Etudiante à Marseille, je travaille depuis deux ans comme « aide à domicile », en semaine et le week-end.

Ma journée de travail commence à 8 h 30, lorsque j’arrive au domicile de ma première bénéficiaire. Premier réflexe : se diriger vers le téléphone fixe pour « pointer ». C’est de la télégestion, mise en place par le Conseil Général, qui subventionne l’association pour laquelle je travaille. Elle remplace la signature de la feuille de présence. Désormais tout se fait par téléphone fixe : on appelle un numéro vert, depuis le fixe du bénéficiaire, pour y entrer un code personnel au début et à la fin de l’intervention. Notre salaire et la facture adressée aux bénéficiaires en découlent rigoureusement. C’est un système qui met la priorité sur le pointage du personnel, et non sur la relation humaine.

Lors de mon intervention chez la bénéficiaire, je vais faire du ménage, des courses et m’atteler à la préparation du repas. A 11 h, c’est la fin de cette intervention. Je me dirige donc vers le fixe, appelle le numéro vert et compose mon code. Je note aussi mes horaires d’arrivée et de départ sur ma fiche d’intervention.

Crise d’angoisse

A 12 h, j’arrive pour ma deuxième intervention avec 30 minutes de retard, ce qui me contrarie : hormis le calvaire que je viens de vivre dans les transports publics de Marseille, je sais que ces 30 minutes de retard vont perturber le planning de ma journée.

Je recommence : je pointe et j’enchaîne. Je prépare le repas à ma bénéficiaire, en respectant les instructions de la famille et des infirmiers. Je lui donne à manger avec un peu d’appréhension, car elle est dans un lit médicalisé, avec une assistance respiratoire et de lourds problèmes de déglutition. Je n’ai reçu aucune formation dans ce domaine. Je fais donc preuve de bon sens et je suis les instructions à ma disposition. Puis, à la demande de la bénéficiaire, je reste près d’elle pour discuter : elle éprouve de fortes angoisses. Son seul contact humain de la journée, c’est avec les aides à domicile et les infirmiers. Il est 14 h, je dois pointer et la laisser, malgré sa crise de panique. Je n’ai pas le choix : j’ai accumulé trop de retard…

Enchaîner

Je suis pressée : ma troisième intervention est prévue pour 14 h, dans un autre arrondissement de la ville. Je dois attraper le prochain bus et prévenir la bénéficiaire de mon retard, qu’elle n’apprécie pas : elle me le fait bien savoir.

Je commence à être fatiguée et à avoir faim, mais je n’ai pas le temps de m’arrêter. Je dois enchaîner. A 14 h 30, je suis au domicile de ma troisième intervention. J’ai à peine le temps de pointer et de boire un verre d’eau que je dois commencer le travail. Il s’agit principalement de ménage, pendant 1 h 30.

A 16 h, j’ai terminé cette intervention. Je peux pointer et faire signer la fiche d’intervention : c’est une assurance en cas de problème avec la télégestion.

Enfin, je peux faire une pause, la première depuis le début de la journée. J’en profite pour m’acheter un truc à manger et m’asseoir. Je commence à avoir des courbatures dans les jambes et dans les bras. J’ai mal au dos. Mais ma journée n’est pas encore terminée : je dois retourner dans le 14e arrondissement pour préparer le dîner du soir. Je refais le même chemin qu’à midi.

A 18 h, je retrouve la dame que j’ai dû laisser avec son angoisse, plus tôt dans la journée. Je pointe et je prépare le repas. La fin de mon intervention approche, je tente de rassurer la dame comme je peux, mais le soir son anxiété s’accroît. Elle va devoir passer la nuit seule dans son appartement. Elle aura sa première visite le lendemain matin, à 7 h : les infirmiers.

Il est 20 h et j’ai terminé ma journée de travail. J’ai passé la journée isolée de mes collègues, à devoir me rendre aux quatre coins de Marseille. Il est difficile de se rencontrer entre aides à domicile d’une même association, et donc de discuter de nos conditions de travail. Il y aurait beaucoup à dire, pourtant. Nous sommes payés au SMIC : 7,26 euros nets de l’heure. Et on doit accepter de travailler les week-ends, dimanche compris.

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