Israël/Palestine

Samedi 13 avril, l’Iran a annoncé qu’il avait lancé une attaque contre Israël, forte de plus de 300 drones et missiles. L’après-midi même, Joe Biden a quitté le confort de sa maison de vacances au Delaware pour retourner en urgence à la Maison-Blanche et participer à une réunion des membres de son Conseil de sécurité nationale.

Il aurait pu s’épargner cette peine, puisque sa position était fixée d’avance. La réaction de Biden fut aussi prévisible qu’un accroc sur un vieux disque vinyle :

« Notre engagement en faveur de la sécurité d’Israël face aux menaces de l’Iran et de ses relais est inébranlable. »

Ce message était destiné au public. En privé, Biden était moins assuré, car même ses capacités limitées de compréhension lui permettent d’être vaguement conscient que des représailles de la part d’Israël augmenteraient le risque qu’éclate un conflit régional d’ampleur, dans lequel les Etats-Unis et d’autres pays pourraient se retrouver entraînés.

Si les Etats-Unis étaient mêlés à une guerre généralisée au Moyen-Orient, avec toutes les conséquences désastreuses que cela aurait pour l’économie mondiale (et américaine), cela n’augurerait rien de bon pour les chances de victoires de Biden à la prochaine élection présidentielle de novembre, qui est déjà mal engagée pour lui.

Même si Joe Biden aimerait certainement « régler son compte » à l’Iran – et il n’est pas le seul dans son gouvernement – il reste contraint par des considérations électorales. Cela l’a poussé depuis le début de la guerre à Gaza à tenter d’éviter un affrontement ouvert avec Téhéran.

Le massacre des civils de Gaza a déjà fragilisé les espoirs électoraux de Biden et réduit ses appuis dans plusieurs circonscriptions clés. Son soutien à Israël et son refus entêté d’appeler à un cessez-le-feu permanent à Gaza lui ont aliéné les électeurs musulmans et la jeunesse.

Il se retrouve aujourd’hui contraint de soutenir fermement Israël tout en essayant d’empêcher une conflagration générale dans laquelle les Etats-Unis pourraient se retrouver impliqués.

Conscient de cette faiblesse, les Iraniens, qui n’ont aucune envie d’entrer en guerre avec les Etats-Unis, ont ajusté précisément leur réaction à ce qui était une provocation évidente de la part d’Israël – qui cherchait pour sa part à aboutir exactement au résultat actuel.

Les projets de Netanyahou

L’attaque iranienne était la réponse prévue de longue date au bombardement israélien de la section consulaire de l’ambassade d’Iran à Damas, le 1er avril, lors duquel sept Iraniens, dont deux hauts gradés, ont été tués.

Quel était le but recherché par le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou lorsqu’il a ordonné cette attaque ? La réponse est assez évidente. Il parie depuis le début sur l’éclatement d’un conflit régional, dans lequel les Etats-Unis seraient contraints d’intervenir aux côtés d’Israël.

Tout ceci est directement lié à la guerre brutale menée par Israël contre les habitants de Gaza. L’offensive israélienne ne se déroule pas comme prévu. Après six mois de combats, aucun de ses objectifs n’a été atteint. Le Hamas n’a pas été écrasé et les otages n’ont pas été libérés.

De ce fait, le soutien à Netanyahou s’est effondré. Il y a des manifestations de plus en plus nombreuses en Israël, où des dizaines de milliers de personnes réclament des élections anticipées. Si elles obtenaient gain de cause, Netanyahou perdrait sans aucun doute son poste et pourrait même se retrouver devant un tribunal.

Sa situation est désespérée. Il n’a plus d’options militaires à Gaza, qui a été presque entièrement rasée. Il a même été contraint d’en retirer la plupart de ses forces. La dernière cible qui reste est la ville méridionale de Rafah, où se sont réfugiées 1,5 million de personnes terrifiées et affamées.

Mais les souffrances des habitants de Gaza ont provoqué une tempête de protestations internationales qui ont isolé Israël et contraint les Américains à faire pression sur Netanyahou pour le dissuader d’attaquer Rafah. A la recherche d’une cible alternative, son regard s’est tourné de plus en plus vers l’Iran.

Le gouvernement Biden finance et approvisionne la campagne génocidaire que mène Israël dans la bande de Gaza. Mais c’est complètement insuffisant pour ce que Netanyahou a en tête. Il a besoin d’une intervention directe de l’armée américaine dans une conflagration générale dans la région – qui forcerait les Etats-Unis et leurs alliés à se tenir ouvertement aux côtés d’Israël.

Il était nécessaire de provoquer l’Iran, pour le pousser à attaquer Israël, qui pourrait ensuite appeler ses amis américains à la rescousse. La frappe israélienne sur le consulat iranien de Damas était une provocation délibérée, qui visait à obtenir précisément ce résultat.

Netanyahou savait que l’Iran n’aurait pas d’autre choix que de réagir. Un bâtiment diplomatique est considéré comme un morceau du territoire national du pays auquel il appartient. Cette frappe équivalait donc à une attaque directe d’Israël sur le sol iranien. Il a donc mis en marche un enchaînement d’événements meurtriers, qui se déroule maintenant sous nos yeux.

Biden et Netanyahou se sont parlé au téléphone samedi soir, de même que le secrétaire à la défense américain Lloyd Austin et son homologue israélien Yoav Gallant. Les deux gouvernements se sont mis d’accord pour rester en contact rapproché durant les prochains jours.

On ne sait pas quel a été le contenu exact de ces conversations. Nul doute que les Américains ont appelé les Israéliens à la retenue. Mais l’efficacité de ces appels reste encore à démontrer. Netanyahou est tout à fait capable de plonger la région entière dans la guerre pour sauver sa peau. Et peu lui importe que cela crée des problèmes pour Joe Biden.

Les manœuvres de Téhéran

Ces deux dernières semaines, plusieurs pays ont fait pression sur l’Iran pour qu’il se contienne face à ce qui était une agression caractérisée. Mais, après le bombardement de Damas par Israël, il n’y a eu aucune résolution de l’ONU, aucune sanction, rien.

On voit là, encore une fois, l’hypocrisie de la « communauté internationale ». Des pays comme l’Iran, la Russie et la Chine sont constamment accusés de saper ce qui est décrit comme « l’ordre international fondé sur des règles ».

Mais qui établit ces règles ? Elles sont fixées par les Etats-Unis, qui s’attendent à ce que tous les autres pays les suivent. C’est aussi simple que ça.

Il faut souligner que, depuis longtemps, l’Iran a fait preuve d’une grande retenue face aux provocations d’Israël, y compris l’assassinat de cadres militaires iraniens ainsi que de 62 scientifiques impliqués dans son programme nucléaire.

Il n’y a d’ailleurs aucune preuve que l’Iran ait été impliqué dans l’attaque menée par le Hamas en octobre, et cela a été reconnu non seulement par les Américains, mais aussi à l’époque par les Israéliens.

Face aux attaques génocidaires visant les Gazaouis, l’Iran n’a adopté aucune mesure militaire. Mais, cette fois-ci, Téhéran ne pouvait pas se permettre de perdre la face. Il faut souligner à nouveau que l’Iran a commencé par soulever la question devant les instances de l’ONU.

Les règles du droit international garantissent l’immunité des ambassades et des bâtiments diplomatiques. Ils sont vus comme des espaces inviolables, et en fait, comme une partie intégrante du territoire national du pays à laquelle ils appartiennent.

L’attaque contre le consulat iranien de Damas était évidemment une violation flagrante des principes fondamentaux établis en 1961 par la Convention de Vienne. Les Nations Unies avaient donc pour devoir de la condamner. Mais lorsqu’une résolution dans ce but fut présentée au Conseil de Sécurité, elle fut bloquée par le veto de trois de ses membres : les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France.

Une fois que l’ONU avait refusé de faire ce geste élémentaire, le régime iranien n’avait pas d’autre alternative que de répondre d’une façon qui semblerait proportionnée à la provocation israélienne.

Et, malgré toute l’hystérie médiatique qui entoure l’attaque iranienne – qui est, soit dit en passant, la première fois que l’Iran mène une attaque directe sur le sol israélien, malgré de multiples attaques israéliennes sur son propre sol – cette attaque était en effet proportionnée.

Plus de 300 projectiles ont été utilisés. Cela peut paraître une attaque formidable. Mais ce n’est qu’une apparence. La plupart d’entre eux semblent avoir été des drones Shahed, qui est un modèle basique, utilisé normalement uniquement pour tester les défenses aériennes ennemies en préparation d’un bombardement plus sérieux.

Il a été avancé – probablement à raison – que la grande majorité des drones et des missiles ont été interceptés, en grande partie par les Américains. Il n’y eut que très peu de blessés et seule une base militaire aurait subi des dégâts.

Et ceci, alors que l’Iran possède un arsenal de missiles et de roquettes hautement sophistiquées et que l’attaque a touché une bonne partie du territoire israélien. Comment cela est-il possible ?

Le fait est que des avertissements ont été adressés aux Américains comme aux Israéliens avant que l’attaque ne soit lancée. Cela a permis aux Américains de mobiliser leurs défenses anti-aérienne et de minimiser les dégâts.

L’attaque doit donc être vue comme un avertissement de l’Iran à Israël. La délégation iranienne à l’ONU a publié le message suivant : 

« Conduite sur la base de l’article 51 de la Charte des Nations unies relatif à la légitime défense, l’action militaire de l’Iran répondait à l’agression du régime sioniste contre nos locaux diplomatiques à Damas.L’affaire peut être considérée comme close.

« Toutefois, si le régime israélien commet une nouvelle erreur, la réponse de l’Iran sera considérablement plus sévère. Il s’agit d’un conflit entre l’Iran et le régime israélien voyou, dont les Etats-Unis DOIVENT SE TENIR À L’ÉCART ! »

Le sens de ce message semble être : « c’est là tout ce que nous voulons faire pour l’instant, nous ne voulons pas que les choses aillent plus loin, la balle est dans le camp israélien ».

Les Iraniens ont aussi adressé un avertissement ferme aux pays de la région : si vous intervenez et défendez Israël en interceptant nos projectiles, nous vous considérerons comme des cibles légitimes.

Le régime jordanien, qui est particulièrement soumis à la pression des masses jordaniennes parce qu’il reste passif face au massacre de Gaza, a commencé par déclarer qu’il intercepterait les drones iraniens, avant de se dédire publiquement.

Les raids aériens menés par les Américains et les Britanniques contre les Houthis n’ont eu aucun effet. Les attaques contre les navires marchands ont continué. Plus tôt ce samedi, le corps des Gardiens de la révolution iraniens (la principale force paramilitaire du régime) a capturé un porte-container lié à Israël qui transitait par le détroit d’Ormuz. Il s’agissait d’un avertissement supplémentaire.

Le chœur des hypocrites

Biden a déclaré publiquement qu’il ne veut pas une escalade du conflit. En réalité, cela signifie : « nous allons continuer à appuyer et financer le massacre des Palestiniens par Israël, nous ne voulons pas que d’autres pays se mêlent de nous en empêcher. »

Mais c’est précisément la poursuite de la campagne génocidaire contre Gaza qui est une provocation permanente pour les peuples de la région. Les tentatives de Biden de mettre en scène sa compassion pour les victimes de l’agression israélienne (alors qu’il continue à envoyer des armes et de l’argent à Netanyahou pour que celui-ci puisse continuer le carnage) se révèlent à l’usage creuses et mensongères.

Biden fait penser au Morse de Alice au pays des merveilles de Lewis Caroll, qui invite de jeunes huîtres à l’accompagner en balade, pour finir par les manger au déjeuner :

« Je suis navré ; croyez à mes condoléances.

