Le 13 septembre dernier, depuis un lycée des Sables-d’Olonne, Macron annonçait une nouvelle réforme de l’enseignement professionnel. Puis, le 27 janvier, le gouvernement reculait sur la mesure la plus importante de ce projet de réforme : l’augmentation de 50 % du temps passé en entreprise. Cependant, la casse de l’enseignement professionnel reste bel et bien dans les tuyaux du gouvernement.

En complément de matières générales (mathématiques, langues, histoire, etc.), les lycées professionnels proposent des enseignements techniques relatifs à un métier ou à un corps de métier. Ils proposent plusieurs diplômes : baccalauréat professionnel, certificat d’aptitude professionnelle (CAP), brevet des métiers d’art… Plus d’un élève sur trois est scolarisé dans la voie professionnelle. Pourtant, tout est fait pour les marginaliser et maintenir une relative ignorance autour des lycées professionnels, qui sont accablés de toutes sortes d’idées reçues.

Les lycées professionnels ont remplacé les « lycées d’enseignement professionnel » après une réforme de l’enseignement professionnel en 1985, qui créait notamment le bac professionnel. A l’époque, ce diplôme se préparait en quatre ans : deux ans de CAP ou BEP (brevet d’études professionnelles, supprimé en 2021), puis deux ans de bac professionnel, ce qui permettait aux titulaires d’un CAP ou d’un BEP d’obtenir un diplôme du baccalauréat et donc d’avoir accès, s’ils le souhaitaient, à l’enseignement supérieur. Mais en 2009 le gouvernement Sarkozy supprimait un an d’études, ramenant l’obtention d’un bac professionnel à trois ans de formation. Les élèves comme les enseignants en sortaient perdants.

Attaques en série

En 2019, la loi Blanquer « pour une école de la confiance » mettait en œuvre une nouvelle réforme de l’enseignement professionnel. Entre autres fausses bonnes idées, il y avait au menu une refonte des programmes et la réduction – d’environ un tiers – des heures d’enseignement général, au profit d’heures de « co-intervention », où les élèves sont en cours avec deux enseignants (l’un en matière générale, l’autre en enseignement technique) qui construisent leurs cours à deux. L’élève est alors censé lier ce qu’il apprend sur le plan technique et ce qui est abordé dans la matière générale.

C’était sans doute intéressant sur le papier, mais dans les conditions actuelles, la « co-intervention » se fait au détriment de tous les enseignements. La part réduite des matières générales, en particulier, ne permet plus d’entrer dans le détail des programmes, ce qui complique l’accès aux études supérieures pour les élèves de la voie professionnelle, car ils n’ont pas les mêmes bases que d’autres élèves. Et finalement, le « bac pro » devient un diplôme au rabais, vecteur d’inégalités.

Disons aussi deux mots du « chef-d’œuvre », projet pluridisciplinaire auquel l’élève doit consacrer deux ans, depuis la réforme Blanquer. Quand un nombre croissant d’enseignants sont des contractuels qui ne peuvent pas se projeter d’une année sur l’autre, et quand les moyens nécessaires à la réalisation du « chef-d’œuvre » ne suivent pas, ce dernier relève davantage de la prise de tête et de tentatives avortées que d’un enrichissement dans le parcours de l’élève.

Education en danger

Tout cela n’empêche pas le gouvernement de tirer un bilan très positif de ce qu’il avait baptisé, à l’époque, la « transformation de la voie professionnelle », et d’en faire la base du nouveau projet de réforme annoncé par Macron en septembre. Sa mesure centrale était l’augmentation de moitié des « périodes de formation en milieu professionnel » (PFMP, autrement dit les stages), qui passeraient à 33 semaines réparties sur les trois ans de formation, contre 22 semaines aujourd’hui. Mais fin janvier, Carole Grandjean, ministre déléguée à la formation professionnelle, déclarait pudiquement qu’il y avait une « absence de consensus sur l’augmentation des PFMP » : le gouvernement reculait – au moins provisoirement.

Cependant, d’autres changements attendent les lycées professionnels. Main dans la main avec la droite, le gouvernement ne cache pas sa volonté de développer « l’autonomie des établissements scolaires », une expression synonyme de concurrence, de renforcement des inégalités locales, d’entrée du patronat dans les instances d’administration… Les lycées devront être « performants », exactement comme une entreprise.

Ce que Macron réserve à l’enseignement professionnel peut se résumer en quelques mots : l’austérité, des diplômes au rabais, une adaptation aux exigences du grand patronat [1] et la transformation d’adolescents en main d’œuvre bon marché. Le collectif « Voie pro » de la CGT Educ’action dénonce à juste titre « la mise en place d’une catégorie de salariés “low-cost” issus des classes populaires ». [2]

La casse des lycées professionnels est un avant-goût de ce qui attend le reste de l’enseignement public. L’ensemble de la gauche et du mouvement syndical doivent lutter pour une éducation gratuite, véritablement émancipatrice, libérée des impératifs du marché et adaptée à tous les publics d’élèves.


[1] L’UIMM (Union des industries et métiers de la métallurgie) pèse déjà lourd dans les décisions relatives à l’enseignement professionnel.

[2] Perspectives Education Formation n°178 (mensuel de la CGT Educ’action).