Les Balkans

La lutte des classes est de retour en Slovénie. Le 17 novembre dernier, 70 000 travailleurs, étudiants et retraités ont défilé dans les rues de  Lubiana, la capitale. Pour un pays d’à peine deux millions d’habitants, c’est une mobilisation impressionnante. Les manifestants, qui réclamaient des augmentations de salaires, étaient extrêmement critiques à l’égard du système capitaliste. Nous publions ci-dessous un très intéressant reportage vidéo de Chris Den Hond, sous-titré en Français, qui fait le point sur la situation économique et sociale de ce pays de l’ex-Yougoslavie.

Le conflit qui a éclaté dernièrement, en Macédoine, entre l’armée macédonienne, appuyée par des troupes américaines, et les milices de l’UCK, la branche armée de la mafia albanaise, réveille le spectre de la guerre dans les Balkans. Pour l’heure, l’UCK a été repoussée vers le Kosovo, mais les tensions nationales en Macédoine persistent et s’aggravent. Une nouvelle flambée de violence paraît inévitable dans les mois et les années à venir.

Au fond, ce sont les conditions sociales et économiques catastrophiques, en Macédoine, qui expliquent ces tensions. Lénine, le dirigeant de la révolution soviétique, de 1917, expliquait que la question nationale était "avant tout une question de pain". A juste titre. Les problèmes de la Macédoine sont comparables à ceux qui sévissent à travers l’ex-Yougoslavie. Le démembrement de l’ancienne confédération yougoslave et le retour du capitalisme a eu des conséquences sociales dramatiques dans toute la région. La Macédoine a été particulièrement touchée puisque, comme le Kosovo, elle faisait partie des zones les plus défavorisées dès avant la chute de l’économie planifiée. L’infrastructure sociale du pays est en ruine. Le taux de chômage s’élève à 40%, et se situe à un niveau plus élevé encore dans la population d’origine albanaise.

Aujourd’hui, la Macédoine est sous la botte d’une nouvelle classe de spéculateurs mafieux, qui se sont emparés des ressources économiques du pays. De l’intérieur, les Macédoniens sont opprimés par un régime fondé sur la corruption, le clientélisme et la violence. De l’extérieur, ils souffrent de la domination des États-Unis et des grandes puissances européennes, qui veulent eux aussi leur part du gâteau. De plus, aucun des pays voisins - ni la Serbie, ni la Bulgarie, ni la Grèce - n’acceptent l’indépendance de ce petit État. Tous ces pays se déclarent prêts à intervenir militairement en Macédoine - pour la "protéger", bien sûr ! La Turquie, qui accueillera toujours favorablement un affaiblissement de la Grèce, a reconnu immédiatement l’indépendance de la Macédoine. Dans ce contexte, on comprend aisément que la Macédoine fasse figure d’une mèche qui pourrait finir par allumer une nouvelle conflagration meurtrière à travers toute la région.

Aucun des partis politiques en présence, que ce soit du côté de la communauté macédonienne (c’est-à-dire parlant la langue macédonienne) ou du côté de la communauté albanaise, ne représente les intérêts du peuple. Ces partis ne sont plus que des cliques rivales dans la lutte pour s’approprier les ressources naturelles et productives du pays. Le gouvernement est détesté par la vaste majorité de la population, mais il n’existe actuellement aucune alternative organisée. Les dirigeants des organisations syndicales manquent totalement d’efficacité, quand ils n’ont pas été directement achetés par les capitalistes. Et pourtant, la grève récente et massivement suivie des salariés du Ministère de la Justice donnait un aperçu de la puissance potentielle des travailleurs du pays. Pendant trois mois, les grévistes ont tenu tête à l’hostilité du gouvernement, de la presse et de toute la classe dirigeante. La tragédie de la Macédoine, c’est qu’en l’absence d’un parti socialiste et internationaliste capable d’organiser la lutte contre le capitalisme, le vide est comblé par le nationalisme, et ce dans les deux communautés.