« Sanglotant, il mit de côté les plus grosses de l’assistance ;

« Et devant ses yeux ruisselants, il tenait un grand mouchoir blanc. »

La même hypocrisie répugnante se retrouvait parmi les alliés des Etats-Unis. Tous ont répondu à l’attaque iranienne par un chœur unanime de condamnations. Comme d’habitude, le Premier ministre britannique Rishi Sunak s’est précipité pour démontrer sa fidélité :

« Je condamne dans les termes les plus vifs l’attaque dangereuse du régime iranien contre Israël [qui risque] d’aggraver les tensions et de déstabiliser la région. L’Iran a à nouveau prouvé qu’il entend semer le chaos dans son voisinage. […] Le Royaume-Uni continuera à défendre la sécurité dIsraël et de tous nos partenaires régionaux, y compris la Jordanie et l’Irak.

« Nous travaillerons avec nos alliés pour désamorcer la situation. Personne ne veut d’un autre bain de sang. »

Et pour renforcer la cause de la paix dans le monde, Rishi Sunak a immédiatement annoncé qu’il envoyait l’aviation britannique dans la région, pour bombarder tous ceux qui ne seraient pas d’accord avec lui. Son complice, le dirigeant « travailliste » Sir Keir Starmer, est tombé immédiatement d’accord avec lui.

La voix criarde de Josep Borell est venue s’ajouter à ce chœur déjà pléthorique : « L’UE condamne avec la plus grande fermeté les attaques de drones et de missiles iraniens contre Israël. Il s’agit d’une escalade sans précédent et d’une menace pour la sécurité régionale. »

Il est étrange qu’aucun de ces personnages distingués n’ait dit quoi que ce soit sur l’attaque israélienne contre le consulat de Damas, comme il est surprenant que les actions d’Israël ne représentent absolument jamais une menace pour la sécurité régionale !!

Tous ces gens avaient apporté leur plein et entier soutien au « droit d’Israël à se défendre » après l’attaque du 7 octobre. Mais, pour une raison mystérieuse, le même principe ne semble pas, d’après eux, s’appliquer à l’Iran.

Comme aurait dit Alice : « De plus très-curieux en plus très-curieux ! »

La fin de l’affaire ?

Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a publié une déclaration affirmant :

« Je condamne la grave escalade que représente l’attaque à grande échelle lancée ce soir contre Israël par la République islamique d’Iran. J’appelle à la cessation immédiate de ces hostilités.

« Je suis profondément alarmé par le danger très réel d’une escalade dévastatrice à l’échelle de la région. J’exhorte toutes les parties à faire preuve de la plus grande retenue pour éviter toute action susceptible de conduire à des affrontements militaires majeurs sur plusieurs fronts au Moyen-Orient.

« J’ai souligné à plusieurs reprises que ni la région ni le monde ne peuvent se permettre une nouvelle guerre. »

Comme nous l’avons dit plus haut, le représentant permanent de l’Iran aux Nations Unies a affirmé que l’action militaire de son pays contre Israël était basée sur l’article 51 de la charte de l’ONU, en ce qui concerne son droit légitime à l’autodéfense en réponse à l’attaque israélienne meurtrière contre le consulat iranien en Syrie. Il a par ailleurs souligné que l’attaque contre Israël pouvait être considérée comme close.

Mais il a ajouté : « si Israël commet une autre erreur, la réponse de la République islamique d’Iran sera considérablement plus sévère ». Il a aussi souligné que si le conseil de sécurité de l’ONU avait condamné l’agression israélienne contre la mission diplomatique iranienne à Damas, et jugé ceux qui en étaient responsables, « il n’aurait peut-être pas été nécessaire que l’Iran punisse » Israël.

Le Corps des Gardiens de la révolution d’Iran a affirmé dans deux déclarations distinctes qu’il avait lancé des « dizaines de missiles et de drones » et réussi à « toucher et détruire » d’importantes cibles militaires appartenant à l’armée israélienne dans les territoires palestiniens occupés, en réaction aux « nombreux crimes israéliens ».

La mission iranienne à l’ONU a déclaré que pour elle, l’affaire était close. Mais ce n’est pas du tout garanti. Des sources au sein du gouvernement israélien ont déclaré à la chaîne de télévision Channel 12 qu’il y aurait une « réponse significative » à l’attaque iranienne. L’attaque du 1er avril a donc produit exactement le résultat que Netanyahou espérait.

D’après CNN, les officiels de l’administration Biden ont jugé que l’attaque iranienne contre Israël était « disproportionnée » par rapport à l’attaque israélienne à Damas qui l’avait provoquée. C’est une réponse plutôt tiède, bien éloignée de ce que Netanyahou attend de Washington.

Comme nous l’avons signalé, certains à Washington rêvent d’une excuse pour attaquer l’Iran. Mais cela déstabiliserait profondément toute la région. La diplomatie américaine va maintenant s’échiner à se tirer d’un piège dans lequel elle s’est elle-même plongée.

D’un côté, ils doivent soutenir Israël, qui est aujourd’hui virtuellement leur dernier allié solide dans la région, et de l’autre, ils doivent éviter une guerre régionale qui pourrait très vite échapper à leur contrôle.

Un élément important dans les calculs des impérialistes américains tient au besoin d’empêcher que la colère croissante des masses de la région n’atteigne le point où elle provoquerait la chute des régimes arabes réactionnaires qui sont censés être des alliés des Etats-Unis.

Certains indices montrent clairement qu’au moins certains de ces régimes sont nerveux. Les Etats du Golfe ont par exemple affirmé publiquement qu’ils ne laisseraient pas les Etats-Unis utiliser leur espace aérien ou des bases présentes sur leur sol pour une éventuelle attaque contre l’Iran.

Les Etats-Unis comme la Grande-Bretagne ont augmenté leur présence militaire dans la région. De leur côté, les Gardiens de la révolution ont averti que toute menace de la part des Etats-Unis, d’Israël ou d’un quelconque autre pays recevrait une réponse proportionnée de l’Iran.

Les flammes de la guerre brillent de plus en plus au Moyen-Orient. Et plusieurs personnes veulent les attiser jusqu’à provoquer une conflagration générale.

Alan Woods, 14 avril 2024

Lors de sa visite en Israël le 25 octobre dernier, Emmanuel Macron avait insisté pour « rappeler devant tous le droit légitime d’Israël de se défendre ». Il avait même proposé de mobiliser une « coalition internationale » pour combattre le Hamas ! La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, s’était quant à elle rendue en Israël quelques jours avant. Le 23 octobre, elle y avait proclamé son « soutien inconditionnel » à un « pays ami », avant de se faire photographier aux côtés de soldats israéliens. A ce moment-là, près de 10 000 Palestiniens, dont 4 000 enfants, avaient pourtant déjà été tués par l’armée israélienne.

Depuis, le massacre à Gaza s’est poursuivi sans interruption et suscite une indignation croissante de la jeunesse et de la classe ouvrière à l’échelle mondiale. Macron et le gouvernement français ont été contraints de modérer leur soutien à Israël, au moins en paroles. Ils n’en continuent pas moins à soutenir la guerre génocidaire menée par Israël à Gaza.

Hypocrisie

Au téléphone avec Benyamin Netanyahou, le 24 mars, Emmanuel Macron aurait appelé à « un cessez-le-feu immédiat et durable » et affiché « sa ferme opposition » à une offensive israélienne sur Rafah. Mais il y a loin de la parole aux actes. Les entreprises françaises continuaient – et continuent encore – d’envoyer des composants de munitions à l’industrie israélienne de l’armement, avec l’approbation du gouvernement.

Fin janvier, le gouvernement israélien affirmait qu’une dizaine d’employés de l’UNRWA (l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens), sur les plus de 13 000 qu’emploie l’agence, auraient été impliqués dans les attaques du Hamas le 7 octobre. Peu importe au gouvernement français qu’Israël n’ait apporté aucune preuve pour étayer ces accusations : le 28 janvier, le Quai d’Orsay annonçait que la France allait suspendre son financement à l’UNRWA. L’agence fournit pourtant une aide vitale (logement, soins médicaux) à 2 millions de personnes à Gaza ! Fin mars, ce financement n’a toujours pas été rétabli. Macron peut bien verser des larmes de crocodile sur les souffrances des Gazaouis, il en est un des responsables.

Répression et calomnie

Les déclarations récentes de Macron n’ont pas non plus changé quoi que ce soit à la répression et aux calomnies qui visent le mouvement de solidarité avec la Palestine. Le 20 octobre, le secrétaire général de la CGT du Nord était placé en garde à vue pour avoir publié un communiqué soulignant la responsabilité de l’occupation israélienne dans les attaques du 7 octobre et appelant à un « cessez-le-feu ». Les poursuites contre lui sont toujours en cours. Le 28 mars, un tribunal a même demandé qu’il soit condamné à un an de prison avec sursis !

Macron et son gouvernement ne sont pas les seuls en cause. Tous les médias de la bourgeoisie et la plupart des grands partis politiques ont constitué un nouvel « arc républicain », qui court de Glucksmann à Le Pen, pour dénoncer comme des antisémites et des partisans du terrorisme islamiste tous ceux qui soutiennent la lutte du peuple palestinien.

Le 12 mars, un amphithéâtre de Sciences Po Paris était occupé par un collectif de soutien à la Palestine. La presse bourgeoise a accusé les étudiants mobilisés d’avoir empêché une étudiante pro-israélienne de rentrer dans l’amphi parce qu’elle était juive. Ces allégations ont été rapidement démenties par l’étudiante elle-même. Mais qu’importent les faits ! Le président du Sénat, Gérard Larcher, a affirmé que Sciences Po Paris était devenu « un bunker islamo-gauchiste », tandis que, sur CNews, l’essayiste Chloé Morin concluait que ce « problème » (imaginaire, donc) découle du fait qu’à Sciences Po « la moitié des étudiants sont étrangers ». Pour ceux qui n’auraient pas compris, le Journal du Dimanche a précisé que nombre des étrangers en question viennent « des pays arabes ».

Une question de classe

Macron peut se dire « indigné » par les massacres de civils, regretter la mort de « ces bébés, ces femmes, ces personnes âgées » et tonner contre Netanyahou. La classe dirigeante française et son gouvernement n’en contribuent pas moins activement au massacre. En réprimant le mouvement de solidarité, en aidant à affamer les réfugiés palestiniens, et en livrant des armes à Israël, l’impérialisme français est complice du génocide à Gaza.

Au passage, la bourgeoisie française utilise cette guerre pour alimenter sa propagande raciste contre les immigrés et les musulmans, pour attaquer les organisations du mouvement ouvrier, et pour s’en prendre aux droits démocratiques. C’est une question de classe : le patronat français a intérêt à alimenter le racisme et à calomnier la gauche, pour diviser les travailleurs.

C’est sur ce terrain que doit s’exercer la riposte. Face au massacre des Palestiniens, nous ne pouvons placer aucune confiance en Macron et ses larmes de crocodile. La meilleure façon dont nous pouvons aider la lutte des Palestiniens est une mobilisation de masse des travailleurs et de la jeunesse contre la classe dirigeante française et son gouvernement.

Présenté par Benyamin Netanyahou comme la date limite du déclenchement de l’offensive terrestre contre Rafah, le 10 mars est pourtant passé sans que cette attaque ne soit lancée. Est-ce que Netanyahou hésite à l’idée de provoquer un carnage pire que tout ce dont nous avons été témoin depuis le 7 octobre ? Non. Le Premier ministre israélien n’a pas de tels états d’âme. Le « retard » pris par l’assaut contre Rafah est le fruit des pressions contradictoires qui s’exercent sur les dirigeants de l’Etat sioniste.

L’hypocrisie de Washington

Les Israéliens sont notamment soumis à la pression croissante des Etats-Unis. Biden et les dirigeants américains craignent qu’une offensive israélienne sur Rafah déstabilise encore un peu plus des pays de la région comme la Jordanie ou l’Egypte, qui sont d’importants alliés des Etats-Unis.

La situation à Gaza est aussi devenue un élément de la politique intérieure américaine. Le soutien de Biden à la guerre a provoqué la colère de couches significatives de la population, notamment dans la jeunesse. Or les élections présidentielles approchent. Si Biden veut éviter la défaite que tous les sondages lui prédisent, il doit au moins donner l’impression qu’il tente de mettre fin à la boucherie de Gaza. Par exemple, la représentante américaine à l’ONU s’est abstenue de poser son veto à une résolution appelant à un cessez-le-feu.

