Le président Macron et son gouvernement « décrochent », dans l’opinion. Selon un sondage publié le 16 août, 62 % des Français seraient déjà insatisfaits de l’action et des annonces de l’exécutif. Sur les plateaux de télévision, les chantres de la nouvelle majorité font grise mine et, pour se rassurer, soulignent des « erreurs de communication ».

En réalité, le principal problème n’est pas la forme ; c’est le fond. Macron et ses ministres ont pour mission de poursuivre et d’intensifier la politique réactionnaire, pro-patronale, de leurs prédécesseurs. Cela passe par des attaques tous azimuts contre le niveau de vie, les droits et les conditions de travail de la masse de la population. La classe dirigeante l’exige : il y va de ses marges de profits dans un contexte de profonde crise du capitalisme français. La nouvelle loi Travail, le rabotage des APL, le rétablissement du jour de carence des fonctionnaires, le gel de leur point d’indice, la remise en cause des emplois aidés, la réforme de l’ISF au profit des multimillionnaires : tout cela n’est qu’un avant-goût de ce que demande le grand patronat – et que son gouvernement va s’efforcer de lui donner.

Le message a été reçu « 5 sur 5 » par bon nombre des victimes de cette politique – y compris parmi ceux qui, naïvement, espéraient que Macron ferait autre chose. Telle est la signification des récents sondages. A cela s’ajoute le fiasco d’une loi sur la « moralisation de la vie publique » adoptée sur fond d’affaires impliquant d’éminentes personnalités, à commencer par la ministre du Travail, Muriel Pénicaud. En 24 heures, le 30 avril 2013, celle-ci a gagné en bourse 1,13 million d’euros (1000 Smic !) grâce à l’annonce d’un plan de suppression de 900 postes chez Danone. Erreur de communication ? Non : c’est le fonctionnement normal du capitalisme. Reste que c’est à Madame Pénicaud, désormais, de sonner la charge contre les « salaires trop élevés » et les « privilèges » des travailleurs. Cité par Le Figaro du 9 août, un ministre s’inquiète : « L’opinion publique est, en ce moment, hypersensible » ... On le serait à moins !

En bref, le gouvernement et la classe dirigeante ont un problème qui se formule très simplement. D’un côté, la crise du capitalisme français est telle qu’ils ont objectivement besoin d’attaquer les conditions de vie des jeunes, des travailleurs, des chômeurs et des retraités. Mais d’un autre côté, les mêmes jeunes, travailleurs, chômeurs et retraités sont de plus en plus nombreux à rejeter les politiques d’austérité ; ils ne veulent plus des coupes budgétaires et des contre-réformes (au profit des plus riches). Telle est la contradiction centrale de la situation actuelle. Elle aura de profondes conséquences politiques et sociales à court, moyen et long termes. Le recul de la popularité de Macron en est une première conséquence. Mais il y en aura bien d’autres, qui marqueront les différentes étapes d’une intensification de la lutte des classes et de la polarisation politique.

La lutte contre la loi Travail

La nouvelle loi Travail sera l’occasion d’une première mobilisation syndicale. A cet égard, le gouvernement se félicite de l’attitude conciliante des dirigeants de la CFDT et de FO. Laurent Berger (CFDT) avait déjà avalé sans difficulté la première loi Travail ; la deuxième ne pose pas plus de problèmes à cet « agent de la bourgeoisie au sein du mouvement ouvrier », pour reprendre une formule de Lénine. De son côté, Jean-Claude Mailly (FO) refuse d’appeler à la mobilisation tant qu’il ne connaîtra pas le détail de la loi. Ses grandes lignes ne lui suffisent pas ? Cette hypocrite dérobade de Mailly vise à ménager le gouvernement et désamorcer la mobilisation. Autre méthode que Berger, même objectif.

Telle est la situation au sommet de la CFDT et de FO. C’est lamentable, c’est dommageable, mais ce n’est pas un obstacle absolu, car la CGT a la capacité de mobiliser très au-delà de ses rangs. Elle appelle – avec Sud – à « une journée d’action et de grève » pour le 12 septembre. Il faut faire en sorte que cette mobilisation soit un succès. Cependant, nous savons d’expérience que, dans le contexte actuel, les gouvernements réactionnaires restent de marbre face à de telles journées d’action, même lorsqu’elles sont massives. Seul le développement d’une grève reconductible dans un nombre croissant de secteurs économiques est susceptible de jeter le gouvernement Macron sur la défensive. Un mouvement de grève de cette nature ne se décrète pas, bien sûr, et rien ne garantit d’avance qu’il soit possible à court terme. Mais la préparation systématique d’une grève reconductible suppose, pour commencer, qu’on en reconnaisse la nécessité et qu’on l’explique aux salariés. Malheureusement, la direction confédérale de la CGT n’en dit rien. Elle ne tire aucune leçon de la défaite du mouvement contre la précédente loi Travail, en 2016. Elle semble repartie pour une stratégie de journées d’action. C’est donc aux structures locales et fédérales de la CGT – et d’autres syndicats – de prendre des initiatives. Le Front Social peut aussi jouer un rôle important.

