Le Ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie a soumis au Parlement un projet de loi sur la « transition énergétique pour la croissance verte ». Cette loi prétend répondre à la nécessité de revoir les modes de production de l’énergie pour réduire les émissions de gaz à effets de serre et améliorer l’accès à l’énergie pour tous.

Le projet de loi annonce des objectifs chiffrés ambitieux : baisse de la consommation énergétique de 50 % entre 2012 et 2050, réduction du niveau d’émissions de gaz à effet de serre de 40 % à l’horizon 2030 (par rapport à 1990), hausse de la part des énergies renouvelables dans la production d’électricité (23 % en 2020, 32 % en 2030), réduction de la part du nucléaire (50 % contre 75 % aujourd’hui).

Au fil des discussions parlementaires, le projet de loi a déjà subi de nombreuses modifications, notamment d’une partie des échéances pour atteindre les objectifs. La réduction du nucléaire est renvoyée aux calendes grecques. Surtout, on se demande bien comment tout ceci va être financé, alors que la loi propose de poursuivre les privatisations dans le secteur de l’énergie, dont celle des barrages hydrauliques (art.28-29) – dispositif parmi les plus rentables.

La loi ne prévoit pas non plus de financement du démantèlement des centrales nucléaires, ni les moyens alloués à la recherche d’alternatives. Pour l’électricité, le financement reposerait essentiellement sur la « Contribution au service public de l’électricité » (CSPE), taxe payée par tous les consommateurs, qui a déjà augmenté de 550 % depuis 2002. A l’origine, cette taxe était censée financer la « solidarité énergétique » ; elle finance désormais les énergies renouvelables.

La loi ne résout pas la question de l’accès à l’énergie. Elle prévoit l’instauration d’un « droit à l’énergie » dans son article 1 : « La politique énergétique garantit la cohésion sociale et territoriale en assurant un droit d’accès de tous à l’énergie sans coût excessif au regard des ressources des ménages ». Mais elle ne propose pas de solution concrète pour les 5,1 millions de ménages en situation de précarité énergétique.

On risque d’assister à de nouvelles hausses des prix de l’énergie, d’une part du fait de la privatisation du secteur, d’autre part sous prétexte d’atteindre les objectifs précédemment cités.

La loi ne propose aucune solution satisfaisante pour les transports et le logement. Certes, elle intègre la performance énergétique dans les critères de décence des logements et prévoit d’interdire à la location les logements les plus consommateurs d’énergie. Mais qui veillera à l’application de cette partie de la loi ? Quant à l’objectif de rénover 500 000 logements, il est insuffisant, si tant est qu’il soit réellement atteint. Surtout, on ne voit pas bien comment il serait financé autrement que par l’Etat via des crédits d’impôt aux bailleurs – sans garantie que cela bénéficierait aux familles les plus modestes.

Enfin, pour payer leur facture, les pauvres ne bénéficieront plus de « tarifs sociaux », mais d’un « chèque énergie », dont beaucoup d’associations craignent qu’il soit d’un montant inférieur à l’aide octroyée actuellement. Sous couvert de « croissance verte », le gouvernement pourrait faire encore des économies sur le dos des plus pauvres.

En ce qui concerne les transports, plutôt que de favoriser le développement des transports en commun publics, la loi préfère donner la priorité au véhicule électrique en développant les bornes de rechargement. Avis aux pauvres et aux chômeurs : achetez une voiture électrique !

En résumé, si on fait abstraction des ambitions chiffrées qui n’engagent à rien, la loi prévoit surtout, concrètement, de livrer toujours plus le secteur de l’énergie aux capitalistes et d’augmenter le prix de l’énergie pour les ménages. En fait de « transition énergétique » et de « croissance verte », on a donc une nouvelle contre-réforme qui ne règle rien en matière d’émissions de gaz à effet de serre ou d’accès à l’énergie pour tous.