Le mois de février aura été riche en déconvenues pour l’impérialisme français. Outre la parodie de négociation avec Poutine sur l’Ukraine, qui s’est soldée par l’humiliation de Macron, on a assisté à l’effondrement de l’opération Barkhane et à une véritable débâcle militaire et diplomatique pour l’impérialisme français dans le Sahel. Après avoir appelé à l’aide les mercenaires russes de « Wagner », la junte militaire de Bamako a multiplié les signes d’hostilité à l’égard de Paris. Après plusieurs semaines d’hésitation, Macron a dû jeter l’éponge et annoncer le retrait des troupes françaises du Mali.

Déclin

Ce nouvel épisode est une confirmation du net déclin de l’impérialisme français en Afrique. Engagée en 2013, l’intervention militaire française visait à repousser les djihadistes qui avaient profité de l’intervention impérialiste en Libye, en 2011, pour se renforcer et prendre le contrôle du nord du Mali. Il s’agissait aussi de rassurer les régimes pro-français de la région. Malheureusement pour Paris, la guérilla islamiste n’a pas été réduite au silence. Au contraire, elle a prospéré sur le terreau de la misère et de la crise sociale. En l’absence de résultats, et du fait des nombreuses victimes civiles causées par la guerre et l’intervention impérialiste, la colère n’a fait que monter contre les troupes françaises, aussi bien dans la population que dans l’armée malienne.

Une succession de coups d’Etat militaires a pris de court la diplomatie française et placé les militaires au pouvoir à Bamako. Faute d’alternative, Paris a essayé de composer avec un régime qu’il ne contrôlait pas complètement. Le gouffre entre les gouvernements malien et français n’a fait que se creuser, jusqu’à ce que le nouveau régime malien imite son homologue centrafricain et fasse appel à des « conseillers » russes. C’était une claque pour Macron, qui a multiplié les remontrances et les menaces envers le régime militaire malien, sans succès.

Mi-février, Macron a donc dû annoncer la fin de l’opération Barkhane et l’évacuation des troupes françaises en direction des autres bases tricolores de la région. Cette humiliation est d’autant plus grande que Macron avait bataillé pendant des mois pour convaincre plusieurs pays de l’UE d’envoyer des troupes au Mali, dans une sorte d’anticipation de son projet de défense européenne. Cette « Task Force Takuba » a été abandonnée en même temps que Barkhane et va devoir quitter le Mali, elle aussi.

Après avoir dominé ses anciennes colonies pendant des décennies, l’impérialisme français y est concurrencé – économiquement ou militairement – par les Etats-Unis, la Russie et la Chine. Si l’influence russe reste largement diplomatique et militaire (ce qui reflète la faiblesse de l’économie russe), les entreprises chinoises entament de plus en plus les marchés détenus jusque-là par leurs rivales françaises. A l’automne dernier, des rumeurs faisaient même état d’une possible vente, par Bolloré, de ses entreprises de logistiques en Afrique de l’Ouest, celles-ci étant incapables de soutenir la concurrence. On assiste à une accélération du déclin de l’impérialisme français.

Les réformistes et l’impérialisme

En France, l’aile droite des réformistes est très discrète sur cette question. Les dirigeants du PS et des Verts composaient le gouvernement qui a décidé du lancement des opérations militaires au Mali. Face à la fin piteuse de Barkhane, ils observent aujourd’hui un silence gêné.

A l’inverse, Jean-Luc Mélenchon en a abondamment parlé, ces dernières années, et a commenté la fin de Barkhane, sur son blog. Après avoir répété qu’il était en désaccord avec l’intervention au Mali, il écrit : « Dans l’immédiat je crois qu’il faut revenir dans les bases françaises existantes sur le continent africain, avoir un sérieux débat d’ensemble au Parlement avant de décider quoi que ce soit de nouveau. […] nous devons refonder entièrement notre politique d’accords de défense en Afrique. Il ne peut plus être question de se voir convoqué puis renvoyé comme nous l’avons été au Mali. »

Cette position n’est pas sérieuse. A lire Mélenchon, on a l’impression que le gouvernement français a été la victime naïve de dirigeants maliens inconstants. En réalité, l’intervention au Sahel n’avait rien à voir avec une « convocation » par le gouvernement malien – lequel, en l’occurrence, est arrivé dans les fourgons de l’armée française, en 2013. Il s’agissait pour Paris de défendre les intérêts de la classe dirigeante française, notamment d’AREVA et du groupe Bolloré. Le même problème se pose dans d’autres pays. Les troupes françaises soutiennent des dictatures infâmes, comme au Tchad, et servent de moyens de pression contre des gouvernements qui voudraient s’émanciper de la tutelle de Paris.

Tant que la France sera une puissance capitaliste, sa politique militaire servira les intérêts de sa classe dirigeante, sur le dos des travailleurs d’Afrique et de France. La gauche ne doit pas se fixer comme objectif de « refonder » cette politique impérialiste. Elle doit viser sa destruction et, pour commencer, exiger le retrait immédiat de toutes les troupes françaises positionnées hors de France.

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