégeait la Ligue – « du Nord », comme elle s’appelait encore à l’époque.

Le terrain propice au développement de la propagande raciste a bien été préparé par les gouvernements du Parti Démocrate, à coups de proclamations d’état d’urgences sécuritaires et autres lois liberticides comme les « Daspo » [ensemble de décrets dirigés à l’origine contre le phénomène « ultra » dans les stades, dont l’utilisation a été étendue afin d’empêcher de nombreux rassemblements en ville – ndt]. Notre antiracisme n’a rien à voir avec la piété charitable de salon, manifestée par le quotidien Repubblica et les autres soutiens médiatiques du PD.

Antiracisme et anticapitalisme

En Italie, en réalité, il n’y a aucune « crise des migrants ». Il y a une crise du manque de travail, une crise des salaires de morts de faim, une crise des retraites à 70 ans, une crise du logement... Et encore n’en mentionnons-nous là que quelques-unes.

Face à une situation insoutenable, des millions de travailleurs et de jeunes ont fait confiance au M5S (et dans une moindre mesure à la Ligue) pour qu’un changement arrive. Or le nouveau gouvernement jaune-vert est né sur la base du chantage du président de la République Mattarella et des marchés [voir notre article sur la difficile naissance du nouveau gouvernement italien – ndt]. Salvini et Di Maio savent qu’ils ne pourront pas tenir les promesses faites aux travailleurs et aux retraités. Ils utilisent alors une arme de diversion massive comme le racisme. En période de crise économique et sociale comme celles que nous vivons en Italie, cela trouve un écho, du moins temporairement, en l’absence de toute alternative du mouvement ouvrier et surtout de sa direction.

En réalité, Salvini sait pertinemment que le capitalisme a besoin d’immigrés. Il a besoin de quelqu’un qui ramasse des tomates à deux euros de l’heure, il a besoin de désespérés prêts à travailler à tout prix afin de servir de levier pour diminuer les salaires et les droits de tous les travailleurs, italiens et immigrés. Ce n’est pas un hasard si Salvini propose d’assouplir la loi contre le caporalato [« l’embrigadement » : le recrutement illégal de main-d’œuvre étrangère dans le travail agricole au Sud, géré par les mafias]. Selon le ministre, cette loi « compliquerait les choses [pour les patrons] au lieu de les simplifier ».

La crise des réfugiés est une aubaine pour de nombreuses entreprises. Sur les 5 milliards d’euros alloués à leur accueil par l’Etat, bien peu vont réellement aux demandeurs d’asile. L’écrasante majorité est empochée par des affairistes (de n’importe quel bord politique) dont la seule morale est le profit.

En bref, le racisme est utile au capitalisme, et pas seulement du point de vue de la propagande.

Par conséquent, afin de lutter contre le racisme et la xénophobie, le travail de contre-information ne suffit pas, même s’il est absolument juste. Il est nécessaire de faire une séparation claire entre les drapeaux du mouvement antiraciste et ceux de la bourgeoisie libérale comme le Parti Démocrate. Il faut se doter d’un programme qui vise à promouvoir l’unité de classe entre travailleurs italiens et immigrés.

Ce programme doit prévoir l’abolition de toutes les lois qui discriminent les immigrés (du décret Minniti à la loi Bossi-Fini), l’abolition du délit d’immigration clandestine et de la logique des flux, et l’obtention de la citoyenneté italienne après trois ans de résidence pour ceux qui le demandent et pour tous ceux qui sont nés en Italie. L’antiracisme est un anticapitalisme !

Unité de classe de tous les travailleurs !