Mais Washington n’a pas pour autant interrompu, ni réduit, son aide militaire à Israël. C’est que Biden est soumis à d’autres pressions. Cesser d’aider Israël, qui est son plus fidèle allié dans la région, porterait un coup à la crédibilité de Washington auprès des classes dirigeantes d’autres pays alliés des Etats-Unis, comme l’Arabie Saoudite. Quelle est l’utilité d’une alliance avec les Américains s’ils cessent de vous soutenir dès que cela les arrange ? Autant trouver un autre « protecteur », qui sera peut-être plus fidèle. Alors que des pays comme la Chine ou la Russie contestent de plus en plus la domination américaine à l’échelle mondiale, les Etats-Unis ne peuvent pas lâcher Israël sans risquer de s’aliéner d’autres alliés.

Netanyahou est bien conscient du dilemme dans lequel sont plongés les stratèges de l’impérialisme américain. C’est pour cela qu’il se permet d’opposer une fin de non-recevoir à toutes les demandes de cessez-le-feu.

La division de la bourgeoisie israélienne

Cependant, les dirigeants sionistes sont eux-mêmes divisés et indécis. Loin d’avoir été « détruits », les combattants du Hamas sont toujours actifs à Gaza, y compris dans des zones que l’armée israélienne a occupées dès le début de son offensive. Certains dirigeants israéliens hésitent face à la perspective d’une guerre longue et meurtrière pour leurs propres soldats, sans que la victoire finale ne soit assurée.

Par ailleurs, la situation ne cesse de se tendre à la frontière nord d’Israël. L’armée israélienne a multiplié les frappes au Liban et le Hezbollah y a répondu par des tirs de roquettes de plus en plus nombreux. Parmi les éléments sionistes les plus radicaux, certains prônent l’ouverture d’un « second front ». L’ancien ministre israélien de la Défense, Avigdor Liberman, a appelé le gouvernement à « étendre la guerre en territoire ennemi », c’est-à-dire au Liban. Les Etats-Unis redoutent beaucoup cette perspective, car cela ouvrirait la voie à une extension du conflit à toute la région, ce qui pourrait les contraindre à intervenir directement.

Netanyahou est lui-même dans une situation très inconfortable. Si la guerre prenait fin, des élections se tiendraient – qu’il perdrait à coup sûr. Il devrait alors comparaître devant la justice pour plusieurs affaires de corruption. Il a donc intérêt à prolonger la guerre indéfiniment. Ceci le rend toujours plus dépendant de l’extrême droite sioniste, qui pousse pour envahir le Liban et mener la guerre jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à l’expulsion ou l’extermination des Palestiniens de Gaza.

De son côté, Benny Gantz, le principal rival de Netanyahou au sein du gouvernement israélien, a été récemment reçu à Washington comme s’il était déjà Premier ministre. En affirmant sa préférence pour un cessez-le-feu temporaire, afin de négocier la libération des otages, il a obtenu l’approbation des cercles dirigeants américains.

Tout cela explique la situation actuelle : les criminels impérialistes se débattent dans les affres de leurs propres contradictions. Et pendant ce temps, le carnage continue. Après six mois de guerre, 32 000 personnes sont mortes, dont un grand nombre d’enfants. La famine ravage Gaza, et l’épée de Damoclès d’une offensive israélienne plane sur Rafah.

Comme nous l’avons déjà souligné à plusieurs reprises, les puissances impérialistes n’ont aucun intérêt à soulager la souffrance du peuple palestinien, et moins encore à mettre fin à l’oppression qu’il subit. Seule une mobilisation révolutionnaire des travailleurs de la région, contre le colonialisme israélien, contre l’impérialisme et contre les régimes réactionnaires de la région – qui sont leurs serviles laquais – permettra d’en finir avec 75 ans d’oppression et de carnage en Palestine.

A  l’heure où nous écrivons ces lignes, Israël prépare une offensive terrestre contre la ville de Rafah, au sud de la bande de Gaza. Selon Benyamin Netanyahou, il s’agit de placer Israël « à quelques semaines d’une victoire totale ».
D’après l’Unicef, Rafah a dû accueillir 1,3 million de Palestiniens, dont 600 000 enfants. Une offensive contre la ville provoquerait des milliers de morts, alors que près de 30 000 Palestiniens ont déjà été tués par l’armée israélienne depuis le 7 octobre.

Les contradictions de la politique israélienne

Cette offensive se prépare dans un contexte marqué par la division de la classe dirigeante israélienne, dont une partie craint les conséquences politiques et sociales d’une guerre trop longue, alors que l’économie israélienne est déjà en difficulté. Depuis le dimanche 25 février, des représentants égyptiens, qataris, américains, israéliens et des cadres du Hamas ont relancé les négociations pour aboutir à une trêve.
Cependant, le 25 février, Netanyahou déclarait : « Nous n’arrêterons pas. Si nous avons un accord pour une trêve, ces objectifs seront reportés mais seront quand même remplis. Et si nous n’avons pas d’accord, nous les atteindrons de toute façon. Notre but est la victoire totale ».
Il y a deux raisons évidentes à cet acharnement. D’une part, Netanyahou veut rester au pouvoir à tout prix. Si la guerre prenait fin, des élections seraient convoquées. Or il serait battu et devrait répondre de plusieurs affaires de corruption devant les tribunaux. Il cherche donc à prolonger la guerre autant que possible, en s’appuyant sur les sionistes les plus radicaux, qui prônent ouvertement l’expulsion ou l’extermination de tous les Palestiniens de Gaza.
Par ailleurs, une couche significative de la population israélienne, traumatisée par l’attaque du 7 octobre et soumise à la propagande intensive du gouvernement, ne veut pas que la guerre s’arrête avant d’avoir complètement « détruit » le Hamas. Par son jusqu’au-boutisme, Netanyahou flatte cette couche de la population israélienne – au risque de déclencher une guerre régionale.
Tout en massacrant les Gazaouis, l’armée israélienne multiplie les provocations contre des pays voisins. Le 21 février, des avions israéliens ont bombardé Damas, la capitale de la Syrie, et tué deux personnes. Le 26 février, des bombardiers israéliens ont frappé un village libanais, près de Baalbek, et tué plusieurs personnes. En réponse, le Hezbollah libanais a tiré des dizaines de roquettes vers Israël. Ces affrontements renforcent la possibilité d’un deuxième front, opposant Israël au Hezbollah, et d’un embrasement de toute la région.

Inquiétudes impérialistes

Le 29 février, un membre de l’administration Biden déclarait à CNN que le gouvernement américain « partait du principe qu’il y aura une opération militaire israélienne [contre le Liban] dans les mois à venir, [...] peut-être plus tard au printemps ». Cette perspective est une source de grande inquiétude pour les impérialistes occidentaux. Après avoir apporté leur appui inconditionnel à Netanyahou au début de la guerre, ils en redoutent de plus en plus les conséquences.
Le carnage organisé par le régime sioniste, à Gaza, révolte de larges couches de la jeunesse et de la classe ouvrière du monde entier. Aux Etats-Unis, Joe Biden est surnommé « Genocide Joe » par une bonne partie de la jeunesse, qui le considère – à raison – comme un complice du massacre des Palestiniens. Par ailleurs, une déstabilisation durable du Moyen-Orient serait une menace directe pour les intérêts des impérialistes occidentaux.
C’est ce qui explique les déclarations récentes de Biden sur la possibilité d’une trêve à Gaza pendant le ramadan. Pour les mêmes raisons, Macron a déclaré que « le bilan humain et la situation humanitaire [à Gaza] étaient intolérables » et que « les opérations israéliennes devaient cesser ». Il s’agit pour eux d’exercer une légère pression sur le gouvernement israélien – et, surtout, de montrer à leurs opinions publiques qu’ils ne restent pas complètement passifs. Sans surprise, rien de tout cela n’a eu d’effet, à ce jour, sur le gouvernement israélien. Les impérialistes de Washington ou de Paris sont donc contraints de contempler avec inquiétude le chaos qu’ils ont eux-mêmes contribué à créer.
La poursuite de la guerre contre Gaza inquiète aussi les régimes de la région. Le régime égyptien d’Al-Sissi a menacé de rompre l’accord de paix avec Israël – conclu en 1979 – si l’assaut terrestre contre Rafah avait lieu. Sous la pression de sa propre population, Al-Sissi ne peut pas se permettre de rester passif. En outre, il n’a aucune envie de voir l’arrivée en Egypte de centaines de milliers de réfugiés que provoquerait un assaut israélien sur Rafah. Entassés dans des camps de réfugiés dans le Sinaï, les réfugiés palestiniens seraient une source permanente de tensions avec Israël.
Al-Sissi n’est pas le seul à se débattre dans de telles contradictions. La guerre à Gaza pourrait être l’étincelle d’une nouvelle série de révolutions dans les pays arabes. Seul un tel mouvement de masse, mobilisant les travailleurs et les jeunes de la région contre les régimes inféodés aux impérialistes, pourrait mettre fin aux souffrances des Palestiniens.

La Tendance Marxiste Internationale (TMI) condamne la proposition d’exclure le député communiste Ofer Cassif de la Knesset (le parlement israélien), et nous protestons avec force contre la répression des droits démocratiques en Israël.

Ofer Cassif est un membre dirigeant du Parti Communiste Israélien (le « Maki ») et un représentant de la coalition « Hadash » à la Knesset. Le 18 octobre, il a été suspendu pour 45 jours par le « Comité d’éthique » de la Knesset, après avoir accusé le gouvernement de mener un nettoyage ethnique dans les territoires palestiniens. En d’autres termes, il a été suspendu du parlement pour avoir dit la vérité !

Le régime cherche maintenant à l’exclure purement et simplement du parlement, sous prétexte qu’il a récemment signé une pétition qui soutenait la plainte accusant Israël de commettre un génocide à Gaza déposée par l’Afrique du Sud devant la Cour Internationale de Justice. Peu après, 85 membres de la Knesset issus de la coalition d’extrême droite au pouvoir ainsi que de l’opposition soi-disant « modérée » ont signé une motion demandant son exclusion.

Le mardi 30 janvier, le comité de la Knesset a voté à 14 voix contre 2 en faveur de l’exclusion de Cassif, expliquant que son soutien à la plainte sud-africaine était une « trahison » et équivalait à « soutenir une lutte armée » contre l’Etat d’Israël. Son exclusion doit être soumise au vote de la Knesset le 19 février. Elle devra obtenir le soutien de 90 députés (sur 120). Etant donné que 85 parlementaires ont d’ores et déjà signé une motion dans ce sens, il est très probable que Cassif sera exclu de la Knesset.

Demo Image Ofer Cassif TwitterCette attaque contre Cassif vise à écraser en Israël toute opposition à la guerre génocidaire menée à Gaza et au nettoyage ethnique des Palestiniens en Cisjordanie. Le ministre d’extrême droite en charge de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, l’a dit explicitement en publiant sur X (ex-Twitter) la photo d’un autre parlementaire du Hadash, Ayman Odeh, avec pour commentaire : « le prochain sur la liste ».

Comme l’a affirmé une autre parlementaire du Hadash, Aida Touma-Suleiman : « avec le débat de mardi [30 janvier], les membres de la Knesset grignotent ce qu’il reste de démocratie » en Israël.

Quels que soient nos désaccords politiques avec Cassif et le Hadash, nous soutenons leurs droits démocratiques et leur apportons notre solidarité dans la lutte contre la répression sioniste. Les communistes et tous les démocrates conséquents à travers le monde devraient apporter leur solidarité à toutes les victimes de la répression, et protester contre cette attaque flagrante envers les droits démocratiques fondamentaux, qui expose au passage non seulement l’hypocrisie de la démocratie bourgeoise en général, mais l’état tout particulier de décomposition de la « démocratie » israélienne.

Depuis le 7 octobre, la guerre contre la population de Gaza a tué des dizaines de milliers de Palestiniens, dont une écrasante majorité de civils. L’armée israélienne bombarde des hôpitaux et des écoles. Elle détruit des quartiers entiers.

