Société

Fin octobre, la presse régionale révélait que plus de 300 enfants vivaient dans la rue en Haute-Garonne. Le 20 novembre, à l’occasion de la journée internationale des droits de l’enfant, le collectif de parents et d’enseignants « Jamais sans toit dans mon école », soutenu par les syndicats d’enseignants et les associations pour le droit au logement (DAL 31), a occupé deux établissements pour y abriter des enfants, leurs parents, et réclamer des solutions d’hébergement.

Ces occupations s’inscrivent dans une mobilisation appelée à l’échelle nationale par le collectif « Jamais Sans Toit ». Près d’une trentaine d’écoles ont été occupées : 9 à Lyon, 7 à Paris, 7 à Rennes, 2 à Grenoble, 2 à Neuville-sur-Saône, 1 à Vénissieux, 1 à Villeurbanne, 1 à Blois, 2 à Toulouse. En Ile-de-France, la mobilisation a permis la réquisition de 5 lycées vides et leur transformation en hébergements d’urgence.

Un problème national

D’après l’UNICEF et la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), 2822 enfants se sont retrouvés dans la rue en 2023, en France. Cela représentait une augmentation de plus de 20 % par rapport à 2022. Cette hausse est la conséquence directe d’une politique adoptée en mai 2023 qui consiste à expulser les occupants des centres d’hébergement d’urgence. En Haute-Garonne, 658 personnes ont ainsi été expulsées par la Préfecture depuis le mois de mai. Sans surprise, ce chiffre est très proche de celui des appels reçus par le 115 au retour de l’hiver : fin octobre, 168 familles totalisant 644 individus, dont 396 enfants, ont demandé un hébergement d’urgence. Des chiffres du même ordre sont enregistrés dans la plupart des grandes villes du pays.

Dans le même temps, 3 millions de logements restent vacants en France. Certains ont besoin de travaux, mais une bonne partie sont gardés en réserve à des fins spéculatives. Des centaines de milliers de logements sont immédiatement réquisitionnables. Le Centre d’Observation de la Société estime qu’en s’appuyant sur les logements immédiatement disponibles dans les grandes villes, on pourrait loger près de 600 000 personnes, soit le double des 300 000 sans-logis que compte notre pays.

La duplicité des autorités locales

Après l’occupation des deux écoles de Toulouse, la Préfecture de Haute-Garonne et la mairie de Toulouse ont passé des semaines à se renvoyer la balle, sans rien faire de concret. Le maire de Toulouse, Jean-Luc Moudenc (ex-LR), a même exigé que ces occupations soient réprimées. Le 21 novembre, il déclarait : « J’ai demandé que l’on fasse des constats d’huissier, de manière à enclencher des procédures d’expulsions car ces occupations sont totalement illégales. […] J’ai aussi demandé au recteur de l’académie d’enclencher des procédures disciplinaires à l’encontre des enseignants ayant une responsabilité dans les occupations. » Au passage, Moudenc imputait la responsabilité de ces occupations à des « collectifs qui sont très politisés, totalement instrumentalisés par la France insoumise ».

Bon prince, le maire de Toulouse expliquait aussi avoir demandé au Préfet la réquisition d’un immeuble appartenant à la collectivité et capable d’accueillir 100 personnes. Mais l’avantage des belles paroles, c’est qu’elles ne coûtent rien : à ce jour, aucune date n’a été communiquée pour la mise en place de cet accueil, qui serait d’ailleurs très insuffisant.

Il a fallu plusieurs semaines de mobilisation et l’occupation d’une troisième école pour que, le 12 décembre, la Préfecture propose enfin des solutions d’hébergement d’urgence. Comme le souligne le collectif toulousain, cette réaction vise avant tout à « éteindre les feux qui prennent ici où là et éviter que le mouvement s’étende ».

Par ailleurs, alors même qu’elle annonçait des hébergements pour les familles des écoles, la Préfecture autorisait l’expulsion d’une centaine de mineurs isolés qui occupaient un bâtiment désaffecté de l’Université Paul Sabatier. Sur un autre campus toulousain, celui de l’Université Jean Jaurès, c’est plusieurs dizaines de familles qui étaient chassées par la police d’un autre bâtiment désaffecté. La Préfecture reprend donc d’une main ce qu’elle donne de l’autre.

Pour une mobilisation de grande ampleur !

La duplicité des autorités démontre qu’on ne peut pas se contenter de faire appel aux pouvoirs publics. Si la Préfecture a fini par débloquer des solutions d’hébergement, ce n’est pas par bonté d’âme, mais uniquement grâce à la mobilisation continue du collectif, des associations et des syndicats.

Celle-ci ne va d’ailleurs pas s’arrêter là. Lors de la dernière semaine d’école avant les fêtes de fin d’année, trois autres établissements toulousains ont été occupés par le collectif, pour maintenir la pression sur la préfecture. Le collectif toulousain a d’ores et déjà annoncé que ces occupations allaient reprendre et se multiplier dès le 8 janvier.

C’est la voie à suivre : plutôt que de rappeler leurs « devoirs » aux services de l’Etat bourgeois, c’est au mouvement ouvrier, à commencer par les syndicats, de prendre cette question en main et d’organiser un vaste mouvement d’occupation des bâtiments et des logements vacants.

La firme danoise Novo Nordisk a pris la tête d’une véritable ruée vers l’or de l’industrie pharmaceutique sur les médicaments amaigrissants, avec son « Semaglutide » (plus connu sous les appellations « Ozempic » ou « Wegovy »). Nourrie par le matraquage publicitaire sur les réseaux sociaux mais aussi par les financements des organismes de santé publique, la demande pour ces produits a explosé depuis 2021. Cela s’est traduit par des bénéfices énormes pour les grandes entreprises pharmaceutiques : Novo Nordisk et Pfizer ont déclaré respectivement 3,5 milliards et 10 milliards de dollars de chiffre d’affaires, rien que pour le premier trimestre de l’année 2023. Novo Nordisk a même atteint, à un moment, une valeur en bourse supérieure au PIB du Danemark ! C’est toute l’industrie pharmaceutique qui salive aujourd’hui face à la perspective des profits juteux que représentent ces médicaments.

Une question de classe

D’après une étude de la Ligue contre l’obésité, 47,3 % des adultes en France sont obèses ou en surpoids. Ce problème a une dimension de classe. L’obésité est ainsi de 18 % chez les ouvriers contre seulement 10 % chez les cadres. L’obésité frappe tout particulièrement les zones les plus pauvres : à Mayotte, où le niveau de vie médian est six fois plus faible qu’en métropole, 79 % des habitants âgés de 31 à 69 ans sont en surpoids et 47 % d’entre eux sont obèses.

