Le groupe TUI est une multinationale dont le siège social est en Allemagne. En juin 2020, la direction a annoncé 600 suppressions de postes. Depuis, les salariés ont mené de nombreuses actions pour lutter contre ce plan social. Stéphane Hodiesne, militant CGT à TUI France, répond à nos questions.


En quoi consiste le travail des salariés de TUI ?

TUI, c’est le numéro 1 mondial du tourisme. En France, cela correspond aux marques Look Voyage, Marmara, Nouvelles Frontières, Passions des Iles... C’est un réseau de 70 agences qui est en train d’être vendu. Moi, je travaille au siège de l’entreprise, dans le service « carnet de voyage » : nous vérifions l’exactitude des documents du voyage et nous les envoyons au client. C’est le voyage de A à Z, de la conception jusqu’à la vente.

Quel est l’impact de la crise actuelle sur l’activité du groupe ?

Par rapport à la même époque, mais « hors covid », le groupe a perdu 90 % de son chiffre d’affaires. Les avions restent au sol, les hôtels sont fermés et pas mal de frontières le sont aussi. Pour le tourisme, c’est comme pour la restauration : une catastrophe.

Avant la crise sanitaire, un plan de licenciement de 300 salariés était déjà prévu. Mais la direction a profité du premier confinement pour ajouter 300 personnes, soit au total 600 licenciements sur 900 salariés. Confortablement installé dans son riad, au Maroc, notre PDG nous a informés des licenciements par visioconférence.

Crise sanitaire ou pas, la direction veut licencier. Je vais prendre l’exemple de mon service, où nous étions huit. Au début, ils ont commencé par externaliser notre activité au Maroc, c’est-à-dire à y embaucher des salariés sous prétexte de nous « donner un coup de main », car la charge de travail était trop importante pour nous. Puis ce n’était plus trois ou quatre personnes qui nous aidaient, du Maroc, mais une dizaine. Et aujourd’hui, notre service en France est entièrement supprimé.

Cette délocalisation a été rendue possible par la dématérialisation de notre travail. Avant, il y avait de vraies pochettes à envoyer au client, avec un guide, des billets et des informations sur la destination. Maintenant, tout se fait par mail. Pour la direction, c’est parfait. D’une part, les salaires sont beaucoup plus bas au Maroc. D’autre part, le marché du travail y est moins réglementé qu’en France. Par exemple, les salariés marocains travaillent sur plusieurs services à la fois, pour intensifier la charge de travail. Comme toujours, les salariés sont la variable d’ajustement.

Comment avez-vous réagi à l’annonce du plan social, en juin ?

On l’a reçu comme une grande claque. Certains salariés n’ont jamais eu d’autre boulot dans leur vie. Il y en a qui sont rentrés à l’âge de 18 ans, dans la boîte, et ont plus de 20 ans d’expérience.

Après le moment de choc, on s’est dit qu’on allait se battre contre ce plan de licenciement. La lutte – qui se poursuit – a été dure, car la direction a été intransigeante. On a fait des manifestations. On a été manifesté à Lyon, où une agence de 100 salariés va fermer. On a demandé des comptes à l’actionnaire à Bruxelles, où on a été accueillis par des CRS ! On a manifesté sur le site de Levallois, où on a reçu pas mal de soutien, notamment des travailleurs de Monoprix, d’EDF, de GDF et de La Poste. On a pris goût à cette lutte et on s’est mis à soutenir d’autres secteurs en lutte, comme nous.

On s’est dit qu’on devait essayer de mutualiser les luttes. L’Appel des TUI, pour la manifestation du 23 janvier dernier, a été relayé par les salariés de Grandpuits, de Sanofi, de Renault, etc. Au départ, on s’attendait à une lutte importante à la rentrée de septembre, face à la multiplication de plans sociaux. Mais les directions syndicales ne bougeaient pas. Alors on a pris l’initiative d’organiser la manifestation du 23 janvier avec de nombreux secteurs en lutte. Et ce fut un succès.

Aujourd’hui, il y a trop de luttes dont on ne parle pas. Il faut un front commun des salariés de toutes les entreprises qui licencient. Et il faut porter la lutte sur le terrain politique. Les entreprises qui touchent de l’argent public devraient être obligées de préserver l’emploi – au lieu de profiter de la crise pour se débarrasser de salariés. C’est le cas de TUI France, dont les salariés français sont actuellement payés par l’Etat. La direction a fait des économies de charges et de loyers. Au total, l’Etat allemand a versé plus de 5 milliards d’euros dans les caisses de TUI !

Il y a aussi des boites qui font des profits et licencient pour verser encore plus de dividendes aux actionnaires. C’est intolérable. Il faut un véritable front commun des étudiants et des travailleurs. En face, le patronat a un plan de bataille. Nous aussi, nous devons être en ordre de marche.