L’objectif de cette guerre est clair : les dirigeants israéliens veulent tuer ou chasser un maximum de Palestiniens de Gaza. D’après le journal israélien Israel Hayom, Benyamin Nétanyahou aurait même déclaré qu’il fallait « réduire la population de Gaza à son niveau le plus bas possible ».

Cette guerre barbare est une nouvelle manifestation de l’oppression que subissent les Palestiniens depuis 75 ans. Elle suscite une vive répulsion dans la jeunesse et la classe ouvrière de nombreux pays, y compris en Occident. Nombreux sont celles et ceux qui se demandent comment ils peuvent aider la lutte des Palestiniens pour leur libération.

La campagne BDS

Diverses organisations de gauche – dont la CGT et le NPA font la promotion de la campagne « Boycott, Désinvestissement, Sanctions » (BDS). Comme son nom l’indique, il s’agit d’une campagne d’appel au boycott qui cherche à isoler économiquement et culturellement Israël, dans l’espoir de contraindre son gouvernement à cesser d’opprimer les Palestiniens.

Cet appel s’adresse aux consommateurs, auxquels il est demandé de ne plus acheter de produits israéliens, mais aussi de faire pression sur les entreprises privées et les Etats occidentaux. L’appel de BDS affirme : « Nous considérons que la politique destructrice d’Israël se poursuit parce que personne ne l’arrête. La communauté internationale ne joue pas son rôle, l’Union européenne et le gouvernement français les premiers. [...] Nous faisons appel à vous pour faire pression sur vos Etats respectifs afin qu’ils appliquent des embargos et des sanctions contre Israël. »

Lorsqu’on prend la peine d’y réfléchir, le problème de cette campagne saute aux yeux : la « communauté internationale » dont parle l’appel de BDS est précisément constituée des Etats impérialistes qui sont à l’origine du chaos et des souffrances des Palestiniens. Ce sont la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis – en premier lieu – qui se sont partagés le Moyen-Orient pour mieux l’exploiter, dans la première moitié du XXe siècle. Ce sont les mêmes puissances qui apportent depuis des décennies leur appui à l’oppression des Palestiniens par le régime sioniste. Ce faisant, elles jouent leur « rôle », qui n’est pas de défendre la paix ou la justice, comme le prouve suffisamment la longue liste des interventions militaires des Etats-Unis au Moyen-Orient. Le « rôle » de ces puissances impérialistes est de défendre leurs intérêts respectifs, y compris par la guerre.

L’Etat sioniste est, de très loin, l’allié le plus solide de l’impérialisme américain au Moyen-Orient : aucune pression des « consommateurs », aussi massive soit-elle, ne diminuera l’importance de ce fait. La même remarque s’applique à la France et à la plupart des Etats impérialistes occidentaux. En France, la classe dirigeante est d’autant plus attachée à soutenir le gouvernement israélien que la guerre actuelle lui offre l’occasion d’intensifier sa campagne de division et de diversion permanentes contre la jeunesse et les travailleurs musulmans.

Certes, il est possible d’imaginer que certains Etats moins liés à Israël rompent toute relation commerciale avec lui, si cela devait servir leurs intérêts. Mais quelles en seraient les conséquences concrètes ? Les sanctions sont une forme de guerre économique aveugle. C’est un moyen d’assiéger une nation entière. Ceux qui en souffrent le plus sont toujours les travailleurs et les pauvres.

Les sanctions contre la Russie en offrent une bonne illustration. Leur objectif affiché par les impérialistes occidentaux était d’affaiblir le régime de Poutine et, ainsi, de contribuer à sa défaite militaire en Ukraine. Mais les sanctions n’ont rien accompli de tel. Le régime a contourné le blocus économique, notamment grâce à la Chine et l’Inde ; non seulement l’économie russe a tenu le coup, mais elle a même profité de l’envolée des prix du pétrole et du gaz. L’armée russe n’a pas été affaiblie. Par contre, les travailleurs et les pauvres de nombreux pays, en Afrique et au Moyen-Orient, ont été frappés de plein fouet par les conséquences des sanctions contre la Russie, qui ont entraîné une forte augmentation des prix du blé, de l’énergie et d’autres produits de première nécessité.

Si un embargo devait être imposé à Israël, la classe dirigeante israélienne trouverait sans doute des moyens de contourner une bonne partie des sanctions. Dans tous les cas, elle en ferait peser tout le poids sur les couches les plus opprimées de la population, c’est-à-dire d’abord sur les Palestiniens, qui seraient pris entre le marteau des sanctions et l’enclume de l’Etat israélien.

Un grand nombre de Palestiniens travaillent pour des entreprises israéliennes, lesquelles dominent l’économie palestinienne. Ils seraient les premiers frappés par les entreprises israéliennes que les sanctions mettraient en difficulté. Quant à ceux qui conserveraient leur emploi, le patronat israélien aurait tendance à les exploiter encore plus, afin de compenser les pertes liées à l’embargo. De leur côté, les travailleurs israéliens seraient poussés dans les bras de leur propre classe dirigeante. Celle-ci trouverait même dans les sanctions un argument de plus pour se présenter comme la « protectrice » de la population juive. Loin d’être affaibli, le régime sioniste serait renforcé.

Pour un boycott de classe

Dans son Programme de transition (1938), le marxiste russe Léon Trotsky écrivait : « Dans une société fondée sur l’exploitation, la morale suprême est la morale de la révolution socialiste. Bons sont les méthodes et moyens qui élèvent la conscience de classe des ouvriers, leur confiance dans leurs propres forces, leurs dispositions à l’abnégation dans la lutte. »

Est-ce qu’un boycott des produits israéliens – par les consommateurs – aiderait à développer la conscience de classe des travailleurs, que ce soit en France, en Israël ou en Palestine ? Non, car un tel boycott ne mobilise les travailleurs que comme consommateurs isolés, au lieu de les mobiliser comme producteurs. Or la véritable force de la classe ouvrière ne réside pas dans sa consommation ou dans son pouvoir d’achat. La classe ouvrière est la force la plus puissante qui existe dans la société, mais cette puissance ne se matérialise que lorsqu’elle agit en tant que classe, en s’appuyant sur le rôle qu’elle joue dans le processus de production.

Prenons l’exemple d’Hewlett-Packard (HP). Cette entreprise informatique est particulièrement ciblée par BDS, car elle produit des logiciels qui sont utilisés par les systèmes israéliens de surveillance biométrique. Si un travailleur décide, à titre individuel, de ne pas acheter une imprimante HP, cela n’aura aucun impact sur l’entreprise. Et même si des centaines de milliers de travailleurs boycottaient les imprimantes HP, cela ne les rendrait pas plus conscients de leur rôle dans la production et de leur poids dans la société. Par contre, si les travailleurs d’HP se mobilisaient collectivement en faisant grève ou refusant de produire la technologie utilisée par Israël pour opprimer les Palestiniens, cela contribuerait à élever la conscience de classe de ces travailleurs et à les unir dans une lutte commune.

Au lieu d’un boycott des consommateurs visant tous les biens israéliens, un boycott ciblé organisé par les syndicats pourrait, par exemple, empêcher tout envoi d’armes en Israël. C’est ce qu’ont fait les dockers du port de Barcelone lorsqu’ils ont annoncé, début novembre, qu’en solidarité avec la Palestine ils refuseraient de charger et de décharger des navires transportant du matériel de guerre. C’est ce type de mobilisations qui devrait être organisé par les dirigeants du mouvement ouvrier, dans tous les pays occidentaux.

La seule issue

Pour autant, il faut être clair : même une mobilisation de masse qui obtiendrait l’arrêt complet des envois d’armes en Israël ne permettrait pas, à elle seule, d’en finir avec l’oppression de la Palestine. Contrairement à ce que prétendent les animateurs de la campagne BDS, il est impossible de parvenir à ce résultat dans le cadre du système capitaliste. Les souffrances des Palestiniens sont une conséquence de la domination de l’impérialisme sur le Moyen-Orient. Pour y mettre fin, il faut s’attaquer au système capitaliste dans son ensemble, en commençant par notre propre classe dirigeante.

La politique étrangère n’est qu’une extension de la politique intérieure. Les menées impérialistes du gouvernement français, et l’appui qu’il apporte au régime sioniste, découlent des intérêts qu’il représente, ceux de la classe capitaliste française. Tant que celle-ci ne sera pas renversée, elle continuera à défendre ses intérêts, et donc à apporter son soutien à Israël. Un gouvernement des travailleurs en France, doté d’un programme internationaliste et socialiste, mettrait un terme aux ingérences impérialistes de la France au Moyen-Orient, cesserait d’appuyer les crimes de l’Etat sioniste et pourrait même apporter une aide puissante à la lutte des Palestiniens.

Par ailleurs, un mouvement révolutionnaire victorieux dans un quelconque pays capitaliste avancé aurait des répercussions à l’échelle mondiale, et serait un encouragement immense pour les luttes révolutionnaires du Moyen-Orient et d’ailleurs. Si elle reste isolée, la lutte révolutionnaire des masses palestiniennes ne pourra pas vaincre l’Etat israélien. Il faudra les efforts combinés d’un mouvement révolutionnaire à travers l’ensemble du Moyen-Orient. Cela suppose de renverser les régimes arabes bourgeois et réactionnaires qui soutiennent la cause palestinienne en paroles, mais trahissent les Palestiniens chaque fois qu’ils ont l’occasion de conclure un accord avec l’impérialisme.

Tout cela peut sembler plus abstrait et plus lointain que des appels au boycott, au désinvestissement et aux sanctions. Mais c’est en réalité la seule perspective concrète pour aider les Palestiniens. Aucune libération ne sera jamais possible pour la Palestine, comme pour tous les peuples opprimés de la planète, tant que le capitalisme et l’impérialisme continueront à dominer notre globe.

Un mois après le début de la campagne de nettoyage ethnique menée par le gouvernement israélien contre les Palestiniens, l’Organisation des dockers du port de Barcelone (OEPB) a décidé de “ne pas permettre le passage dans notre port de navires transportant du matériel de guerre”. Le syndicat des travailleurs portuaires (USTP) a pris la même décision le 8 novembre.

La Tendance Marxiste Internationale soutient totalement les travailleurs qui ont décidé de mener cette action décisive contre ce massacre. C’est la voie à suivre.

Nous ne pouvons compter que sur nos propres forces - les forces de la classe ouvrière et de la jeunesse, qui sont prêtes à s’opposer à toute forme d’oppression - pour arrêter ce génocide, qui bénéficie du soutien des impérialistes.

Nous appelons donc la classe ouvrière - en commençant par ses organisations politiques et syndicales - à se solidariser avec les dockers de Barcelone. Nous devons suivre leur exemple, organiser des meetings pour discuter de l’oppression de la Palestine, voter des résolutions contre ce génocide, organiser des manifestations et des rassemblements devant les sièges des entreprises qui ont des intérêts en Israël et exiger que nos gouvernements cessent d’appuyer ce massacre et d’envoyer des armes en Israël. Les travailleurs d’Airbus ont organisé des rassemblements en ce sens. Il faut suivre leur exemple!

Seule la classe ouvrière a le pouvoir de mettre fin à ce massacre du peuple palestinien, ainsi qu’aux guerres en Ukraine, au Karabakh, au Yémen, etc. Le capitalisme est synonyme de guerres sans fin. La libération de la Palestine ne peut être obtenue que par l’action des masses en Palestine et dans toute la région, par la lutte contre les capitalistes et les impérialistes qui ont créé ce cauchemar et qui, au nom de leurs profits, oppriment des millions de travailleurs et de jeunes. En d’autres mots, elle ne peut être obtenue que par la lutte de classes des opprimés contre leurs oppresseurs, leur lutte révolutionnaire pour établir un monde sans oppression, ni exploitation, un monde socialiste.

Nous pouvons contribuer à cette lutte de nos frères et sœurs de classe du Moyen-Orient, ici, chez nous, en suivant l’exemple inspirant des dockers de Barcelone, en luttant contre nos propres oppresseurs : les impérialistes dont le pouvoir repose sur l’oppression de millions de personnes au Moyen-Orient, mais aussi sur notre propre oppression.

