Située dans un hôtel particulier du centre-ville de Toulouse, la Fondation Bemberg propose jusqu’au 1er novembre une exposition intitulée « De l’autre côté du rêve ». Mais pour les 16 salariés – sur les 21 que compte le site – qui ont récemment appris leur licenciement, le rêve tourne au cauchemar.

La Fondation Bemberg est une fondation d’art, reconnue d’utilité publique, qui expose au public l’importante collection privée de son fondateur, le défunt George Bemberg, écrivain et riche héritier de la famille Bemberg, famille d’industriels et de financiers ayant fait fortune en Argentine. En raison d’importants travaux de restauration, le musée prévoit de fermer ses portes en novembre – et les employés ont été priés de chercher un autre travail.

Les guides conférenciers, gardiens de salle et agents d’accueil – dont certains sont là depuis 25 ans – ont été informés peu de temps après la fin du confinement. L’un des salariés explique : « On a appris la nouvelle du licenciement au cours d’une réunion. On pensait que ça serait une réunion sur les modalités de réouverture du musée suite au confinement. On a tous été très surpris d’apprendre, du jour au lendemain, qu’on serait licenciés ». Il ajoute que la direction est « hors sol » et « ne se rend pas compte qu’il y a des vies derrière les licenciements. Ils pensaient que ça passerait comme une lettre à la poste. Mais il y a des gens qui ont passé la cinquantaine et pour qui ça va être très dur de retrouver un emploi, surtout dans le contexte actuel. »

Méfiance

Suite à l’organisation des salariés, qui ont pris un avocat en commun, la direction a promis une réembauche à la fin des travaux – et affirme avoir « proposé aux salariés un accompagnement financier ». Mais du côté des salariés, le scepticisme domine. Ces derniers parlent d’une absence de négociation et redoutent un plan de licenciement masqué. Surtout, rien n’est proposé pour la période des travaux, qui est censée durer 14 mois.

Pourtant, des alternatives existent : « au musée Ingres à Montauban, qui a également dû réaliser des travaux, ils ont trouvé des choses à faire pour les salariés pendant cette période. Donc ça montre que c’est possible. La direction pourrait prévoir des formations pour les salariés ou un musée hors les murs, c’est-à-dire un transfert des œuvres vers un autre site. Les guides pourraient préparer d’autres expositions ou faire des travaux d’inventaire. Des visites virtuelles pourraient être organisées. Mais rien de tout cela n’a été évoqué. On nous a directement dit que ce serait soit une rupture conventionnelle collective (qui n’a pas été négociée avec nous), soit un licenciement économique ».

L’argument du « licenciement économique » fait particulièrement grincer des dents les salariés, pour qui le motif n’est pas légitime : « les travaux vont coûter cher, d’accord, mais la Fondation est en bonne santé financière et elle achète, chaque année, des tableaux à plus de 500 000 euros. Or le coût de la masse salariale, sur une année, doit tourner autour de 400 ou 500 000 euros. Ainsi, chaque année, ils achètent des tableaux qui coûtent plus cher que le total de la masse salariale ».

Silence radio

La vie d’un guide conférencier ou d’un gardien semble n’avoir aucun prix aux yeux des membres du Conseil d’administration. Ce dernier est composé d’hommes d’affaires et autres bourgeois aux revenus très confortables. Sa présidence est assurée par l’ancien directeur du Musée national d’Art moderne. Du côté de la Mairie de Toulouse, qui dispose d’un siège au Conseil d’administration (à l’instar du Ministère de la Culture, par l’intermédiaire de la Direction régionale des affaires culturelles), c’est pour l’instant le silence radio, malgré l’envoi d’un courrier par le collectif de salariés.

La situation des salariés de la Fondation Bemberg est un exemple, parmi d’autres, de l’attitude des organismes privés à vocation culturelle à l’égard des hommes et des femmes qui font vivre l’art, la culture, et les rendent accessibles au grand public. Les salariés devraient avoir accès aux livres de compte de la Fondation, afin de vérifier par eux-mêmes si celle-ci n’a pas les moyens de continuer à payer leurs salaires. Après tout, ce sont les salariés qui font fonctionner le musée : ils devraient avoir leur mot à dire sur l’organisation de son fonctionnement.

Les salariés se sont mis en grève lors des journées du patrimoine. Pour les soutenir, vous pouvez vous rendre sur la page Facebook du collectif et signer leur pétition : Collectif Bemberg.