Si la loi du 4 août 2014 s’intitule loi pour l’égalité « réelle » entre les femmes et les hommes, c’est précisément parce que, malgré les lois, l’égalité est loin d’être « réelle », notamment dans l’entreprise [1]. En France, l’écart de salaire net entre les hommes et les femmes est de 25,7 % [ 2]. Les commentateurs le nuancent souvent, en affirmant qu’une part de cet écart « correspond parfois à des stratégies professionnelles et à des choix de vie différents entre les sexes » [ 3]. Recalculé sur un temps de travail équivalent, l’écart tombe à 15,8 %. Et à conditions identiques (même emploi et même temps de travail), il n’est plus que de 9 %. Mais ce dernier résultat est complètement abstrait : le type d’emploi et le temps de travail sont justement deux facteurs clés dans l’analyse des inégalités entre les genres. Les réduire à des « choix individuels » revient à nier les causes matérielles des discriminations.

Inégalités salariales

Les femmes sont moins bien payées car elles ont plus difficilement accès à des emplois valorisés et bien rémunérés : 27,3 % des femmes actives exercent un emploi non qualifié, contre 14,8 % des hommes actifs. 44,8 % des emplois féminins sont concentrés dans quelques secteurs peu rémunérateurs tels que la santé, l’éducation, l’action sociale ou le secrétariat. Cette ségrégation professionnelle est largement encouragée par l’image des femmes véhiculée dans la société – et par une orientation plus facile vers ces métiers très féminisés. Mais même dans les métiers « mixtes », les femmes se trouvent au bas de l’échelle des salaires ; elles ont plus difficilement accès aux emplois les mieux rémunérés.

Ces inégalités ne découlent pas seulement des « mentalités ». Pour le capitalisme, le travail domestique impayé permet d’économiser sur les frais d’entretien des salariés, en faisant reposer cette charge sur la sphère privée (familiale). Or les femmes sont les premières à s’acquitter de ces obligations, aux dépens de leur participation au travail salarié. 27 % des femmes travaillent à temps partiel, contre 6 % des hommes. Ceci est directement lié à la charge parentale des femmes : au troisième enfant, elles ne sont plus que 42,8 % à être actives, et parmi celles-ci seulement 45 % travaillent à temps plein. A l’inverse, le taux d’activité des hommes est peu influencé par ces problématiques.

Contraintes et dépendance

Au-delà de la pression sociale, se mettre en retrait de la vie active est bien souvent une décision pragmatique au sein du couple, entre deux salariés dont l’un, la femme, gagne en moyenne 15,8 % de moins que l’autre (à temps de travail équivalent). Ce cercle vicieux maintient les femmes dans une situation de dépendance vis-à-vis des hommes, quel que soit leur âge. Les droits à la retraite des femmes sont en moyenne inférieurs de 42 % à ceux des hommes. Les droits conjugaux et familiaux permettent seulement de réduire cet écart à 26 %, en moyenne.

Les inégalités entre les genres perdureront tant que les femmes seront contraintes de compenser individuellement le manque d’infrastructures sociales publiques (garde d’enfant, cantines, laveries publiques, etc.). Or les politiques d’austérité actuelles accentuent ces inégalités en précarisant les travailleurs, en s’attaquant à leurs conditions de vie et de travail. Ces mesures frappent directement les plus fragiles – et donc, notamment, les femmes. Par exemple, la loi El Khomri a remis en cause les durées légales des temps de travail et de récupération. Celles et ceux qui ont le plus de contraintes personnelles ne peuvent pas toujours s’adapter, alors qu’un refus de « flexibilité » expose dorénavant à un licenciement. Le capitalisme en crise devient chaque jour plus incompatible avec la lutte pour l’égalité entre les genres. Seule la socialisation des tâches domestiques – dans le cadre d’une économie démocratiquement planifiée – donnera une base matérielle solide à cette égalité !


[1] Les « mesurettes » contenues dans la loi du 4 août 2014 n’y ont rien changé.

[2] Pour cette donnée et les suivantes : Dares 2015 pour l’INSEE.

[3] Rapport d’information du Sénat sur les inégalités salariales (2002).