Vive la lutte de la classe ouvrière!

A bas l’impérialisme!

Intifada jusqu’à la victoire!

 

La guerre menée par Israël contre le peuple palestinien se trouve aujourd’hui à une étape cruciale. Après plusieurs semaines de bombardements, l’armée israélienne a engagé une offensive terrestre dans la bande de Gaza. Dans le même temps, elle multiplie les raids meurtriers contre des villages ou des camps de réfugiés palestiniens en Cisjordanie. A l’heure où nous écrivons ces lignes, le nombre de victimes palestiniennes approche les 10 000. Ce chiffre ne peut qu’augmenter au fur et à mesure que l’offensive israélienne s’intensifiera.

Les images de Gazaouis massacrés ont suscité une vague d’indignation et de colère dans le monde entier. Au Moyen-Orient, des millions de personnes sont descendues dans les rues pour réclamer que leurs gouvernements agissent en faveur de Gaza. En Occident, malgré une campagne de propagande intensive et une répression inédite, de grandes manifestations protestent contre le massacre de Gaza et le soutien que Biden, Sunak, Macron, Trudeau, etc., apportent au gouvernement criminel de Netanyahou.

La Tendance Marxiste Internationale est partie prenante de ce mouvement. Nous sommes inconditionnellement solidaires de la lutte du peuple palestinien pour sa libération nationale. Cependant, la question se pose : comment mener cette lutte à la victoire ?

La passivité complice de l’ONU

De nombreux partis de gauche et organisations de travailleurs appellent à un cessez-le-feu immédiat et à la négociation d’un « accord de paix » qui comprendrait la fin de l’occupation israélienne de la Palestine. Par exemple, la Fédération syndicale mondiale (FSM) exige la fin de « l’occupation et de la colonisation israéliennes dans les territoires arabes occupés, comme le prévoient les résolutions des Nations Unies », ainsi que la création « d’un Etat palestinien indépendant sur les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale, et garantissant le droit au retour des réfugiés palestiniens ». C’est aussi cette position, peu ou prou, qui est défendue par la France insoumise et le PCF, qui la présentent comme une « solution de paix juste et durable » à la question palestinienne.

En réalité, cette « solution » n’en est pas une. Tout d’abord, les « frontières de 1967 » sont celles qui existaient avant la guerre des Six Jours de juin 1967. Elles étaient elles-mêmes la conséquence de la « Nakba » (la « catastrophe »), c’est-à-dire du massacre de dizaines de milliers de Palestiniens et de l’expulsion de plus de 700 000 autres par les milices sionistes, entre 1947 et 1949. Au total, à la fin de l’année 1949, ce nettoyage ethnique a détruit ou vidé de leurs habitants plusieurs centaines de villes et villages palestiniens. Les milices sionistes se sont emparées de 78 % de la Palestine. La réaction de la « communauté internationale » fut de reconnaître ce sanglant fait accompli et de formaliser ces nouvelles frontières sous le nom de « ligne verte ». C’est à cette « ligne verte », fruit de la Nakba, que la FSM, le PCF ou la FI voudraient aujourd’hui revenir.

Pendant la guerre des Six Jours de juin 1967, Israël a envahi par surprise l’Egypte, la Jordanie, la Syrie – et a occupé toute la Palestine (ainsi que le Sinaï et le plateau du Golan). Les Nations Unies ont réagi en adoptant la Résolution 242, qui demandait le « retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés au cours du récent conflit ». Cette résolution n’a jamais été appliquée. Bien d’autres résolutions ont connu le même sort. Entre 1947 et 2009, l’ONU a voté 34 résolutions « condamnant » poliment la politique coloniale d’Israël. Aucune n’a eu le moindre impact sur l’attitude d’Israël vis-à-vis des Palestiniens. Cependant, jamais l’ONU n’a adopté la moindre sanction à l’encontre d’Israël.

Cette passivité de l’ONU s’explique simplement. Contrairement à ce qu’affirment Fabien Roussel ou Jean-Luc Mélenchon, cette institution n’a rien à voir avec la « paix » et la « justice ». Elle n’est qu’un forum où les différentes puissances impérialistes s’efforcent de parvenir à des compromis pour défendre leurs intérêts communs. Par exemple, après la Guerre du Golfe en 1991, l’ONU a soumis l’Irak à un blocus économique extrêmement strict, qui a causé la mort d’au moins 500 000 Irakiens. Il s’agissait alors de « punir » l’Irak, dont le régime s’était montré rétif à l’égard des Etats-Unis.

Autre exemple parmi bien d’autres : en 2004, l’ONU a approuvé le renversement du président haïtien Aristide, qui avait eu l’audace de réclamer des réparations à la France pour les crimes commis durant la période coloniale. Haïti a ensuite été soumise, pendant plus d’une décennie, à une occupation militaire par des Casques bleus de l’ONU, durant laquelle ceux-ci ont commis une multitude de crimes et de massacres pour étouffer la résistance des masses haïtiennes.

Le fait est que l’ONU n’a aucun intérêt à s’attaquer à l’Etat d’Israël, qui est l’allié le plus solide de Washington au Moyen-Orient. Israël n’a jamais hésité à y jouer les gendarmes pour le compte de l’impérialisme occidental. Voilà pourquoi l’ONU se contente de résolutions de principe qui ne servent qu’à distraire l’attention des masses.

Les accords d’Oslo

Tous les appels à une « solution à deux Etats » et au retour aux « frontières de 1967 » oublient un fait gênant : la crise actuelle est précisément le résultat de l’échec total de la « solution à deux Etats » qui avait été formalisée par les accords d’Oslo, en 1993 et 1995.

Aux termes de ces accords négociés en secret, dans le dos du peuple palestinien, un semi-Etat palestinien doté uniquement d’une force de police a été créé sous le nom d’« Autorité palestinienne » (AP), tandis qu’Israël acceptait de se retirer partiellement des territoires occupés, tout en gardant sous son contrôle près de 60 % de la Cisjordanie. L’Etat israélien conservait par ailleurs le contrôle exclusif des frontières et de l’espace aérien de la Palestine, et était investi de « tous les pouvoirs » pour préserver « la sécurité et l’ordre intérieurs ».

En contrepartie, Yasser Arafat et l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) ont accepté de reconnaître l’Etat d’Israël dans ses frontières de 1967 – issues de la Nakba – et d’abandonner toutes leurs revendications concernant le « droit au retour », c’est-à-dire la possibilité pour les Palestiniens chassés de leurs foyers de pouvoir y retourner. Ces accords fixaient aussi comme objectif de « jeter les bases d’un renforcement des bases économiques de la partie palestinienne ». En réalité, il s’agissait d’assurer la soumission économique de la Palestine, qui a été intégrée dans une union douanière avec Israël et contrainte d’utiliser la monnaie israélienne, le shekel.

Trente ans plus tard, quel est le résultat des accords d’Oslo ? Sur le plan économique, les conditions de vie en Palestine se sont dégradées. En 1993, le taux de chômage à Gaza et en Cisjordanie était de 7 % ; il était de 24 % à la veille du 7 octobre dernier. Le chômage des jeunes atteignait près de 37 %. Avant les bombardements israéliens de ces dernières semaines, le chômage touchait près de 45 % des Gazaouis. L’ensemble de l’économie palestinienne est maintenue dans un état de dépendance coloniale vis-à-vis d’Israël, qui fournit 58 % de ses importations et reçoit 86 % de ses exportations.

Par ailleurs, les accords d’Oslo n’ont pas empêché l’armée israélienne de fragmenter la Cisjordanie, en multipliant à sa guise les barrages routiers et les interdictions de déplacement pour les Palestiniens. Elle a aussi utilisé à maintes reprises les « pouvoirs » que lui confèrent les accords pour mener des raids sanglants dans les camps de réfugiés et dans les villages palestiniens de Cisjordanie. Enfin, la prolifération des colonies juives illégales en Cisjordanie n’a pas cessé. Elle s’est même accélérée depuis les accords d’Oslo. Plus de 700 000 colons juifs vivent aujourd’hui illégalement en Cisjordanie occupée, à Jérusalem-Est et sur le plateau du Golan, sous la protection de l’armée et de la police israéliennes. La Cisjordanie est un territoire morcelé, constellé de colonies et de bases militaires israéliennes. Les Palestiniens ne peuvent pas y circuler librement.

L’Autorité palestinienne et le Fatah, le parti de Yasser Arafat et de Mahmoud Abbas, sont devenus des fantoches dont le rôle réel est d’aider Israël à opprimer la population palestinienne. Les tirs à balles réelles de la police palestinienne sur des manifestants qui protestaient contre le bombardement israélien de Gaza en sont une bonne illustration. Il n’est donc pas surprenant que le Fatah et Mahmoud Abbas soient massivement rejetés par la population palestinienne qui les voit, à juste titre, comme des gardes-chiourmes à la solde des Israéliens.

Lors des élections législatives palestiniennes de 2006, ce rejet massif a débouché sur la victoire du Hamas. Mais Israël, l’Union européenne et les Etats-Unis ont refusé de reconnaître ce résultat et ont fait pression sur le Fatah pour qu’il conserve le pouvoir. La Palestine a alors été déchirée par une guerre civile à l’issue de laquelle la bande de Gaza est passée sous le contrôle du Hamas et la Cisjordanie est restée sous celui du Fatah. Depuis, l’Autorité palestinienne n’a plus organisé d’élections.

Au final, la solution dite des « deux Etats » – adoptée lors des accords d’Oslo – n’a pas fait avancer la Palestine d’un pouce vers une réelle indépendance. Elle n’a réussi qu’à créer deux réserves misérables distinctes, dans lesquelles les Palestiniens sont détenus comme des prisonniers dans leur propre pays. L’économie palestinienne a été systématiquement étranglée et la soi-disant Autorité palestinienne n’a en réalité aucune autorité. Dans le même temps, les colonies juives de Cisjordanie ont continué de s’étendre sans interruption. L’armée israélienne a multiplié les meurtres et les massacres de civils palestiniens.

L’impérialisme israélien

Les partisans d’une solution à deux Etats soulignent que les gouvernements israéliens successifs ont tout fait pour enrayer le « processus de paix ». C’est tout à fait exact, particulièrement en ce qui concerne les gouvernements israéliens dirigés par Ariel Sharon (2001-2006) et par Benyamin Netanyahou (1996-1999, 2009-2021, et depuis 2022). Mais la question demeure : quel gouvernement bourgeois israélien pourrait abandonner l’ensemble de la Cisjordanie, évacuer toutes les colonies et accepter de financer le développement d’une économie palestinienne viable et indépendante ?

Israël est un Etat capitaliste qui a développé des intérêts impérialistes dans toute la région. Ces intérêts dépendent en grande partie du maintien de la domination israélienne sur l’ensemble de la Palestine. Ce facteur pèse beaucoup plus lourd que tous les accords diplomatiques, et a déterminé la politique de tous les gouvernements israéliens – de droite comme « de gauche » – depuis 1948.

Ce n’est pas Sharon ou Netanyahou, mais le parti travailliste d’Yitzhak Rabin qui a négocié les accords d’Oslo, en insistant particulièrement sur « l’intégration » des économies israélienne et palestinienne. C’est le même « progressiste » Rabin qui avait ordonné aux soldats israéliens de briser les membres des manifestants palestiniens arrêtés durant l’Intifada, à la fin des années 1980. Et lorsque l’alliance de « gauche » (« Un seul Israël ») est arrivée au pouvoir en 1999, elle n’a rien fait pour ralentir l’expansion des colonies israéliennes en Cisjordanie.

Pour les impérialistes, la paix n’est que la poursuite de la guerre par d’autres moyens. La seule différence entre le sionisme « libéral » et le sionisme de droite est que le premier veut étouffer les Palestiniens le plus discrètement possible, tandis que le second leur donne en même temps des coups de pied au visage. Mais le résultat reste le même. Lorsque l’aile libérale de la classe dirigeante israélienne proteste contre les « excès » de certains colons ou contre les provocations de Netanyahou, ce n’est pas parce qu’elle s’oppose à l’oppression monstrueuse des Palestiniens, mais parce qu’elle redoute que ces excès et ces provocations ne finissent par déclencher un soulèvement général des masses palestiniennes.

