La LCR a annoncé son intention de se dissoudre à la faveur d’un nouveau parti « anti-capitaliste ». En fait, la LCR est déjà un parti – et déjà un parti « anti-capitaliste ». Qu’y aurait-t-il donc de nouveau ? Au fond, la direction de la LCR a tiré la conclusion que l’avenir de son organisation serait plus prometteur si elle n’était plus considérée, aux yeux de l’opinion publique, comme communiste ou « trotskiste ». Il faut donc changer l’emballage, se présenter sous une autre étiquette – et le tour sera joué.

Pourquoi cette démarche aurait-elle plus de succès que toutes celles, du même genre, qui l’ont précédée dans l’histoire de la LCR ? Parce que la forte médiatisation d’Olivier Besancenot, nous dit-on, change la donne. En effet, les journaux et chaînes de télévision dont les propriétaires – comme Bolloré, par exemple – sont notoirement réactionnaires, ne lésinent pas sur les moyens pour promouvoir Besancenot, le présentant systématiquement sous un jour favorable. Le soutien accordé à ce « révolutionnaire » par les médias capitalistes peut paraître paradoxal, mais il s’inscrit dans une stratégie bien réfléchie de l’Etat et des représentants du capitalisme.

Les grands groupes capitalistes ne sont pas indifférents aux évolutions à l’œuvre dans les partis de gauche. Leurs intérêts vitaux sont en jeu. Les capitalistes soutiennent toujours la droite contre la gauche, mais il leur importe aussi que les partis de gauche soient sous contrôle. C’est dans l’intérêt du capitalisme de promouvoir tout ce qui contribue à diviser la gauche et à l’affaiblir sur le plan électoral et organisationnel. Surtout, il est d’une importance primordiale, du point de vue des capitalistes, de renforcer les éléments les plus ouvertement pro-capitalistes dans les instances dirigeantes des partis de gauche, et notamment dans le PS et le PCF.

C’est pour cette raison que les banques, les industriels et les médias capitalistes soutenaient Rocard (qui s’opposait à la nationalisation des banques) contre Mitterrand, dans les années 70. C’est aussi pour cela qu’ils ont appuyé Ségolène Royal, en 2007. Au PCF, la « mutation » opérée par Robert Hue a été vivement encouragée par les médias capitalistes. Cette mutation a débouché sur un décalage vers la droite dans la politique du PCF, au point que la direction du parti a reconnu l’économie de marché (le capitalisme) comme la seule forme de société possible. Les dirigeants du PCF ont ainsi soutenu et approuvé les privatisations massives réalisées entre 1997 et 2002.

Aujourd’hui, la presse capitaliste et l’industrie audio-visuelle travaillent à renforcer la position de Royal, considérée comme le plus fiable de tous les « éléphants » socialistes. Ils appuient en même temps les « liquidateurs » comme Zarka, Gayssot, etc., qui sont favorables à la dissolution du PCF. Le calcul, derrière la promotion de Besancenot, c’est que toute progression électorale de la LCR se fera au détriment du PS et du PCF. Le PCF a déjà été considérablement affaibli par le comportement de ses dirigeants, dans le dernier gouvernement de gauche, et par la dilution « anti-libérale » de son programme. Les capitalistes espèrent qu’un nouveau revers électoral finira par le briser, politiquement et financièrement. D’où l’intérêt de faire la promotion de Besancenot.

Cette stratégie pourrait avoir un certain effet. Il n’est pas exclu, par exemple, que les effectifs de la LCR augmentent légèrement – pour un temps. Mais cela ne débouchera pas sur la création d’un « grand parti anti-capitaliste ». Sur le plan électoral, le nouvel emballage de la LCR ne fera pas de grande percée. Face à la droite, l’immense majorité des électeurs de gauche se tourneront nécessairement vers le PS, comme la seule force capable de la battre. Quant au PCF, la cause principale de son affaiblissement – qui n’est pas qu’électoral – réside dans le caractère réformiste de son programme, qui ne lui permet pas de se distinguer de la politique du PS. Mais le PCF a subi, et subira encore, les conséquences de ce « vote utile » en faveur du PS.

Il en sera de même pour la « nouvelle » organisation de Besancenot. En fait, cette organisation n’aura de nouveau que le nom. Quant à son programme, il sera encore plus ouvertement réformiste. En substance, les programmes de la LCR et du PCF sont déjà quasiment identiques. La seule différence, entre les deux partis, sera la taille et l’implantation sociale beaucoup plus importantes du PCF, et ce malgré les ravages de ce mélange incongru de bricolage fiscal et de « commerce équitable » qui forme l’ossature de son programme actuel.

Le projet de la LCR ressemble à celui du PCF en 2006-2007, mais sur la base d’une assise militante beaucoup plus petite. Les dirigeants du PCF ont voulu se présenter aux élections sous les couleurs d’un « rassemblement anti-libéral » prétendument plus « ouvert », plus « large », etc. L’idée était que le terme « communiste » ne plaisait pas assez aux électeurs, et qu’il fallait donc se cacher derrière une autre étiquette.

Dans un article publié par La Riposte et repris dans le journal de la fédération PCF du Pas-de-Calais, Liberté 62, nous avons résumé cette expérience dans les termes suivants : « De nombreux communistes, marqués par le mauvais score du parti en 2002, ont été séduits par la stratégie des collectifs, dont ils pensaient qu’elle permettrait de renouer les liens entre le PCF et une partie de son électorat potentiel, et de reconquérir ainsi du terrain perdu. Mais à quelques exceptions près, l’expérience montre que la création des “collectifs” n’a pas mis le parti en contact avec une couche plus large de la population, mais seulement avec une flopée bigarrée d’ex-communistes, d’ex-socialistes, de gauchistes divers et autres “indépendants” plus ou moins petits-bourgeois, qui n’ont apporté au mouvement que démoralisation et confusion. »

Même après l’échec des collectifs anti-libéraux, le PCF s’est présenté, pendant la campagne présidentielle, sous le nom de Gauche populaire et anti-libérale. Mais cette opération de « marketing politique » n’a trompé personne et n’a certainement pas élargi la base électorale du parti. De la même façon, le fait que la LCR change de nom et se proclame plus « large » ne lui permettra pas de se renforcer de façon significative. Ses dirigeants nourrissent l’espoir de provoquer des scissions de ralliement dans le PCF et le PS. Nous pensons que ceci est très improbable. Mais même si de telles scissions devaient avoir lieu, elles seraient de très faible ampleur.

De nombreux communistes, sympathisants de notre journal, nous demandent ce que La Riposte pense de ce projet de « nouveau parti ». Ils veulent savoir si nous nous laisserons tenter par cette aventure. C’est absolument exclu. La Riposte est engagée dans une lutte pour défendre les idées, le programme et la théorie du marxisme au sein du PCF. Elle ne se laissera pas détourner de cet objectif. Les militants de La Riposte appellent tous les communistes à rester fidèles au PCF, et tous ceux qui – déçus par ses dérives – l’ont quitté dans le passé, à y revenir. Il faut renforcer le parti en nombre et en idées. Il faut l’aider à tourner le dos au réformisme et à renouer avec les idées du marxisme.

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