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Au lendemain de la publication du projet de « base commune » du Conseil National (CN) (Il est grand temps de rallumer les étoiles…), nous avons publié notre texte alternatif : Combattre l’austérité, en finir avec le capitalisme. Depuis, un deuxième texte oppositionnel a été publié sous le titre : Unir les communistes pour un PCF de combat, marxiste, populaire et rassembleur. Il émane d’une coalition entre des proches de l’ex-député communiste André Gerin [1] – dont Marie-Christine Burricand, membre du CN du parti – et des amis politiques de Jean-Jacques Karman, membre du CN et conseiller général en Seine-Saint-Denis.

Unir les communistes a une tonalité assez radicale, en première lecture. Ses auteurs reprochent à la direction du parti de s’être éloignée des idées du socialisme. En ceci, ils ont parfaitement raison. L’adaptation à « l’économie de marché » de la direction nationale, qui est allée jusqu’à cautionner les privatisations massives à l’époque du gouvernement Jospin, a fait énormément de tort au PCF.

Cependant, l’affaiblissement du PCF ne remonte pas seulement au temps de Robert Hue et du Congrès de Martigues (2000), comme le prétendent les auteurs de ce texte alternatif. Le déclin électoral et organisationnel du PCF remonte à beaucoup plus loin. Il s’est accéléré à partir de sa participation au gouvernement Mitterrand-Mauroy. Prolongeant cette participation au gouvernement jusqu’en juillet 1984, c’est-à-dire plus de deux ans après le « tournant de la rigueur » de 1982, votant et justifiant toutes les mesures d’austérité et de casse industrielle qui caractérisaient sa politique à partir de cette date, la direction du parti a miné sa base dans la classe ouvrière, surtout dans le secteur industriel.

Par ailleurs, tout au long des années 70 et 80, la politique menée par Georges Marchais était imprégnée de nationalisme. Cela se traduisait par une politique industrielle protectionniste et des prises de position anti-immigration (Marchais était résolument hostile au droit de vote des étrangers, par exemple), sous prétexte de défendre « les emplois des Français ». Cette même approche nationaliste amenait la direction du parti à défendre bec et ongles l’arme nucléaire française.

Ces dérives ont eu lieu une bonne quinzaine d’années avant le congrès de Martigues. Par conséquent, sans exonérer la politique du parti pendant les années de la « mutation », sous la direction de Robert Hue, il faut reconnaître que les problèmes du PCF ne remontent pas seulement à cette époque. En 1995, Hue a pris la direction d’un parti qui s’était déjà considérablement affaibli au cours de la période précédente.

Parmi les facteurs qui avaient créé des difficultés pour le parti – encore une fois, bien avant Martigues –, il y avait son association aux régimes dictatoriaux en URSS, en Chine, en Europe de l’Est, etc. La direction du parti avait fait l’apologie de ces régimes pendant des décennies, les présentant comme des pays « socialistes », alors qu’ils n’étaient, comme nous le disons dans notre texte alternatif, qu’une monstrueuse caricature de socialisme. Ce positionnement du PCF ne pouvait que conforter la propagande capitaliste selon laquelle le communisme signifie la dictature militaire et bureaucratique – et contribuer à éloigner du parti une large couche de jeunes et de travailleurs.

Pour Unir les communistes, la politique de la direction actuelle du parti n’est pas vraiment communiste. Nous sommes d’accord sur ce point. Cependant, en tentant de fixer l’attention des communistes sur « Martigues », les signataires de ce texte nous signifient que la politique « vraiment communiste » dont ils se réclament est en fait celle de l’époque de Georges Marchais. Or cela n’est pas une alternative sérieuse à la politique de la direction actuelle du parti.