Les but des pays impérialistes européens - notamment la France, la Grande Bretagne, l’Allemagne et l’Italie - et des États-Unis est de conserver leurs intérêts stratégiques et économiques dans la région. A cette fin, ces puissances jouent les peuples les uns contre les autres, afin de les rendre tous totalement dépendants du bon vouloir de ce que l’on appelle courtoisement la "communauté internationale". En 1999, l’OTAN se présentait en champion des Albanais du Kosovo et des "libérateurs" qu’étaient, selon les médias, les milices de l’UCK combattant Belgrade. Aujourd’hui, l’OTAN s’appuie sur Belgrade et le gouvernement macédonien pour porter un coup à l’UCK, dont on feint de découvrir le côté racketteur et mafieux. L’OTAN, comme nous l’avons dit pendant le bombardement de la Serbie, n’acceptera jamais l’indépendance du Kosovo, précisément pour éviter l’émergence d’une "Grande Albanie", qui déstabiliserait immédiatement la Macédoine. Ainsi, les "amis" d’hier de l’OTAN sont devenu ses ennemis d’aujourd’hui, et, dans les secteurs du Kosovo sous contrôle américain, on assiste à une vague d’arrestations de "terroristes albanais" qui étaient autrefois accueillis à bras ouverts dans les camps d’entraînement militaire de l’armée américaine.

La dernière guerre menée par l’OTAN contre la Serbie n’a strictement rien résolu, ni du point de vue des peuples de l’ex-Yougoslavie, ni même du point de vue des grandes puissances. L’OTAN, qui se trouve aujourd’hui englué dans une région encore plus instable et explosive qu’elle ne l’était avant le bombardement de la Serbie, cherche à "contenir" les tensions nationales de la Macédoine. Dans un premier temps, elle pourra sans doute le faire. Cependant, les problèmes sociaux et économiques ne cessent de s’aggraver. Les "mini-états" comme la Macédoine, tout comme la Bosnie, la Croatie ou encore la Serbie, ne sont pas viables. Morcelés, dominés par des cliques mafieuses, ils sont une proie facile pour les grandes puissances, et leur "indépendance" n’est qu’une farce. Puisque la "question de pain" ne peut être réglée de cette façon, le nationalisme ressurgira prochainement en Macédoine et ailleurs dans les Balkans avec une violence redoublée.

La seule solution possible pour les Balkans est celle d’une nouvelle fédération des États de la région, et ceci, à son tour, n’est possible que sur la base du socialisme. Qui, dans toute l’ex-Yougoslavie, sauf la petite minorité criminelle qui occupe les postes gouvernementaux et les mafieux, n’a pas terriblement souffert du démembrement du pays et du retour du capitalisme ? Qui n’a pas souffert de ces guerres fratricides insensées ? Il est nécessaire de réunir les ressources des Balkans et de les mettre au service de l’ensemble de la société, indépendamment des questions de nationalité et de religion, et selon un plan de production démocratiquement élaboré dans l’intérêt de tous. Ceci permettrait d’éloigner les prédateurs capitalistes européens et américains, et jetterait les bases d’une ère de prospérité pour les peuples balkaniques. Tôt ou tard, les travailleurs et les jeunes yougoslaves trouveront le chemin vers ce programme socialiste et internationaliste, le seul qui puisse leur offrir un avenir digne de leur culture et de leur histoire.

Les vétérans de la guerre du Golfe, comme ceux de Bosnie et du Kosovo, ont commencé une marche macabre devant les offices des médecins. D’étranges symptômes sont apparus au sein des contingents : fatigue chronique, perte de mémoire, capacité respiratoire réduite, leucémies, troubles de la vue, et bien d’autres. Plusieurs hypothèses ont étés émises pour expliquer ces phénomènes que l’on a surnommés syndrome du Golfe et syndrome des Balkans. Mais les raisons invoquées, telles que les armes chimiques, les différentes pilules "magiques" ou les vaccins expérimentaux, n’ont pas fourni un écran de fumée suffisamment épais pour cacher la réalité des véritables petites guerres atomiques qui se sont déroulées dans le Golfe et dans les Balkans.

Les missiles Tomahawk, les missiles Phalanx, les munitions du char Leclerc, de l’hélicoptère Apache et du désormais célèbre avion A-10, dit "tueur de chars", sont composés pour la plupart d’uranium appauvri. Sans le savoir, des milliers de soldats ont été en contact avec l’uranium appauvri et ont été contaminés sur le terrain des opérations.

