Argentine

Le 19 novembre dernier, en Argentine, le « libertarien » Javier Milei (extrême droite) a remporté l’élection présidentielle sur fond de grave crise économique (160 % d’inflation) et d’un discrédit frappant tous les partis qui se sont succédé au pouvoir ces dernières décennies.

Son adversaire, l’ex-ministre de l’Economie Sergio Massa, avait beau être soutenu par une vaste coalition de partis allant de la droite à la gauche réformiste, il était miné par son « bilan » anti-social au sein du gouvernement sortant. Face à lui, Milei a eu beau jeu de fustiger systématiquement la vieille « caste politique ».

Offensive brutale – et premières mobilisations

Investi le 10 décembre, Milei est passé à l’offensive trois jours plus tard : il a annoncé une dévaluation de 50 % du peso argentin (ce qui augmente les prix des marchandises importées) et la suppression des subventions sur les énergies et les transports. Ces mesures ont eu un impact immédiat et violent sur le pouvoir d’achat des travailleurs argentins. Alors qu’il avait promis de mettre fin à la crise inflationniste, le nouveau Président a fait passer en quelques jours le prix du carburant de 310 à 600 pesos le litre.

Il a aussi annoncé le licenciement de tous les fonctionnaires ayant moins d’un an d’ancienneté et la suspension de tous les projets de travaux publics. Dans le même temps, il s’est engagé à emprunter 30 milliards de dollars pour renflouer les entreprises importatrices dont les profits sont menacés par la dévaluation du peso. Ainsi, tout le poids des mesures d’austérité est placé sur les épaules des travailleurs et des pauvres.

Face à ces attaques sans précédent, les premières manifestations massives ont eu lieu dans tout le pays le 20 décembre, malgré la répression. Cependant, le soir même, Milei promulguait un décret comprenant plus de 300 mesures applicables immédiatement, sans passer par un vote du Parlement. Au programme, entre autres : la suppression de l’encadrement des prix et des loyers, la privatisation de plus de 40 entreprises publiques, la fin de l’indexation des retraites sur l’inflation et la limitation du droit de grève par l’imposition d’un « service minimum » dans un grand nombre de secteurs économiques.

Dès la fin de son discours, des milliers d’habitants de Buenos Aires sont à nouveau descendus dans les rues, spontanément, pour protester et appeler à la grève générale. Les gens criaient « que se vayan todos ! » (« qu’ils s’en aillent tous ! »), c’est-à-dire le mot d’ordre historique de l’« Argentinazo », ce mouvement de masse des travailleurs argentins qui a débuté exactement 22 ans plus tôt, le 20 décembre 2001, sur fond de crise économique et de répression policière. La classe ouvrière avait alors renversé trois présidents en l’espace d’une semaine.

Une situation explosive

Milei cherche à profiter de sa large victoire électorale (56 %) pour frapper vite et fort, dans l’espoir de sidérer et paralyser la classe ouvrière. La ministre de la Sécurité, Patricia Bullrich, a d’ailleurs mis en place un nouveau « protocole » de maintien de l’ordre. La police est désormais autorisée à relever l’identité des participants à un piquet de grève ou un rassemblement, à confisquer les véhicules permettant de l’organiser et à disperser les travailleurs mobilisés par la force sans avoir à passer par un juge. Le gouvernement a également promis de faire payer le coût de la répression des manifestations à leurs organisateurs et de suspendre les aides sociales des manifestants.

Ce faisant, Milei suscite une réaction de rejet dans une large fraction de son électorat le plus populaire, qui veut certes en finir avec la « caste politique » que le Président a fustigé démagogiquement, pendant la campagne électorale, mais ne soutient pas son programme de contre-réformes drastiques et de répression brutale des mouvements sociaux. D’après un sondage publié le 30 décembre par l’institut Zuban Còrdoba, la popularité de Milei est déjà en « chute libre » : 54 % des Argentins s’opposent au décret du 20 décembre ; 60 % estiment – à juste titre – qu’il fait payer le peuple au profit des grandes entreprises.