Cela s’explique avant tout par le fait que l’accès à une nourriture saine et non transformée est devenu un luxe. Une telle alimentation coûte en effet en moyenne trois fois plus cher par calorie qu’un régime composé uniquement de produits très transformés. Par ailleurs, il est souvent impossible de prendre du temps en plus pour préparer un repas nourrissant et sain lorsque l’on travaille de longues heures ou que l’on occupe plusieurs emplois pour joindre les deux bouts. Et pendant ce temps, les multinationales de l’alimentaire récoltent des centaines de milliards de dollars par an en inondant les supermarchés de chips, de bonbons et de sodas.

Les célébrités et les influenceurs peuvent bien raconter ce qu’ils veulent sur l’efficacité des médicaments amaigrissants produits par le secteur privé, il n’en reste pas moins que leur prix les rend inaccessibles à la plupart des gens. En France, une dose hebdomadaire d’Ozempic coûte environ 160 €. Aux États-Unis, ce prix peut monter jusqu’à 900 dollars.

Et leur utilisation n’est pas sans conséquence. Le Semaglutide a été conçu à l’origine pour lutter contre le diabète. Il doit être utilisé chaque semaine si l’on veut que ses effets soient durables. Pour obtenir un effet à long terme sur la perte de poids, il faut donc en prendre de façon continue, ce qui augmente les risques déjà importants d’effets secondaires qui vont de l’hypoglycémie à la pancréatite.

Alimentation et santé mentale

Dans une société où ne pas être mince a souvent de lourdes conséquences économiques et sociales, mais dans laquelle les seuls aliments abordables sont industriels et mauvais pour la santé et où faire du sport est souvent un privilège relativement coûteux, il n’est pas étonnant que beaucoup de gens souffrent de problèmes liés à l’estime et à la perception de soi. Près d’un million de personnes en France sont ainsi touchées par des troubles des conduites alimentaires (anorexie mentale, boulimie, etc.). Et cela concerne des personnes de plus en plus jeunes, parfois jusqu’à des élèves d’écoles primaires.

Ces problèmes se rattachent à la crise plus large de la santé mentale qui est, elle aussi, particulièrement aiguë chez les jeunes. Ceux-ci sont de plus en plus nombreux à souffrir de troubles comme la dépression ou à être dépendant de traitements médicamenteux ou de stupéfiants. En 2021, la consommation d’anxiolytiques chez les moins de 19 ans a augmenté en France de 16 % tandis que celle des antidépresseurs bondissait de 23 %.

Cette augmentation est en grande partie la conséquence des coupes budgétaires massives subies par les services de psychiatrie et de psychologie ces dernières années. Le nombre de psychiatres dans les établissements publics a par exemple baissé de 10 % ces dernières années. Confrontés à des listes d’attentes à rallonge pour les traitements plus complets, nombre de professionnels de santé sont contraints de se rabattre sur la « solution facile » que sont les comprimés. Ils y sont encouragés par les organismes de santé publique et par les gouvernements bourgeois pour qui cette alternative est bien moins coûteuse que celle qui consisterait à remettre sur pied le système de santé.

Un système malade

D’une façon générale, cette crise est aussi le résultat de l’aliénation, de l’isolement et de l’insécurité engendrés par le capitalisme. Les plus jeunes générations n’ont aujourd’hui rien connu d’autre que la crise climatique, les guerres et l’austérité. La seule réponse que le capitalisme a à leur offrir, ce sont des médicaments douteux et de toute façon inaccessibles à la majorité des gens ordinaires.

Et, de toute façon, pourquoi les capitalistes voudraient-ils mettre fin à cette crise de la santé mentale et aux ravages causés par l’obésité et le surpoids, alors que tout cela rapporte des profits énormes aux monopoles de l’agro-alimentaire et de l’industrie pharmaceutique ?

La seule véritable solution se trouve dans la nationalisation des entreprises pharmaceutiques, ainsi que de l’alimentation et du sport pour les placer sous le contrôle démocratique de l’ensemble des travailleurs. Cela permettrait de fournir des repas équilibrés à tous, notamment par le développement de cantines, de gymnases et de salles de sports publiques, gratuites ou à bon marché. Par ailleurs, le financement du système de santé publique à hauteur de ses besoins permettrait au plus grand nombre de vivre en bonne santé. Les traitements médicaux qui resteraient malgré tout nécessaires seraient alors fournis dans le cadre d’un système de santé publique entièrement nationalisé et gratuit. Pour réaliser cet objectif, il faut renverser le capitalisme, qui ronge la société tel un cancer. Si vous voulez nous aider, rejoignez-nous !

Selon de récentes projections, la population mondiale pourrait diminuer d’ici la fin du siècle. Ce serait inédit depuis la Peste noire. Cette dynamique démographique inquiète les classes dirigeantes, qui sont déjà confrontées à un manque de main d’œuvre dans certains secteurs, ainsi qu’à une augmentation du poids relatif des retraités.

Faits et chiffres

Deux tendances sont à l’œuvre. D’un côté, l’espérance de vie moyenne a grimpé en flèche dans la deuxième moitié du XXe siècle. Si les tendances actuelles se poursuivent, il y aura 1,5 milliard de retraités sur la planète en 2050, et le nombre d’adultes de plus de 85 ans aura triplé dans les pays de l’OCDE.

Dans le même temps, les taux de natalité ont chuté. En 1965, à l’échelle mondiale, une femme avait en moyenne 5 enfants, contre 2,3 aujourd’hui. Il est clair que les progrès dans le domaine de la contraception ont joué un rôle important dans cette baisse des taux de natalité, tout comme l’entrée massive des femmes sur le marché du travail. Mais de manière plus générale, de nombreux adultes renoncent désormais à avoir autant d’enfants qu’ils le souhaiteraient. D’après une recherche menée par l’OCDE, un adulte voudrait en moyenne 2,3 enfants, mais n’en a au final que 1,6. Et alors que seulement 2 % des adultes déclarent ne pas vouloir d’enfants, 10 % d’entre eux n’en ont pas, au final.

Cet écart est une conséquence directe de la situation économique et sociale. Confrontés à des loyers exorbitants, des longues heures de travail et des services de garde inadaptés, beaucoup de travailleurs considèrent qu’ils n’ont ni le temps, ni l’argent requis pour élever le nombre d’enfants qu’ils souhaiteraient avoir.

Les femmes sont particulièrement affectées par cette situation. Aux yeux des patrons, elles sont perçues comme des employées moins productives, et elles sont régulièrement discriminées à cause d’une grossesse. Beaucoup de mères sont sommées de choisir entre leur travail et leurs enfants. Elles sont les premières victimes des temps partiels imposés et des emplois précaires. Pour une femme, le fait d’avoir un enfant a souvent pour effet de la rendre économiquement dépendante de son mari. Ce phénomène n’est pas nouveau, bien sûr, mais la crise du capitalisme l’accentue fatalement.

