En 2018 et 2019, des dizaines de milliers de soignants ont participé à des mouvements de grève à l’hôpital et dans les EHPAD, sur l’ensemble du territoire. Ils alertaient sur l’asphyxie du système de santé et réclamaient de profonds changements.

La crise sanitaire a confirmé le diagnostic des grévistes. Le système hospitalier avait été fragilisé par des années d’austérité. Le Collectif Inter-Urgences explique : « Les politiques d’austérité menées par les gouvernements successifs avant la crise sanitaire, et les non prises en compte de ce gouvernement en matière de santé et d’action sociale, ont généré des carences en matière de prise en charge, qui se sont accentuées pendant la pandémie du Covid-19. »

Les revendications des soignants

Les soignants ont besoin d’un plan d’investissements massifs, capable de résoudre – en urgence – les problèmes structurels du système de santé. Leurs revendications sont claires : 1) 100 000 lits supplémentaires, soit le nombre de lits d’hospitalisation supprimés en vingt ans. 2) La titularisation de tous les contractuels. 3) La création de 300 000 postes, à l’hôpital et dans les EHPAD. 4) Une augmentation de salaire de 300 euros net mensuels pour le personnel de la santé, du social et du médico-social (public et privé). 5) La suppression de la T2A (Tarification à l’activité), qui place l’hôpital public dans une logique de rentabilité. 6) Une augmentation de plusieurs points de l’ONDAM, c’est-à-dire du financement de l’activité de soin et de santé.

La CGT du secteur a chiffré le coût de ces mesures à 50 milliards d’euros.

Le contenu effectif du Ségur

La crise sanitaire a soumis les soignants à une pression colossale, tout en les exposant quotidiennement au virus. Dès lors, au plus fort de la crise, Macron a dû promettre un « Ségur de la santé », qui a débouché sur un accord signé le 13 juillet dernier.

Cet accord prévoit une enveloppe de 7,5 milliards d’euros, qui serait étalée sur une période de cinq ans. 4 000 lits supplémentaires sont envisagés – « à la demande », à compter de cet hiver, sous l’égide des Agences Régionales de Santé. Celles-ci garderont la mainmise sur les directions hospitalières et les titularisations des contractuels, loin de la « gouvernance partagée » réclamée par les soignants. Concernant les effectifs, 15 000 postes supplémentaires sont promis.

Les augmentations de salaire ne dépasseront pas les 180 euros, et ce en deux temps : 90 euros en janvier 2021 (avec effet rétroactif à septembre 2020), puis 90 euros en mars 2021. La prime Covid sera attribuée au cas par cas, de même que la revalorisation des grilles salariales, qui ne concerne pas tous les agents hospitaliers.

Voilà pour les éléments « positifs », quoique très insuffisants et souvent incertains (parce que soumis à décision ultérieure). Le reste de l’accord est régressif. L’adoption d’une annualisation du temps de travail pose les bases d’une remise en cause des 35 heures. Pour preuve, les cinq premières heures supplémentaires vont être revalorisées, donc fortement encouragées. Dans le même temps, la durée de repos entre deux prises de postes passera de 12 à 11 heures.

Ces dernières mesures répondent exclusivement aux intérêts des actionnaires des groupes privés. Signataire du Ségur, la Fédération de l’Hospitalisation Privée n’a pas vocation à soigner tout le monde dans les meilleures conditions, mais à faire un maximum de profits – en pillant l’argent public. Les plans d’austérité, intitulés COPERMO, sont toujours d’actualité. Le Ségur ne remet en cause aucune fermeture de lit. Le budget formation stagne. Aucun investissement public n’est envisagé dans l’Action sociale.

En bref, le Ségur va dégrader les conditions de travail et l’accès aux soins. Il accélère la casse de l’hôpital public et le pillage de la Sécurité sociale par les groupes privés. Il prépare un « monde d’après » semblable au monde d’avant – en pire. Malheureusement, cet accord inacceptable a été signé par les dirigeants de la CFDT, de FO et de l’UNSA. Seuls la CGT et Sud s’y sont opposés, faisant corps avec les collectifs de soignants en lutte – lesquels, d’ailleurs, n’étaient pas représentés dans les « négociations ».

La lutte continue !

La lutte des soignants contre les politiques du gouvernement Macron continue, à l’image des grévistes de l’hôpital de Laval, dans le département de la Mayenne. Le 20 août, les infirmiers et aides-soignants du service chargé d’accueillir des malades du Covid ont engagé une grève reconductible. Accrochée aux grilles de l’hôpital, une banderole explique : « Hôpital sous tension, personnel épuisé, population en danger, mort du service hospitalier. » A Saint-Brieuc, ce sont les médecins urgentistes qui sont en grève, avec pour mot d’ordre : « Du fric pour l’hôpital public ! ».

Révolution soutient les soignants grévistes, leurs revendications et leur combat contre l’austérité. Nous ajoutons : pour en finir définitivement avec l’austérité, il faudra un système de santé 100 % public. Cela suppose l’expropriation des groupes privés (secteur pharmaceutique, mutuelles, laboratoires et cliniques privées) et leur nationalisation sous le contrôle démocratique des soignants.