Seule une mobilisation massive de la jeunesse et de la classe ouvrière, qui renoue avec les traditions de l’« Argentinazo », pourra mettre un coup d’arrêt à l’offensive brutale de la classe dirigeante. La Confédération Générale du Travail, qui est la plus puissante organisation syndicale du pays, a déjà lancé un appel à la grève générale pour le 24 janvier. Nos camarades argentins de la Tendance Marxiste Internationale y interviendront pour défendre un programme communiste, qui lie étroitement le combat contre l’offensive de Milei à la nécessité de porter la classe ouvrière au pouvoir et d’en finir avec le capitalisme argentin, dont la profonde crise condamne les masses à la misère et une régression sociale permanente.

Javier Milei, le candidat « libertarien » d’extrême droite, a remporté le second tour de l’élection présidentielle en Argentine avec presque 56 % des voix. Son rival, le candidat péroniste Sergio Massa (qui a recueilli 44 % des voix), était aussi le ministre des finances sortant, le maître d’œuvre du renouvellement d’un accord avec le FMI et avait promis un gouvernement d’unité nationale s’il était élu.

Alors que plusieurs sondages prédisaient un résultat beaucoup plus serré, voire une victoire de Massa, l’élection de Milei, et surtout sa nette avance sur son adversaire, ont été une véritable surprise. La victoire d’un candidat aussi réactionnaire (sa colistière Victoria Villaruel a même ouvertement défendu les officiers impliqués dans des crimes contre l’humanité pendant la dictature militaire) a choqué et plongé dans le désarroi de nombreux militants ouvriers et de gauche, en Argentine et à travers le monde. Néanmoins, notre devoir de communistes est de comprendre les raisons de la victoire de Milei.

L’échec du péronisme et du kirchnérisme

En 2014, le candidat de droite Mauricio Macri était élu après plusieurs années d’un gouvernement kirchnériste (une forme de péronisme de gauche), qui avait bénéficié d’une période de stabilité économique et du prix élevé des matières premières. Macri a lancé une offensive d’ampleur contre les droits et les pensions de retraite des travailleurs qui a suscité une opposition de masse de la classe ouvrière. Il y eut d’énormes manifestations contre la réforme des retraites en décembre 2017 et une grève générale en septembre 2018. La mobilisation de la classe ouvrière aurait alors pu vaincre Macri, mais la bureaucratie syndicale et les politiciens péronistes ont réussi à détourner la colère des masses sur le terrain électoral.

En 2019, Macri était largement battu aux élections et Alberto Fernández (péroniste) et Cristina Kirchner (kirchnériste) sont arrivés au pouvoir. Le taux de participation a atteint les 82 %. Des millions de travailleurs et de pauvres ont voté pour mettre fin aux politiques anti-ouvrières de Macri, mais le nouveau gouvernement n’a résolu aucun des problèmes fondamentaux de l’économie argentine. Au contraire, la situation s’est progressivement aggravée. Sous l’effet de la dévaluation constante de la monnaie nationale, l’inflation a augmenté jusqu’à atteindre son chiffre actuel de 140 %. Le pourcentage de la population vivant sous le seuil de pauvreté a presque doublé et dépasse maintenant les 40 %, dont un grand nombre de travailleurs en activité.

Massa, qui était alors ministre des Finances, a négocié le renouvellement d’un prêt du FMI qui avait été conclu sous Macri. Pour cela, il a accepté de mettre de drastiques mesures austéritaires. La profonde crise économique et le sentiment que « tous les hommes politiques sont les mêmes » ont conduit à un rejet massif des institutions et des partis traditionnels. Cela a pavé la voie à la démagogie d’extrême droite « libertarienne » de Milei.

