Depuis le début du confinement, le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, n’a pas perdu une occasion de vanter le prétendu « succès » de la « continuité pédagogique ». Il a prétendu que tout se passait aussi bien que possible, pour les élèves comme pour le personnel. Puis, le 13 avril, il a été contredit par Macron lui-même, qui a annoncé la réouverture des écoles et l’a justifiée par l’aggravation des « inégalités » et du décrochage scolaire. S’il a une fois de plus contredit Blanquer, ce n’était pas dans l’intention de lutter contre les inégalités scolaires, bien sûr, mais pour renvoyer les parents d’élèves au travail le plus vite possible.

Improvisation totale

Au lendemain de l’allocution présidentielle, Blanquer a dû revoir sa copie. Il a alors déclaré : « Nous avons deux semaines devant nous pour travailler à l’élaboration de ce retour, dans de bonnes conditions sanitaires, aussi bien pour les élèves que pour les adultes ». Autrement dit, rien n’avait été préparé ou planifié pour la sortie du confinement. Le 19 avril, Edouard Philippe le confirmait : le gouvernement « travaille sur des hypothèses », expliquait-il.

Deux jours plus tard, Blanquer présentait à l’Assemblée nationale une ébauche de son plan de rentrée progressive des classes. Elle doit être étalée sur trois semaines : les grandes sections de maternelle, les CP et les CM2 reprendraient à partir du 12 mai ; les 6e, 3e, premières et terminales à partir du 18 ; tous les autres le 25 mai. Ceci devrait se faire par classes de 15 élèves maximum – en s’adaptant aux conditions locales, commune par commune, voire établissement par établissement. Au besoin, on fera appel à la technologie, avec des dispositifs de visioconférence dans les classes.

Comme d’habitude, l’intervention de Blanquer a consterné les personnels de l’Education nationale – et de nombreux parents.

Un « plan » catastrophique

Comme nous l’avons déjà expliqué, la « continuité pédagogique » à la sauce Blanquer aggrave les discriminations entre élèves – et rend très difficile tout enseignement sérieux. Mais le « plan » annoncé par le ministre pose plus de questions qu’il n’apporte de solutions. Alors qu’une bonne partie des classes compte près d’une trentaine d’élèves, comment les diviser toutes en deux sans embaucher massivement des enseignants ? Et où les élèves des groupes supplémentaires sont-ils supposés aller, alors que les établissements sont souvent trop petits pour les accueillir dans de bonnes conditions, en temps normal ? Comment les enseignants et les parents qui travaillent feront-ils pour garder leurs enfants, lorsque ceux-ci n’auront pas classe ?

A cela s’ajoute, bien sûr, la question cruciale des conditions sanitaires. Le « plan » de Blanquer ressemble à un scénario catastrophe, faute de réponses à de nombreuses questions : comment garantir la « distanciation sociale » dans les transports scolaires, aux entrées des établissements, dans les salles de cours, dans les couloirs, à la cantine, etc. ? Comment peut-on imaginer faire cours à des élèves de maternelle ou de primaire (et même de collège) en respectant la distance de sécurité d’un mètre ?

La pénurie de matériel sanitaire pose, elle aussi, son lot d’interrogations : les personnels et les élèves seront-ils testés ? De quelle quantité de gel hydroalcoolique et de masques dispose l’Education nationale pour garantir la sécurité des élèves et du personnel ? Les personnels de santé ont déjà beaucoup de difficultés à s’approvisionner en masques. On imagine difficilement comment l’Education nationale pourrait en disposer en quantité suffisante.

Toutes ces interrogations légitimes des personnels et des parents sont balayées d’un revers de la main par Blanquer, qui promet des « garanties sanitaires » – mais sans dire en quoi elles vont consister, concrètement. Sachant que le même a menti pendant des semaines, sur la situation de son administration, ce n’est pas très rassurant !

Priorité au CAC40

Le projet de retour à l’école, à partir du 11 mai, semble parti pour favoriser une éventuelle deuxième vague de l’épidémie. Les élèves et les personnels risquent de se contaminer mutuellement et de ramener le virus dans leurs familles. Chaque établissement scolaire serait susceptible de se transformer en foyer de contamination.

La priorité du gouvernement n’est pas de sauver des vies humaines, mais uniquement de protéger les intérêts matériels de la classe dirigeante. Il s’agit de transformer l’école en une gigantesque « garderie nationale », de façon à renvoyer les parents au travail. La bourgeoisie a besoin de relancer sa machine à profit : voilà tout. Peu lui importe que les enfants – et leurs parents – soient contaminés, au passage.

Mobilisation générale !

Face au manque de moyens pour assurer la sécurité sanitaire, le retour à l’école au mois de septembre serait l’option la plus raisonnable. Mais même alors, cela suppose une politique sérieuse de production de masques, de tests – et l’embauche massive de personnels et d’enseignants. On est bien loin des priorités du gouvernement.

Les syndicats de l’Education nationale ne peuvent se contenter d’exiger des « garanties » qui, de toute évidence, ne seront pas réunies le 11 mai. En conséquence, ils doivent préparer la grève des personnels. Celle-ci doit avoir pour complément un boycott de la reprise des cours par les familles et les élèves. Les fédérations de parents d’élèves doivent se mobiliser dans ce sens. Et cette action doit s’inscrire dans une mobilisation interprofessionnelle, sur la base d’un programme offensif.