Le 7 mars dernier, dans l’indifférence quasi-générale des médias, le Conseil des Ministres a adopté une nouvelle version du Code du travail.

Dès son lancement, en février 2005, par Gérard Larcher, alors Ministre aux Relations du travail, le processus de « recodification » du Code du travail a été présenté comme « une réécriture à droit constant », c’est-à-dire ne visant pas à modifier le fond du Code, mais seulement à le rendre « plus lisible » et « plus compréhensible » par les usagers, les travailleurs, les syndicalistes, les patrons de PME et les artisans.

Cependant, on avait toutes les raisons de se méfier d’une initiative de cette nature, surtout de la part d’un gouvernement qui a passé toute sa législature à casser ce qui subsistait des droits des travailleurs et des mécanismes de solidarité sociale. De fait, le but réel de la « recodification » était de répondre à une vieille revendication des organisations patronales – MEDEF et la CGPME en tête –, qui avait été théorisée, en janvier 2004, par le rapport De Virville. Le MEDEF le répète à l’envie depuis 2000 : le Code du travail est un « obstacle à la compétitivité ». En conséquence, il doit être vidé de son contenu et laisser place au « dialogue social » et à la « négociation » au sein de chaque entreprise – et si possible directement entre le salarié et son patron, par-dessus la tête des organisations syndicales !

Si la victoire des jeunes et des travailleurs contre le CPE a temporairement freiné le gouvernement dans son projet, il n’a pas tardé à reprendre l’offensive. Par l’introduction d’un « cavalier législatif » dans la loi sur l’actionnariat salarié, le 30 décembre 2006, il a fait reconduire par le Parlement l’habilitation à « recodifier » par ordonnance.

Faussement « technique »

La nouvelle version du Code du travail, promulguée mais pas encore appliquée, confirme les craintes exprimées depuis le début par les organisations syndicales.Retour ligne automatique
De bout en bout, la « recodification » a été menée dans l’opacité la plus complète. Le travail a été confié à une commission d’« experts » – juristes, avocats, magistrats, hauts fonctionnaires –, sous l’autorité du Directeur Général du Travail, Jean-Denis Combrexelle, un homme connu pour avoir vanté les mérites du CPE et réclamé la suppression du SMIC. Les travaux ne furent soumis aux organisations syndicales que lors de quelques courtes réunions, pendant lesquelles, chaque fois, plusieurs centaines de pages devaient être examinées. Jamais les syndicalistes et les agents de l’inspection du travail ne furent véritablement associés au processus.

L’examen détaillé du nouveau texte révèle des modifications perverses qui nous éloignent d’une recodification à « droit constant ». Divers éléments permettent de comprendre la réalité de l’offensive. Le plan du Code du travail a été entièrement remanié, et ce d’une façon qui, contrairement aux intentions affichées, ne clarifie rien. Par exemple, les dispositions relatives à l’actionnariat salarié et à la participation ont été intégrées dans une partie générale sur « la rémunération ». En conséquence, ces formes particulières de rémunération sont désormais considérées à égalité avec le salaire. De même, la durée du travail, jusqu’alors traitée à part, est elle aussi incluse, désormais, dans le chapitre sur la rémunération, comme un écho au discours sarkozien sur le thème : « travailler plus pour gagner plus ».

Les dispositions relatives aux conditions de travail des salariés agricoles ou des transports ont purement et simplement disparu : elles ont été « externalisées » vers le Code rural et celui des transports. Alors que le Code du travail devrait être le cadre d’un traitement complet de la relation salariale, et donc être garant des droits de tous les travailleurs, cette externalisation aggrave la mise en place de droits différents selon les secteurs d’activité.

L’un des principaux motifs d’inquiétude vient du déclassement de certains articles du Code du travail, qui passent du domaine « législatif » (du ressort du Parlement) au domaine « réglementaire » (du ressort du seul gouvernement). Ces changements de catégorie permettent de modifier les dispositions concernées d’une façon plus rapide… et beaucoup plus discrète.

Encore une fois, la complexité de la technique juridique rend la perception de l’enjeu délicat. Mais si les modifications apportées s’en tiennent, pour le moment, à des questions de compétence et de procédure, on comprend aisément à quel grand chantier entendent se livrer les représentants de la classe capitaliste après la victoire de son candidat, le 6 mai.

Il y a danger !

Jamais, durant le processus, les experts ne se sont questionnés sur les raisons de l’« illisibilité » du Code du travail. Soyons clair : ce qui a rendu le Code du travail complexe et « illisible », ce sont les dérogations successives, au profit du patronat, mises en place par les gouvernements successifs. Par étapes successives, et sous la pression d’un odieux chantage à l’emploi, on a rajouté lignes sur lignes, articles sur articles, dans le but de déroger à la règle – pour tel type d’entreprise, pour tel type de salariés, pour « s’adapter aux spécificités du secteur », etc… Ce ne sont ni les travailleurs, ni les organisations syndicales qui ont réclamé la modulation ou l’annualisation du temps de travail, les « forfaits jours », les accords dérogatoires, la quinzaine de contrats dérogatoires au CDI et tous les autres gadgets qui pourrissent la vie des salariés !

Après la contre-réforme ouvrant la possibilité de signer des accords d’entreprise moins favorables que les conventions collectives, après le CNE et la multiplication des contrats précaires, après une réforme de l’inspection du travail qui remet en cause ses missions et son indépendance, la « recodification » est donc une nouvelle étape de l’offensive contre les droits de tous les salariés. Face à cette nouvelle attaque, la riposte syndicale est pour le moment assez discrète, se limitant à un communiqué de presse de toutes les organisations syndicales et au lancement d’une pétition par la CGT, le Syndicat des Avocats de France et le Syndicat de la Magistrature. Il est vrai que la subtilité des pièges, la complexité et la technicité du sujet n’aident pas à la prise de conscience des enjeux, et donc à la mobilisation. Cependant, nous devons nous emparer de ce sujet pour mettre la question des droits et des conditions de travail des salariés au cœur de nos combats. Nous devons démasquer les discours de la droite et démontrer la vraie nature de ses projets. Les communistes doivent être en première ligne de cette lutte pour la défense des droits des salariés – mais aussi pour la conquête de nouveaux droits, à commencer par un Code du travail véritablement protecteur. Dans le même temps, nous devons expliquer la nécessité d’en finir une fois pour toutes avec l’arbitraire patronal et de construire une société où ceux qui produisent toutes les richesses de ce pays détiendront le pouvoir dans les entreprises.

Tu es communiste ? Rejoins-nous !