Des manœuvres judiciaires ont été utilisées pour écarter la vice-présidente Cristina Kirchner des élections (sans qu’elle s’y oppose). Massa (sous le mandat duquel les conditions de vie des masses se sont considérablement détériorées) est alors devenu le nouveau candidat péroniste.

C’est dans ce contexte que Javier Milei est apparu. Ce franc-tireur d’extrême droite s’est présenté comme un candidat anti-establishment, et s’est approprié le slogan « que se vayan todos » (« qu’ils s’en aillent tous ») du soulèvement de 2001, l’Argentinazo. Sur cette base, il a réussi à sortir premier des primaires ouvertes obligatoires (PASO) du mois d’août. La montée en puissance de Milei (qui incarne une combinaison des pires aspects de Trump et de Bolsonaro) est le reflet de la crise des partis bourgeois traditionnels argentins (aussi bien des partis de droite que péronistes), ainsi que de la perte du contrôle de la bourgeoisie sur les dirigeants politiques élus.

Avant sa défaite, Massa avait promis de mettre en place un gouvernement d’unité nationale avec la droite et se présentait comme l’homme qu’il fallait pour mettre en œuvre la thérapie de choc monétariste dont la classe dirigeante a besoin. Sa défaite démontre, une fois de plus, qu’on ne peut pas battre un candidat anti-establishment de droite (comme Trump ou Bolsonaro) en lui opposant un candidat centriste représentant l’establishment (Clinton aux États-Unis, Haddad au Brésil, etc.).

Massa et les péronistes ont également tenté de jouer la carte de la « démocratie contre le fascisme », afin de mobiliser le vote des travailleurs et des pauvres contre Milei. Cela a fonctionné dans une certaine mesure au premier tour, mais cela ne suffisait pas à compenser le profond discrédit que connaissent toutes les institutions démocratiques capitalistes.

Bien sûr, malgré toutes ses insultes contre la « caste » dirigeante (« la casta »), Milei n’est pas vraiment un candidat anti-establishment. Il a remporté les élections grâce au soutien d’importants politiciens de la droite. Les principaux dirigeants de la droite bourgeoise traditionnelle, l’ancien président Macri et Patricia Bullrich, la candidate vaincue à la présidentielle, l’ont soutenu pour le second tour, dans l’espoir de pouvoir jouer un rôle décisif dans un futur gouvernement Milei.

Pendant ce temps, les capitalistes les plus clairvoyants, ainsi que le capital international, ont soutenu Massa, qu’ils considéraient comme bien plus à même de mener à bien la politique dont ils ont besoin (à savoir un violent choc monétariste dirigé contre la classe ouvrière). Ils pensaient en effet que son gouvernement pourrait utiliser ses liens avec les bureaucraties syndicales pour tenter de garder les masses sous contrôle et craignent que l’approche provocatrice de Milei ne déclenche au contraire une explosion sociale. Ils n’ont pas tort.

Milei est un politicien d’extrême droite auquel nous nous opposons résolument. Mais il nous faut comprendre comment il a pu accéder au pouvoir. La responsabilité principale en incombe au péronisme, et tout particulièrement au kirchnérisme. Les travailleurs ont voté pour eux afin de se débarrasser de Macri, mais ils n’ont fait que poursuivre la politique de celui-ci.

Une part de responsabilité incombe également au Front de gauche des travailleurs - Unité (FIT-U), que sa stratégie électoraliste a empêché de profiter du rejet du gouvernement Fernandez. Ses dirigeants se sont focalisés sur l’obtention de quelques voix et quelques députés supplémentaires, au lieu de défendre la seule perspective qui aurait pu entrer en résonance avec la colère accumulée dans la classe ouvrière : le renversement du système dans son ensemble.

Le fascisme ?

