Thibaud est assistant d’éducation (AED) dans un lycée professionnel, membre du collectif des AED de l’Oise et syndiqué à Sud Education. Nous l’avons interviewé lors d’un rassemblement organisé par la Coordination Nationale des Collectifs d’AED, le 20 mai, à Paris.


Révolution :  Quelles revendications porte ce rassemblement et le mouvement des AED en général ?

Thibaud : Cela fait plus de six mois que les AED sont en lutte au niveau national pour obtenir une meilleure rémunération et une titularisation, c’est-à-dire un vrai métier. Aujourd’hui, on n’a pas un vrai métier, on a juste une fonction. On n’a aucune formation et aucune reconnaissance.

En réponse aux questions de députés sur nos revendications, le ministre Jean-Michel Blanquer s’est contenté de répondre : les AED sont des étudiants et il y a un dispositif de professionnalisation pour ceux qui veulent devenir enseignants. Sauf qu’en réalité ce dispositif concerne moins de 5 % des AED. Mais surtout, moins de 20 % des AED sont des étudiants. Et dans les 80 % restant, certains sont en reconversion et font ce travail le temps de se retourner, mais d’autres – nombreux – aimeraient faire ce travail durablement. Or le problème, c’est qu’on ne peut pas le faire plus de six ans : c’est interdit, parce que ça a été conçu pour des étudiants – alors que, dans les faits, ce n’est pas un job d’étudiants. L’âge moyen des AED, c’est 31 ans.

Donc, on demande la titularisation des AED, à terme, et dès que possible un moratoire sur la limite des six ans d’ancienneté.

Faut-il un concours d’AED ?

On peut en discuter, mais le plus important, c’est que la titularisation soit accessible à ceux qui le souhaitent, pour offrir un avenir à ceux qui veulent continuer dans cette voie.

Les AESH (accompagnants des élèves en situation de handicap) ont obtenu des CDI, mais sont toujours aussi mal payés. On veut plus que ça : on demande la titularisation, parce qu’on exerce un vrai métier (les AESH aussi, d’ailleurs). Ce qu’on demande, c’est la création d’un métier d’éducateur scolaire, qui reconnaisse notre fonction, qui n’est plus du tout celle de « pion » surveillant des grilles ou des permanences.

On vous confie des tâches de plus en plus complexes ?

Oui, et sans les AED, l’Education nationale ne fonctionnerait pas. On fait souvent face à des situations difficiles, socialement et psychologiquement. Par exemple, j’ai eu des cas de filles qui ont tenté de se suicider ou qui ont été agressées sexuellement. On a souvent des élèves harcelés. Tout ça, on le gère. On est aussi les premiers à donner aux élèves des petits conseils, par exemple des informations sur la vie affective et sexuelle, puisque cela n’est plus assuré correctement par l’Education nationale. C’est nous qui disons aux élèves qu’elles peuvent aller au planning familial, contacter untel, etc. On gère aussi les parents d’élèves : en cas d’absence ou pour le moindre problème, c’est souvent nous qui les appelons.

On vous confie aussi des tâches administratives ?

Normalement, non : notre contrat, c’est l’encadrement des élèves. Mais il n’est pas rare qu’on nous demande de donner un coup de main au secrétariat. Par exemple, il m’arrive de distribuer des factures. J’ai même eu des collègues AED qui ont distribué des bulletins de salaire, ou encore des certificats de scolarité et des convocations… Ce n’est pas du tout notre travail.

Qu’en est-il de votre rémunération ?

On est tous payés au SMIC – et encore : moyennant une indemnité compensatrice, car l’indice est trop bas. Mais comme la plupart des AED sont en temps partiel (souvent imposé), ils touchent moins que le SMIC à la fin du mois : le salaire moyen d’un AED, c’est 911 euros. Pour les femmes, c’est 866 euros, car elles subissent encore plus le temps partiel.

On est sous-payés, pas reconnus et, trop souvent, méprisés par la direction de l’établissement.

Pendant la crise du Covid, on a été en première ligne, mais on n’a eu aucune prime. De même, dans les établissements difficiles (REP ou REP+), les enseignants ont une prime, les CPE ont une prime, mais pas nous. Pourtant, on s’occupe des mêmes élèves !

Donc, on demande une augmentation du taux horaire, ainsi qu’une prime Covid et une prime pour les collègues qui travaillent en REP et REP+.

Enfin, on demande un recrutement massif, car on n’est pas assez nombreux. Depuis 10 ans, il y a 5 % d’élèves en plus et 2,5 % d’AED en moins à l’échelle nationale. C’est ridicule. Concernant le recrutement, on souhaite qu’il soit réalisé par le rectorat, et non par les chefs d’établissement, car alors on subirait moins de pression hiérarchique directe. Aujourd’hui, on a plein de camarades qui ne peuvent pas faire grève, car ils redoutent que leur contrat ne soit pas renouvelé. En général, on a des contrats d’un an, voire moins. C’est la précarité la plus totale.

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