Licencié en juillet par la direction de Transdev (transports collectifs), Laurent (syndiqué chez Sud) était très impliqué dans la grève qui y a éclaté en septembre 2021.


Quel est ton parcours chez Transdev ?

J’ai été embauché chez Transdev en 2000 comme conducteur de bus. A partir de 2014, je suis devenu contrôleur après avoir été opéré du dos, justement à cause du bus.

J’ai été licencié le 21 juillet dernier, après avoir subi un contrôle salivaire et un contrôle d’alcoolémie. La direction fait souvent des contrôles dès la prise de service des chauffeurs. Les contrôleurs, comme moi, sont aussi contrôlés.

Mais la direction m’a tendu un piège. Ils ont dit que j’étais positif au cannabis. Le soir même du test, réalisé dans des conditions douteuses, j’ai transmis à la direction le résultat négatif d’une prise de sang, ainsi qu’une attestation de mon médecin concernant les médicaments de mon traitement, qui contiennent des substances susceptibles de déclencher le test. En vain.

Pourquoi t’ont-ils tendu ce piège ?

Parce que je faisais partie des militants qui se sont battus contre les projets de Transdev, il y a un an. D’ailleurs, à la fin d’une réunion, le directeur du pôle où je travaille a déclaré : « je ne vire pas monsieur X. pour son test salivaire. Je le vire car il était à l’origine des contrôleurs qui n’ont pas signé dans la filiale ».

A cette époque, Transdev est entré dans une délégation de service public (DSP). Ils ont voulu en profiter pour dégraisser la masse salariale et taper dans tous les « avantages » qu’on avait (primes, etc.). Leur stratégie était notamment de créer une filiale qui absorbe tous les services de contrôle dans chaque dépôt de Transdev en Ile-de-France, avec des conditions de travail vraiment pourries (prime aux PV, prise de service sur des parkings, etc.).

On nous a harcelés pour nous faire signer dans la filiale, mais on ne s’est pas laissé faire. J’ai fait beaucoup de recherche et me suis battu pendant six mois avant l’entrée dans cette DSP. De fait, j’étais un peu l’instigateur du maintien du service de contrôle dans la DSP. La direction a dû y maintenir 25 personnes.

Ce qu’on a obtenu de positif, c’est que dans les futures DSP, la société qui remportera le marché, quelle qu’elle soit, devra maintenir ta qualification, ton ancienneté et ton salaire. C’est pour tout ça qu’ils avaient la rage contre moi. D’ailleurs, ils n’ont pas cessé de nous mettre la pression, en changeant les horaires du jour au lendemain, en nous faisant finir à 22 heures…

Tu penses pouvoir être réintégré chez Transdev ?

Mes amis et collègues me soutiennent. J'ai entamé une procédure aux prud'hommes. Mais le recours juridique ne suffira pas. Devant les délégués du personnel, le directeur du pôle où je travaille a déclaré : « Les prud’hommes me coûteront moins cher que sa réintégration ».

Même si les patrons perdent aux Prud’hommes, il n’y a pas d’obligation légale à me réintégrer. Pour les patrons, l’important, c’est que ceux qui gênent soient dehors, « quoi qu’il en coûte ». L’indemnité a d’ailleurs été plafonnée par le barème Macron.

De mon côté, j’ai mené des actions avec des collègues, car la réaction des syndicats a été molle. Même si l’été est une période compliquée pour mobiliser, je pense qu’ils auraient pu agir dès le début. Maintenant, les délégués syndicaux envisagent de faire un mouvement à la rentrée, avec probablement une grève au niveau national. Mon cas risque donc d’être noyé dans les autres revendications portées par ce mouvement.

Et puis il y a beaucoup de collègues qui sont découragés, qui veulent lâcher ce métier car ils n’en peuvent plus. On a fait deux mois de grève l’an dernier pour obtenir assez peu, en définitive, et ça a laissé des séquelles. Des collègues grévistes le paient encore en étant prélevé deux jours de salaire chaque mois. Certains collègues disent : « si on doit repartir sur une grève, je ne suis pas chaud ». Ils sont prêts à faire un jour de grève pour moi, mais repartir sur plusieurs semaines, ça pèse trop.

On ne peut pas se battre seuls. Pour obtenir des choses, il faudrait que nos luttes soient plus massives, qu’elles englobent tous les services. Sinon, on se fait plumer un par un.

Révolution défend l’idée de nationaliser le secteur des transports. Qu’en penses-tu ?

A terme, c’est la seule solution. Quand on y réfléchit, en Ile-de-France, quelle que soit notre société (RATP, Transdev, etc.), on a tous la même tenue sur laquelle est écrit : « Ile-de-France mobilité ». La nationalisation, c’est la seule chose qui nous permettra de nous en sortir. C’est le seul moyen d’en finir avec les inégalités entre salariés, avec ces sociétés privées qui baissent sans cesse les coûts et tapent sur les salariés. La nationalisation des transports publics permettrait d’uniformiser – à la hausse – les salaires et les conditions de travail, mais aussi de garantir la stabilité de l’emploi.