Prérogative des Régions, la formation professionnelle est un axe important des politiques de l’emploi. En région PACA, elle subit actuellement une politique sournoise de casse sociale au nom du sacro-saint principe de la concurrence – et en contradiction avec les déclarations de principes du Président de région en matière de lutte contre le chômage. C’est ce que prouve la suppression, sans préavis ni explication, du dispositif Espace Territorial d’Accès aux Premiers Savoirs (ETAPS). Ce dispositif est pourtant essentiel : il aide un public précaire à obtenir une formation qualifiante, à partir de l’élaboration d’un parcours de formation.

A l’origine de ce changement de cap, il y a l’élection du réactionnaire Christian Estrosi, en décembre 2015, à la tête de la Région PACA. Depuis, la politique de la formation peut se résumer ainsi : le chiffre d’abord, l’humain ensuite. Le marché, désormais sans aucun garde-fou, dicte sa loi. Concrètement, la Région – qui finance les actions de formation qualifiante et d’insertion – a imposé plusieurs conditions dans ses appels d’offres.

D’abord, elle a imposé le principe de concurrence, qui oblige les organismes de formation (OF) à réduire sans cesse leurs coûts de production, ce qui impacte les personnels formateurs et administratifs. C’est le premier effet pervers : la précarisation des travailleurs de la formation. Certains OF rémunèrent ainsi les formateurs à l’heure de « face à face »… Autre effet négatif de cette nouvelle politique : le 7 octobre 2017, la Région a décidé l’arrêt des Centres Régionaux de Formation Professionnelle (CRFP). Ce dispositif, un partenariat de plusieurs OF, était très utile. Pour justifier cette décision, l’exécutif régional invoque, sans rire, le « non-respect de l’intérêt général » ! Ah, concurrence, quand tu nous tiens !

Formations au rabais

Deuxièmement, la Région insiste pour qu’il y ait des offres de formations plus courtes, réduites au minimum et privilégiant les métiers « en tension ». Par exemple, un demandeur d’emploi souhaitant devenir ouvrier paysagiste aura accès à une formation courte de trois mois, sans enseignement général, au lieu d’une formation plus longue et complète. Contrairement à ses missions de service public, la Région flexibilise l’emploi, sans le sécuriser. L’idée même d’une formation émancipatrice est foulée aux pieds.

La troisième condition imposée par la Région est l’obligation, pour les OF, de placer 70 % des stagiaires dans l’emploi à l’issue de leur formation. A priori, cette obligation semble positive. Cependant, elle a un effet pervers : elle engendre une véritable sélection des stagiaires à l’entrée en formation. Exit les jeunes sans diplôme et exclus du système scolaire ! Exit les salariés sans qualification !

Quant au volet « insertion » de la formation, la politique régionale a atteint le summum du cynisme avec la suppression pure et simple du dispositif ETAPS, annoncée pour cette rentrée. Mise en place en 2006, cette action s’adressait à un public large : des jeunes déscolarisés aux primo-arrivants, en passant par des travailleurs sans qualification. Des savoirs de base étaient dispensés, tout en construisant avec le stagiaire un projet professionnel validé par des stages en entreprise. La souplesse de cette formation était sa force, l’individualisation des parcours était la règle. En outre, les stagiaires de moins de 26 ans étaient rémunérés par la Région.

Double peine

Le dispositif ETAPS représentait un budget de 20 millions d’euros. Les conséquences sociales de sa suppression sont désastreuses. C’est la double peine. D’une part, des milliers d’usagers qui étaient éligibles à ce dispositif sont exclus, de fait, de toute autre formation (à ce jour, la Région est en situation d’illégalité, car elle n’assure plus de formation linguistique). D’autre part, la situation est difficile pour les salariés des OF. Rien que sur Marseille, 17 OF ont été impactés par la suppression de l’ETAPS. Une trentaine de formateurs en CDD n’ont pas été renouvelés. Un OF est en instance de liquidation judiciaire ! Voilà le premier bilan, hélas provisoire.

Face à cette situation, les travailleurs de la formation se sont mobilisés pour le rétablissement du dispositif ETAPS et, plus généralement, pour une politique de formation replaçant l’humain au centre. Les salariés de plusieurs OF ont créé un front de lutte composé de syndiqués de la CGT et de non-syndiqués, rejoints par des usagers de la formation ETAPS.

Un premier rassemblement de 200 salariés et usagers a eu lieu le 14 juin, devant l’hôtel de Région, puis un deuxième de même ampleur le 28 juin. Ce jour-là, une délégation a été reçue par le Vice-Président en charge de la formation, Yannick Chenevard. Lors de cet entretien, il a été stipulé que la Région privilégiait les « formations agiles »... Il a fallu un troisième rassemblement, le 28 septembre, pour obtenir un rendez-vous avec un « technicien » chargé d’examiner nos revendications.

Nous continuons notre combat ! Formation, émancipation, lutte contre l’exclusion !