Contradiction

Le faible taux de natalité actuel s’explique par le fait que les besoins des capitalistes entrent en contradiction frontale avec les besoins des familles. Les parents ont besoin d’horaires de travail adaptés ; ils ont besoin de crèches, de centres aérés et de garderies accessibles et de qualité. De manière générale, ils ont besoin de bons services publics : santé, transport, éducation, etc. Mais les capitalistes, eux, refusent qu’on ponctionne leurs profits pour financer toutes ces ressources nécessaires aux familles.

Certains gouvernements bourgeois ont tenté de résoudre cette contradiction au moyen de politiques « natalistes ». Mais toutes ont lamentablement échoué. En Corée du Sud, par exemple, le président Yoon Suk-yeol a déclaré que le « féminisme » était responsable du taux de natalité exceptionnellement bas : 0,78 enfant par femme. De fait, la plupart des politiques « natalistes » des gouvernements capitalistes leur offrent surtout l’occasion d’attiser la « guerre culturelle », c’est-à-dire la propagande visant à diviser la classe ouvrière et à détourner son attention des véritables responsables de la crise.

En Italie, le gouvernement de Giorgia Meloni déplore le taux de fécondité – qui est d’à peine 1,4 enfant par femme – et agite la menace d’un « remplacement » des Italiens par les immigrés. C’est de la pure démagogie. En réalité, la bourgeoisie italienne profite énormément des immigrés, cette main d’œuvre précaire et bon marché. Et dans le même temps, Meloni n’a pas l’intention d’ouvrir de nouvelles crèches publiques, de garantir de meilleurs congés maternité ou de financer toute autre mesure permettant d’améliorer les conditions de vie des travailleuses italiennes.

Cercle vicieux

Les différents gouvernements ont conscience que, sous le capitalisme, la crise de la famille ne pourra pas être résolue. Dès lors, quelle classe paiera le coût d’une population vieillissante ? Les capitalistes veulent faire payer les travailleurs – et les retraités pauvres eux-mêmes. Ils s’attaquent déjà partout aux systèmes de retraite et de santé. Alors que l’on pourrait nettement réduire le temps de travail, ils nous préviennent qu’il faudra bientôt travailler pendant un demi-siècle pour prétendre à une retraite (misérable). Mais ce faisant, ils compliquent encore la possibilité de fonder une famille. Ce cercle vicieux découle de la logique même du capitalisme.

Cependant, la classe ouvrière ne va pas accepter passivement ces attaques. On l’a vu en France avec les grandes mobilisations contre la réforme des retraites. Aux quatre coins du monde, les travailleurs se mobilisent face aux attaques incessantes contre la santé publique et la sécurité sociale. La Tendance Marxiste Internationale participe à ces luttes et y défend un programme de rupture avec le système capitaliste – qui n’est pas seulement « vieillissant », mais pourrissant.

Le Centre Hospitalier Ariège Couserans (CHAC) regroupe des services généralistes et psychiatriques. Les premiers sont assurés à Saint-Girons et couvrent environ le tiers du département. Pour ce qui est de la psychiatrie, le CHAC (à Saint-Lizier) et quelques Centres médico-psychologiques (CMP) sont censés couvrir les besoins de l’ensemble du département (155 000 habitants).

Faisons un tour d’horizon. Les bâtiments du CHAC sont vétustes ; certains prennent l’eau et ne sont pas isolés : il peut faire moins de 10°C dans certains services. Le matériel médical est trop souvent obsolète. Il y a près d’un an, la CGT de l’établissement soulignait que le personnel n’avait plus confiance dans sa direction, dont les méthodes de management étaient très contestées. La CGT concluait que les conditions de travail, de manière générale, poussaient les soignants vers la sortie.

Les remaniements, à la tête de l’hôpital, ne semblent pas avoir amélioré la situation. En ce qui concerne sa direction, l’hôpital fait désormais dans le minimalisme : après avoir été placé sous la tutelle d’une administration provisoire, il est aujourd’hui doté d’une directrice intérimaire, qui n’est présente qu’un jour par semaine.

Pénuries

Le CHAC a subi de plein fouet toutes les politiques de casse sociale des précédents gouvernements. En avril dernier, la mise en œuvre de la « loi Rist » a planté un nouveau clou dans le cercueil de l’hôpital. Cette loi plafonne les indemnités des médecins intérimaires qui interviennent dans le secteur public. Résultat : des médecins quittent leur hôpital, où ils estiment n’être pas assez payés. Un communiqué récent de la CGT précise : « avant cette catastrophe annoncée, la situation n’était guère meilleure... ». Au CHAC, la loi Rist ne fait qu’aggraver une pénurie de soignants déjà ancienne – et donc une diminution de l’offre de soin.

Ces dernières années, plusieurs dizaines de lits ont été fermés pendant plusieurs mois, voire plusieurs années : un tiers des lits en réanimation, un quart des lits en neurologie… La capacité d’accueil, dans ces services, a diminué d’autant. Les urgences sont périodiquement fermées – on dit pudiquement qu’elles sont « filtrées » – de manière aléatoire, sans en informer correctement la population. La maternité ne tient qu’à un fil, pour la simple raison qu’elle n’accueille en moyenne que 180 accouchements par an. Or, officiellement, pour qu’une maternité soit « rentable » (mais oui !), elle doit enregistrer un millier d’accouchements annuels.

Trois fois moins de psychiatres

On pourrait malheureusement continuer pendant longtemps d’énumérer les problèmes auxquels sont confrontés les soignants – et donc les patients – du CHAC. Nous évoquerons seulement le service de psychiatrie. Dans toute la santé publique en Ariège, il n’y a plus que sept psychiatres et pédopsychiatres ! On en comptait trois fois plus jusqu’en avril dernier : leur départ est une conséquence directe de la loi Rist.

Seul hôpital psychiatrique du département, le CHAC doit assurer un service continu. Mais avec seulement sept psychiatres dans tout le département, pour habiller le CHAC, il faut souvent dépouiller un des Centres médico-psychologiques.

L’offre de soin a été revue à la baisse, forcément. Les urgences psychiatriques sont fermées définitivement depuis le 23 juin dernier. Au CHAC, la mission de la psychiatrie est réduite à l’objectif de « sécuriser » le patient, et non de le soigner ou de travailler à sa réinsertion… Enfin, alors qu’un nombre croissant de jeunes souffrent de troubles psychiques, les jeunes Ariégeois qui sont confrontés à ces troubles sont souvent envoyés à Toulouse – où la psychiatrie se porte à peine mieux.

