J’ai terminé mes études en juin dernier et me suis inscrit à Pôle emploi dans l’espoir de trouver un travail. Lors de mon premier entretien avec ma conseillère, elle m’a suggéré de m’orienter vers le métier de conseiller à l’emploi.

Ma première surprise a été de découvrir que Pôle emploi – un service public – ne propose que des CDD de droit privé. Un mois plus tard, j’ai passé les tests psychotechniques, puis j’ai été convoqué à un entretien durant lequel on m’a proposé non pas un emploi en bonne et due forme, mais une mission de service civique, afin de « combler » mon « manque d’expérience ». Sur le moment, j’ai décliné, car l’indemnité est trop basse : 600 euros par mois.

Engagement forcé

Pendant ma recherche d’emploi, j’ai vécu grâce au RSA. Au cours de l’été, j’ai emménagé chez ma compagne. Du jour au lendemain, la CAF ne m’a plus versé que 100 euros par mois, sous prétexte que ma compagne bénéficie d’une petite pension alimentaire. J’ai poursuivi ma recherche d’emploi dans l’urgence, mais je faisais toujours face au même mur : « il vous faut de l’expérience ». Le tout accompagné de la même invitation à effectuer un service civique. Faute d’alternative, j’ai fini par accepter.

Lors de l’entretien, je comprends vite que la mission qu’on me confie n’a rien à voir avec son intitulé : je vais devoir faire le boulot d’un salarié pour la modique somme de 6 euros de l’heure. J’aurai droit à deux jours de congés par mois (contre 2,5 pour un salarié) et n’aurai pas droit à l’allocation chômage après mes 8 mois de bons et loyaux services.

Lorsque je rencontre mes collègues, je me rends compte que je suis loin d’être le seul « volontaire ». On était tous bloqués dans notre parcours, et on nous a promis que notre engagement civique nous ouvrirait des portes.

Salariat déguisé

Ma mission débute en novembre. Je travaille 24 heures par semaine. Le matin, je dois pointer à 8h30 précise, comme tous les salariés de Pôle emploi.

Mon travail consiste à assister les demandeurs d’emploi dans toutes leurs démarches sur ordinateur : inscription, actualisation, demandes d’allocation, envoi de pièces justificatives, conception de CV et rédaction de lettres de motivation.

Dès le premier jour, je suis jeté dans la fosse aux lions, sans formation initiale. J’apprends donc sur le tas et demande aux collègues de m’aider lorsque je fais face à une difficulté. Parfois, ils ne savent pas me répondre, car eux non plus ne sont pas formés, alors que les démarches sont parfois très complexes sur les plans technique et juridique. C’est très stressant, car la moindre erreur de ma part peut impacter lourdement la vie des usagers que je suis censé aider.

En théorie, un jeune en service civique ne doit pas être indispensable au fonctionnement de la structure. Pourtant, notre mission est d’une importance capitale. En 2020, une enquête d’Elise Lucet, pour Cash investigation, a démontré que Pôle emploi utilise les services civiques pour ne pas avoir à embaucher des salariés. C’est un système bien huilé qui exploite des jeunes pour une bouchée de pain.

Sous-effectif

A Pôle emploi, tout est informatisé. Le public qu’on accueille à « l’espace informatique » est composé de personnes en situation de grande précarité. Beaucoup n’ont pas d’ordinateur et ne savent pas s’en servir. D’autres ne savent pas écrire en français. Autant de barrières qui freinent l’accès aux droits. Les conseillers – dont les effectifs sont insuffisants – enchaînent les rendez-vous et peuvent rarement les aider. Cette tâche revient donc aux services civiques.

Au départ, nous étions quatre « volontaires » dans l’équipe. Deux collègues sont partis travailler ailleurs, dégoûtés par la mission. A ce jour, ils ne sont toujours pas remplacés. En conséquence, il nous est impossible de gérer le flux comme auparavant, et les usagers finissent par s’énerver.

Pour justifier des embauches supplémentaires, on nous demande de compter le nombre de personnes que nous aidons chaque jour. A deux, nous accueillons jusqu’à 70 personnes dans la matinée. Cela nous laisse moins de 10 minutes à accorder à chaque demandeur d’emploi. On ne peut plus prendre de pauses. Au moins, je n’ai plus à entendre les remarques désagréables de ma directrice à chacune de mes pauses.

Pas de débouché

Une de mes collègues voulait se faire embaucher à Pôle emploi au terme de sa mission. Elle est repartie bredouille au bout de huit mois. Le sort de mes collègues conseillers en CDD ne fait guère plus envie. Un bon nombre d’entre eux ne sont pas renouvelés, et seule une infime partie arrive à décrocher un CDI.

On m’a fait miroiter un travail à la fin de mon service civique, mais je sais désormais que c’était pour me pousser à accepter la mission. A présent, je fais tout pour trouver autre chose ailleurs.