La question européenne

Prenons, pour commencer, la question de l’Union Européenne. L’idée de la direction du parti selon laquelle l’UE pourrait être amenée à « changer de logique », pour devenir une « Europe sociale » (sur la base du capitalisme), n’est que le prolongement dans le domaine international de sa politique réformiste pour la France. C’est une illusion absurde. L’Union Européenne a été construite par et pour les capitalistes. Il est donc nécessaire d’en finir avec elle. La lutte pour le socialisme en Europe passera nécessairement par la destruction de tout l’édifice réactionnaire de l’UE. Cependant, la manière de s’opposer à l’UE – la base politique de cette opposition – n’est pas une question secondaire. Cet aspect de la question est une source de confusion dans le parti – confusion à laquelle Gerin, Burricand et Karman ont largement contribué. Il est pourtant d’une importance fondamentale, si le parti ne veut pas faire le jeu de démagogues nationalistes et réactionnaires. Après tout, le Front National s’oppose lui aussi à l’Union Européenne, mais sur des bases réactionnaires. OrUnir les communistes ne pose pas le problème de l’Union Européenne d’un point de vue socialiste et internationaliste, mais d’un point de vue nationaliste et protectionniste – le protectionnisme n’étant pas autre chose, rappelons-le, qu’une politique visant à exporter le chômage.

Les auteurs du texte sont partisans d’une sortie de l’Union Européenne et de la monnaie unique, ce qui implique en clair le rétablissement du franc français. Ils prétendent qu’une « situation nouvelle serait ainsi créée en France et en Europe, une situation porteuse de ruptures et de bouleversements au profit des peuples, permettant de construire des nouvelles coopérations mutuellement avantageuses entre nations souveraines ».

L’euro a été mis en place dans l’intérêt des capitalistes ; il n’y a aucun doute là-dessus. On peut dire, en conséquence, que la monnaie unique fait partie des moyens des capitalistes européens – et en particulier, des plus grandes puissances européennes – de défendre leurs intérêts. Il en va de même pour la suppression des barrières douanières et protectionnistes entre les pays membres. Mais il ne s’ensuit nullement que le remplacement de l’euro par des monnaies nationales et le rétablissement de mesures protectionnistes auraient des conséquences positives pour les travailleurs du continent. Cela ne donnerait pas lieu, non plus, à des « coopérations mutuellement avantageuses entre nations souveraines ».

Si l’existence de la monnaie unique est indiscutablement un facteur dans la crise européenne, elle n’en est pas la cause. La crise est essentiellement une crise de surproduction capitaliste, doublée d’une crise d’endettement massif. Ces deux éléments sont liés, car le recours massif au crédit des Etats et des ménages, pendant des décennies, était pour les capitalistes un moyen d’augmenter artificiellement la demande, afin de retarder l’avènement de cette crise de surproduction – avec cette conséquence que la crise, une fois venue, n’en est que plus profonde. La crise est un problème de marchés, d’investissement et des profits capitalistes. Et il en serait de même avec des monnaies nationales. Regardez la Grande-Bretagne. Regardez les Etats-Unis. Regardez tous les pays d’Europe Centrale. Ils ne font pas partie de la zone euro, mais ils sont eux aussi plongés dans une grave crise économique. Indépendamment des devises monétaires, la régression sociale est à l’ordre du jour dans le monde entier.

Examinons maintenant la question des barrières protectionnistes. Le texte évoque « les caractéristiques de l’impérialisme évoquées par Lénine » et « le rôle de l’Etat au service des monopoles, étudié dans les années 60 ». Il donne, comme exemple de ces « caractéristiques », « la suppression des frontières douanières et [l’]interdiction de toute mesure protectionniste ». A vrai dire, si les camarades avaient vraiment « étudié » Marx et Lénine, ils sauraient que pour eux les capitalistes ne sont ni pour le libre-échange, ni pour le protectionnisme par principe, mais optent pour l’une ou l’autre politique selon leurs intérêts du moment. Présenter le « libre commerce » comme un phénomène impérialiste et, par inférence, le protectionnisme comme une politique plus progressiste et « anti-impérialiste » est une déformation absurde de la pensée de Marx et de Lénine.

Encore une fois, suivant en ceci le même point de vue que Marx, Engels et Lénine, nous sommes contrel’Union Européenne, mais nous ne prônons pas pour autant la réorganisation du capitalisme européen sur des bases protectionnistes, car ceci ne serait qu’un leurre pour les travailleurs européens. Loin de régler quelque problème que ce soit, cela ne ferait que préparer de nouveaux désastres.