La situation du CHAC n’a rien d’un cas isolé, et on imagine bien les conséquences dramatiques d’une psychiatrie en tension. Le 22 mai dernier, une infirmière du CHU de Reims était mortellement poignardée par un patient du service psychiatrique de l’hôpital. Pendant que la presse bourgeoise, toujours avide de sensations fortes, nous jouait la partition des « fous en cavale », les soignants savaient bien que ces drames découlent en premier lieu du manque de moyens alloués à la psychiatrie. Pour preuve, la réaction de ces centaines de soignants qui, le matin du 23 mai, se rassemblaient devant l’ARS de Nantes pour demander l’embauche de personnel et l’ouverture de lits.

En exigeant des politiques d’austérité drastiques, la classe dirigeante mène l’ensemble de la santé publique à la ruine. En attaquant quotidiennement les conditions de vie, d’études et de travail de millions de personnes, elle aggrave aussi la détresse psychologique des plus fragiles, maltraite leur santé mentale. Seul un système de santé libéré des logiques de profit, placé sous le contrôle démocratique de la population, permettra aux patients en psychiatrie d’être véritablement accompagnés à la hauteur de leurs besoins.

En décembre dernier, le collectif Médecins pour demain appelait les médecins généralistes libéraux à une grève de 48 heures. La revendication centrale était le doublement du prix de la consultation – de 25 à 50 euros – pour « sauver le modèle libéral, en voie d’extinction ».

D’après le même collectif, 50 à 70 % des médecins libéraux auraient participé à cette grève. De son côté, l’Assurance maladie dit avoir constaté une baisse d’activité de 10 à 30 %, selon les départements. Une chose est sûre : chez un certain nombre de médecins, cette grève fut l’occasion d’exprimer un ras-le-bol plus général, sans forcément soutenir l’idée d’un doublement du prix de la consultation. De fait, cette revendication n’est pas la solution à la crise de la médecine libérale, car celle-ci s’enracine dans la crise du système capitaliste lui-même.

Saturation générale

C’est bien connu : un nombre croissant de territoires ruraux et urbains tombent dans la catégorie des « déserts médicaux ». Ce sont parfois des territoires très peuplés, comme par exemple la Seine Saint-Denis. 

Dans le même temps, les gardes et permanences de soins (type SOS médecins) sont insuffisantes. Selon l’Ordre des médecins, 76 % des territoires ne sont pas couverts par une permanence ouverte toute la nuit. Ce problème se répercute fatalement sur les services hospitaliers, et en particulier sur les Urgences, vers lesquelles s’orientent des patients qui auraient pu – et dû – être pris en charge par un généraliste. Or, comme on le sait, les hôpitaux publics sont eux-mêmes asphyxiés par des décennies de politiques d’austérité. Le manque de moyens contraint même les services d’Urgences à des fermetures temporaires, transitoires ou permanentes, à travers tout le pays : à Fontenay le Comte, Bergerac, Granville, Manosque, Saint-Lô, Cavaillon, Villefranche-sur-Saône – et la liste ne cesse de s’allonger.

Résultat : le système est saturé, et l’accès général aux soins diminue. Des malades renoncent à se soigner. Bien sûr, cela ne concerne pas les patients les plus riches, qui ont rapidement accès aux différents médecins et spécialistes – à condition d’y mettre le prix – pour une prise en charge adéquate dans certains cabinets ou dans les meilleurs hôpitaux et cliniques privés.

Les « solutions » libérales

Le gouvernement Macron est incapable de résoudre ce problème global, car il n’a pas la moindre intention de revenir sur les politiques d’austérité et de privatisation de la santé publique. Au lieu de s’attaquer à la racine du mal, Macron a imposé aux internes en médecine générale une année supplémentaire d’études orientée vers les déserts médicaux.

Cette mesure a suscité de vives et légitimes protestations de la part des internes, et ce pour plusieurs raisons. D’une part, la rémunération des internes est très inférieure à celle des médecins en exercice. D’autre part, l’isolement des internes intervenant dans des déserts médicaux renforce les prises de risque dans la prise en charge et le suivi des patients. Enfin et surtout, beaucoup d’internes comprennent qu’on fait peser sur eux le poids d’un système en crise.

Mais le gouvernement est passé en force. Dans le même temps, il a concédé une augmentation du prix de la consultation de 1,5 euro. De son côté, le collectif Médecin pour demain revendique toujours une forte augmentation du prix de la consultation, tout en défendant l’idée d’une diminution des cotisations et des impôts pour les médecins libéraux qui exerceraient dans les déserts médicaux.

En réalité, la question de la rémunération n’est pas l’enjeu principal pour les jeunes médecins, en particulier dans le choix de leur futur lieu d’exercice. En France, le revenu d’un médecin généraliste exerçant en libéral est en général supérieur à 5000 euros net mensuels. Si des territoires perdent des médecins, ce n’est pas principalement à cause d’une rémunération insuffisante. C’est bien plutôt la conséquence de conditions de travail dégradées, d’horaires sans fin et du manque de services publics en général. La meilleure façon de lutter contre les déserts médicaux n’est donc pas d’utiliser les internes en médecine ou d’augmenter la rémunération des médecins généralistes qui exercent en libéral, mais bien plutôt d’investir dans les services publics de soins, les crèches, les écoles et les transports publics – soit l’exact contraire de ce que fait ce gouvernement (et de ce que faisaient les gouvernements précédents).

L’évolution des pratiques

Si le mode d’exercice libéral de la médecine générale est encore dominant, sa dynamique est à la baisse, en particulier chez les jeunes médecins. En 2012, le nombre de médecins exerçant seulement en libéral était de 64 000. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 57 000. Au cours de la même période, le salariat et l’exercice « mixte » (libéral et salarié) ont progressé : de 4800 à 8400 médecins généralistes pour le premier, de 32 000 à 34 000 pour le deuxième. Cette évolution signale une remise en cause croissante – par les jeunes médecins eux-mêmes – du modèle libéral. Or, un tiers des généralistes libéraux a plus de 60 ans. S’ils arrêtaient leur activité, beaucoup ne trouveraient pas de remplaçants pour reprendre leur cabinet.

Le collectif Médecins pour demain estime que sur 55 heures de travail hebdomadaire, en moyenne, dans un cabinet individuel, 20 % seraient consacrés à des tâches administratives. Cela représente 2 heures par jour travaillé. Face à ce constat, seuls 10 % des jeunes médecins libéraux s’installent en cabinet individuel, contre 52 % au sein de cabinets de groupe. Ces derniers permettent d’intégrer différents professionnels de santé et facilitent l’embauche d’un secrétariat médical pour assurer les tâches administratives.

