L’internat est une période déterminante de la vie du futur médecin. Les stages devraient être l’occasion, pour l’interne, de se projeter sur son avenir professionnel, tout en bénéficiant d’une formation adaptée et de qualité. Mais en multipliant les coupes dans les dépenses publiques, les gouvernements successifs n’ont cessé de détériorer les conditions d’études et de travail de ces jeunes soignants.

Mathieu est interne en médecine générale, à Marseille. Etudiant et salarié de l’hôpital public, il dénonce un système qui le précarise : « Je touche un salaire de base de 1600 euros net mensuels. Mes gardes sont payées avec deux mois de retard. J’ai un crédit sur le dos et le loyer à payer, sans compter l’augmentation des frais liés à l’université et aux dépenses du quotidien. Ma situation est loin d’être aussi confortable que je l’espérais, quand j’ai commencé mes études… »

Pour faire passer la pilule, les responsables universitaires et les politiques traditionnels se veulent rassurants : l’offre de formation est suffisamment large, sur le papier, pour correspondre aux différentes aspirations professionnelles des futurs médecins. Mais « c’est de l’hypocrisie, une promesse creuse », souligne Mathieu. « Je suis en poste dans un service qui me plaît énormément : la médecine pénitentiaire, gérée par les hôpitaux publics. Ce stage est l’un des plus importants de mon cursus, à mes yeux. Des projets ont rapidement émergé, comme un sujet de thèse qui porte sur la population carcérale. Mais toutes les semaines, je suis obligé de prendre des gardes aux urgences de l’hôpital voisin. Si je respecte mes repos de garde (le repos de sécurité normalement obligatoire), je ne peux pas être suffisamment présent dans le service pénitencier – et mes plans d’étude et de travail sont de facto remis en question. Mon parcours d’interne comprend déjà six mois réalisés dans ce même service d’urgences : mes acquis sont donc utilisés pour pallier le manque de soignants, au détriment de ma formation à la médecine pénitentiaire et de mes aspirations à poursuivre dans cette voie. »

Du fait des restrictions budgétaires imposées par le Ministère de la Santé (1,2 milliard d’euros sur deux ans), les internes sont affectés à certains postes (au détriment d’autres), selon les besoins les plus urgents – et la logique du moindre coût. Ainsi, les internes sont en première ligne de l’agonie organisée de l’hôpital public. « Ces gardes sont particulièrement éprouvantes », déplore Mathieu. « En plus de la saturation régulière des urgences, nous devons faire face aux demandes des services des étages de l’hôpital, avec toujours moins de moyens. Alors que ma garde termine à minuit, il m’arrive souvent de rester aider les collègues jusqu’à trois ou quatre heures du matin, voire toute la nuit – bénévolement. »

Mathieu exprime la colère et la désillusion de très nombreux internes. Face à la casse de l’hôpital public, que le gouvernement Macron poursuit inlassablement, nous ne doutons pas que les internes occuperont une place de choix dans les luttes à venir, dans ce secteur.