Chaque jour, dans la presse économique, experts et journalistes se demandent comment écarter la menace d’une nouvelle récession mondiale. Beaucoup admettent que c’est peine perdue. La situation est « hors de contrôle », disent-ils. Les gouvernements, les banques centrales et les grands patrons « naviguent à vue ». Et même lorsque, dans un moment d’égarement, ils retrouvent l’espoir de maîtriser la situation, il y a toujours un tweet de Donald Trump pour les refroidir.

Les mauvaises nouvelles s’accumulent. La guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine se poursuit. Ses effets négatifs – et potentiellement ravageurs – ne seront pas limités aux deux pays en question. D’ores et déjà touchée, l’Allemagne glisse vers la récession, ce qui aura un impact sur la croissance – déjà très faible – du reste de l’Europe. Le Brésil replonge vers la récession ; l’Argentine s’enfonce dans une nouvelle crise monétaire. Et ainsi de suite. Le « ralentissement synchronisé » à l’échelle mondiale, selon la formule du Financial Times, exerce une pression croissante sur les bulles spéculatives géantes qui se sont reformées, depuis 2008. A cela s’ajoutent les crises politiques en Grande-Bretagne et en Italie, dont l’issue peut avoir de graves conséquences économiques.

Mais ce qui angoisse le plus les analystes bourgeois, c’est la capacité – ou plutôt, l’incapacité – du capitalisme mondial à limiter l’ampleur de la prochaine crise. Et pour cause : les différents leviers qui contribuent à sortir d’une récession ont déjà été utilisés pour amortir la crise de 2008. Les énormes dettes des Etats excluent toute « relance » par la dépense publique. Quant aux taux d’intérêt, ils sont si bas qu’ils peuvent difficilement baisser davantage. Comme le résume Le Figaro du 23 août dernier : « Les banques centrales se trouvent face à un dilemme : à force de baisser les taux, elles n’auront plus rien sous le pied pour accélérer le crédit lorsqu’une récession surviendra ». Et dans l’immédiat, « ce n’est pas une baisse des taux de 0,1 % de la BCE qui bouleversera les perspectives économiques de l’Europe, alors que le problème principal vient de la baisse de la demande chinoise et de la guerre commerciale ».

Le retour de Super Macron

L’économie française serait immédiatement emportée dans le gouffre d’une nouvelle récession mondiale. Mais fin août, au G7 de Biarritz, Macron n’était pas d’humeur à s’en préoccuper. Rien ne pouvait gâcher son plaisir de nous rejouer la scène du Sauveur du Monde, comme en 2017. Et comme alors, les médias à sa botte l’ont cirée avec une indécente frénésie. C’est bien simple : Macron est un diplomate « de génie », dont le rayonnement suffit à déjouer les guerres, éteindre les incendies et relancer le commerce mondial. L’intéressé accepte le compliment, mais « avec humilité ».

De l’humilité, il lui en faut d’autant plus que rien de concret n’est sorti du G7, à part un début de reculade française sur la « taxe Gafa », sous la pression de Trump. Ceci étant acquis, le président américain a laissé Macron jouer les illusionnistes, c’est-à-dire donner l’impression, pendant trois jours, que la France pèse lourd dans le concert des nations. En réalité, elle ne pèse pas grand-chose. Elle est désormais une puissance impérialiste de troisième rang, que « l’ami » Trump continuera de traiter comme telle. Dès le lendemain du G7, il apportait son soutien à Bolsonaro, contre Macron.

Lutte des classes

Il est clair que le numéro du président français, au G7, visait surtout à redorer son blason sur la scène intérieure. Or, si sa « performance » a poussé l’enthousiasme des journalistes aux frontières du délire, elle ne change rien aux difficultés matérielles de la masse de la population, qui attend des solutions concrètes à ses problèmes les plus brûlants : chômage, précarité, pouvoir d’achat, logements insalubres, délitement des services publics, etc.

Au lieu de solutions, le gouvernement prépare une nouvelle série d’attaques brutales contre les retraites, l’assurance chômage et la Fonction publique (entre autres). Comme représentant des intérêts du grand patronat, Macron n’a pas le choix : il défend la compétitivité du capitalisme français – et ses marges de profits.