Milei est un politicien extrêmement réactionnaire mais il ne représente pas l’arrivée au pouvoir du fascisme, contrairement à ce que certains ont proclamé. Les groupes fascistes seront encouragés par sa victoire, mais ils ne constituent pas un mouvement armé de masse capable d’écraser les organisations ouvrières. La classe ouvrière argentine n’a pas été vaincue. En fait, elle n’est pas encore entrée en scène. Elle dispose d’organisations potentiellement très puissantes et d’une longue tradition insurrectionnelle avec laquelle elle finira certainement par renouer.

La classe dirigeante va tenter de contenir les aspects les plus extravagants de Milei en utilisant le fait qu’il n’a aucun contrôle sur aucune des chambres et qu’il aura donc besoin du soutien des députés de droite du groupe de Macri et Bullrich.

Milei a promis une réduction drastique des dépenses sociales, équivalente à 15 % du PIB (notamment en supprimant 10 des 18 ministères actuels) ; la levée des mesures de contrôles des prix et d’échange des devises ; la suppression de toutes les subventions ; la privatisation des systèmes de santé, d’éducation et de retraites ainsi que des entreprises publiques, etc. La classe dirigeante est entièrement d’accord avec ce programme, même si une partie craint que sa mise en œuvre à marche forcée par Milei puisse se retourner contre elle.

Dans le même temps, il s’est engagé à « abolir la Banque centrale » pour faire du dollar la monnaie officielle du pays, et il a critiqué le Brésil et la Chine, qu’il décrit comme des « gouvernements communistes ». Ces éléments-là n’enthousiasment pas tellement les capitalistes : le Brésil et la Chine sont les deux principaux partenaires commerciaux du pays, et l’Argentine ne possède actuellement pas les réserves monétaires nécessaires pour faire du dollar sa monnaie officielle, pas plus qu’elle n’a accès à des financements internationaux.

Le gouvernement de Milei va être déchiré par des contradictions internes et fera face à une classe ouvrière invaincue, qui va très certainement lutter pour défendre ce qui reste de ses droits et de ses conditions de vie, acquis au cours de décennies de lutte. La période qui s’ouvre devant nous sera marquée par un approfondissement de la lutte des classes.

La situation actuelle est par certains aspects comparable à la crise qu’a connue le capitalisme argentin à la fin des années 1990. Cette crise s’était achevée par l’Argentinazo, qui a vu le renversement de plusieurs présidents en l’espace de quelques semaines.

La principale tâche à l’heure actuelle est donc de construire une direction révolutionnaire qui soit capable de mener la classe ouvrière à la victoire lorsque l’inévitable prochaine explosion sociale aura lieu en Argentine.

En décembre, les Argentins ont déferlé dans les rues pour dénoncer le projet de contre-réforme des retraites. En réaction à ces manifestations de masse, le gouvernement de droite de Mauricio Macri a lancé une campagne de répression brutale et une vague d'arrestations dirigées contre les organisations et les militants de gauche. Des membres du Partido Obrero (Parti Ouvrier) ont été arrêtés, et plusieurs militants d'autres organisations (dont des députés de l'opposition) ont été mis en examen. La Tendance Marxiste Internationale tient à exprimer sa solidarité avec ces camarades, exige qu'on mette un terme à la répression et appelle les organisations du mouvement ouvrier international à se mobiliser dans ce sens.

MacriLe 14 décembre, une mobilisation de masse a empêché le gouvernement Macri d'adopter une contre-réforme du système des retraites. Cette offensive venait s'inscrire dans toute la série de mesures anti-ouvrières mises en œuvre par la coalition au pouvoir (Cambiemos) depuis son élection en décembre 2015. Le 18 décembre, des centaines de milliers de manifestants se sont de nouveau mobilisés pour défendre leurs retraites. L'Etat a mené une répression violente pour disperser les manifestants et s'est attaqué à la presse. Les forces de l'ordre se sont abattues sur le mouvement à coups de balles en caoutchouc et de gaz lacrymogène, allant jusqu'à rouler sur les manifestants à moto, tout en se servant d'agents provocateurs pour inciter à la violence. Les manifestants ont essayé de se défendre et de protéger le cortège.

