Lycée Blanqui à Saint-Ouen

Enseignant au lycée Blanqui de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), j’ai participé à la mobilisation des personnels et des familles de cet établissement, en solidarité avec plusieurs élèves en situation d’urgence et de précarité. Face à l’incurie des pouvoirs publics, nous avons rédigé le communiqué ci-dessous, qui a rencontré un large écho.


Depuis le 14 novembre 2016, une élève de classe de terminale est « à la rue » avec sa jeune sœur et sa mère.

Depuis la rentrée de septembre, ce sont maintenant deux lycéens et quatre lycéennes qui se trouvent dans cette situation de grande précarité. Ces jeunes et leurs parents sont sans hébergement. Sans solution, ils ont tantôt dormi dans un garage, tantôt dans une voiture et se sont parfois installés dans des abris bus, certaines nuits.    

Ces familles contactent quotidiennement le SAMU social. Il s’avère que le 115 est saturé d’appels et de demandes. Quelques nuits d’hôtel leur sont proposées de façon épisodique et aléatoire.

Ces élèves sont tous sérieux, motivés et obtiennent de bons résultats, voire de très bons résultats pour certains. Ils sont assidus alors qu’ils parcourent le département, d’une ville à l’autre. Dignement, ils font face à la précarité.

Alertés, nous, professeurs du lycée Auguste Blanqui, avons répondu à l’urgence. Nous avons organisé une collecte pour prendre en charge des nuits à l’hôtel ou pour louer un studio. Nous avons trouvé des hébergements temporaires pour que nos élèves ne dorment pas dans la rue.

Attachés à notre mission, nous avons à cœur de faire réussir tous nos élèves.

Cette solidarité et ces solutions à court terme ont leurs limites.

Est-ce notre rôle d’enseignants de pallier la déficience des pouvoirs publics qui, sous des prétextes administratifs, fuient leurs responsabilités ?

Les lois méritent d’être appliquées, particulièrement celle sur l’accès à l’hébergement d’urgence.

Nous demandons à la mairie de Saint-Ouen, ville où sont scolarisés ces élèves, d’étudier ces situations et de rechercher des solutions.

Nous demandons au département de Seine-Saint-Denis, à la région Île-de-France, de trouver des hébergements stables pour ces jeunes et leurs familles.

Nous demandons à l’Etat d’agir.


Depuis la diffusion de ce communiqué, son écho dans les syndicats et les grands médias a permis de débloquer la situation. La révélation scandaleuse de l’existence de jeunes lycéens le jour, SDF la nuit, et le large élan de solidarité autour de notre mobilisation, qui a pallié l’incompétence tout aussi scandaleuse des pouvoirs publics, ont fini par obliger ces derniers à s’engager à fournir une solution rapide et pérenne à ces lycéens et leur famille. Qu’ils soient certains que nous – professeurs, parents et lycéens mobilisés – resterons vigilants. Déjà, une large manifestation se prépare – au cas où rien ne serait fait rapidement.

Au-delà de l’urgence, ce dramatique épisode soulève une fois de plus la question des problèmes d’accès aux biens et services essentiels (logement, nourriture, éducation, santé...) pour une couche toujours plus large de la population. Cependant, il révèle aussi la disponibilité des jeunes et des travailleurs, notamment des quartiers populaires, à combattre les conséquences les plus abjectes du capitalisme en crise. Comme marxiste, j’ajoute : un système incapable de satisfaire les besoins fondamentaux du plus grand nombre doit être renversé – et les forces sociales existent pour accomplir cette tâche !

Un professeur du lycée Blanqui de Saint-Ouen