Dans la situation actuelle, la perspective d’un nouveau « plan de paix » semblable aux accords d’Oslo est un leurre et une tromperie visant à détourner les masses de la voie révolutionnaire. C’est d’ailleurs précisément pour cette raison que les Etats-Unis, la France, l’Union européenne insistent de nouveau sur la perspective d’une solution « à deux Etats ». Les impérialistes occidentaux veulent éviter un soulèvement de la population palestinienne, tout en donnant l’impression à leurs propres populations qu’ils ne restent pas passifs face au massacre de Gaza.

Ce faisant, ils sont aidés par les déclarations larmoyantes des « pacifistes » tels que Fabien Roussel, qui renvoie dos-à-dos la violence des Palestiniens et celle des Israéliens. Roussel exhorte les deux camps à « faire en sorte que la fraternité prenne le pas sur la barbarie ». Un tel discours est peut-être bon pour un curé de campagne, mais certainement pas pour quelqu’un qui se dit « communiste ». Il est parfaitement compréhensible que de nombreuses personnes se tournent vers le pacifisme, car elles rejettent sincèrement la guerre et les destructions qui l’accompagnent. Mais dans la lutte entre oppresseurs et opprimés, le pacifisme revient à prêcher la passivité aux opprimés – c’est-à-dire, en l’occurrence, aux Palestiniens. La violence des Palestiniens est le fruit de l’oppression intolérable qu’ils subissent depuis 75 ans de la part des Israéliens. Demander aux Palestiniens d’être patients et « fraternels », c’est leur demander d’accepter d’être opprimés.

La vérité est qu’il n’y a pas aujourd’hui d’Etat palestinien viable et qu’il n’y en aura jamais tant que le capitalisme israélien continuera d’exister. La solidarité avec la Palestine doit partir de ce fait incontestable, qui est déjà compris par la majorité des Palestiniens. Dans un sondage réalisé en septembre par le Centre palestinien de recherche politique et de sondage, 64 % des Palestiniens interrogés déclaraient que la situation était pire aujourd’hui qu’avant les accords d’Oslo ; 71 % estimaient que l’OLP avait eu tort de les signer ; 53 % déclaraient que la lutte armée était le meilleur moyen de faire avancer la lutte pour la libération de la Palestine.

Pour une solution révolutionnaire !

Il n’existe pas de solution réformiste à l’émancipation des Palestiniens. Les pressions internationales sur Israël et les « accords de paix » laborieusement négociés ne peuvent, au mieux, que maintenir un statu quo déjà insupportable. Les masses palestiniennes ne doivent compter que sur leurs propres forces et sur la solidarité de la classe ouvrière mondiale.

Un soulèvement de masse, s’appuyant sur la jeunesse palestinienne et embrasant toute la Palestine, pourrait ébranler non seulement le régime israélien, mais aussi toute la région. Sur la base d’un programme socialiste, un tel mouvement pourrait dépasser les frontières artificielles de la Palestine et toucher les travailleurs arabes vivant du côté israélien de la « ligne verte » – mais aussi les travailleurs et les pauvres des Etats arabes voisins qui sont indignés par la complicité de leur propre classe dirigeante à l’égard des crimes du sionisme. Un tel mouvement de masse exacerberait la lutte des classes en Israël et briserait « l’unité nationale » entre les travailleurs et les patrons israéliens. Cette unité est l’un des principaux outils de la classe dirigeante israélienne pour opprimer les Palestiniens – et pour exploiter ses propres travailleurs.

La perspective d’une Palestine capitaliste aux côtés d’une version « démocratique » de l’actuel Etat israélien est complètement utopique. Si la classe dirigeante israélienne n’est pas renversée, si elle garde la main sur l’Etat israélien, elle utilisera tous les moyens à sa disposition pour conserver le contrôle sur la Palestine, quitte à déboucher sur une situation encore plus cauchemardesque. L’appareil d’Etat réactionnaire du sionisme doit être complètement démantelé ; la classe capitaliste doit être expropriée ; la terre et les monopoles doivent être placés sous le contrôle de la classe ouvrière.

Pour vaincre, la lutte de libération de la Palestine doit passer par une révolution qui ne respecte ni la « démocratie » capitaliste, ni les frontières nationales, et qui ne s’arrête pas tant que l’impérialisme israélien – et ses marionnettes en Palestine – n’ont pas été complètement vaincus. Seule une démocratie ouvrière pourra remplacer l’actuel Etat d’Israël, mettre fin à l’occupation, résoudre la question essentielle de la terre et respecter les droits démocratiques des Juifs et des Arabes. Seul le socialisme pourra satisfaire les besoins criants du peuple palestinien en matière de terre, de travail, de logement – et garantir à tous une existence digne.

C’est pourquoi nous disons :

Intifada jusqu’à la victoire !

Pour une Palestine socialiste et démocratique au sein d’une Fédération socialiste du Moyen-Orient !

L’armée israélienne, après beaucoup de tergiversations, a finalement entamé ses opérations terrestres contre Gaza le week-end dernier. Mais il ne s’agit pas d’une offensive tous azimuts. Les chefs militaires israéliens sont bien conscients du risque auquel ils exposeraient leurs propres soldats en les engageant dans des combats urbains. Ils sont aussi attentifs à essayer de ne pas donner au Hezbollah l’excuse dont ils ont besoin pour élargir le conflit et ouvrir un second front au nord, sur la frontière avec le Liban. Qu’est-ce que Netanyahou et ses généraux ont donc derrière la tête ?

D’après le Financial Times, Amir Avivi, l’ancien chef adjoint de la division de Gaza de l’armée israélienne, a déclaré : « Nous ne prenons aucun risque. Quand nos soldats manœuvrent, nous le faisons avec une artillerie massive, avec 50 avions au-dessus qui détruisent tout ce qui bouge. »

Les bombardements se sont effectivement intensifiés vendredi, avec plus de 600 frappes. Cela a fait monter le nombre de morts palestiniens à plus de 8 300, un chiffre qui est malheureusement voué à continuer de grandir.

Langage guerrier

Les déclarations de Netanyahou, de son ministre de la Défense, et de plusieurs politiciens et commentateurs israéliens sont extrêmement belliqueuses, soulignant le fait qu’ils sont en guerre, et que ce n’est pas le moment de parler de « pauses humanitaires » ou de cessez-le-feu. Ils sont déterminés à écraser et détruire le Hamas, quelles qu’en soient les conséquences pour la population civile de Gaza.

Netanyahou a prononcé un discours le 29 octobre, pour annoncer la « seconde étape de la guerre », dans lequel il a déclaré : « Souviens-toi de ce qu’Amaleq t’a fait, est-il écrit dans la Bible ». Et qu’est-ce que Dieu est supposé avoir dit aux anciens Hébreux, d’après le Livre Saint ? Dans le Livre de Samuel (chapitre 15, verset 3), il est écrit : « Maintenant donc, va frapper Amaleq. Vous devrez vouer par interdit tout ce qui lui appartient. Tu ne l’épargneras point. Tu mettras tout à mort, hommes et femmes, enfants et nourrissons, bœufs et moutons, chameaux et ânes ». Dans le Deutéronome (chapitre 25, verset 19), nous pouvons lire : « […] tu effaceras de sous le ciel la mémoire d’Amaleq […] ».

Le vocabulaire de l’Ancien Testament est purement et simplement génocidaire. Il ne s’agit là de rien de moins que de l’extermination totale d’un peuple. Les Amalécites étaient un peuple ancien habitant le désert du Negev, qui sont présentés comme des ennemis acharnés des Hébreux. Et le Dieu des anciens Juifs – le même Dieu qu’adorent aujourd’hui chrétiens et musulmans – n’était pas du genre à « tendre l’autre joue » ou « aime ton prochain comme toi-même ». Non, il était comme toutes les divinités de l’antiquité : un Dieu vengeur et colérique, qui appuyait ses adorateurs lorsqu’ils partaient en guerre. Et c’est cela que Netanyahou invoque aujourd’hui !

Ce langage sanguinaire peut aussi s’expliquer par sa situation politique très fragile. Il est Premier ministre, mais il est de notoriété publique que, s’il y avait eu des élections avant l’attaque du 7 octobre, il aurait perdu son poste. Même après l’attaque, tous les sondages montrent que Netanyahou reste profondément impopulaire et est jugé responsable des graves erreurs des services de renseignement qui ont permis au Hamas de prendre les forces israéliennes par surprise. Une large majorité d’Israéliens souhaite que Netanyahou démissionne dès que la guerre sera finie.

Pour tenter de contrer les critiques qui le visent, il a tenté de rejeter la responsabilité sur d’autres. Dimanche, il a expliqué dans un tweet que les chefs des services de sécurité l’avaient assuré avant l’attaque que tout était sous contrôle en ce qui concernait le Hamas. La réaction du public à ce tweet a été telle, qu’en l’espace de quelques heures, il a été obligé de le supprimer et de présenter des excuses.

Tout le monde sait que le renforcement du Hamas aux dépens de l’Autorité Palestinienne est le résultat de la politique de Netanyahou. Le plus vieux journal d’Israël, Haaretz, a récemment publié un éditorial dénonçant le fait que Netanyahou avait permis le transfert de milliards de dollars au Hamas via le Qatar. Il avait été prévenu qu’il s’agissait d’une stratégie risquée, mais il l’avait fait quand même, car il y voyait une façon de maintenir la division des Palestiniens entre la bande de Gaza et la Cisjordanie, de rendre absolument impossible toute idée d’une solution « à deux Etats » et de poursuivre les annexions de terres palestiniennes.

Maintenant, cette tactique s’est retournée contre lui, et il cherche désespérément à se maintenir au pouvoir. C’est cela qui explique toutes ses poses grandiloquentes pour se présenter comme un « chef de guerre », ainsi que ses citations de l’Ancien Testament sur la nécessité d’annihiler le peuple ennemi.

Netanyahou n’a peut-être pas le pouvoir d’annihiler un peuple entier, mais il est en train de mettre en œuvre le plus grand massacre de Palestiniens que l’on ait jamais vu. Il vaut aussi la peine de s’intéresser à ce que d’autres dirigeants israéliens ont déclaré. Deux figures importantes viennent à l’esprit : Giora Eiland, un chercheur de l’Institut d’Etudes pour la Sécurité Nationale et ancien chef du Conseil de Sécurité Nationale d’Israël ; et Naftali Bennett, qui fut Premier ministre d’Israël entre juin 2021 et juin 2022, ainsi que chef du parti « Nouvelle Droite » de 2018 à 2022.

Voici ce qu’a déclaré Eiland le 12 octobre :

« […] Israël ne peut se satisfaire de rien de moins que l’élimination du Hamas à Gaza en tant qu’organisation militaire et gouvernementale. Tout résultat en deçà serait un échec israélien. […] Une option est de lancer une opération terrestre massive et complexe, sans égard pour son coût ou sa durée, tandis qu’une autre option est de créer des conditions telles que la vie à Gaza devient insoutenable. […] Israël a besoin de créer une crise humanitaire à Gaza, qui force des dizaines de milliers ou même des centaines de milliers de personnes à chercher refuge en Egypte ou dans les pays du Golfe. »

Et si vous pensez que les opinions d’Eiland sont marginales parmi l’élite dirigeante sioniste, il suffit d’observer la catastrophe humanitaire que l’armée israélienne a d’ores et déjà déchaînée sur la population palestinienne de Gaza. Ses mots ont été concrétisés sur le terrain. Le comportement actuel de l’armée israélienne avait été anticipé par Eiland :

« De notre point de vue, tout bâtiment sous lequel nous savons qu’il y a un poste de commandement du Hamas, y compris les écoles et les hôpitaux, est une cible militaire. Tout véhicule circulant à Gaza est considéré comme un véhicule militaire transportant des combattants… ».