Ce qui caractérise toute la section d’Unir les communistes consacrée à l’Union Européenne, c’est une tentative d’attribuer exclusivement à l’UE les problèmes qui sont en fait la conséquence du capitalisme – et qui, pour cette raison, existent partout, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’UE. Burricand et Karman considèrent la « guerre des capitaux » comme une caractéristique de l’UE et de la monnaie unique. Mais ils ne semblent pas comprendre que la mise en place des frontières douanières en Europe et le rétablissement des monnaies nationales, loin de mettre fin à cette guerre, lui conférerait un caractère encore plus virulent et destructeur.

Le rétablissement du franc permettrait, nous dit-on, une « politique monétaire nationale ». Par cette formulation vague, les auteurs entendent la possibilité de dévaluer la monnaie nationale. Citons à ce sujet l’inspirateur in absentia de ce texte alternatif, André Gerin : « L’instauration d’un nouveau franc par le levier d’une dévaluation abaisserait le coût de nos productions à l’étranger, favoriserait les exportations ». [2]. L’idée, c’est de protéger des productions nationales en les rendant moins chères à l’exportation. On protégerait ainsi les emplois en France – au détriment d’autres pays. Du coup, ce que l’on exporterait, c’est aussi le chômage, ce qui soit dit en passant cadre mal avec l’internationalisme dont le texte se réclame. Nos théoriciens « marxistes » oublient par ailleurs de préciser que l’autre face d’une dévaluation, c’est lerenchérissement des importations, qui par la force des choses tend à augmenter les prix en général sur le plan intérieur, minant ainsi la valeur des salaires.

Ce n’est pas tout. Les pays dont les marchés nationaux se verraient attaqués de cette manière ne se priveraient pas de réagir. C’est ainsi que s’enchaînent des dévaluations compétitives dont les avantages escomptés tendent à s’annuler réciproquement. C’est exactement ce qui se produisait avant l’introduction de l’euro. On le voit bien : les monnaies nationales ne mettent pas fin à la « guerre des capitaux ». Celle-ci ne fait que changer de forme. La guerre des capitaux – pour des marchés, pour des ressources, pour le profit – n’est pas une caractéristique de l’Union Européenne seulement, mais du système capitaliste en général. Dresser des barrières douanières autour de chaque pays ne ferait rien pour relancer la production. Au contraire, l’effet général de ces barrières serait de gêner les échanges internationaux et de restreindre les débouchés pour les « productions nationales » de tous les pays.

La position de Karman et Burricand sur l’Europe n’est donc qu’un leurre. André Gerin a sciemment cherché à exploiter, à des fins électorales, les préjugés et les illusions sur l’immigration de ce qu’il appelle les « catégories populaires ». De la même façon, les auteurs de ce texte alternatif cherchent à exploiter ici le sentiment – assez largement répandu parmi les travailleurs – que l’Union Européenne et l’euro sont la source de la crise et que, par conséquent, ils s’en sortiraient mieux sans eux : « Le refus de mettre en débat notre position concernant l’Union Européenne et l’euro nous coupe un peu plus des catégories populaires qui identifient l’institution et la monnaie comme directement responsable de la situation de notre pays », écrivent-ils. Or, s’il est vrai qu’un certain nombre de travailleurs pensent ainsi – et le Front National fait tout son possible pour les en convaincre –, ils se trompent. Le rôle des communistes n’est pas de les brosser dans le sens du poil, de façon démagogique et opportuniste, mais de leur expliquer les vraies causes de la régression sociale – et de diriger leur colère, non contre la monnaie, mais contre la propriété capitaliste, qui est précisément la vraie cause des problèmes qui s’abattent sur eux.