Cette tendance est en phase avec l’évolution des pratiques médicales elles-mêmes. Ces dernières années, les missions des médecins généralistes ont beaucoup évolué pour tenir compte des nouveaux besoins sanitaires et des progrès de la médecine. Aujourd’hui, pas moins de 60 % des dépenses de la Sécurité sociale sont dirigées vers des soins de longue durée, qui nécessitent une prise en charge complexe et réalisée par plusieurs professionnels, dont les compétences se complètent.

Ainsi, des Centres publics de santé ont commencé à s’implanter sur toute une partie du territoire. Ils regroupent différents professionnels, dont des médecins généralistes. La partie administrative est mutualisée et centralisée par des secrétaires. Le matériel médical est géré par le centre lui-même. Cette structure favorise les liens entre les soignants et les hôpitaux du secteur. Les médecins salariés ne sont pas rémunérés en fonction du nombre de patients consultés ou d’actes de soins réalisés : ils bénéficient d’un salaire mensuel qui se situe en général entre 3500 et 6500 euros net, pour un minimum de 35 heures hebdomadaires. Cela dit, il existe de grosses disparités selon les employeurs. Par exemple, le secteur associatif est connu pour employer à moindres frais.

A Marseille, par exemple, le Château en santé est un centre associatif qui soigne sans condition de ressource ou de « papiers ». Situé dans les quartiers Nord de la ville, il rassemble une équipe entièrement salariée, composée de médecins généralistes, d’infirmières, de secrétaires, d’une assistante sociale, d’une conseillère conjugale et de deux orthophonistes. Toute l’activité du centre est planifiée collectivement, via des réunions d’équipe régulières et des votes sur les actions de santé à mener. Chaque semaine, il y a des ateliers d’éducation thérapeutique sur le diabète, l’asthme, l’hypertension, ou encore des consultations de préparation à la grossesse.

Parce qu’une communication de qualité avec les patients est essentielle, la structure s’est dotée d’un service téléphonique de traducteurs, en plus de médiateurs locaux bilingues présents sur place. Non loin de là, un autre centre public a récemment vu le jour : l’Espace santé, qui dépend de l’hôpital marseillais. Les médecins généralistes y sont salariés et réalisent sur place des consultations, où il est également possible de consulter une gynécologue, un endocrinologue, un rhumatologue, un pédiatre, une diététicienne ou une neuropsychologue. Une équipe mobile a même été formée : sa mission est de se rendre au plus près des patients, dans les différents quartiers.

Contradiction

Les Centres publics de santé montrent la voie d’une médecine moderne et à la hauteur des besoins. Cependant, ces centres sont en nombre très insuffisant, à l’échelle nationale. Par ailleurs, la pleine réalisation des missions de la médecine générale au sein de ces centres est sans cesse compromise par les politiques d’austérité. Pendant ce temps, les grands patrons des mutuelles privées, des laboratoires pharmaceutiques et des cliniques et hôpitaux privés n’ont jamais été aussi riches.

On fait donc face à la contradiction suivante : d’un côté, la médecine libérale décline au profit d’une médecine plus collective ; d’un autre côté, cette tendance est profondément minée par la crise du capitalisme et les politiques d’austérité des gouvernements successifs. Et le bilan global, c’est une crise générale de la santé publique – qui frappe la masse de la population (à l’exception des riches), mais aussi une grande partie des médecins et des personnels soignants.

Quel programme ?

Face à un problème systémique, il faut des solutions radicales. A gauche, la France insoumise revendique un « véritable service public de soins primaires, organisé autour de centres de santé, avec des professionnels salariés, et une prise en charge à 100 % par la Sécurité sociale en remboursant à 100 % tous les soins de santé prescrits. » [1] Nous soutenons évidemment cette revendication. Cependant, il faut aller plus loin et s’attaquer à la racine du problème, c’est-à-dire au système capitaliste lui-même.

Il faut éliminer la course aux profits dans la santé publique. Il faut lutter pour la nationalisation – sous le contrôle démocratique du personnel soignant – des mutuelles privées, des laboratoires pharmaceutiques, des cliniques et hôpitaux privés. Dans le même temps, la nationalisation de l’ensemble du secteur bancaire permettrait de financer la santé publique à la hauteur des besoins. Des milliards d’euros seraient disponibles pour développer des Centres publics de santé. Au sein de ces structures, la prise en charge serait rapide et gratuite. Les médecins généralistes y seraient salariés et bénéficieraient d’un revenu fixe et décent, mais aussi de bonnes conditions d’exercice. Un plan de formation d’un nombre suffisant de médecins pourrait être lancé sur tout le territoire. Des soins pourraient être optimisés en les déléguant à des professionnels paramédicaux, qui bénéficieraient de formations adaptées et de meilleures rémunérations.

Que deviendrait la médecine libérale ? Nous ne proposons pas de fonctionnariser, d’un seul coup, l’ensemble des médecins libéraux. On l’a vu : leur statut est loin d’être le problème central du système de santé actuel. La médecine libérale se résorbera graduellement dans une médecine publique au fur et à mesure que le système de santé publique lui-même se développera, offrira de meilleures conditions de travail à son personnel et couvrira correctement l’ensemble du territoire national. Alors, de plus en plus de médecins choisiront d’eux-mêmes le secteur public, parce qu’il leur offrira de meilleures conditions d’exercice, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui dans un service public de soins rongés par l’austérité, les fermetures de lits et la course à la rentabilité.


[1] Extrait du Livret santé de la France

 insoumise

La maire de Paris, Anne Hidalgo, poussait de hauts cris d’indignation face aux conditions de travail inhumaines sur les chantiers de la Coupe du monde de football, au Qatar. Elle est beaucoup plus clémente face à l’organisation des Jeux Olympiques qui se tiendront à Paris en 2024. Pourtant, si les conditions de travail ne sont pas aussi mauvaises qu’au Qatar, les JO de Paris obéissent à la même logique fondamentale. L’événement est taillé pour profiter aux grandes entreprises – notamment celles du BTP et du tourisme – au détriment du grand public.

Dépense publique, profit privé

Le budget prévisionnel des JO, tel qu’annoncé par le Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (COJOP), était de 7 milliards d’euros. Au final, il pourrait s’élever à 8,8 milliards d’euros. D’où viennent ces sommes colossales, destinées à un événement qui durera 15 jours – et qui sont si compliquées à trouver quand il s’agit de financer nos retraites et nos services publics ?

Tout d’abord, 2,4 milliards d’euros sont directement sortis des caisses de l’Etat. Le patronat du BTP en est le premier bénéficiaire : sur les 3,3 milliards d’euros dédiés aux infrastructures pérennes, les deux-tiers proviennent de l’Etat, de la Région Ile-de-France et de la mairie de Paris.