Il a même été encore plus loin :

« [L’attaque du 7 octobre] est comparable à l’attaque japonaise contre Pearl Harbor, qui a mené au largage d’une bombe atomique sur le Japon. Par conséquent, Gaza deviendra un endroit où aucun être humain ne peut exister […] il n’y a pas d’autre solution pour assurer la sécurité de l’Etat d’Israël. Nous menons une guerre pour notre existence. »

A nouveau, c’est ce à quoi nous assistons en ce moment à Gaza.

Si vous vous attendiez peut-être à ce genre de langage de la part d’un ex-responsable de la sécurité nationale, écoutez ce que le « politicien » Naftali Bennett (qui est lui-même un colon de Cisjordanie) a à dire. Il prône un « siège complet » de la partie nord de Gaza, recommande que l’armée israélienne « bombarde le Hamas de façon continue dans toute la bande de Gaza », et demande « la création d’une zone de sécurité de 2 kilomètres de profondeur sur le territoire de la bande de Gaza sur l’ensemble de la frontière, une zone permanente. On arriverait à ce résultat par l’utilisation d’une puissance de feu massive, d’attaques terrestres et de travaux d’ingénierie. Imaginez des bulldozers qui aplaniraient tout simplement la zone ».

La « seconde phase » de la guerre

Arriver à ce résultat à l’échelle de tout Gaza n’est, néanmoins, pas si facile. Pour commencer, les Palestiniens ne vont pas rester passifs. Ils résistent comme ils le peuvent, et ils bénéficient de la sympathie des travailleurs et des jeunes de l’ensemble de la planète.

Que se passe-t-il donc sur le terrain, du point de vue militaire ? L’armée israélienne ne va bien sûr pas rendre ses plans publics. Donc, nous devons nous baser sur ce qu’ils font et aussi tenter de comprendre la situation d’après ce que des commentateurs sérieux en disent.

Le ministre de la Défense israélien, Yoav Gallant, a déclaré que l’armée israélienne avait entamé « une nouvelle phase de la guerre ». Ce n’est pas une invasion terrestre tous azimuts. Cette nouvelle phase implique une intensification des bombardements aériens, combinés avec l’entrée dans Gaza d’un nombre limité de blindés et de fantassins. C’est assez logique si on considère à quel point des combats rue par rue, maison par maison seraient sanglants et risqués pour les troupes israéliennes. Leurs troupes seraient ralenties dans une myriade de rues, dont beaucoup sont réduites à l’état de ruines. Dans cette situation, les combattants du Hamas pourraient mener des attaques surprises et des embuscades, y compris en utilisant des armes anti-chars – comme cela a déjà été le cas lors des premières escarmouches.

Les chefs militaires israéliens sont en contact rapproché avec les pontes de l’armée américaine, qui leur prodiguent des conseils sur la base de leur expérience dans la prise de zones densément peuplées, comme ce fut le cas à Mossoul ou à Falloujah. Et comme le signalait un ancien chef du commandement central américain, le général Joseph Votel : « ce seront des combats brutaux, sanglants ». Gallant lui-même a signalé que la guerre pourrait durer des mois. Bennett, que nous avons déjà cité, a été jusqu’à dire que la guerre pourrait durer « entre 6 mois et 5 ans ». Peu importe combien de temps elle durera, il ne s’agira pas d’une opération rapide durant quelques semaines, comme ce fut le cas lors des précédentes invasions de Gaza.

Deux options sont maintenant possibles pour l’armée israélienne : une invasion à grande échelle de Gaza ; ou une campagne plus prolongée, qui reviendrait en fait à assiéger Gaza. Ses chefs espèrent éviter la première option, car ils comprennent qu’elle pourrait facilement déclencher un conflit de plus grande ampleur, en entraînant le Hezbollah dans la guerre. Pour l’instant, celui-ci semble limiter son intervention à des escarmouches de faible intensité, sans déclencher une guerre ouverte.

Le Hezbollah n’est pas une milice dépenaillée. Il dispose de troupes endurcies par son intervention dans la guerre civile syrienne, peut mobiliser entre 30 000 et 50 000 combattants, et dispose d’un arsenal de plus de 100 000 roquettes et missiles. En 2006, l’armée israélienne avait été contrainte à la retraite par le Hezbollah après avoir lancé une invasion précipitée du Sud Liban. La simple menace du Hezbollah a déjà obligé l’armée israélienne à mobiliser près de 100 000 soldats sur sa frontière nord. Les Israéliens préféreraient que les choses en restent là, plutôt que de devoir mener une guerre sur deux fronts.

La menace d’une implication plus large, pas seulement du Hezbollah, mais aussi d’autres forces proches de l’Iran dans la région est réelle. Des bases américaines ont été attaquées en Irak et en Syrie, et les Etats-Unis ont été forcés d’y répondre en bombardant ce qu’ils considèrent comme des bases de milices syriennes et irakiennes soutenues par l’Iran. Le Hamas a en fait déjà lancé un appel à ce que des attaques soient menées contre les intérêts israéliens et américains dans la région, ce qui comprend les bases américaines et tout ce qui est lié à ces deux pays.

Certains groupes en Irak, en Syrie et en Jordanie seraient même prêts à rejoindre la lutte contre Israël à Gaza. Le régime jordanien est soumis à une intense pression et est profondément déstabilisé. Il pourrait même être renversé par un soulèvement de masse. Cela déstabiliserait encore un peu davantage toute la région, et ferait émerger un régime hostile à Israël sur l’autre rive du Jourdain, là où le gouvernement actuel préférerait se tenir à l’écart du conflit pour pouvoir dès que possible renouer des relations normales avec Israël.

Les Etats-Unis font pression pour éviter tout ce qui risquerait d’étendre la guerre et utilisent la question des otages israéliens pour faire pression sur Netanyahou et le gouvernement israélien. Cette question cause aussi des divisions internes dans la société israélienne.

Immédiatement après l’attaque du 7 octobre, les représailles contre le Hamas étaient approuvées par la majorité de la population israélienne, mais cela a changé. Une étude de l’Université Hébraïque de Jérusalem a montré que l’inquiétude pour les otages a fait basculer l’opinion publique, qui préférerait aujourd’hui laisser du temps pour négocier leur libération. De 65 % d’opinions favorables à une offensive terrestre après le 7 octobre, on est passé aujourd’hui à 46 %.

Le Hamas a annoncé qu’il serait prêt à libérer tous les otages qu’il détient, en échange de la libération de tous les Palestiniens détenus dans les prisons israéliennes. Mais il est évident que Netanyahou ne se préoccupe que très peu du sort des otages. Il affirme qu’Israël les libérera par une offensive terrestre. Cela montre que les vies des otages sont le dernier de ses soucis. Sous pression, il a été obligé d’accepter de rencontrer les familles d’otages, mais il ne s’agissait que d’une tactique pour atténuer les critiques qu’il subit.

L’extrême-droite israélienne a été jusqu’à présenter les familles des otages comme des traîtres, car elles osaient demander un cessez-le-feu pour permettre à des négociations de se tenir. Pour ces gens-là, toute concession à ce sujet équivaut à une défaite qui renforcerait le Hamas.

Tout cela explique pourquoi l’armée israélienne préfère l’option d’une campagne prolongée de siège, plutôt qu’une offensive terrestre de grande ampleur.

Leur plan semble impliquer des incursions rapides pour frapper des cibles du Hamas, inciter ses combattants à se montrer et exposer leurs bases et leurs positions de tir, et pouvoir ensuite les bombarder massivement. Le problème, bien sûr, est que le Hamas en est parfaitement conscient et qu’il tentera autant que possible d’opérer en évitant de découvrir ses positions. Tout cela sera sanglant, brutal, et long. Cela signifie que la ville de Gaza va être ravagée et détruite, et qu’il y aura des dizaines de milliers de morts.

Quel avenir pour Gaza ?

Il s’agit là du scénario à court terme, mais quels sont les plans du gouvernement israélien pour Gaza une fois que ce carnage sera terminé ? La réponse est simple : il n’en a aucun. Même des officiels américains ont avoué être choqués par l’absence de toute préparation à ce sujet. Même ravagée, Gaza devrait être administrée et gouvernée par quelqu’un. Mais de qui s’agira-t-il ?

Les Israéliens ont affirmé clairement qu’il ne pouvait pas s’agir du Hamas. Ils préféreraient que l’Autorité Palestinienne s’en charge. Mais Mahmoud Abbas a déjà déclaré qu’il ne rentrerait pas à Gaza sur le dos d’un char israélien. Son pouvoir ne tient plus qu’à un fil, alors que l’Autorité Palestinienne est complètement discréditée auprès de tous les Palestiniens, y compris ceux de Cisjordanie. Il ne peut donc pas apparaître comme prêt à administrer la bande de Gaza pour le compte des Israéliens.

Le ministre israélien de la Défense Gallant a affirmé qu’il y aurait quatre phases dans cette guerre. La première était les trois semaines de bombardements aériens massifs. La seconde est en train de se produire, et implique de découvrir toutes les bases du Hamas, tous ses combattants, toutes ses roquettes et de les détruire. Comme nous l’avons expliqué, cette étape pourrait prendre beaucoup de temps – et même ne jamais être accomplie. Mais ensuite ?

D’après le Times of Israel (29 octobre 2023) :

« […] les militaires se préparent à une troisième phase de combats, durant laquelle ils commenceraient à chercher une nouvelle direction pour l’enclave écrasée, tout en extirpant les “poches de résistance".

« Ce n’est qu’après ce conflit de faible intensité, dont il est estimé qu’il durera plusieurs mois, selon les déclarations de Gallant, qu’Israël entamera la transition vers la dernière phase : la déconnexion d’avec la bande de Gaza […]. »

Qu’est-ce que signifie cette « déconnexion », pour le gouvernement israélien ? Même Gallant ne le sait pas. Le même article souligne :

« A part déclarer qu’après la guerre, Gaza ne sera sous le contrôle ni du Hamas, ni d’Israël, le ministre de la Défense n’a pas précisé ce qu’impliquerait finalement cette déconnexion. […] “Peu importe ce dont il s’agit, ce sera mieux” a déclaré Gallant. »

Si Gallant n’a aucune idée de ce qu’il faudra faire lorsque la guerre sera finie, nous pouvons voir si Naftali Bennett – qui était encore très récemment le Premier ministre d’Israël – peut nous donner une idée de ce à quoi pensent les dirigeants israéliens.

Bennett affirme qu’à court terme les habitants de Gaza doivent soit se déplacer vers le sud de la bande de Gaza – même s’ils sont aussi bombardés là-bas –, soit quitter purement et simplement Gaza et devenir des réfugiés dont d’autres pays auront à s’occuper. Cela équivaut à les menacer d’un nettoyage ethnique de grande ampleur, et éveille les souvenirs de la « Nakba » de 1948, lorsque 750 000 Palestiniens ont été chassés de leurs maisons et de leurs villages.

Bennett en est bien conscient. Il suggère donc que ces déplacements ne seront que provisoires ! Une fois la ville de Gaza totalement détruite, les Palestiniens seraient autorisés à revenir dans les ruines qui étaient autrefois leurs maisons. Israël abandonnerait alors les Palestiniens de Gaza à leur sort, couperait la fourniture d’eau et d’électricité, ainsi que tout commerce avec l’enclave pour l’isoler complètement du monde extérieur.

C’est à cela que ressemblerait la quatrième et dernière phase de cette guerre qui verrait, d’après Gallant, le « retrait de toute responsabilité israélienne pour la vie dans la bande de Gaza et l’établissement d’une nouvelle réalité sécuritaire pour les citoyens d’Israël ». Cela serait garanti, on l’a vu, par une bande de deux kilomètres de profondeur, une sorte de « no man’s land » à l’intérieur même de la bande de Gaza, sur toute sa frontière avec Israël.

Une guerre qui prépare d’autres guerres

Nous nous dirigeons donc vers une guerre longue, qui s’accompagnera de la destruction des infrastructures de Gaza, d’un nombre important de morts civils, et qui sera suivie de l’abandon par Israël de toute responsabilité vis-à-vis de Gaza, laissant les Palestiniens à leur sort. Si les gens qui gouvernent Israël aujourd’hui s’imaginent qu’il s’agit là d’une solution, ils vivent sur une autre planète que la nôtre !