Bien évidemment, des idées – et même des idées fausses – ne reposent pas sur rien. Si de nombreux travailleurs « identifient l’institution et la monnaie comme directement responsable de la situation de notre pays », c’est, d’une part, parce que les organisations qui sont censées les éclairer ne leur donnent pas d’autre explication, ne leur donnent pas une perspective de lutte révolutionnaire. Mais c’est aussi parce que la politique d’austérité imposée par Sarkozy – et maintenant par Hollande – se réclamait et se réclame toujours de la nécessité de préserver l’euro et de respecter les « directives européennes ». Mais si le franc était réintroduit, les mesures d’austérité trouveraient leur justification officielle dans la nécessité de défendre le franc. Nous le savons bien, car il en était ainsi avant l’introduction de l’euro. Burricand, Karman et les autres camarades nostalgiques des années Marchais devraient aussi le savoir. Les dévaluations successives réalisées par le gouvernement socialiste-communiste de 1981-1984 n’ont pas empêché la hausse du chômage et la casse industrielle. Marchais et les quatre ministres communistes justifiaient l’abandon des réformes sociales, le blocage des salaires et les restructurations industrielles par la nécessité de « défendre le franc » contre la spéculation internationale. Ce que nous devons faire comprendre aux travailleurs, c’est qu’avec l’euro comme avec une monnaie nationale, ce seront toujours les marchés et les spéculateurs qui détiendront le pouvoir économique tant que nous ne les aurons pas expropriés.

Parler aux travailleurs de « souveraineté nationale » et leur dire que la France est « sous tutelle », pour reprendre l’expression utilisée dans ce texte, c’est empoisonner leur conscience avec des idées nationalistes. La France serait donc « sous tutelle » de la Commission Européenne ? Voyons ! Elle a combien de divisions, cette Commission ? Le fait est qu’elle n’a jamais pris une seule décision importante qui n’ait pas eu l’approbation préalable des gouvernements français et allemand. La France capitaliste et, à plus forte raison, l’Allemagne capitaliste ne sont pas « sous tutelle » en Europe. Ou est-ce peut-être la Grèce qui les opprime ? Ou le Portugal ? C’est la France et l’Allemagne qui décident de tout. Et quand, par hasard, une décision « européenne » d’ordre secondaire ne les arrange pas, elles n’en tiennent pas compte. Quand les gouvernements français successifs s’abritaient derrière les « directives européennes » pour justifier leur politique réactionnaire, ils étaient en réalité neuf fois sur dix à l’origine de ces mêmes directives.

Le problème qui se pose n’est pas celui de la « souveraineté nationale ». Une nation entière ne peut pas être souveraine, de toute façon, puisqu’elle est divisée en classes aux intérêts diamétralement opposés. Le problème est de savoir laquelle de ces classes doit être « souveraine ». Le texte nous invite à empêcher « la casse de la nation ». Mais le PCF ne représente pas « la nation ». Il est le parti d’une classe. Notre objectif est de soulever une partie de la nation contre une autre. Le PCF doit montrer comment en finir avec l’Union Européenne capitaliste, non pas sur des bases nationalistes, mais par la lutte contre les capitalistes. Le PCF doit expliquer inlassablement la nécessité d’exproprier la classe capitaliste, la nécessité du socialisme en France et en Europe. C’est ainsi que nous sortirons du capitalisme et de l’Union Européenne capitaliste.

Les pays « socialistes »

Les auteurs du texte nous assurent qu’il y a dans le monde des pays « marqués par leur relation historique avec le socialisme et le mouvement des non alignés ». Ces pays feraient « progresser le niveau de vie moyen de la planète. » Ils citent, entre autres, la Russie de Poutine. Ils nous disent que le niveau de vie en Chine progresse. Ils évoquent ailleurs des « pays émergents », sans préciser lesquels, qui « tirent la croissance mondiale, même si la crise des pays capitalistes réduit leurs débouchés. » Puisque ce serait les « pays capitalistes » qui réduisent les débouchés des autres, on peut imaginer que, dans l’esprit des auteurs, le capitalisme n’a pas été restauré en Chine.