A cela viennent s’ajouter les recettes de sponsoring (1 milliard d’euros), les droits télévisuels (750 millions) et la billetterie (1,4 milliard). Le financement des JO provient donc essentiellement de deux sources essentielles : 1) les dépenses publiques, collectivités territoriales comprises ; 2) les téléspectateurs (qui devront supporter un matraquage publicitaire) et les spectateurs ayant les moyens de payer des places extrêmement chères.

Travail au noir et bénévolat

« Tu travailles deux mois, mais ils ne t’en paient qu’un », déclarait un travailleur du Village olympique, à Saint-Denis. Les entreprises du BTP ne se contentent pas de siphonner l’argent public : elles exploitent durement une main d’œuvre précaire. Ces entreprises abusent d’immigrés sans papiers, donc en situation d’extrême précarité. Ceux-ci travaillent souvent sans matériel de protection et réalisent des heures supplémentaires mal payées – quand elles sont payées.

Le recours systématique à la sous-traitance permet aux géants du secteur d’accroître cette exploitation sans avoir à en assumer directement les conséquences. A ce jour, pas moins de 87 accidents de travail ont été recensés par le ministère du Travail. Mais la réalité est probablement pire, car les ouvriers exposés aux plus mauvaises conditions sont précisément ceux dont le travail est dissimulé.

En ce qui concerne les « petites mains » qui organiseront les Jeux, pendant 15 jours, la solution la plus économe s’est imposée. Au nom des « valeurs sportives », le COJOP aura recours à 45 000 bénévoles. De son côté, le patronat du BTP ne fait pas dans le bénévolat : il table sur 860 millions d’euros de bénéfices grâce aux seuls chantiers des Jeux Olympiques.

Des prix inaccessibles

Selon un récent sondage, 82 % des Français considèrent que les prix des billets sont trop élevés. Et pour cause : dans la plupart des cas, il faut débourser plusieurs centaines d’euros pour se procurer le précieux sésame ! Le nombre de places à bas prix a énormément baissé par rapport aux précédents JO. Par exemple, ceux de Londres, en 2012, proposaient 2,5 millions de places à 23 euros. Les JO de Paris en proposent à peine 1 million à un tarif équivalent. 

A Londres, les billets les plus chers coûtaient autour de 2000 euros. Pour la cérémonie d’ouverture à Paris, il faudra débourser jusqu’à 25 000 euros. En outre, les billets ont d’abord été vendus par « pack » de trois sports. Par exemple, en achetant un billet pour assister à un match de basket, on est obligé d’acheter des billets pour deux autres épreuves. Ceci fait évidemment grimper la facture finale. Sur les épreuves d’athlétisme, les prix dépassent souvent les 600 euros. Le discours officiel sur le caractère « populaire » des JO sonne comme une très mauvaise plaisanterie.

Rien pour le sport amateur

Pour la classe dirigeante, l’organisation des JO est un enjeu économique et, surtout, de prestige. Le sport passe au deuxième plan. Une fois l’événement passé, les nouvelles infrastructures sportives seront souvent peu accessibles à ceux qui en ont le plus besoin – quand elles ne seront pas démontées.

Le sport amateur n’y gagnera rien, alors qu’il est déjà en crise. En Seine-Saint-Denis, le département le moins bien doté en piscines municipales, un enfant sur deux ne sait pas nager à l’entrée du collège. Au plan national, une étude publiée par la Fédération française de cardiologie souligne que les capacités cardiovasculaires des enfants ont baissé de 25 % en 40 ans. En 1971, un enfant courait 800 mètres en trois minutes, en moyenne. Aujourd’hui, la moyenne est de quatre minutes. Gageons que ceci ne troublera pas le sommeil des organisateurs des JO. Leur objectif n’est pas de mettre le sport au service du plus grand nombre, mais seulement d’une poignée de grands capitalistes.

Depuis 2020, en France, le secteur automobile est en berne. Entre 2019 et 2022, les ventes de voitures neuves ont chuté de près de 30 % ; elles ont atteint leur plus bas niveau depuis les années 1970.

La hausse des prix

Cette crise s’explique en partie par la brusque augmentation des prix des véhicules neufs. La voiture française la plus vendue depuis 2020, la Peugeot 208, affiche un prix d’entrée de gamme de 19 200 euros, alors que son homologue de 2012, la Clio III, ne valait « que » 14 000 euros. Pendant la crise sanitaire, la pénurie des semi-conducteurs – nécessaires à la fabrication de l’électronique embarquée – a fait monter le prix de ces composants, et donc celui des voitures. La pénurie a aussi impacté la production. Certaines usines ont été mises à l’arrêt complet pendant plusieurs jours. Le groupe Stellantis, propriétaire de Peugeot et de Fiat (entre autres), a dû réduire sa production annuelle de près d’un million et demi de véhicules.

Bien que cette pénurie soit en train de se résorber, c’est aujourd’hui l’inflation galopante qui entretient la hausse des prix. Par ricochet, cela a entraîné une hausse des prix des voitures d’occasion, au point de susciter un phénomène de spéculation sur ce marché.

Les chiffres des ventes ont légèrement augmenté au premier trimestre 2023, mais cela s’explique en grande partie par un phénomène de rattrapage des retards accumulés l’an dernier. Un nouveau ralentissement des ventes pourrait s’amorcer une fois ces retards liquidés.

La fin des voitures thermiques

D’autres pressions viennent s’ajouter sur l’industrie automobile. D’ici 2035, la vente de voitures thermiques neuves sera interdite dans l’Union Européenne. Cette annonce a accéléré la ruée sur l’exploitation des terres rares, nécessaires pour la production de batteries – au risque, bien sûr, d’aggraver la crise environnementale. Il s’en est également suivi une course, entre les constructeurs automobiles, pour proposer la première voiture électrique à un prix abordable.

Pour produire massivement des batteries sans dépendre de chaînes d’approvisionnement internationales dont la fragilité a été démontrée, plusieurs constructeurs ont annoncé des projets de « giga-usines » en Europe. Par exemple, Stellantis s’est associé à Mercedes et à TotalEnergies pour lancer la construction d’une usine géante dans les Hauts-de-France.

Ces investissements restent fragiles, notamment du fait de la crise énergétique, qui a entraîné des ralentissements de la production en 2022. En octobre dernier, l’entreprise suédoise NorthVolt a annoncé qu’elle pourrait fermer ses usines en Allemagne et délocaliser sa production aux Etats-Unis. Stellantis pourrait suivre cette voie. D’ores et déjà, le groupe investit surtout en Afrique du Sud et aux Etats-Unis, et se tient prêt à délocaliser de l’autre côté de l’Atlantique dans le cas d’une nouvelle baisse du marché de la voiture neuve en Europe.