Les analystes sérieux affirment que le Hamas ne peut pas être détruit. Il est possible de tuer beaucoup de ses combattants, de détruire une partie de ses bases, et d’essayer d’éliminer ses dirigeants. Le problème est qu’une bonne partie de sa direction ne se trouve pas à Gaza, mais à l’étranger. La destruction de la ville de Gaza signifie aussi qu’une partie du Hamas et de ses combattants ont préparé des bases dans la partie sud de la bande. L’armée israélienne devra donc continuer la guerre là aussi.

Croire que, dans ces conditions, les Gazaouis accepteraient une administration imposée de l’extérieur et aux ordres d’Israël, c’est prendre ses rêves pour des réalités. Le seul résultat garanti de l’invasion israélienne est qu’une génération entière de Palestiniens va être remplie d’une immense colère. Pour chaque combattant du Hamas tué, dix jeunes seront prêts à prendre les armes lorsque cette guerre-ci sera finie. La scène sera prête pour des conflits encore plus sanglants entre Palestiniens et Israéliens.

Les impérialistes occidentaux en sont parfaitement conscients, mais ils sont dans une position très faible. L’affaiblissement des Etats-Unis est devenu particulièrement visible. La plus puissante nation impérialiste que le monde ait jamais vue, avec sa force immense, plus de 700 bases militaires à travers 80 pays, n’arrive pourtant pas à garder le contrôle de la situation. Tout ce qu’elle peut faire, c’est donner des conseils à Netanyahou, et l’avertir de ne pas aller trop loin, de réfléchir attentivement avant de prendre des risques.

La faiblesse de l’impérialisme américain est aussi évidente au regard de ce qui se passe aux Nations Unies. Des résolutions sont présentées au Conseil de Sécurité par les Russes, les Brésiliens, les Américains et sont toutes bloquées par des vetos, ce qui ne fait que dévoiler aux yeux du monde la véritable nature de cette institution.

L’Assemblée générale a récemment adopté une résolution non-contraignante, soumise par des Etats arabes et appelant à une trêve humanitaire à Gaza, avec 120 votes « pour », 14 « contre », et 45 abstentions. Même si ce vote n’a aucune conséquence concrète, il a néanmoins révélé à quel point les Etats-Unis et leurs alliés sont isolés. Ce vote reflète l’évolution du rapport de forces entre les grandes puissances. Seule une coalition de bric et de broc de 12 pays a en effet soutenu les Etat-Unis et Israël dans leur opposition à cette résolution, et parmi eux se trouvaient des « puissances » telles que l’Autriche, la Hongrie, les Iles Marshall ou les Iles Tonga.

C’est ce qui explique pourquoi Biden est obligé de parler constamment de l’envoi d’aide humanitaire à Gaza, tout en soutenant en pratique le régime israélien. Il a même dû entonner à nouveau la vieille rengaine selon laquelle, lorsque la guerre sera finie, il faudra chercher une solution politique (plutôt que militaire) et qu’il faudra examiner l’option d’une solution à deux Etats.

Il ne s’agit là que de mots, car une solution à deux Etats a été rendue pratiquement impossible par des décennies de colonisation israélienne en Cisjordanie. C’est une question sur laquelle les médias occidentaux préfèrent ne pas s’attarder. Avant l’attaque du Hamas dans le sud d’Israël, l’armée israélienne concentrait ses opérations en Cisjordanie, où elle apportait son appui au grignotage constant des terres palestiniennes par les colons juifs.

Entre janvier et août 2023, plus de 200 Palestiniens ont été tués par l’armée israélienne ou des colons, pour la plupart d’entre eux en Cisjordanie. Cela fait partie d’une campagne systématique pour installer de plus en plus de colonies, au point que les Palestiniens craignent pour leurs vies lorsqu’ils sortent travailler leurs champs. Le simple fait de ramasser des olives dans leurs propres plantations est devenu risqué.

En juin, le gouvernement israélien a approuvé en urgence des milliers de nouveaux logements pour les colons en Cisjordanie. Tout cela se passait avant l’offensive du Hamas en octobre. Depuis, les colons ont profité de la situation pour intensifier leur offensive, avec l’appui de l’armée israélienne. Plus de 100 Palestiniens ont déjà été tués en Cisjordanie depuis le 7 octobre. Loin de ralentir, le programme de colonisation a été intensifié. Aujourd’hui, il est avéré qu’il n’existe déjà plus de territoire palestinien unifié. La solution politique dont parle Biden est donc impossible.

Le cauchemar auquel le peuple palestinien fait face a été préparé par Netanyahou et toute la classe dirigeante sioniste, avec l’appui de l’impérialisme américain, de toutes les puissances occidentales – la France, la Grande-Bretagne, l’Allemagne – et de tous les Etats qui ont rejoint le chœur des partisans du « droit d’Israël à se défendre ».

Lorsqu’ils sont confrontés à une guerre comme celle qui se déroule à Gaza, les marxistes ne s’abaissent pas à essayer de déterminer « qui a commencé ». Nous refusons d’ignorer les 75 années d’occupation brutale qui ont précédé l’attaque du 7 octobre et d’entonner le même air que les impérialistes et les sionistes qui rejettent toute la responsabilité sur le Hamas. Cette logique mène à rejeter sur le peuple de Gaza la responsabilité des souffrances qu’il subit, ce qui revient à accuser la victime d’un crime d’en être responsable.

Ce conflit n’est que le prolongement d’une politique qui précède même l’instauration de l’Etat d’Israël, lors de laquelle 750 000 Palestiniens furent brutalement chassés de leur pays natal. Dans ce conflit, le peuple palestinien a été privé de sa patrie, et a résisté alors qu’une partie croissante de ses terres lui étaient arrachées.

Aujourd’hui, les Palestiniens se voient rappelés plus que jamais au souvenir de la Nakba. La classe dirigeante sioniste n’essaie même plus de cacher qu’elle appuie la colonisation de la Cisjordanie (en particulier). Elle menait cette politique avant le 7 octobre, et elle l’accentue encore aujourd’hui, alors que plus de 700 000 colons juifs sont installés en Cisjordanie, à Jérusalem-Est ou sur le plateau du Golan (un territoire syrien occupé par Israël depuis 1967).

C’est de cela dont il est question dans cette guerre : le peuple palestinien a été assassiné, harcelé, chassé de ses terres, et – à Gaza – réduit au désespoir et enfermé dans une gigantesque prison à ciel ouvert. Les communistes doivent expliquer cette réalité, ils doivent utiliser toutes leurs forces, toute leur énergie, et tous les moyens limités dont nous disposons pour s’opposer au barrage de propagande de la classe capitaliste.

Néanmoins, il ne suffit pas de s’opposer à cette propagande. Il ne suffit pas non plus d’appeler à un cessez-le-feu (que les Israéliens et leurs patrons impérialistes n’ont aucune intention d’accorder de toute façon), et encore moins à une « pause humanitaire », comme le font les perfides dirigeants réformistes et une partie des impérialistes, qui demandent qu’une aide limitée puisse entrer à Gaza, après quoi la boucherie pourra reprendre. Nous, communistes, ne luttons pas pour un retour à la situation précédente, qui a mené à la destruction de Gaza et à des milliers de morts.

Nous devons expliquer que les souffrances du peuple palestinien sont la conséquence du capitalisme. C’est ce système en crise qui produit des guerres, comme en Ukraine ou au Yémen. Elles sont toutes le fruit d’un système qui aurait depuis longtemps dû être mis à bas. Les peuples du Moyen-Orient sympathisent instinctivement avec les Palestiniens et nombre d’entre eux seraient prêts à lutter pour défendre leurs droits.

Mais les cliques dirigeantes de la région, du Caire, de Riyad et d’ailleurs, n’ont aucun intérêt à réellement lutter pour libérer la Palestine. Ils sont eux-mêmes oppresseurs de leur propre peuple et craignent qu’en s’impliquant dans le conflit aux côtés de la Palestine, ils ne provoquent une explosion chez eux, qui mettrait en péril leur pouvoir et leurs privilèges. A en juger par les manifestations massives qui ont éclaté dans le monde arabe en solidarité avec la Palestine, leurs craintes sont justifiées.

Les communistes doivent expliquer qu’une solution à la crise actuelle ne peut être trouvée qu’à travers la lutte des classes, dans toute la région, des travailleurs et des pauvres contre les riches et les puissants, et contre leurs propres gouvernements corrompus. Ce n’est qu’en liant ensemble toutes ces luttes que l’on pourra commencer à mettre sur pied une Fédération Socialiste du Moyen-Orient, qui mettra enfin un terme à des décennies de guerres et de destructions.

L’oppression des Palestiniens est aussi devenue un point de cristallisation pour la colère des jeunes et des travailleurs à travers le monde. C’est vrai même dans les pays impérialistes, où des manifestations de masse ont eu lieu, malgré les calomnies et la répression de la classe dirigeante. Cela fait du conflit actuel un facteur dans la lutte mondiale de la classe ouvrière.

Le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, a annoncé qu’il allait interdire la manifestation de demain en soutien au peuple palestinien, à l’appel du collectif Urgence Palestine. Le préfet explique : « Les organisations qui ont déposé cette déclaration, par les propos qu’elles ont pu tenir, pouvaient laisser à penser qu’elles étaient quand même en soutien au Hamas, et donc j’interdirai cette manifestation ». Parmi les organisations qui « pouvaient laissaient à penser qu’elles étaient quand même en soutien au Hamas » (quel style !), Laurent Nuñez cite le NPA. Il précise : « Le seul fait qu’on puisse tenir des propos négationnistes, antisémites ou de soutien au terrorisme, c’est pour nous un problème : c’est ce qui justifie ces interdictions ». Enfin, Laurent Nuñez explique examiner « au cas par cas » chaque déclaration de manifestation. Par exemple, s’il a autorisé le grand rassemblement du 22 octobre, appelé notamment par la FI et la CGT, c’est « parce que, dans la déclaration, il y avait une condamnation claire [des] actions » du Hamas.

Tout ce charabia policier est d’une monumentale hypocrisie. Tout le monde sait que le NPA n’est ni antisémite, ni négationniste, ni terroriste. L’appel à manifester publié par Urgence Palestine ne l’est pas davantage. Mais Laurent Nuñez applique la politique de Macron, qui veut réprimer fermement toute opposition frontale aux crimes de l’Etat israélien – crimes auxquels le gouvernement français apporte un solide soutien.

Révolution appelle à participer à la manifestation de demain. Nous y diffuserons notre journal et la déclaration de la TMI pour la défense de Gaza et du peuple palestinien dans son ensemble. Au passage, nous mettons au défi Laurent Nuñez de trouver une seule trace d’antisémitisme, de négationnisme ou d’« apologie du terrorisme » dans les pages de nos publications.

Malheureusement, les grandes organisations du mouvement ouvrier se taisent – ou murmurent, seulement – au moment où l’Etat, une fois de plus, viole nos droits démocratiques les plus élémentaires. La CGT et la FI, qui ont appelé au grand rassemblement de dimanche dernier, place de la République, devraient appeler haut et fort à participer à la manifestation de demain, ne serait-ce qu’en réaction à la scandaleuse interdiction annoncée par le préfet de Paris.

La question n’est pas ici le détail des positions de chacune des organisations qui appellent à manifester, demain. Si le préfet de police veut interdire cette manifestation, c’est d’abord parce qu’elle est pro-palestinienne. C’est ensuite parce qu’elle est appelée sur des mots d’ordre radicaux et en rupture nette avec la propagande gouvernementale, qui place la responsabilité des crimes israéliens sur le dos du Hamas. C’est enfin parce que la CGT et la FI  – entre autres – ne réagissent pas comme elles le devraient face à l’offensive du gouvernement contre le droit de manifester et de se réunir.

Soyons nombreux à manifester, demain, pour le peuple palestinien et contre le soutien de l’impérialisme français aux crimes du gouvernement israélien !

Assez d’hypocrisie ! Défendre Gaza ! Intifada jusqu’à la victoire !