La Chine continue d’afficher un taux de croissance relativement fort, effectivement. Mais la crise de l’économie mondiale a des répercussions majeures sur l’économie chinoise. La demande intérieure est artificiellement stimulée par un recours massif à l’endettement – comme cela s’est produit en Europe –, mais la production ralentit tout de même. La croissance est tombée de 10,4 % en 2010 à 9 % en 2011. Le gouvernement table sur 7 % en 2012. La contraction des économies américaine et européenne réduit leur capacité d’absorption de produits chinois. A terme, la Chine se dirige vers une crise de surproduction dont les ondes de choc déstabiliseront davantage l’économie internationale. Par la même occasion, cette crise débouchera sur une intensification de la lutte des classes en Chine même. Contrairement à ce que laissent entendre les auteurs du texte, la Chine n’est pas « socialiste ». Les performances de la Chine s’expliquent en partie par l’exploitation brutale de sa classe ouvrière, sous le talon d’une dictature qui n’a rien à voir avec le socialisme. Les dirigeants du PCC ont restauré le capitalisme (sans quoi la crise de surproduction qui se prépare serait impensable), privatisant les entreprises les plus lucratives au profit d’eux-mêmes.

On ne peut pas dire que la Chine tire la croissance mondiale. Bien au contraire, la forte augmentation de la production chinoise a été un facteur important dans la crise de surproduction internationale. Les marchés captés par la Chine l’ont été au détriment d’autres pays, dont, bien évidemment, la France.

Le texte cite également le cas du Brésil et de l’Inde. Or, la croissance de l’économie brésilienne est tombée de 7,5 % en 2010 à 2,7 % en 2011. L’économie indienne ralentit également : 9,1 % en 2009, puis 8,8 % en 2010 et 7,6 % en 2011. Loin de « tirer la croissance mondiale », les grandes économies asiatiques et latino-américaines sont entraînées dans le sillage de la crise en Europe et aux Etats-Unis.

En Russie, qui d’après le texte « fait progresser le niveau de vie » grâce à sa « relation historique avec le socialisme », le niveau de vie a massivement augmenté, en effet, pour l’ancienne nomenklatura du Parti Communiste d’Union Soviétique (PCUS). Après avoir étouffé l’économie planifiée dans un carcan de privilèges bureaucratiques et de corruption, cette caste a fini par se transformer en une classe capitaliste particulièrement rapace, répressive et mafieuse. Par contre, la période qui nous sépare de l’effondrement de l’URSS a été marquée, pour la masse de la population, par un véritable effondrement de ses conditions de vie.

Dans la section du texte intitulée « Assumer notre histoire », on lit : « Les expériences socialistes défaites par le capitalisme ont échoué. Elles ont alors été criminalisées, renvoyées dos à dos avec le fascisme. L’absence d’analyse critique des communistes sur cette histoire récente, l’acceptation du caractère totalitaire du communisme, l’auto-culpabilisation de certains dirigeants communistes, nous ont empêchés de mener le combat idéologique pour le socialisme ».

Décidément, des gens confus ne peuvent produire que de la confusion. Premièrement, qu’entendent-ils par « des expériences socialistes défaites par le capitalisme » ? Le capitalisme a été restauré en URSS non par les Etats-Unis ou les puissances européennes, mais par les dirigeants du PCUS. Un processus similaire est en cours en Chine. Par ailleurs, l’URSS de Staline et de ses successeurs n’était pas « socialiste ». Les travailleurs ne contrôlaient ni l’Etat, ni l’économie. Tout le pouvoir était entre les mains d’une caste militaire et bureaucratique. Et qu’est-ce qu’on est censé comprendre dans l’idée que « l’acceptation du caractère totalitaire du communisme […] nous empêche de mener le combat idéologique pour le socialisme » ? Non, le communisme n’est pas totalitaire. Mais l’URSS de Staline à Gorbatchev l’était, elle. Et si l’on n’« accepte » pas cette vérité, notre combat idéologique est perdu d’avance.

Qualifier ce type de régime de « socialiste » ne fait que discréditer le socialisme aux yeux des travailleurs. Le texte parle du « socialisme issu de 1917. » Mais le régime des années 30 et 40 n’était plus celui de l’époque de Lénine. Le glissement vers le régime totalitaire de type « stalinien » était la conséquence de l’isolement de la révolution dans un pays arriéré. On peut dire que le stalinisme était « issu de 1917 ». Mais alors, suivant cette même logique, on pourrait aussi affirmer que le régime impérial de Napoléon et la restauration de la monarchie (1814-1815) étaient « issus de la Révolution française » ! En réalité, Staline et sa caste bureaucratique étaient les fossoyeurs des conquêtes politiques de la révolution d’octobre.