Chômage et exploitation

Pour défendre et accroître leurs marges de profits, les capitalistes ne cessent d’intensifier l’exploitation des ouvriers et de couper à la fois dans les salaires et les effectifs. L’an dernier, les salariés de plusieurs usines Stellantis se sont mobilisés pour des hausses de salaires et de meilleures conditions de travail. A Mondeville (Calvados), les gants de protection obligatoires devaient être achetés par les salariés eux-mêmes !

Ces quinze dernières années, le nombre de salariés de Stellantis, en France, est tombé de 70 000 à 45 000. Si le groupe annonce la création de 7500 emplois avec l’ouverture de sa « giga-usine » de batteries, il prévoit aussi de supprimer plusieurs milliers de postes en France et en Italie, ces prochaines années.

Pour maintenir leurs profits, les capitalistes comptent aussi sur les aides de l’Etat, dont ils pillent les caisses en agitant la menace de fermetures et de délocalisations. L’Etat français arrose donc d’argent public les entreprises automobiles. La moitié des deux milliards d’euros que devrait coûter la « giga-usine » de Stellantis sera payée par l’Etat.

Ces « aides » faramineuses ont été l’un des facteurs qui ont permis aux capitalistes de l’industrie automobile d’engranger des profits records, alors que le secteur est en crise. En 2022, le chiffre d’affaires de Stellantis a augmenté de 18 %, tandis que ses bénéfices progressaient de 26 % !

Nationalisation !

Comme toute industrie capitaliste, le secteur automobile n’a pas pour vocation de répondre à un besoin, mais de faire des profits, quel qu’en soit le coût pour les travailleurs et l’environnement. Pour garantir les emplois, mais aussi de bons salaires et de bonnes conditions de travail, les grands groupes qui dominent le secteur – comme Stellantis – devront être nationalisés et placés sous le contrôle démocratique de leurs salariés.

Cela permettra aussi de réorienter une partie croissante de la production vers d’autres moyens de transport. L’existence d’un marché massif de la voiture individuelle n’a de sens que du point de vue de la course aux profits. La planification et la nationalisation des grands leviers de l’économie permettront d’investir massivement dans d’autres formes de transport, moins polluantes, plus collectives et plus économiques.

Le 23 mars dernier, la commune de Sainte-Soline a été le théâtre d’affrontements spectaculaires entre des gendarmes mobiles et des manifestants qui protestaient contre un projet de méga-bassine. La démonstration de force annoncée et désirée par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a fait plus de 100 blessés, dont plusieurs grièvement.

Le gouvernement voulait envoyer un message à tous les opposants au régime. Dans le même temps, la protection de ces méga-bassines par l’Etat n’est pas anodine. Leur extension sur le territoire est très profitable pour les capitalistes de l’agro-industrie.

Aberration écologique

Une méga-bassine est un immense ouvrage de stockage d’eau s’étendant sur 8 hectares, en moyenne, soit plus de 66 piscines olympiques. Les plus grandes peuvent couvrir jusqu’à 18 hectares.

Présentées par ses promoteurs comme des « réservoirs de substitution », elles sont censées récupérer l’eau de pluie, l’hiver, afin de permettre l’irrigation des terres agricoles en période de sécheresse estivale. Selon les porte-paroles de l’agro-industrie, elles seraient donc un dispositif « écologique ». Mais en réalité, c’est tout le contraire.

Les associations de protection de l’environnement sont unanimes : les méga-bassines sont une aberration écologique. Elles nécessitent un pompage des nappes phréatiques et des cours d’eau, ce qui accentue la pression sur des ressources déjà en tension. Cette captation prive les écosystèmes environnants de la possibilité de se reconstituer en eau durant l’hiver. Cela assèche les zones humides et les milieux aquatiques. En périodes de sécheresse hivernale, comme celle qui vient de frapper de nombreux territoires en Europe, les conséquences sont encore plus graves. Enfin, l’eau courante est transformée en eau stagnante, qui se dégrade et s’évapore.

Privatisation

Il existe déjà 130 bassines de ce type en France. La Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), qui défend surtout les intérêts des gros exploitants, fait pression pour multiplier la construction de méga-bassines sur l’ensemble du territoire.

Ce modèle, pourtant, a déjà montré sa faillite dans d’autres pays. En Espagne, championne d’Europe des retenues d’eau, le lac artificiel de Sau n’est plus qu’une vaste étendue de boue. Les poissons y meurent et empoisonnent le peu d’eau qui reste. La raison est simple : depuis la création de ce lac au début des années 1960, son usage n’a pas été calculé en fonction des besoins de la population, mais des profits de l’agriculture intensive.

En France comme ailleurs, de grandes quantités d’argent public sont injectées dans ces projets. Les 16 bassines construites dans les Deux-Sèvres, dont celle de Sainte-Soline, sont financées à plus de 70 % par des aides publiques – à la fois de l’Etat français et de l’Union Européenne. La facture, qui sera évidemment présentée aux travailleurs, est de 42 millions d’euros.

L’eau stockée dans les bassines est vendue à très bas prix, mais l’autorisation de prélèvement se fait en fonction de volumes d’irrigation de référence. En clair : ce sont surtout les agriculteurs habituellement très gourmands en eau qui auront un « droit à irriguer ». Ces réserves d’eau alimentent donc principalement d’immenses champs de maïs bourrés de pesticides et destinés à l’élevage industriel. Il en résulte une privatisation de l’eau dans l’intérêt d’une petite poignée de gros agriculteurs et industriels.

Les petits paysans, eux, voient les cours d’eau s’assécher, alors que leur accès à la méga-bassine est très limité. Sur fond de faillites, la mainmise des grands industriels sur les terres agricoles s’en trouvera renforcée. A cela s’ajoute la spéculation dont feront l’objet les terres dotées d’un droit à irriguer. Bref, il y a de juteux profits en perspective !

Quel programme ?

La plupart des dirigeants de gauche s’opposent aux projets de méga-bassines. Cependant, il faut aussi avancer un programme concret sur la gestion de l’eau et des ressources naturelles en général. La France Insoumise propose d’inscrire dans la constitution française « l’eau comme bien commun et la protection de l’ensemble de son cycle, y compris les nappes phréatiques ». Mais on peut bien écrire tout ce qu’on voudra dans la constitution, cela n’aura aucun effet concret tant que les terres, le matériel d’irrigation et les industries agro-alimentaires resteront la propriété d’une petite minorité de gros capitalistes. L’ensemble du secteur agricole – de l’exploitation à la distribution en passant par le financement (les banques) – doit faire l’objet d’une planification rationnelle, soucieuse d’équilibre écologique et de santé publique.