Le gouvernement a multiplié les arrestations : les manifestants se voient accusés d'avoir eu recours à la violence contre la police et d'avoir fomenté un prétendu complot pour envahir le Congrès et empêcher la session de la Chambre des Députés. Deux membres du Partido Obrero, Javier Arakaki et Lucas Sauret, ont été arrêtés fin décembre, et Arakaki a été placé en détention, en attendant son procès. Les charges qui pèsent contre eux sont autant d'accusations infondées et d'allégations mensongères.

Parallèlement, le seul officier de police à avoir été arrêté a été remis en liberté sans être inculpé, alors même qu'on dispose de vidéos qui montrent qu'il a délibérément roulé sur un manifestant à moto. Une autre dirigeante du Parti Ouvrier, Dimas Ponce, a également été arrêtée mi-janvier.

 

11 députés « kirchnéristes » et du Parti des Travailleurs Socialistes sont aussi accusés d'avoir attaqué des agents de police et sont poursuivis pour le rôle qu'ils ont joué dans les manifestations du 14 décembre.

Le 5 janvier, Patricia Bullrich, la ministre de l’Intérieur, a accusé le Parti Ouvrier d'avoir posé des explosifs dans une voiture blindée devant le Département Central de Police. Des tracts du Parti Ouvrier auraient été « retrouvés » sur les lieux. Clairement, ces allégations sont fausses. Tous ceux qui connaissent la ligne politique du Parti Ouvrier savent que cette organisation s'oppose au terrorisme individuel.

Cette dernière vague de répression d'Etat vient s'ajouter à toute une série d'atteintes aux droits démocratiques de la part du gouvernement Macri, telles que la détention d'une dirigeante sociale et syndicale, Milagro Sala, accusée de « trouble à l’ordre public », d'« incitation à commettre des délits » et d'« incitation à l'émeute, à la révolte et au soulèvement ». Autre exemple : le meurtre de Santiago Maldonado, activiste de la cause autochtone, aux mains des forces de l'ordre.

L'Etat argentin a été humilié, le 14 décembre, quand les manifestations de masse ont contraint le gouvernement à reporter la séance parlementaire au cours de laquelle il voulait faire passer sa contre-réforme des retraites. Le gouvernement a maintenant l'intention de se venger et de faire clairement comprendre aux militants du mouvement social et syndical que la contestation ne sera pas tolérée. En s'attaquant aux militants de gauche, les autorités veulent montrer à l'ensemble de la population que le gouvernement est déterminé à mettre en œuvre sa politique et qu'il ne laissera pas l'opposition l'en empêcher. Dans les prochains mois, le gouvernement Macri compte s'attaquer au Code du travail et adopter une contre-réforme visant à détruire des droits que le mouvement ouvrier argentin a gagnés au prix de dizaines d'années de lutte. Pour préparer le terrain, le gouvernement cherche à décapiter l'opposition. Le mouvement ouvrier et la gauche doivent s'unir et mener une lutte commune contre la répression, contre les mesures antisociales du gouvernement et contre la bureaucratie syndicale qui n'a rien fait contre la politique d'austérité.

Nous appelons les organisations politiques, syndicales et associatives du mouvement ouvrier international à se mobiliser pour la cause des camarades soumis à la répression en Argentine. Une attaque contre un est une attaque contre tous !

Nous publions ci-dessous l’appel que nous avons reçu des travailleurs d’IMPA, une usine occupée, en Argentine. Ces salariés sont menacés d’éviction. Nous demandons à tous nos lecteurs de faire largement circuler cet appel et de faire signer la résolution par un maximum de syndicalistes, de travailleurs et d’étudiants.

Le lundi 10 août, les travailleurs d’IMPA (Industria Metalúrgica y Plástica de Argentina), à Buenos Aires, se sont réunis en Assemblée Générale et ont décidé de résister à la menace d’éviction prononcée par le juge Hector Vitale.