Le programme et le Front de Gauche

La partie du texte qui concerne les propositions programmatiques et la question du Front de Gauche ne sont pas à la hauteur des besoins du parti. Le texte est parsemé d’allusions au socialisme, à la lutte des classes et à la révolution, mais le programme présenté se limite finalement à quelques réformes. Il y a des revendications justes concernant les retraites et les salaires. Les auteurs réclament plus de logements sociaux et le blocage des prix « des produits de première nécessité ». Mais sur la question cruciale de la propriété des moyens de production et d’échange, ils réclament seulement la nationalisation des secteurs bancaires et financiers, de La Poste et d’EDF-GDF – ainsi qu’un « plan de développement des services publics ».

Unir les communistes se prononce pour « des cadres règlementaires et fiscaux plus contraignants pour tourner l’effort des entreprises vers les objectifs de la société ». Cette formulation un peu confuse (quels sont les « objectifs » d’une « société » divisée en classes aux intérêts antagoniques ?) ne se distingue en rien de ce que défend la direction nationale du parti, en la matière. C’est l’idée qu’une réforme fiscale ou des « cadres réglementaires » pousseraient les capitalistes à embaucher au lieu de licencier, par exemple. Or, tant que les capitalistes possèdent une entreprise, ils ne se laissent pas dicter leur politique par quelque « cadre réglementaire » que ce soit. Ils contournent et violent quotidiennement les quelques « cadres » existants aujourd’hui. Quant aux incitations fiscales de toutes sortes, elles viennent gonfler leur trésorerie, mais ne les empêchent pas de « tourner leurs efforts » vers un seul et unique « objectif », la course aux profits, sur la base d’une exploitation maximale des salariés. D’où la nécessité de nationaliser l’ensemble des grands leviers de l’économie, ce qu’Unir les communistes ne propose pas. Son programme n’est pas communiste, mais typiquement réformiste de gauche.

Concernant le Front de Gauche, on a dû mal à cerner ce que veulent les auteurs. Les tentatives d’aller dans le sens d’une liquidation du PCF sont condamnées. C’est bien. Constatons seulement que cette prise de position n’a pas empêché Jean-Jacques Karman de défendre l’investiture du liquidateur notoire Patrick Braouezec, lors des dernières élections régionales. Pour le reste, si Burricand et Karman ne sont manifestement pas contents du Front de Gauche, ils peinent à nous dire ce qu’ils voudraient mettre à sa place.

Ils écrivent : « Après l’échec des collectifs antilibéraux qui faisaient suite à la faillite de la gauche plurielle et aux scores calamiteux aux élections présidentielles de Robert Hue et Marie-Georges Buffet, le 34ème congrès a lancé "la dynamique des fronts". Ces fronts se sont finalement réduits en un Front de Gauche, au départ une alliance avec une partie de la gauche du PS et de la Gauche unitaire venue de la LCR. Nous avons alerté sur les risques liés à cette nouvelle construction politique ». Il semble que les auteurs du texte jugent cette alliance trop étriquée pour le PCF. Ils proposent, eux, «  le choix stratégique d’un nouveau rassemblement populaire, voire d’un front qui unisse toutes les forces politiques, syndicales, associatives, populaires et progressistes ». Et pour cela, « il faut non pas une nouvelle forme politique, mais au contraire, un parti renforcé en conscience et en organisation ». Mais si l’alliance entre le PCF et le Parti de Gauche (et d’autres groupements de moindre importance) paraît moins large que ce « front » qui unirait « toutes les forces politiques », on ne voit pas trop de quelles forces politiques ils parlent, exactement. Faut-il rompre avec le Front de Gauche pour, ensuite, appeler « toutes les forces politiques, syndicales », etc., à former un « front » autour du parti ? Le PCF ne s’adresse-t-il pas déjà à « toutes les forces politiques et syndicales » ? En quoi le résultat serait-il différent si cet appel émanait des auteurs d’Unir les communistes, et non de la direction actuelle du parti ? Le texte n’est pas du tout clair sur ce point.