Le mouvement ouvrier doit se doter d’un programme offensif qui s’attaque à la grande propriété foncière, agricole et industrielle. Il faut lutter pour la nationalisation des grands groupes agro-alimentaires tels que Lactalis et Danone, qui encouragent les pires formes d’élevage industriel, mais aussi Veolia, qui ne cesse d’étendre son emprise sur le marché de l’eau à l’échelle mondiale. Il faut défendre la création d’un service public de l’eau géré démocratiquement par les travailleurs et les consommateurs.

Il faut également exproprier les fermes-usines et engager leur reconversion. Enfin, l’expropriation de toutes les banques permettra de financer massivement la recherche scientifique pour lutter contre la sécheresse et mettre en œuvre une exploitation rationnelle des terres agricoles et des ressources naturelles.

L’endométriose est une maladie qui se caractérise par le développement, en dehors de l’utérus, de tissus semblables à la muqueuse utérine. Elle peut prendre plusieurs formes et provoquer des règles très douloureuses, des fatigues chroniques et l’infertilité.

Selon l’OMS, près de 10 % des femmes en âge de procréer en souffrent, dans le monde. En France, elle concernerait plus d’1,5 million de femmes. Cependant, les symptômes de la maladie étant trop souvent sous-estimés ou banalisés, il est possible que le nombre de femmes atteintes soit encore plus élevé.

Dénégation

Les causes de l’endométriose sont encore largement méconnues et il n’existe aucun traitement définitif pour soigner cette maladie. Le plus souvent, une pilule contraceptive ou des antalgiques sont prescrits pour soulager la douleur des règles. Dans certains cas, des traitements hormonaux sont prescrits, mais ils peuvent s’accompagner d’importants effets secondaires.

D’autres formes de cette maladie nécessitent une intervention chirurgicale. Mais ces interventions sont complexes et la France manque de chirurgiens suffisamment formés. En outre, l’intervention chirurgicale ne garantit pas la guérison définitive.

Par ailleurs, le diagnostic de l’endométriose relève d’un véritable parcours du combattant. Les formes et symptômes multiples de la maladie compliquent sa détection. Mais surtout, les femmes concernées se heurtent trop souvent à une dénégation de leurs souffrances, y compris par une partie du corps médical. Trop de médecins considèrent ces douleurs menstruelles comme « normales » et soupçonnent les femmes d’exagérer leurs symptômes. Aujourd’hui, le délai moyen entre l’apparition des premiers symptômes et le diagnostic est compris entre sept et dix ans [1]. Selon Arnaud Fauconnier, gynécologue obstétricien, la plupart des femmes atteintes ont consulté environ cinq fois avant d’obtenir le bon diagnostic.

Souffrance au travail

L’endométriose peut fortement impacter la vie des femmes qui en souffrent, notamment au travail. Selon une enquête IPSOS datant de 2020, 62 % des femmes concernées estiment que cette affection a un impact négatif sur leur capacité à travailler. Dans certains cas, elle les empêche de se maintenir à leur poste. Faute d’aménagement adéquat de leur emploi du temps, certaines femmes n’ont pas d’autres choix que de recourir au temps partiel – malgré la perte de salaire que cela implique – ou de quitter leur emploi.

En dépit de l’adoption, par l’Assemblée nationale, d’un texte favorable à la reconnaissance de l’endométriose comme affection longue durée (ALD), cette maladie n’est toujours pas considérée comme telle. Cette classification détermine quelles affections sont considérées comme suffisamment incapacitantes pour ouvrir le droit à une prise en charge par la Sécurité sociale de l’ensemble des soins et de certains frais annexes tels que les transports.

Actuellement, l’endométriose est seulement classée parmi les affections « hors liste ». Cela signifie que c’est à l’Assurance maladie d’apprécier, au cas par cas, si les formes que revêt la maladie nécessitent l’accès aux droits ouverts par l’ALD. Dans le cas de l’endométriose, seules les formes les plus graves sont retenues. Les femmes diagnostiquées doivent donc effectuer de longues démarches administratives pour tenter de faire reconnaître l’affection dont elles souffrent. Le tout pour un résultat incertain : au final, seulement 60 % des demandes de reconnaissance en ALD obtiennent un avis favorable.

La « stratégie » de Macron

Il y a un peu plus d’un an, Emmanuel Macron annonçait une « stratégie nationale » de lutte contre cette maladie. Cette « stratégie » comprend des campagnes de sensibilisation, l’augmentation du budget de la recherche dédiée (de 20 millions d’euros) et la formation d’un comité de recherche.

Quelques-unes des mesures annoncées vont dans le bon sens. Mais à l’instar de la lutte contre les violences faites aux femmes, déclarée « grande cause » du quinquennat Macron, il s’agit surtout d’effets d’annonces. Les 20 millions d’euros supplémentaires sont absolument dérisoires au regard des efforts humains et financiers requis. Pour développer des traitements efficaces de cette affection, il faut commencer par mieux en comprendre les causes, ce qui suppose de consacrer des investissements massifs dans la recherche biomédicale. Les gouvernements successifs s’y refusent – et préfèrent concentrer leurs efforts à la casse systématique de l’hôpital et de la santé publique en général. Au cours des quinze dernières années, le financement de la recherche dans le secteur biomédical n’a cessé de diminuer. Entre 2011 et 2018, les crédits publics ont baissé de 28 %.

De son côté, le secteur privé n’est pas pressé d’investir dans des recherches coûteuses et qui ne laissent pas entrevoir de juteux profits à court terme. C’est une raison de plus pour nationaliser l’ensemble du secteur pharmaceutique, sous le contrôle des salariés. Il est parfaitement scandaleux qu’une pathologie imposant des souffrances chroniques à d’innombrables femmes ne soit pas prise au sérieux – et ce depuis le diagnostic jusqu’à la recherche d’un traitement efficace.


[1] D’après l’Organisation de coopération et de développement économiques (OECD).

Récemment, la mairie « divers droite » de Castres – une ville de 42 000 habitants, dans le Tarn – a mis fin à la gratuité des locaux de la Maison des associations et des syndicats. Dans l’impossibilité de payer le loyer, le planning familial a déjà dû quitter les lieux.

Cette décision prolonge une série de mesures d’austérité, dont l’augmentation du tarif des cantines scolaires et des centres de loisirs. Comble du cynisme : le conseil municipal a voté, dans le même temps, l’extension du golf de la ville, ce qui coûtera la bagatelle d’au moins 4 millions d’euros !

Pour accéder au golf, il faut débourser 132 euros par semaine, un tarif qui pourrait encore augmenter après les travaux. Il va sans dire que seules les couches les plus aisées de la population locale pourront profiter de ce beau terrain tout neuf. Les travailleurs de Castres ont d’autres priorités en cette période d’inflation, comme se nourrir, se loger, se chauffer – ou se soigner, notamment grâce à des associations telles que le planning familial…