L’Education Nationale est-elle vraiment la « priorité » du gouvernement Hollande, comme il l’avait annoncé lors de sa campagne électorale ? L’idée était alors de rompre avec les dix années de gouvernement de droite, marquées par des contre-réformes creuses en contenu pédagogique et dont le véritable objectif était la suppression de nombreux postes d’enseignants.

La promesse de créer 60 000 postes d’enseignants supplémentaires était donc de nature à rassurer le personnel et la population, même si ce chiffre n’effaçait que la moitié des suppressions de poste des années 2000. Il faut dire que les classes sans professeur, dans certaines matières, se faisaient toujours plus nombreuses. D’où la multiplication des luttes ponctuelles et localisées, sous Sarkozy. Le crédit initial accordé au gouvernement « socialiste » était donc parfaitement compréhensible, d’autant que l’école est souvent perçue comme l’unique chance de promotion sociale. Les parents espèrent qu’en consentant à certains sacrifices, ils permettront à leurs enfants de bénéficier de meilleures conditions de vie et de travail grâce à des diplômes et des formations professionnelles de qualité. Ce n’est pas par hasard que le programme du gouvernement s’intitule « égalité des chances ».

Cependant, l’annonce des 60 000 créations de postes cache mal la privatisation rampante de l’Education nationale et la précarisation croissante de son personnel. Alors que plusieurs milliers de nouveaux enseignants ont bien été recrutés par concours et commencent leur formation, le recours massif aux contractuels et vacataires ne s’est pas arrêté. Au contraire. Par exemple, dans l’académie de Créteil, 10 % des enseignants sont embauchés sous l’un de ces statuts précaires.

Officiellement, le recrutement est organisé par des administrations décentralisées : les rectorats. Mais en réalité, ce sont de plus en plus les directions des établissements qui recrutent, selon des règles non écrites où domine l’arbitraire. Ce système est la clé de voûte du projet de privatisation de l’éducation publique. Les directions d’établissement se voient confier un rôle de « manager » de leur établissement, qu’il faut valoriser avec les meilleurs enseignants, les meilleures filières, les meilleurs matériels, etc., conformément à la logique du marché concurrentiel. Or, compte tenu du manque de ressources, cela favorise l’entrée d’acteurs privés dans le financement des établissements.

Précaires et titulaires : unis dans l’action !

Les enseignants précaires ne reçoivent aucune formation et sont envoyés devant les élèves du jour au lendemain, littéralement. Ils découvrent alors les programmes, le matériel de l’établissement à disposition et parfois même la matière qu’ils doivent enseigner ! Les critères de recrutement étant volontairement flous, on a pu voir, par exemple, un enseignant de latin recruté bien que sa formation en latin se soit arrêtée au Bac, ou encore une Italienne aspirant à enseigner sa langue maternelle accepter d’enseigner le Français, faute d’un poste en Italien – qui plus est en ZEP (Zone d’Education Prioritaire), où les moyens alloués sont censés être plus importants !

Les conditions de travail de ces enseignants sont éprouvantes. S’ils veulent assurer un enseignement décent, ils doivent consacrer l’intégralité de leur « temps libre » à leur auto-formation. A cela s’ajoute la précarité caractéristique des contrats courts, qui empêchent souvent d’obtenir des conditions de logement décentes, etc. Isolés, nombreux sont ceux qui craquent et abandonnent, le « turn-over » étant d’ailleurs un élément clé de ce système. Evidemment, dans ce cadre, aucun enseignement de qualité ne peut se développer : les élèves changent sans cesse d’enseignants et aucun suivi personnalisé, aucun projet éducatif à long terme ne peuvent être organisés. Or cela concerne souvent les quartiers populaires, où les besoins sont les plus importants. Nous sommes donc bien éloignés des objectifs affichés par le gouvernement en matière « d’égalité des chances ».

Face à cette situation, les syndicats ne peuvent se contenter de défendre les concours annuels proposés par le Ministère. La coexistence de précaires et de titulaires (fonctionnaires par concours) introduit une division au sein des travailleurs de l’éducation – et pas seulement parmi les enseignants. Nombreux en effet sont les contractuels parmi les assistants, surveillants, conseillers, techniciens, etc. C’est pourquoi La Riposte soutient la revendication de titularisation de tous les enseignants et travailleurs de l’éducation, avancée par la seule CGT Educ’action. Bien que minoritaire, c’est le seul syndicat qui organise réellement la lutte des travailleurs précaires de ce secteur. Les directions des autres syndicats de l’Education Nationale se cantonnent trop souvent à la lutte (certes indispensable) pour le « maintien des acquis » – malgré la bonne volonté de la plupart de leurs militants.

C’est contre cette éducation de classe, contre la précarisation et la privatisation, que se sont développés de puissants mouvements de lutte en Europe (Grèce, Espagne, Italie, Grande-Bretagne…). Les organisations syndicales de l’Education nationale doivent mobiliser tous les personnels du secteur – précaires et titulaires – dans une lutte commune pour de bonnes conditions de travail, un système de recrutement transparent et une formation de qualité pour l’ensemble du personnel – conditions sine qua non d’une éducation gratuite et de qualité pour tous.

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