L’article ci-dessous était déjà écrit lorsque Sarkozy a annoncé qu’un contrat de six mois avait été signé avec Shell pour redémarrer la raffinerie. Le caractère électoraliste de ce sursis n’échappe à personne, y compris les salariés eux-mêmes. L’article garde donc toute sa valeur.


La raffinerie Pétroplus à Petit-Couronne, près de Rouen, est occupée par ses salariés depuis fin décembre. Cette usine de 550 salariés appartient au groupe Suisse du même nom qui employait 2500 salariés dans cinq usines en Europe. Dans un premier temps, trois sites ont été mis à l’arrêt après l’échec des négociations entre Petroplus et ses créanciers, qui refusaient d’accorder des crédits permettant d’acheter du pétrole brut. L’usine de Petit-Couronne a alors été mise en vente. Pourtant, cette usine était rentable. Maintenant, la société suisse est en dépôt de bilan et l’usine de Petit-Couronne est placée en redressement judiciaire pour une durée de six mois. Le patron ne cherche manifestement pas de repreneur. Une enquête ouverte a révélé qu’il pourrait s’agir d’une faillite frauduleuse. On soupçonne que 120 millions d’euros ont disparu sans justification du compte bancaire de Petroplus-France.

Les salariés de Pétroplus organisés autour d’une intersyndicale, où la CGT est majoritaire, se sont mobilisés pour chercher un repreneur, faire appel au gouvernement et interpeller des candidats à l’élection présidentielle. En décembre et janvier, ils ont continué de raffiner les stocks restants de pétrole brut. Puis les différentes unités ont fermé les unes après les autres. A présent, les salariés surveillent la température des bacs et d’autres unités dangereuses. Pour faire pression, l’intersyndicale bloque les stocks de produits raffinés, dont le montant est estimé à 200 millions d’euros.

Plusieurs actions ont été menées par l’intersyndicale pour se faire entendre. Des manifestations ont été organisées à Rouen, notamment dans la rue des banques, pour dénoncer leur rôle dans l’économie. Il y a eu aussi des actions de blocage, comme celui du site de stockage de produit raffiné de Rubis. Des péages ont été bloqués en collaboration avec les salariés de M-Real, une usine de pâte à papier menacée de fermeture. Yvon Scornet, porte-parole CGT de l’intersyndicale, avait prévenu Bercy avant sa rencontre avec le ministre de l’industrie Eric Besson : « si rien ne se passe, si ça commence à être le découragement, certains salariés sont prêts à faire péter la baraque ». Car on peut le dire, le gouvernement ne s’investit pas pour trouver un repreneur. Alors qu’il prône officiellement l’« indépendance énergétique », il ne lève pas le petit doigt face aux délocalisations des raffineries dans des pays où le « coût du travail » est plus faible – mais où on est certainement moins regardant en matière de sécurité, de conditions de travail et de pollution.

L’argument du patronat selon lequel il y aurait une surcapacité de raffinage en France n’est pas recevable. Les chiffres sont sans appel. En 2009, 72,5 millions de tonnes ont été traitées, pour une consommation nationale de 80,8 millions, soit 8,3 millions de tonnes importées. En 2010, 16,1 millions de tonnes ont été importées et 41 millions en 2011. Que fait le gouvernement ? Peut-être veut-il se débarrasser du raffinage, qui lui a posé tant de problèmes. On l’a vu lors du mouvement contre la casse des retraites, en 2010. Les raffineurs avaient très vite compris qu’ils détenaient un puissant moyen de pression face au gouvernement. Ils peuvent bloquer l’économie.

Lorsqu’il est venu voir les salariés de Pétroplus en lutte, Jean-Luc Mélenchon a rappelé à juste titre la voracité de la finance « pourrie jusqu’à la moelle ». La Banque Centrale Européenne a prêté 500 milliards aux banques, mais aucune n’accepte de sauver Pétroplus de la faillite. Elles préfèrent les opérations spéculatives à l’investissement productif.

Le contexte actuel ne laisse plus la place à une sorte de faux équilibre entre le capital et le travail. L’industrie pétrolière doit être nationalisée sous le contrôle démocratique des travailleurs. Les salariés de Pétroplus ont prouvé que la classe ouvrière organisée peut gérer de façon rationnelle son outil productif.

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