Ce juge invoque l’inconstitutionnalité de la loi nº 2969/08, votée au parlement de Buenos Aires, en janvier 2009. Cette loi avait prononcé l’expropriation d’IMPA, une entreprise de la métallurgie que les travailleurs occupent depuis 1998 pour défendre leurs emplois et leurs revenus.

Dans leur communiqué de presse, les travailleurs dénoncent le fait que le juge Hector Vitale a des intérêts économiques directs, dans cette affaire. Il profiterait personnellement de la vente du site, en cas d’éviction des salariés.

A ce jour, il y a, sur le site d’IMPA, 63 travailleurs, 150 personnes qui suivent des cours d’Education Secondaire pour adultes, un dispensaire gratuit pour la population du quartier d’Almagro, ainsi qu’un centre culturel qui reçoit des centaines de jeunes. Comme le disent les travailleurs du site, IMPA « n’est pas seulement une usine sous contrôle ouvrier. C’est un espace que notre peuple s’est approprié. Pour nous, IMPA est comme notre pays. »

IMPA est également devenu l’un des symboles du mouvement des usines occupées, en Argentine. Ses travailleurs font partie intégrante du Mouvement National des Usines Occupées (MNER). Ils ont aussi activement participé à l’organisation des deux premières Rencontres latino-américaines des usines occupées, qui se sont tenues au Venezuela. A l’heure où la crise économique relance le mouvement d’occupation d’usines, en Argentine, il est clair que la classe dirigeante veut empêcher IMPA de devenir un modèle et une source d’inspiration.

Nous appelons tous les militants syndicaux et toutes les organisations de gauche à soutenir la lutte des travailleurs d’IMPA (ci-dessous, un modèle de résolution à signer).

Comme le disent les travailleurs dans leur communiqué de presse : « Tout en organisant la résistance, nous continuerons de faire ce que nous faisons le mieux : les travailleurs travailleront, les enseignants enseigneront, les étudiants étudieront, les médecins soigneront et les travailleurs culturels animeront la vie culturelle.
Pour notre Peuple et notre Pays.
Libres ou morts – jamais esclaves ! »

*

Modèle de résolution :

« Nous rejetons la décision du juge Hector Vitale, qui a déclaré l’inconstitutionnalité de la loi 2069/08 en faveur des travailleurs d’IMPA, l’usine occupée, en Argentine.

Cette loi autorise l’expropriation du site où est située l’usine, de façon à ce que soient garantis les revenus de 70 familles – et que soient maintenus, également, les cours d’Education Secondaire, le dispensaire et le centre culturel qu’abrite l’usine.

Les travailleurs occupent IMPA depuis 1998. Depuis, ils ont lutté – avec d’autres acteurs sociaux – pour défendre leurs emplois, l’éducation, la culture et la dignité.

La décision du juge Hector Vitale ouvre la voie à une violente intervention policière pour évacuer l’usine, dans le but de revendre le site et de satisfaire des intérêts contraires à ceux des travailleurs d’IMPA et de la population locale.

Nous demandons que le juge Hector Vitale annule sa décision. Nous exprimons notre solidarité avec les travailleurs d’IMPA et soutenons la lutte qu’ils entreprennent pour défendre l’usine et leurs emplois.

Signataires :

 »

A envoyer au juge Sr. Juez Héctor Vitale : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
Copie aux travailleurs d’IMPA : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Une vidéo en espagnol sur cette lutte :

https://www.youtube.com/watch?v=IW-3wZ-TZwY

En Décembre 2001, l’Etat argentin s’est déclaré en faillite, la plus grave de toute l’histoire. Du jour au lendemain, des millions de personnes sont tombées dans la pauvreté. L’épargne des classes moyennes s’est évaporée. Cela a immédiatement déclenché une révolte populaire et l’ouverture d’un processus révolutionnaire qui est toujours en cours. Comme nous l’avons déjà souligné, la faiblesse du facteur subjectif allonge la durée de ce processus.

