Début 2019, les Aéroports de Paris (ADP) seront entièrement privatisés, contre la volonté de leurs salariés. Lors d’un référendum interne organisé par les syndicats, en avril dernier, 98 % des votants se sont opposés au projet du gouvernement. Il faut dire que les privatisations d’entreprises publiques ne sont pas une nouveauté – et que leurs conséquences sont bien connues : licenciements, dégradation des conditions de travail, baisse de la qualité du service, augmentation des tarifs…

La privatisation d’ADP a commencé en 2005, avec la transformation de l’établissement public en société anonyme, ce qui a permis à l’Etat, à l’époque, de vendre une partie de ses actifs au secteur privé, tout en restant actionnaire majoritaire (à 50,6 %). Depuis, le montant des profits n’a cessé d’augmenter. Entre 2006 et 2016, quelque 2 milliards d’euros de dividendes ont été versés aux actionnaires (dont la moitié à l’Etat). Ces performances ne sont pas surprenantes : le trafic aérien a augmenté de 35 % depuis le début de la privatisation, mais le nombre de salariés a baissé de 20 %, soit d’environ 1500. Les profits ont donc été réalisés sur la base d’une surexploitation des salariés restants.

Une vente qui coûte

Depuis son élection, Macron a clairement affiché sa volonté de désengager totalement l’Etat d’ADP. Paris va donc suivre Lyon, Toulouse et Nice dans la mise en concurrence des aéroports du pays. Mais ce n’est pas tout : comme la privatisation complète s’accompagne d’un changement de statut juridique des actifs aéroportuaires, l’Etat s’engage à indemniser tous les actionnaires pour un montant total qui pourrait atteindre 1 milliard d’euros ! Les actionnaires d’ADP gagnent donc au tirage et au grattage.

Pour justifier la privatisation d’ADP (et d’autres entreprises publiques), le gouvernement prévoit d’utiliser l’argent de cette vente pour alimenter un « Fonds pour l’Innovation et l’Industrie », censé atteindre 10 milliards d’euros. On déshabille Paul pour (c’est promis) habiller Jacques. Mais surtout, à quoi servira réellement ce fonds ? Probablement à une nouvelle mouture du CICE, c’est-à-dire des milliards d’euros de subventions directes au patronat. Lesquelles subventions finiront non dans de l’investissement productif, mais dans les poches des actionnaires. Ce fut le cas avec le CICE.

Du point de vue des salariés, l’impact de la semi-privatisation de 2005 avait déjà été lourd. Ce sera pire avec la privatisation complète. Les groupes privés ne s’intéressent qu’à la maximisation de leurs profits, ce qui ne va jamais de pair avec le maintien de la qualité du service et des conditions de travail. Une nouvelle purge des effectifs est donc probable, tout comme la baisse des investissements dans les infrastructures (au détriment de la sécurité). Cela impactera non seulement les 8000 employés des ADP, mais aussi, par ricochet, l’ensemble des employés des entreprises travaillant sur ces aéroports.

L’entreprise ADP a une mission d’utilité publique : elle ne doit pas être vendue au privé. Elle doit être intégralement renationalisée, sous le contrôle démocratique des salariés et des usagers. Et inutile d’indemniser les grands actionnaires : depuis 2005, ils se sont largement payés sur la bête. ADP doit servir les intérêts de la majorité de la population, pas ceux de quelques actionnaires. Que ceux qui font tourner la machine la contrôlent !