La France insoumise

Onze jours après le 12 septembre, une manifestation à l’appel de la France insoumise aura lieu, à Paris, « contre le coup d’Etat social » de Macron. Cette mobilisation du 23 septembre aura un caractère très politique : elle visera non seulement la loi Travail, mais toute la politique anti-sociale qui se prépare. C’est indispensable. Face à l’offensive globale du gouvernement et la crise générale du capitalisme, qui frappe toutes les couches de la population (sauf les plus riches), on ne doit pas se contenter de lutter « dossier par dossier ». Il faut une réponse globale, une lutte qui fédère la jeunesse et l’ensemble des travailleurs sur un programme de rupture avec les politiques d’austérité – et le système qui les réclame.

Le mouvement syndical lui-même doit politiser son action, s’élever au niveau d’une lutte générale contre le gouvernement Macron. La participation d’un grand nombre de structures syndicales à la mobilisation de la France insoumise, le 23 septembre, serait un signe positif dans ce sens. Il faut balayer la frontière artificielle qui est parfois érigée entre lutte syndicale et lutte politique. Celle-ci est le prolongement organique de celle-là. C’est flagrant dans le contexte actuel, celui d’une crise à la fois économique, politique et institutionnelle. Ainsi, on peut anticiper que, tôt ou tard, l’opposition au gouvernement Macron et la fragilisation croissante de ce dernier feront émerger le mot d’ordre d’élections législatives anticipées. Cela signifiera : lutter pour faire tomber le gouvernement et, dans la foulée, porter la « gauche radicale » au pouvoir. Mélenchon suggère que cela pourrait advenir bien avant 2022. Nous sommes d’accord. Et de toute évidence, les syndicats auraient un rôle central à jouer dans cette lutte.

L’épouvantail du Venezuela

Beaucoup de politiciens de droite – y compris des « socialistes » – s’alarment de la fragilité du gouvernement Macron et du potentiel de la France insoumise. Ils sont effrayés par le succès des interventions des députés « insoumis » à l’Assemblée nationale, qui rencontrent un écho important. Alors, faute d’arguments solides, les macronistes de tous bords ont trouvé un nouvel angle d’attaque : « Mélenchon soutient la dictature vénézuélienne de Nicolas Maduro ! » Les grands médias ont largement relayé cette information sensationnelle – à commencer par Libération, de longue date spécialisé dans les mensonges éhontés sur le Venezuela (et Mélenchon).

Cette virulente campagne a semé le trouble chez des militants de la France insoumise [1]. Il faut y répondre clairement. Il n’y a pas de dictature, au Venezuela, où par exemple l’opposition de droite contrôle la majorité des grands médias. Il y a un gouvernement démocratiquement élu et qui subit, depuis quatre mois, une offensive extrêmement violente, dans la rue, d’une partie de l’opposition réactionnaire, laquelle veut renverser Maduro pour, dans la foulée, écraser la révolution bolivarienne et ses acquis.

L’opposition de droite a remporté les élections législatives de décembre 2015. Mais Maduro avait remporté les élections présidentielles d’avril 2013. Une impasse institutionnelle en a résulté. Maduro tente d’en sortir à travers l’Assemblée Constituante, dont l’élection, fin juillet, a été violemment boycottée par l’opposition. Ceci dit, le fond du problème ne se situe pas sur le terrain constitutionnel ; d’ailleurs, l’opposition n’a jamais respecté la légalité constitutionnelle (cf., entre autres, le coup d’Etat d’avril 2002). Le fond du problème, au Venezuela, peut se résumer ainsi : il n’est pas possible de faire la moitié d’une révolution. Or la révolution bolivarienne est arrêtée à mi-chemin. Au lieu de passer à l’offensive, d’exproprier les grands capitalistes, les banques et les multinationales, c’est-à-dire de mettre le socialisme à l’ordre du jour, Maduro cherche un impossible compromis avec la classe dirigeante et les impérialistes, qui refusent d’investir dans l’économie vénézuélienne et, sans cesse, fraudent, sabordent et spéculent sur la crise. Il en résulte un chaos économique dont les premières victimes sont les travailleurs et les pauvres. C’est très dangereux, car cela tend à démoraliser le camp de la révolution et, en conséquence, ouvre un chemin à la réaction.

La France insoumise doit rejeter les leçons de « démocratie » de tous ceux qui, en réalité, se lavent les mains des véritables dictatures (exemple : l’Arabie Saoudite). Après les menaces de Trump, nous devons nous mobiliser contre toute intervention impérialiste au Venezuela. Solidarité totale avec les masses bolivariennes ! Dans le même temps, nous devons tirer les leçons de la situation dans ce pays, leçons qui ont un caractère universel et se ramènent à ceci : on ne peut pas rompre à moitié avec le capitalisme. Si une révolution ne va pas jusqu’au socialisme, elle court à sa perte.


[1] Et jusque dans la direction d'Ensemble, qui a publié le 4 août un communiqué lamentable sur la situation au Venezuela. Si l'on suit jusqu'au bout le point de vue qui s'y exprime, la révolution bolivarienne devrait céder le pouvoir à l'opposition réactionnaire, via l'Assemblée nationale. Avec de tels « amis », la révolution vénézuélienne n'a pas besoin d'ennemis !

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