Jusqu’à ce que ce soit trop flagrant, l’OTAN a menti délibérément et tenté de maintenir le secret-défense sur l’utilisation de matières radioactives. On sait que l’armée ne réserve que du mépris pour ces soldats qu’elle n’a pas hésité à exposer volontairement aux radiations, lors des premiers tests sur les bombes atomiques. On sait à fortiori que l’OTAN est parfaitement consciente des conséquences de ses actes. Un an avant la guerre du Golfe, un groupe de recherche lié à l’armée américaine écrivait : "Les dangers de l’uranium pour la santé ont été étudiés de manière extensive. L’exposition des soldats à des aérosols d’uranium appauvri pourrait être significative, et avoir des effets radiologiques et toxiques. Ces impacts sur la santé pourraient être impossibles à quantifier de manière fiable". La conclusion du document est édifiante : "Des efforts de relations publiques sont conseillés, étant donnée la perception (négative) de la radioactivité par le public. Les activités de combat et de manœuvre présentent un risque de réaction d’opposition internationale."

Bien entendu, l’hypocrisie et le tripotage nucléaire ne sauraient être étrangers à la France. Dès 1987, des obus américains ont été testés à grande échelle à Gramat, dans le Lot. Une filiale de la COGEMA a acheté 1000 tonnes d’uranium aux USA pour fabriquer des munitions. Notre décidément très socialiste ministre de la défense, Alain Richard, a confirmé en 1998 devant l’assemblée nationale la commande de 60 000 obus composés d’uranium. En fin de compte, les membres de l’OTAN, et en premier lieu la France, débarrassent les américains de leurs déchets nucléaires en les recyclant sous formes d’armes.

Le lamentable bilan de milliers de vétérans contaminés, certains mourrant dans une grande souffrance, d’autres engendrant des enfants difformes, nous permet seulement de commencer à mesurer les conséquences de l’emploi massif d’uranium. Car le pire est à venir : déjà d’Irak nous parviennent, à travers l’embargo, quelques informations sur le nombre incalculable d’enfants victimes des radiations. Par ailleurs l’environnement y est contaminé pour très longtemps.

Lors de son intervention en Serbie, l’OTAN avoue avoir tiré 31000 obus d’avion A-10 à l’uranium - à quoi il faut ajouter les perforateurs des bombes et des missiles. Les années à venir nous en révèleront les conséquences humanitaires et écologiques.

Malheureusement, le secret militaire, même s’il est de plus en plus difficile à justifier, empêche de faire toute la lumière sur les terrains touchés. Il est pourtant urgent de pouvoir faire des analyses scientifiques sur les lieux de contamination. Mais seul le contrôle démocratique de l’ex-Yougoslavie par la population pourrait mettre un terme à la guerre et remédier sérieusement à ce nouveau problème de la radioactivité— si possible avant que l’OTAN ne nous entraîne un peu plus vers le chaos.

En plus de la dévastation économique et sociale provoquée par la guerre "humanitaire" contre la Yougoslavie, toute la région balkanique en subit les conséquences sur le plan écologique.

En Grèce, en Bulgarie, en Roumanie et en Albanie les récoltes de nombreux produits agricoles ont dû être interdites à la consommation en raison de l’empoisonnement de l’atmosphère et des eaux.

En conséquence des bombardements par l’OTAN d’usines chimiques et de raffineries yougoslaves, l’environnement dans les départements roumains proches de la frontière avec la République Fédérale de la Yougoslavie (RFY) a été très sérieusement affecté, à un tel point que les feuilles sont tombées des arbres dans les forêts.

Le gouvernement de Bucarest s’est plaint à plusieurs reprises de "pluies acides", particulièrement dans les régions de Caras Severin, Timisoara et Mehedini, où la valeur "pH" des pluies a atteint une valeur de 5, contre une valeur normale de 7.

Ces informations, minimisées ou niées par les chefs militaires de l’OTAN, ont été confirmées par l’organisation humanitaire Focus, à la suite d’une mission d’enquête par des représentants de quatre pays (la Russie, l’Autriche, la Suisse et la Grèce) menée au mois d’août. Selon le rapport de l’enquête, une véritable catastrophe écologique menace la Yougoslavie si des mesures ne sont pas prises d’urgence pour remédier aux conséquences des bombardements.

Les dirigeants des Verts en France, en soutenant la folie destructrice de la guerre, ont leur part de responsabilité dans cette catastrophe. Les "va-t-en guerre verts" sont horrifiés à l’idée que l’on puisse tirer sur un canard hors saison, mais n’étaient pas dérangés outre mesure par le massacre d’hommes, femmes et d’enfants sous les bombes de l’OTAN. Au contraire, ils étaient en première ligne pour réclamer une intensification de cette folie meurtrière par une invasion massive de forces terrestres.