Pour nous, le danger d’effacement ou de mise en arrière-plan du PCF ne date pas seulement de la création du Front de Gauche. Et il ne suffirait certainement pas d’évoquer le « rôle majeur » du PCF pour qu’il devienne une réalité. Ce qui affaiblit le PCF, à notre avis, c’est l’absence d’une direction et d’un programme authentiquement communistes. Son programme et ses objectifs déclarés sont devenus de plus en plus ouvertement réformistes. Il ne peut pas, en conséquence, se distinguer clairement des autres organisations du Front de Gauche. Le réformisme lui fait perdre son identité politique.

Voici comment nous avons formulé notre position sur cette question dans notre texte alternatif Combattre l’austérité, en finir avec le capitalisme : « Mais en quoi consiste, au juste, l’identité du parti ? On aurait tort de la réduire à sa simple existence ou à son nom. Nous sommes, pour notre part, résolument opposés à la liquidation du parti comme à l’abandon de son nom. Mais l’identité communiste réside avant tout dans son programme et ses objectifs politiques. Ceci pose la question du rôle et de l’apport spécifique du PCF dans le cadre du Front de Gauche, en termes de programme et de stratégie. […]

« Tout en s’efforçant de renforcer l’union dans l’action militante avec les autres partis et formations du Front de Gauche, tout en cherchant à parvenir à un accord politique le plus large possible avec eux – comme ce fut le cas avec L’Humain d’abord –, le PCF devrait se positionner comme la composante communiste de l’alliance et exprimer clairement ses objectifs spécifiques dans son propre programme. En définitive, ce n’est que de cette façon que les centaines de milliers de personnes qui se sont mobilisées autour du Front de Gauche comprendront la justification de l’existence et de l’indépendance organisationnelle de notre parti et l’intérêt de son renforcement ».

Le renforcement du parti passe par son réarmement idéologique et programmatique. Le texte de Burricand et Karman ne répond pas à ce besoin. Son positionnement est réformiste et nationaliste en ce qui concerne la France et l’Europe. Il identifie stalinisme et « socialisme ». Il présente le régime chinois – et celui de Poutine – sous un jour favorable. C’est une plateforme « oppositionnelle » qui mène à l’impasse. On peut dire ce que l’on veut de la politique actuelle du parti, mais ce n’est pas la peine de remplacer une fausse politique par une autre fausse politique. Si jamais le parti devait adopter la politique proposée par Burricand et Karman, il se réduirait à l’impuissance.



Signez le texte alternatif : Combattre l’austérité, en finir avec le capitalisme !

[1] André Gerin est connu pour ses prises de position à connotation raciste sur des questions relatives à l’immigration et aux « étrangers » vivant en France. Par sa campagne de diversion sur le thème de la burqa, menée aux côtés du député UMP Eric Raoult, par ses communiqués visant ceux qu’il appelle « les talibans » des quartiers populaires, par son soutien à la « double peine » contre les délinquants étrangers, qu’il propose d’expulser du territoire avec toute leur famille, l’ex-député de Vénissieux n’a cessé de stigmatiser les « étrangers » en général et la communauté musulmane en particulier. Ses déclarations sur ces questions vont dans le sens de la propagande du Front National et divers mouvements racistes, qui ont souvent applaudi ses propos.

Gerin mêle ce nationalisme exacerbé à un discours évoquant la « lutte des classes », ce qui a pu semer une certaine confusion pendant quelque temps. Mais ses prises de position ont fini par totalement le discréditer dans les rangs du PCF. Dans ces conditions, on comprend aisément que ses partisans et alliés de la veille ne l’aient pas associé à ce texte. Il ne contient pas les idées démagogiques sur l’immigration véhiculées par Gerin ces dernières années. Si elles y figuraient, ce texte n’obtiendrait qu’un score absolument dérisoire lors du vote dans les sections.

[2] Extrait de La maison Euro brûle ! Comment sortir de l’Euro avant qu’il ne soit trop tard ? (juillet 2011)

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