Le 31 janvier prochain, le Sénat examinera une nouvelle proposition de loi « anti-squat ». Ce texte prévoit notamment de tripler les sanctions à l’encontre des squatteurs – qui seront désormais passibles de 3 ans de prison et de 45 000 euros d’amende –, d’étendre le périmètre de ce qui est considéré comme du « squat », et de simplifier les procédures judiciaires d’expulsion. Par exemple, en cas de loyer impayé, un propriétaire pourra rompre unilatéralement le bail et demander l’expulsion de son locataire (désormais considéré comme squatteur) sans recourir à une procédure judiciaire. Ce sera au locataire de saisir la justice pour tenter d’empêcher son expulsion.

Les locaux occupés à des fins économiques sont également concernés par le texte. Cela facilitera l’expulsion de petits artisans et commerçants en difficulté financière, mais aussi la criminalisation de grévistes occupant leur lieu de travail. Le projet de loi prévoit aussi de punir « la propagande ou la publicité facilitant ou incitant les squats ».

Petits et grands propriétaires

Les grands médias bourgeois diffusent régulièrement des reportages montant en épingle des cas de squat pénalisant des petits propriétaires. En réalité, de tels cas sont très rares : en 2021, à peine 170 demandes d’intervention contre des occupations illégales ont été déposées. En outre, la réalité concrète de ces cas est souvent déformée par les journalistes.

Mais surtout, les médias passent sous silence le fait qu’une petite minorité de propriétaires détient la majorité des logements en location. Selon l’Insee, 3,5 % des ménages sont propriétaires de plus de cinq appartements. Ils détiennent, au total, 50 % des logements en location possédés par des particuliers. Cette concentration est encore plus forte dans certaines grandes villes, comme Lyon (57 %). Le projet de loi « anti-squat » vise principalement à protéger cette petite minorité de propriétaires, afin qu’elle jouisse de ses biens fonciers comme bon lui semble, y compris à des fins spéculatives. Toujours selon l’Insee, sur les 37,2 millions de logements que comptait la France en 2021, près de 3,1 millions étaient vacants, soit 8,3 % du parc immobilier.

La crise du logement

La crise du logement est une bonne illustration de l’absurdité d’une société fondée sur la propriété privée et la loi du marché. Alors que des millions de logements sont vacants, le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre fait état de 4 millions de personnes souffrant de « mal-logement », terme qui recouvre les logements surpeuplés, insalubres ou dénués de confort et les personnes sans domicile personnel, y compris celles qui dorment dans la rue.

A ce chiffre, il faut ajouter 12 millions de personnes affectées, à des degrés divers, par la crise du logement : situations de précarité énergétique, logements en état de surpeuplement « modéré » et loyers excessifs. Dans l’ensemble, la Fondation Abbé Pierre pointe une aggravation de la crise du logement. Or la situation ne va pas s’améliorer à court terme. Pendant que l’inflation mine le pouvoir d’achat des ménages et que le coût de l’énergie explose, les loyers, eux, ne baissent pas. Au contraire, ils augmentent régulièrement. En conséquence, la part consacrée au logement pèse de plus en plus lourd sur le budget de millions de jeunes et de salariés. Pour ne rien arranger, le gouvernement a réalisé plus d’un milliard d’euros d’économie sur les APL, l’année dernière, grâce à la modification du calcul des versements, qui prend désormais en compte les revenus des trois derniers mois, et non plus des douze derniers mois.

Tout ceci entraînera une augmentation du nombre de défauts de paiement de loyers, alors que plus d’un million de locataires sont déjà en situation d’impayé de loyers ou de charges. Et c’est dans ce contexte que le gouvernement a décidé de criminaliser les locataires en difficulté et de faciliter leur expulsion.

Ce projet de loi est donc une attaque contre l’ensemble de la classe ouvrière. Il vise à renforcer les droits des gros propriétaires au détriment des locataires les plus précaires. Il laisse en suspens les problèmes de logement de millions de locataires et de petits propriétaires. Alors que l’inflation, qui s’élève à 6 %, risque d’augmenter dans les mois à venir, la question du logement va devenir de plus en plus brûlante pour des millions de personnes.

La lutte contre ce projet de loi réactionnaire doit s’inscrire dans un mouvement général visant l’ensemble de la politique du gouvernement, sur la base d’un programme offensif. Sur la question du logement, il faut avancer des revendications radicales, parmi lesquelles : 1) le gel immédiat de tous les loyers et l’impossibilité d’expulser des locataires sans leur proposer un logement public au moins équivalent ; 2) la réquisition des logements laissés vacants à des fins spéculatives ; 3) la nationalisation des banques et des grandes entreprises du BTP, de façon à financer un plan de construction massif de logements sociaux ; 4) l’expropriation des grands groupes qui dominent le secteur immobilier et possèdent d’innombrables logements vacants.