Nous prédisions que la classe dirigeante ne pourrait pas immédiatement recourir à un coup d’Etat contre-révolutionnaire, et qu’elle chercherait plutôt à s’appuyer sur un gouvernement péroniste de « gauche ». C’est exactement ce qui s’est passé. L’objectif du gouvernement du nouveau président, Nestor Kirchner, consiste à gagner la confiance des masses afin de mieux les trahir au profit de l’impérialisme et de l’oligarchie.

La victoire de Kirchner était tout à fait prévisible. De son côté, l’extrême gauche argentine est incapable de comprendre ce genre de processus. Ne comprenant pas l’étape par laquelle passait le processus révolutionnaire, sa tactique vis-à-vis des élections était complètement erronée. Aussi a-t-elle subi une défaite cinglante. Ses militants sont démoralisés et pleins de confusion. Elle ne sera pas capable de jouer un rôle important dans la révolution.

Aucun des problèmes du capitalisme argentin n’a été résolu. En 2002, l’activité économique a chuté de 11%. Ce pays jadis prospère est devenu un pays pauvre avec une population souffrant de la faim.

En fin démagogue, Kirchner a tenté de se donner une image de « gauche » en s’attaquant à la junte militaire. En réalité, il défend les intérêts de l’impérialisme. Il parle de « restaurer la confiance des investisseurs », mais ce la ne peut se faire qu’en s’en prenant au niveau de vie des travailleurs. Mais à court terme, il ne peut pas se permettre de perdre la sympathie des masses. 70% de la population s’oppose à une éventuelle utilisation des réserves monétaires du pays pour rembourser le FMI.

Kirchner est condamné à un exercice périlleux de funambule entre les classes sociales. Tôt ou tard, il tombera. Bien que la croissance économique est de 5% (en 2003), cela fait suite à une chute d’au moins 11%. L’inflation atteint le seuil de 15% et le taux de chômage officiel est de 20%. Le nombre de chômeurs est en fait largement sous-estimé, et plus de la moitié de population vit désormais sous le seuil de pauvreté. Il n’y a pas d’issue pour les masses sur une base capitaliste. Les illusions en Kirchner ne dureront pas longtemps, et de nouvelles explosions sont inévitables.

Le processus révolutionnaire, en Argentine, n’est pas achevé. Il s’étendra sur quelques années encore, avec des hauts et des bas, avant sa conclusion décisive - dans un sens ou dans l’autre. Malgré tout le bruit au sujet du gouvernement de Kirchner, celui-ci ne représente rien de plus qu’un épisode temporaire. En dernière analyse, il ne peut y avoir que deux issues possibles : soit la plus grande des victoires pour la classe ouvrière, soit la plus grande des défaites.

Le capitalisme a ruiné l’Argentine. Le démantèlement des services publics et la politique de régression sociale dictés par le FMI, loin d’améliorer la situation, ont plongé le pays dans une profonde crise économique, sociale et politique.

En décembre, dans sa vaine tentative de stabiliser le peso, le gouvernement a pris des mesures pour limiter les retraits bancaires. Ceci a d’une part gravement affecté les classes moyennes, dont le niveau de vie s’est nettement dégradé ces dernières années, et d’autre part gêné l’économie "informelle", dont les transactions se font essentiellement en argent liquide, et qui constitue près de 40% de l’activité économique du pays.

Les salariés ont déjà été durement touchés par la récession qui dure depuis 4 ans, avec un taux de chômage officiel de près de 20%. Nombre d’entre eux n’ont pas été payés depuis des mois. Les retraités et de nombreux fonctionnaires ne sont plus payés en monnaie, mais en "bons" émis par l’État. Enfin, officiellement, il y a 15 millions de pauvres sur 36 millions d’habitants.

