Depuis plusieurs mois, le débat sur l’école se focalise autour de la « pénurie » de professeurs qui s’annonce en cette rentrée. Sous le premier quinquennat de Macron, près de 8000 postes ont été supprimés dans le Secondaire, tandis que des postes aux concours ne trouvent plus preneurs : plus de 4000 postes n’ont pas été pourvus, pour 27 332 postes ouverts.

Fait nouveau, la désaffection s’exprime également dans le Primaire, où le taux de postes non pourvus est passé de 5,3 % en 2021 à 16,9 % cette année. Le phénomène y est d’autant plus visible que l’absence d’un seul enseignant entraîne souvent la fermeture d’une classe.

Une crise profonde

Les grands médias ont largement commenté les « solutions » imaginées par le ministère, à l’image du « job dating » du Rectorat de Versailles. Des candidats – souvent en reconversion professionnelle et sans qualification adaptée – y ont été recrutés en 10 minutes. C’est lamentable, mais en réalité, cela n’a rien de nouveau. Le recours à des contractuels recrutés à la va-vite, sans véritable formation, et envoyés devant des classes, est désormais un phénomène structurel, devenu de plus en plus massif au fil des politiques de casse de l’Education nationale.

Ces « non-titulaires » sont tout particulièrement appréciés par le ministère, car ils sont très précaires et sont donc plus exposés à toutes formes de maltraitances institutionnelles. C’est d’ailleurs pourquoi beaucoup jettent l’éponge et quittent l’Education nationale. Mais cette « désaffection » touche aujourd’hui l’ensemble du monde enseignant : les démissions de titulaires ont triplé en 10 ans, tandis que le nombre de candidats aux concours d’enseignement a baissé de 30 % en 15 ans, d’après un récent rapport du Sénat. Cette « crise de vocation » s’explique avant tout par des décennies de contre-réformes et de suppressions de postes, qui ont dénaturé le travail des enseignants.

Diversions

Contrairement à ce qu’il affirme, le nouveau ministre, Pap Ndiaye, n’a aucun moyen d’assurer qu’il y aura « un professeur devant chaque classe à la rentrée ». De même, la soi-disant revalorisation « morale » des enseignants n’est malheureusement pas acceptée aux caisses des supermarchés. Certes, le point d’indice salarial vient d’être revalorisé de 3,5 %, mais cela reste toujours largement inférieur à l’inflation annuelle (qui dépasse 6 %), et cela vient après 20 ans de gel des salaires ! En trente ans, le salaire minimum enseignant est passé de 2 à 1,2 Smic, alors que dans le même temps les concours et la formation des enseignants ont été alourdis.

Ndiaye s’inscrit pleinement dans les pas de son prédécesseur, l’odieux Blanquer, dont il compte maintenir et défendre toutes les contre-réformes : Parcoursup, Bac « local », contre-réforme du lycée professionnel, etc. Le choix, par Macron, d’un ministre identifié aux recherches académiques « postcoloniales » n’est évidemment qu’une nouvelle façon de faire diversion, exactement comme l’étaient – dans un autre style – les inénarrables polémiques de Blanquer sur « l’islamo-gauchisme ».

Comment « sauver » l’éducation publique ?

Il est peu probable que le gouvernement puisse continuer à détruire l’école à petit feu sans susciter de fortes résistances. C’est ce que montrent de nombreuses luttes récentes, parfois massives, notamment chez les plus précaires (surveillants et AESH). La grève du 13 janvier dernier, largement soutenue par les parents d’élèves, a même placé le gouvernement dans un remarquable état de fébrilité. La colère s’était alors particulièrement focalisée sur la gestion catastrophique de la pandémie et sur l’absurde protocole sanitaire imaginé par Blanquer depuis ses vacances à Ibiza.

La mobilisation a été d’une ampleur historique : 62 % de grévistes dans le Secondaire et 75 % dans le Primaire. Elle aurait pu être le point de départ d’une mobilisation de plus longue durée. Malheureusement, les directions syndicales ont préféré annoncer d’autres journées d’action ponctuelles, dont aucune n’a approché l’ampleur de celle de janvier.

Contrairement à ce qu’on entend souvent à gauche, les contre-réformes et les méthodes de management destructrices qui les accompagnent ne relèvent pas d’un « aveuglement idéologique libéral ». Elles répondent aux besoins objectifs de la bourgeoisie française, qui cherche à faire des économies à tout prix pour sauvegarder ses profits, quitte à sacrifier les droits fondamentaux de la population, dont l’accès à l’éducation.

Bien sûr, Révolution soutient les mesures progressistes que défendent la plupart des syndicats enseignants : une forte revalorisation du point d’indice et son indexation sur les prix, la titularisation des précaires et le recrutement massif de personnels qualifiés et formés, l’allégement des classes, etc. Mais le fait est que, sur fond de crise organique du capitalisme, ce modeste programme se heurte de plein fouet aux intérêts et aux exigences de la bourgeoisie.

Pour enrayer la casse de l’Education nationale, il faudra donc une lutte commune avec tous les travailleurs qui, eux aussi, subissent les privatisations, l’inflation et l’austérité, une lutte dirigée contre Macron, son gouvernement et ses politiques réactionnaires, mais aussi plus largement contre la bourgeoisie et son système.