A l’heure où nous écrivons ces lignes, 7 des 8 centres des Finances publiques de Haute-Garonne sont en grève, et ce depuis le 28 janvier. Si le mouvement est particulièrement fort à Toulouse, l’ensemble des administrations du territoire sont touchées par ce mouvement.

Ses causes ? Le gouvernement souhaite accentuer le processus de réformes des Finances publiques. Au cours des 10 dernières années, 30 000 emplois y ont été supprimés. Le « plan action publique 2022 » prévoit jusqu’à 30 000 suppressions supplémentaires, sur un total de 107 000 agents. De manière générale, les conditions de travail des agents des Finances publiques ne cessent de se dégrader : mobilité forcée, recours massifs à des contractuels, non-reconnaissance de la technicité des postes, progression impossible du fait des suppressions de postes, non-revalorisation du point d’indice... Les réformes prévues ne feraient qu’aggraver cette situation.

Transferts d’autorité

Les suppressions de postes s’accompagneraient d’un transfert des missions des centres de Finances publiques vers les collectivités territoriales et le secteur privé. Christian, syndiqué Solidaires à Toulouse, explique les problèmes que cela va poser : « aujourd’hui les finances publiques sont les comptables des collectivités territoriales. L’ordonnateur (la collectivité) n’a pas le droit de sortir un centime sans que ça soit passé par nous, ce qui est une garantie contre la corruption, les détournements et les connivences. Avec la réforme, il y aura une soumission à la collectivité, et donc l’ordonnateur aura plus de pouvoir ».

En outre, les réformes du gouvernement prévoient de placer les Finances publiques sous la coupe du préfet : « aujourd’hui, le préfet n’a pas son mot à dire. A l’avenir, je crains que cette indépendance soit remise en cause. On peut faire un parallèle avec la loi anti-casseurs : on est dans une logique de renforcement des pouvoirs politiques et administratifs des préfets. Le gouvernement est en train de donner aux préfets des pouvoirs extrêmement importants. »

Des entreprises moins contrôlées

Christian insiste également sur la transformation des missions de l’administration fiscale : « Le contrôle fiscal va quasiment se transformer en conseil fiscal pour les plus grosses entreprises. On en arrive au point où des entreprises nous interrogent sur le fonctionnement de la loi. Le problème, c’est qu’une fois qu’on leur a répondu, on ne peut plus effectuer de contrôle sur l’objet de la question. Les réformes vont également dans le sens d’une réduction du travail de terrain des agents de contrôle. Avant, les brigades de contrôle et de la recherche épluchaient internet, les journaux, allaient sur le terrain pour pêcher l’info. Maintenant tout est fait par ordinateur. C’est beaucoup moins efficace. »

Des usagers pénalisés

Autre aspect des réformes, la numérisation et le regroupement massif de services, dans le but de faire des économies d’échelle – au détriment des usagers et des missions des agents : « les horaires d’ouverture ont déjà beaucoup baissé, et maintenant ils veulent imposer un accueil exclusivement sur rendez-vous. Les usagers ne pourront plus payer en liquide dans les trésoreries. Cela touche les plus pauvres, car ce sont eux qui viennent dans les trésoreries locales pour payer en liquide la cantine des enfants ou le loyer HLM ».

Les agents sont progressivement remplacés par des logiciels d’exploitation de données, ce qui impacte négativement la lutte contre la fraude, mais également l’accueil des usagers. Pourtant la situation est déjà critique. Estelle, de la CGT à Toulouse, s’indigne : « seuls 10 à 15 % des appels sont pris dans les plateformes téléphoniques. Donc, les usagers n’ont pas de réponse. Et quand ils viennent, il y a trop de monde : impossible de satisfaire leur demande. Il arrive que les agents descendent des bureaux pour faire l’accueil, mais dans ce cas il n’y a plus personne pour répondre au téléphone et aux mails... »

A cela s’ajoutent les problèmes liés à la mise en place du prélèvement à la source : « Il va y avoir des contentieux qui ne seront traités que dans deux à trois mois. Des contribuables avancent de l’argent et ne seront remboursés que beaucoup plus tard. » Ces dysfonctionnements impactent aussi les conditions de travail des agents : « les contribuables qui ont appelé sur une plateforme et qui n’ont pas eu de réponse, quand ils viennent, ils sont parfois agressifs, bien sûr. Les collègues à l’accueil sont épuisés au bout de deux trois jours ».

Le démantèlement programmé des Finances publiques doit être mis en perspective avec celui des autres administrations de contrôle : inspection du travail, concurrence, consommation, répression des fraudes, douanes. Les grandes entreprises seront encore les premières à bénéficier de l’austérité imposée à ces administrations, aux dépens des travailleurs et des usagers. Et ce sont les mêmes grandes entreprises qui ont déjà largement bénéficié du CICE et de l’ensemble des réformes de ces dernières années, sans aucune contrepartie tangible.

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