L’Argentine n’est pas un cas isolé. Tous les pays de l’Amérique latine sont en crise. Ces deux dernières années, plusieurs gouvernements ont déjà été chassés par des mobilisations populaires (en Équateur, au Pérou et en Bolivie), et les guérilleros, en Colombie, dominent plus de la moitié du territoire, contraignant les États-Unis à intervenir toujours plus directement sur le plan militaire.

Depuis 1999, l’Argentine a connu huit grèves générales. Le mouvement des chômeurs piqueteros bloque régulièrement les routes depuis 1997. Les 19 et 20 décembre 2001, la révolte a impliqué l’ensemble des couches populaires. Tandis que les pauvres pillaient les magasins, les classes moyennes manifestaient en masse devant les parlements, à Buenos Aires, et dans les provinces. Les affrontements avec la police, qui ont fait plus de 30 morts, ont été suivis en direct à la télévision dans tout le pays. Le président De la Rua s’est enfui en hélicoptère après avoir démissionné. L’état de siège décrété par le gouvernement a dû être levé à la suite d’une grève générale.

Actuellement, les deux chambres du Congrès argentin sont dominées par le Parti Péroniste. C’est un parti pro-capitaliste qui, en raison de l’histoire particulière de l’Argentine, dispose de relais et de soutiens importants dans les milieux populaires. Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, le régime du général Péron a dû s’accommoder d’une forte mobilisation de la classe ouvrière argentine, et les acquis sociaux conquis à cette époque expliquent la base sociale relativement importante du "péronisme". Cependant, aujourd’hui, le Parti Péroniste a perdu une grande partie de son prestige. Au pouvoir entre 1989 et 1999, il a appliqué une politique anti-sociale, parfois accompagnée de répressions sanglantes. Les capitalistes espèrent bien s’appuyer sur lui pour contenir le mouvement social.

Dans le passé, les capitalistes ont tenté de perpétuer leur domination au moyen de dictatures militaires. La dernière dictature (1976-1983) a commandité les assassinats plus de 30 000 militants oppositionnels, avant d’être renversée par un soulèvement populaire. L’invasion des Malouines était la dernière tentative désespérée des généraux de contrecarrer le mouvement social qui était sur le point de les chasser. Actuellement, toute tentative, de la part des capitalistes, de recourir à une nouvelle dictature militaire mènerait à une situation encore plus explosive et dangereuse pour eux.

Le péronisme n’a plus l’influence qu’il avait autrefois. Vainqueur aux dernières élections législatives, en octobre, il a néanmoins perdu 1 million de voix. Le taux d’abstention massif (40%), et ce bien que le vote soit obligatoire, a révélé le fossé qui sépare la population des partis politiques.

L’ampleur des mouvements sociaux, en décembre et en janvier dernier, indique le début d’un processus révolutionnaire. Le mot d’ordre le plus répandu est celui de la grève générale illimitée. Mais une telle grève nécessite une préparation sérieuse et un programme cohérent qui réponde concrètement aux besoins de la population. L’histoire de l’Argentine a clairement démontré la faillite aussi bien du "keynésianisme" que du "libéralisme" économique. Le fond du problème, c’est que les banques, les industries, les terres et les ressources naturelles du pays sont entre les mains d’une clique de capitalistes réactionnaires. Elles devraient au contraire être la propriété collective du peuple, autrement dit être nationalisées et soumises au contrôle démocratique de la population.

Le marasme économique dans lequel l’Argentine a sombré est sans solution sur la base du capitalisme. La dévaluation du peso appauvrira davantage la population et fera basculer d’innombrables foyers et petites entreprises dans le surendettement. Les capitalistes argentins, les investisseurs étrangers et le FMI exigent des mesures encore plus draconiennes pour sauvegarder leurs intérêts. Mais celles-ci se heurteront inévitablement à la résistance du mouvement ouvrier argentin qui a fait preuve à maintes reprises, au cours de son histoire, d’une très grande combativité.