Article publié le 28 novembre 2018 sur le site de la section canadienne de la TMI.


En France, des centaines de milliers de personnes participent depuis la mi-novembre au mouvement des gilets jaunes, à travers divers blocages, pour manifester contre la hausse des taxes sur le carburant et, de manière générale, contre la vie de plus en plus chère. Ce mouvement est le résultat inévitable d’une crise économique bien palpable, rendue de plus en plus importante par le gouvernement Macron actuel ; entre les coupes dans les aides sociales, l’augmentation de taxes et autres mesures d’austérité, le mouvement des gilets jaunes témoigne d’un étouffement de la population française, étranglée par la stagnation des salaires et la hausse continuelle du coût de la vie.

Mais sur l’Île de la Réunion, département français d’outre-mer, le mouvement des gilets jaunes y est le plus important, à tel point que le gouvernement a imposé un couvre-feu. En effet, depuis le début du mouvement, l’île est complètement bloquée ; les routes et le port sont barrés, les écoles et les administrations sont fermées, les hôpitaux sont ralentis, les commerces n’ouvrent que le matin s’ils ne sont pas déjà fermés. Une solidarité s’est instaurée parmi les manifestants. Les barrages sont régulièrement remis en place et protégés et le mouvement est soutenu par une bonne partie de la population. Grâce aux réseaux sociaux, les manifestants arrivent à se regrouper et les barrages sont très mobiles.

Il s’agit là de la plus grande crise que l’île ait connue depuis les années 90. Jusqu’à présent, les revendications du mouvement sont nombreuses, et aucune direction claire n’a encore été établie. Les Réunionnais sont en attente d’une reconnaissance par le gouvernement de leurs difficultés, mais pour l’instant l’État ne leur a envoyé que les forces de l’ordre pour essayer de les mater.

Le fait que le mouvement des Gilets jaunes ait trouvé un plus grand écho chez les travailleurs réunionnais n’a rien d’étonnant : depuis plusieurs années maintenant, les habitants de l’Île de la Réunion, bien que Français, souffrent d’un coût de la vie bien plus important que leurs compatriotes. À la Réunion, tout est plus cher que sur la métropole, en partie en raison du fait que les produits y sont importés et donc 30 à 50 % plus cher que la normale. Et c’est sans compter le fait que 40 % de la population vit sous le seuil de la pauvreté et que le tiers de la population active est sans emploi. Chez les jeunes, le taux de chômage atteint 56 %. Les Réunionnais ont l’impression, avec raison, d’être des Français de seconde zone ; leur île est majoritairement gouvernée par des métropolitains, tandis que les Réunionnais eux-mêmes font face à un chômage de masse. Plus que tout, ils sont délaissés par le gouvernement. La hausse de la taxe sur le carburant n’a été qu’une étincelle pour cette crise qui devait exploser depuis longtemps.

En réponse au mouvement, la ministre des Outre-Mer, Annick Girardin, se rendra sur l’île aujourd’hui, le 28 novembre. Elle a promis que le prix du carburant baisserait immédiatement et a parlé de faire « d’autres annonces » au sujet du coût de la vie. Les Gilets jaunes lui ont promis un accueil en grand. Ils affirment que 300 barrages seront érigés : « Aucune voiture ne passera ». Un appel a été lancé sur les réseaux sociaux afin de « montrer ce qu’est un blocus » à la ministre.

Devant la puissance du mouvement réunionnais, le gouvernement Macron sera peut-être forcé de faire des concessions. Mais comme nous l’expliquions récemment, il ne tardera pas à reprendre l’offensive contre les travailleurs et les pauvres, et les Réunionnais, déjà parmi les plus affectés par la crise du capitalisme, seront parmi les premières victimes.

Le blocage de l’économie par les Gilets jaunes à la Réunion est la voie à suivre pour leurs camarades en France métropolitaine. Les Gilets jaunes doivent maintenant mettre à leur ordre du jour la revendication du renversement du gouvernement Macron. Cela ne pourra réussir que si le mouvement dans la métropole prend des proportions similaires à la Réunion. Une telle mobilisation dans le département et la métropole poserait directement la question : qui contrôle réellement la société, les patrons ou les travailleurs ? L’économie capitaliste dans son ensemble serait remise en question. Le renversement de Macron par un mouvement de masse ne serait alors qu’une première étape vers le renversement du système capitaliste lui-même.