Bosch

Le nombre de délocalisations a augmenté, en France, au cours des deux dernières années. La façon dont le patronat en a profité pour réclamer des baisses de salaire ou des augmentations du temps de travail a frappé la conscience des salariés et des chômeurs. Avec leur cynisme sans limite, le MEDEF et le gouvernement de droite ont agité la menace des délocalisations pour remettre en cause les 35 heures.

« Si vous ne travaillez pas plus longtemps ou pour moins cher, nous serons forcés d’aller en Chine, en Inde, etc, où les salaires sont plus bas. » Cet argument, des milliers de travailleurs l’ont entendu dans leur entreprise, et le gouvernement l’a publiquement relayé. Mais ce monstrueux chantage est un puits sans fond : même une diminution de 10% ou 20% du prix de la main d’œuvre française ne modifierait pas de façon significative les énormes différentiels qui existent, dans ce domaine, entre la France, d’un côté, et la Chine, l’Inde ou la Pologne de l’autre. Jusqu’où nos salaires et nos conditions de travail doivent-ils descendre pour que les capitalistes acceptent de nous employer, et cessent de pointer du doigt le travailleur chinois qui peine à se nourrir ?

Le mirage des « harmonisations »

La plupart des dirigeants de gauche prétendent pouvoir régler le problème des délocalisations au moyen de différentes harmonisations au sein du système capitaliste européen. D’après Fabius, par exemple, si la fiscalité était la même en France et en Pologne, les capitalistes français ne seraient plus tentés d’y délocaliser leurs entreprises. Immédiatement, la droite et le MEDEF applaudissent : « Oui, alignons le système fiscal français sur celui des pays européens qui payent le moins d’impôts ! » D’ailleurs, n’est-ce pas ce que fait le gouvernement de droite, qui, en 3 ans, a considérablement baissé les « charges patronales » et augmenté les « aides » dont les employeurs bénéficient sous divers prétextes ? Or on le sait, une telle politique s’accompagne toujours d’une série de coupes sèches dans les budgets sociaux.

Mais Fabius souhaite peut-être une harmonisation fiscale « par le haut » ? Or il faudrait déjà nous expliquer comment un gouvernement de gauche pourrait obliger les capitalistes d’autres pays européens à payer plus d’impôts. Mais en outre, il existe des grosses différences de salaires au sein de l’Europe. Suivant la logique de Fabius, il faudrait donc également harmoniser les salaires par le haut. C’est d’ailleurs ce que proposent d’autres dirigeants de gauche. Mais comment peut-on sérieusement prétendre que les capitalistes lituaniens, slovaques et hongrois vont accepter d’aligner les salaires sur ceux de la France, c’est-à-dire de les multiplier par 3 ou 4 ?

On nous répondra que Rome ne s’est pas faite en un jour, et qu’il faut « tendre » vers cela. Mais la crise du capitalisme est telle que les choses « tendent » exactement dans la direction opposée. Dans toute l’Europe, les salaires stagnent ou régressent. Partout, les allègements fiscaux et autres subventions patronales augmentent. Autrement dit, le poids de la crise est transféré sur les épaules des salariés, des chômeurs, des jeunes et des retraités, dont les systèmes de protection sociale sont mis en pièce. La pauvreté, le chômage et la régression sociale représentent la seule forme d’harmonisation que le système capitaliste soit capable d’offrir à la population européenne.

Enfin, ces histoires d’harmonisations sont d’autant plus absurdes qu’elles se limitent à l’Union Européenne. Admettons que les capitalistes français ne puissent plus profiter des bas salaires hongrois ou polonais. Qu’est-ce qui les empêcherait, dans ce cas, de délocaliser en dehors de l’Europe, comme ils le font déjà ? Face à cela, personne n’a encore proposé une « harmonisation mondiale » des salaires et de la fiscalité. Il y a des limites au ridicule, que même des experts en pseudo-solutions réformistes n’osent pas franchir.

Nationalisation

Certains, à droite, essayent de minimiser le drame des délocalisations au moyen de chiffres : les délocalisations ne représentent « que » 4% des investissements directs à l’étranger - et, à l’échelle européenne, « seulement » 5% des causes de suppression d’emplois.

Mais la détresse des familles frappées par les délocalisations n’est pas soluble dans la statistique. Notre devoir, celui des organisations syndicales et des partis de gauche, c’est de soutenir tous les travailleurs qui luttent contre un projet de délocalisation, quel qu’en soit l’ampleur. Il est absolument inacceptable que les capitalistes ruinent des vies, et parfois des localités entières, dans le seul but d’aller empocher ailleurs de plus grosses marges de profit.

Cependant, on fait face à un problème. Les travailleurs d’une entreprise menacée de délocalisation peuvent protester, lancer une pétition, manifester, faire grève - le dernier mot n’en reste pas moins auxpropriétaires de l’entreprise. C’est parce qu’ils possèdent l’entreprise qu’ils peuvent décider de la fermer, de la délocaliser ou d’exercer un odieux chantage dans le but d’allonger la semaine de travail. Et ils n’ont que faire des conséquences sociales de leurs choix : leur seul et unique critère, c’est le profit.

Dès lors, quelles possibilités reste-t-il aux travailleurs en lutte contre une délocalisation, une fermeture ou un plan social ? Une seule : la nationalisation de l’entreprise. Au final, on ne peut empêcher les capitalistes de casser l’outil productif qu’en le lui arrachant des mains et en le plaçant sous le contrôle et la gestion démocratique des travailleurs eux-mêmes.
Pour empêcher une délocalisation, il peut s’avérer nécessaire de procéder à l’occupation du site. L’occupation sert de point de ralliement pour organiser la solidarité. Mais pour définitivement écarter le danger d’une reprise en main du site et d’un déménagement de l’outil productif, les travailleurs concernés devraient revendiquer la nationalisation de l’entreprise - sans indemnité pour les gros actionnaires. Les partis de gauche doivent renouer avec cette revendication du mouvement ouvrier, qui a été presque complètement abandonnée par le PS et le PCF au cours des années 90. Il est temps de reconnaître qu’en matière de lutte contre les plans sociaux, toutes les « astuces » réformistes mises en place par les derniers gouvernements de gauche - dont les versements massifs dans les caisses du patronat - ont échoué. Il ne faut plus rien en attendre. Il est impossible de lutter contre les fermetures et contre le chômage de masse en général sans s’attaquer à la source du pouvoir des capitalistes, à savoir leur contrôle de l’appareil productif.

Une telle politique couperait l’herbe sous le pied des démagogues, comme Le Pen ou de Villers, qui profitent de la détresse des chômeurs et des salariés touchés par des délocalisations pour déverser leur venin nationaliste. Dans la mesure où la gauche et le mouvement syndical ne proposent aucune solution efficace, cela ouvre un espace aux discours d’extrême droite sur la nécessité de « produire français » ou de « rapatrier les emplois français ». Soit dit en passant, Le Pen et de Villiers négligent toujours de pousser jusqu’au bout leur logique démagogique en demandant le « rapatriement » des 15% d’emplois qui, en France, dépendent d’entreprises étrangères !

En dernière analyse, les délocalisations, les fermetures d’entreprises et les restructurations qui s’accompagnent de suppressions d’emploi ont toutes les mêmes causes : l’anarchie économique du capitalisme et l’insatiable soif de profits des grands actionnaires. La lutte contre le chômage et les licenciements de masse doit être menée sous la bannière du socialisme. Seules la nationalisation et la planification démocratique de l’économie permettront de développer l’appareil productif dans l’intérêt de la majorité de la population, sans laisser des millions de travailleurs sur le bord de la route.