Dans L’Humanité du 25 mars dernier, Yves Dimicoli, économiste et dirigeant du PCF, propose la prise en charge totale ou partielle, par l’Etat, des intérêts sur les emprunts contractés par les capitalistes, à condition que ceux-ci fassent des investissements « productifs » et qu’ils embauchent.

En clair, l’argent public doit être versé dans les poches des capitalistes afin de les encourager à créer des emplois. Cette mesure contribuerait, selon Dimicoli, à combattre la crise financière et la récession économique qui s’annonce : « Nous proposons, écrit-il, la création de fonds publics régionaux pour l’emploi et la formation. Ils prendraient en charge tout ou partie du taux d’intérêt des crédits pour les investissements des entreprises dans la mesure où ceux-ci programmeraient emplois et formations. Une baisse des taux d’intérêt serait engagée mais conditionnée à ces programmes, excluant tout soutien de la spéculation. En pratique, ce mécanisme contribuerait, à l’appui des luttes, à faire reculer le chômage et la précarité, augmenter le pouvoir d’achat dans les régions, car le crédit serait distribué en fonction de l’emploi, des qualifications et de conditions sur les salaires. »

En plus de ces fonds publics régionaux, Dimicoli propose de faire en sorte que les 27 milliards d’euros que l’Etat verse actuellement aux capitalistes en subventions soient soumis aux mêmes modalités.

Le programme du PCF contient plusieurs « bonus » de ce type au profit des capitalistes. Mais ces « bonus », tout comme la proposition de Dimicoli, ne créeraient en fait pas un seul emploi supplémentaire. Toute l’expérience des subventions massives accordées au patronat depuis des décennies en témoigne. Un capitaliste n’embauche pas pour « créer des emplois ». Ce n’est pas son but. Le capitaliste n’est pas un altruiste. Il embauche uniquement parce qu’il a besoin d’embaucher et quand il ne peut pas faire autrement. Tous les syndicalistes et travailleurs avertis le savent. Les employés de l’ANPE le savent aussi.

Quand un capitaliste lance un projet comme, par exemple, l’ouverture d’un supermarché, il fera étudier de très près ses besoins en matière d’embauche. Chaque poste de travail, les heures de travail qui sont à effectuer, le type de contrat à proposer, etc., sont étudiés et réduits au strict minimum nécessaire au fonctionnement du magasin. Le but du capitaliste, en toute circonstance, c’est d’embaucher le moins possible, d’une part, et d’autre part d’extraire le maximum de plus-value possible de chaque heure de travail effectuée, en tirant tous les coûts vers le bas, à commencer par les coûts salariaux. Ensuite, effectivement, le capitaliste s’intéressera aux aides et ristournes que l’Etat lui proposera. Ces aides augmenteront la rentabilité de son entreprise. Mais aucun capitaliste, absolument aucun, ne va embaucher un travailleur dont il n’a pas l’utilité, avec ou sans les subventions publiques. La mesure que propose Dimicoli ne favoriserait en aucune manière l’embauche. Elle ne ferait qu’augmenter les profits encaissés par le capitaliste à partir de l’exploitation des salariés dont il a besoin.

Le PCF doit-il vraiment prôner la prise en charge des crédits contractés par des capitalistes pour les remercier d’avoir bien voulu exploiter quelqu’un ? Si l’Etat a de l’argent à dépenser sur la création d’emplois, qu’il le fasse dans le domaine public – dans les hôpitaux, les crèches et les écoles, par exemple – plutôt que de récompenser l’avarice des exploiteurs, sous prétexte que, dans tel ou tel cas, leur recherche de profit crée des emplois.

Un programme incohérent

Prétendre que ce type de mesure répond à une « logique anti-capitaliste » est parfaitement insensé. Au contraire, de telles propositions s’inscrivent directement dans la « logique » capitaliste, qui dit que si on veut faire du bien aux pauvres, il faut d’abord enrichir les riches. Bien sûr, toutes les propositions du PCF ne vont pas dans ce sens. Mais c’est précisément cela qui rend de telles propositions encore plus incompréhensibles. En effet, si on le considère dans sa globalité, le programme du PCF propose d’imposer aux capitalistes toutes sortes de taxes, de prélèvements et d’amendes. Ces mesures rapporteraient, selon les estimations publiées dans L’Humanité et L’Humanité Dimanche, plus de 80 milliards d’euros ! [1] On donne de l’argent aux capitalistes de la main droite et on leur en reprend de la main gauche.

Le fond du problème, c’est que la direction du PCF a abandonné l’objectif de l’expropriation des capitalistes. Depuis la période Robert Hue, elle accepte « l’économie de marché ». Son programme actuel ne contient pratiquement aucune nationalisation. Les dirigeants se limitent à la recherche de « nouvelles » astuces (qui sont en fait très anciennes et déjà discréditées) pour « réguler » le capitalisme, c’est-à-dire inciter ou contraindre les capitalistes à se comporter comme s’ils n’étaient pas des capitalistes – à agir contre leurs propres intérêts ! D’où cette usine à gaz totalement incohérente de « bonus », de « malus », de prélèvements et de taxes – sur les profits, sur les transferts de capitaux, sur les opérations jugées « spéculatives », etc. – sous prétexte de favoriser l’emploi, la formation, la santé, l’environnement, le logement, et ainsi de suite.

C’est comme si, dans la perception des choses qui règne aux sommets du parti, la crise du système capitaliste et son incapacité à répondre aux besoins de la population, se réduisaient à un problème de politique fiscale. Au lieu de combattre de telles illusions réformistes, les économistes du PCF tels que Dimicoli contribuent à les répandre.


[1] Voir PCF : la faillite du programme « anti-libéral »

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