Cependant, la jeunesse et le salariat ne resteront pas les bras croisés pendant qu’on les sacrifie sur l’autel du grand Capital. Il y aura des luttes. Il y en a déjà, notamment dans les Urgences, dont le magnifique mouvement pourrait s’étendre à l’ensemble du secteur hospitalier, et même au-delà. Le gouvernement le sait et le craint. Mais une fois de plus, il table sur la modération des directions syndicales, dont il ne redoute pas la stratégie des « journées d’action ». De fait, c’est bien tout ce qu’elles annoncent : des « journées d’action » – en pagaille. Il y en a pour tous les goûts et tous les secteurs.

Nous l’avons dit cent fois : dans le contexte actuel, seul un puissant mouvement de grèves reconductibles pourrait faire reculer le gouvernement, voire le renverser. Les directions syndicales n’en disent rien et n’en veulent rien savoir. C’est la contradiction centrale de la situation présente. Mais cette contradiction n’est pas insurmontable. Des luttes de masse peuvent échapper au contrôle des directions syndicales, comme l’a montré le mouvement des Gilets jaunes, qui d’ailleurs pourrait reprendre de plus belle. Tôt ou tard, les travailleurs de différents secteurs suivront l’exemple des urgentistes, avec ou sans l’assentiment des directions syndicales.

La planète brûle

Enfin, s’il est un mouvement qui ne risque pas de s’éteindre, c’est celui des jeunes qui manifestent et font grève « pour le climat ». Voilà une question sur laquelle la faillite du capitalisme se manifeste brutalement, sous la forme de canicules, d’incendies, d’ouragans, de pollutions diverses et toujours plus effroyables. Autant les idéologues bourgeois s’efforcent de nous présenter l’austérité comme une saignée salutaire, le prélude à la prospérité, autant ils ne peuvent prétendre que le réchauffement de la planète est un préalable à son refroidissement ! Ou alors, il s’agira d’un refroidissement consécutif à la disparition de la civilisation humaine.

Les questions environnementales ne cesseront plus d’être au cœur de la vie politique. Elles joueront un rôle décisif dans la radicalisation de larges couches de jeunes et de salariés. Nous devrons tout faire pour les convaincre de l’impossibilité de résoudre ce problème – comme tous les autres – sur la base du capitalisme. La course aux profits, qui est le moteur du système capitaliste, est absolument incompatible avec une gestion rationnelle, et donc planifiée, des ressources de la planète.

Par exemple, d’énormes investissements dans les énergies renouvelables sont indispensables. Mais qui les fera ? Les capitalistes ? C’est hors de question : ils n’investissent qu’en vue de réaliser un profit maximal. Or les énergies polluantes leur offrent de bien meilleures perspectives, en la matière. Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Par quelque bout qu’on prenne ce problème, une conclusion s’impose : seule une planification démocratique et socialiste de l’économie, à l’échelle mondiale, permettra de « sauver la planète » – et nous avec. Cela suppose de renverser le capitalisme à l’échelle mondiale. Les cyniques professionnels railleront cette solution, comme « utopique ». Mais c’est leurs « solutions » réformistes – une taxe par-ci, une règlementation par-là – qui sont utopiques et vouées à l’échec.

De ce point de vue, un rapprochement entre la France insoumise (FI) et les Verts (EELV) serait une grave erreur. La direction des Verts exploite les questions environnementales à des fins électorales. Elle rejette toute alternative au capitalisme. Tête de liste des Verts aux élections européennes, Yannick Jadot a réaffirmé son attachement « à la libre entreprise et à l’économie de marché ». Quant à David Cormand, censé représenter « l’aile gauche » des Verts, il passe le plus clair de son temps à attaquer le marxisme et l’idée de « planification ». Il l’a fait, notamment, aux Amfis d’été de la France insoumise, fin août. Au lieu de se rapprocher de ces marchands d’illusions, la FI doit les démasquer. Dans le même temps, elle doit clarifier son idée d’une « planification écologique », en expliquant la nécessité d’une planification économique, sous le contrôle démocratique des travailleurs eux-mêmes.


Sommaire

Le capitalisme : catastrophe économique, sociale et environnementale - Edito du n°36
La grève des Urgences : un combat exemplaire
Marseille : la lutte des femmes de chambre de l’hôtel NH
Les salariés de la CAF au bout du rouleau
La France insoumise : bilan et perspectives
Le capitalisme détruit la planète - Il faut une révolution socialiste !
Hong Kong : soit la lutte des classes, soit la défaite
La première phase de la révolution soudanaise
La défaite de Syriza : un « virage à droite » de la Grèce ?
L’Ecole mondiale de la TMI célèbre le centenaire de la IIIe Internationale
La Révolution française de 1789 – 1794
Le matérialisme marxiste

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