La crise du capitalisme mondial se manifeste, partout, par une instabilité politique et sociale croissante. Chaque mois, voire chaque semaine, une digue se brise, un équilibre se rompt, un peuple se soulève. Pris dans leur ensemble, ces événements témoignent d’une accélération de l’histoire.

Qu’on en juge. La crise catalane a profondément déstabilisé le régime politique espagnol, ce « compromis » conclu, en 1978, entre l’Etat franquiste et les dirigeants ouvriers de l’époque. Mariano Rajoy a répondu aux aspirations démocratiques du peuple catalan par une répression brutale. Mais rien n’est réglé. D’autres explosions sociales sont à l’ordre du jour en Espagne – en Catalogne ou ailleurs.

Fin décembre, les masses iraniennes sont entrées en mouvement, bravant les balles de l’appareil répressif. Ce faisant, elles ont infligé un magnifique démenti aux sceptiques, cyniques et pessimistes « de gauche » qui, sans cesse, se plaignent de la « passivité des peuples ». Le régime des Mollahs a hésité, vacillé ; à terme, il est condamné. Quelques jours plus tard, la jeunesse tunisienne nous rappelait que la révolution arabe est toujours vivante.

Au Honduras, la clique dirigeante a été confrontée à un soulèvement populaire contre la fraude électorale. En Afrique du Sud, Jacob Zuma a perdu le contrôle de l’ANC. Au Brésil, la condamnation de Lula par une Justice corrompue – aux ordres d’un gouvernement mafieux – est un gant jeté à la face des masses brésiliennes. En Grande-Bretagne, la crise permanente du gouvernement de Theresa May ouvre la perspective d’une victoire de Jeremy Corbyn aux prochaines élections législatives, ce qui terrorise la classe dirigeante britannique.

Le « facteur Trump »

Mais le phénomène le plus frappant et, en un sens, le plus lourd d’implications, c’est la crise de régime qui secoue la première puissance mondiale. La grande majorité des capitalistes américains ne voulait pas de Trump à la Maison-Blanche. Non qu’il soit un adversaire du capitalisme : il fait lui-même partie de la classe dirigeante. Mais c’est un démagogue incontrôlable dont les paroles et les actes fragilisent l’édifice politique américain, sans parler des relations économiques, militaires et diplomatiques des Etats-Unis avec le reste du monde. C’est un éléphant dans un magasin de porcelaine.

Bien sûr, Trump n’est pas la cause ultime de la crise de régime aux Etats-Unis. Celle-ci s’enracine dans la crise du capitalisme ; l’élection de Trump en était d’ailleurs une expression. Mais en retour, son comportement erratique donne au processus un caractère encore plus chaotique. Au passage, cela accélère la radicalisation politique des jeunes et des travailleurs américains. Pour toutes ces raisons, la classe dirigeante veut s’en débarrasser. Mais c’est plus facile à dire qu’à faire. Trump conserve des partisans à tous les niveaux de la société. Quoi qu’il arrive, la guerre que lui mènent la CIA, le FBI et de nombreux médias est l’illustration d’une scission ouverte – et sans précédent – au sein de la classe dirigeante américaine. Or comme on le sait, les révolutions commencent souvent par une division au sommet de la société.

Le bluff de Macron

En France, les déboires de Trump offrent à la Macronie un thème idéal pour ses odes à notre président, lui si constant, mesuré, moderne, aimable, aimé du monde entier. A les entendre, Macron serait devenu l’axe autour duquel s’organisent toutes les bonnes volontés de l’univers. Comme il se prend au jeu et délivre sans cesse de vastes leçons de choses, les autres dirigeants impérialistes l’observent sans doute avec un mélange d’agacement et de mépris. Après tout, Macron n’est que le chef d’Etat d’une puissance impérialiste de second rang, criblée de dettes et toujours déclinante. Dès lors, il est condamné au bluff – et certes, il est la personne idéale pour ce rôle.

Sur la scène internationale, Macron peut encore briller quelque temps de sa lumière artificielle. Mais en France, les nuages s’accumulent au-dessus de son gouvernement. Par exemple, sa volonté affichée de « restaurer l’état de droit » à Notre-Dames-des-Landes (comme si une pègre y régnait !) pourrait bien se heurter à la mobilisation légitime et déterminée de tous ceux qui refusent d’en partir – et de tous ceux qui les soutiennent.

De manière générale, un nombre croissant de jeunes et de travailleurs comprend que, derrière une communication « moderne », le gouvernement mène une politique de contre-réformes brutales – au profit, comme toujours, des plus riches. Sous la surface, de puissantes mobilisations sociales se préparent, silencieusement, mais inéluctablement. La jeunesse lycéenne et étudiante pourrait bien ouvrir la marche ; la France insoumise mobilise dans ce sens, à juste titre.

D’ores et déjà, les grèves très combatives se multiplient, comme celles des gardiens de prison et du personnel des hôpitaux. Il faut bien comprendre leur signification : elles expriment un ras-le-bol qui, au fond, touche l’ensemble du salariat, dans le public comme dans le privé, après de nombreuses années d’austérité salariale et de dégradation des conditions de travail. La patience des travailleurs a des limites. Lorsqu’elles seront atteintes et donneront lieu à un mouvement général de notre classe, plus rien ne l’arrêtera.


Sommaire

Accélération de l’histoire - Edito du n°22
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