Luttes / Mouvement syndical

À l'heure où nous écrivons ces lignes, le rectorat de Créteil compte 13% de grévistes dans le premier degré et 9% dans le second degré pour la journée de grève du 22 avril. Les syndicats revendiquent un taux de 30% de grévistes. Globalement, la dernière journée marque un reflux du mouvement, ce qui est logique, après deux mois de lutte sans perspective claire donnée par les directions syndicales.

Depuis le 26 février, les établissements, principalement de la Seine-Saint-Denis (93), luttent en défense de l’école publique et contre les attaques répétées du gouvernement Macron-Attal : personnels, mais aussi élèves et parents, se sont mobilisés dans des actions communes.

Les parents d’élèves se mobilisent aussi

Dans plusieurs établissements du 93, la grève était majoritaire avec plus de 70% de participation sur certaines journées. Avec cette dynamique, le mouvement de grève a été reconduit plusieurs fois, après discussion en Assemblée générale des personnels. 

La solidarité des parents d'élèves n'a pas tardé à se manifester, et les journées de grèves et de manifestations se sont alternées avec les journées dites "collèges déserts". L'initiative, lancée par la Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE) en Seine-Saint-Denis, à Paris, à Bordeaux et dans d’autres villes, avait pour objectif d'inciter les parents à ne pas envoyer leurs enfants au collège en soutien de la mobilisation des enseignants. 

Un plan d’urgence face à des conditions de travail révoltantes

« Évidemment qu’on n’a pas de plafond », dénoncent les lycéens de Blaise-Cendrars de Sevran dans une vidéo publiée le 6 mars sur TikTok. Les élèves et les enseignants de cet établissement mettent en lumière la précarité de leurs conditions d'étude et de travail : des murs envahis de moisissures, des toilettes sans plafond ni savon, des classes dépourvues de bureaux, des chaises cassées ou manquantes. Cette vidéo qui a dépassé rapidement les deux millions de vues souligne l'élan de soutien que suscite la lutte des écoles du 93.

De leur côté, les directions syndicales réclament un plan de soutien : création de 5 200 postes d'enseignants, 2 000 postes pour les accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH), 175 postes de Conseillers Principaux d'Éducation (CPE) et 650 postes d'assistants d'éducation, ainsi que de nouveaux recrutements pour les infirmières scolaires et les assistants sociaux. L'ensemble de ces mesures représente un investissement financier total évalué à 358 millions d'euros.

Inégalités exacerbées par le projet de réforme

En réponse à la mobilisation, le gouvernement n’a rien trouvé de mieux qu’une nouvelle contre-réforme. Cette dernière va accentuer les inégalités sur tout le territoire - particulièrement dans les territoires les plus pauvres, comme la Seine-Saint-Denis. 

Ce projet de contre-réforme dit “choc des savoirs” prévoit la mise en place de “groupes de niveau”. Les élèves d’une même classe suivraient la majorité des cours ensemble, mais seraient séparés par “groupes de niveau” pour les cours de français et de mathématiques, qui représentent un tiers de leur enseignement. Ainsi, pour ces heures, le principal critère de composition des groupes serait celui de "l’homogénéité".

Même d’un point de vue pédagogique, la constitution de groupes homogènes est très contestable. Cela va à l'encontre de la majorité des études et des recherches menées dans le domaine de l'éducation au cours des 30 dernières années, qui insistent précisément sur la nécessité d’un environnement hétérogène pour favoriser les apprentissages. Surtout, ces mesures ne règlent en rien le vrai problème de l’éducation nationale, celui du manque d’enseignants et des classes surchargées. 

Les classes françaises sont parmi les plus surchargées d'Europe, en particulier au collège, avec une moyenne de 25,6 élèves par classe - là où la moyenne européenne est de 20.9. Dans de nombreux cas, elles dépassent 30 élèves. Dans ces conditions, la soi-disant solution miracle de la “différenciation pédagogique”, tant vantée par les différents ministres qui se sont succédé, est tout simplement irréalisable. Comment serait-il possible en effet que les enseignants, déjà surchargés, puissent dispenser des enseignements qualitatifs différenciés selon les “niveaux”, sans même parler d'être physiquement présents aux côtés de ces multiples groupes ? Le Ministère ne donne pas de réponse claire et, au nom de la “souplesse”, laisse les établissements scolaires gérer comme ils le peuvent l’application pratique de cette réforme.

Le “choc des savoirs” a en réalité un double but: il s’agit d’une part d’une opération de propagande réactionnaire sur le thème de “l’école, c’était mieux avant”; et d'autre part, en proposant une soi-disant “méthode miracle” qui ne coûte presque rien à l’Etat, il permet de justifier les coupes profondes qui se sont enchaînées dans les budgets de l’éducation nationale ces dernières années - et même d’en préparer d’autres.

Le mouvement a besoin d’une stratégie et d’un programme offensif

La Seine-Saint-Denis a une longue tradition de luttes en défense de l'école publique. Elle a mené une lutte exemplaire en 1998, qui a permis le recrutement de 3000 personnes. Mais aujourd’hui, la situation économique et politique est bien différente : les comptes publics sont dans le rouge et la classe dirigeante française doit absolument réaliser des économies pour réduire ses déficits. Le gouvernement est donc déterminé à mettre en place ces contre-réformes. 

Dans ce contexte, seule une grève générale et reconductible dans l’ensemble du pays pouvait faire reculer le gouvernement : les “journées d'action”, même massives, ne vont pas faire plier Macron. Or, cette vérité n’est jamais expliquée par les dirigeants syndicaux. Pire, ces derniers nourrissent l’illusion que la lutte des enseignants peut gagner dans le seul département de la Seine-Saint-Denis et dans le seul secteur de l'Éducation nationale… C'est impossible !

Nous l'avons déjà écrit et nous l'avons répété dans les assemblées auxquelles nous avons participé durant la mobilisation : 1) un plan d'urgence pour sauver les écoles publiques est nécessaire non seulement dans le 93, mais dans tous les départements. 2) La défense de l'éducation nationale est une lutte qui s'inscrit dans un combat plus large contre le gouvernement Macron-Attal. Ce combat doit être mené par l'ensemble du mouvement ouvrier.

Les coupes budgétaires du gouvernement, les attaques contre les conditions de vie et de travail des jeunes et des salariés vont se poursuivre. La volonté de lutter est là, mais elle doit être organisée et coordonnée au niveau national pour porter un coup décisif au patronat et à son gouvernement. C'est pourquoi le mot d'ordre de la grève générale reconductible reste le seul valable !

Le 9 avril dernier, l’ensemble des salariés des ateliers d’Ivry-sur-Seine (94) se sont mis en grève. Embauchés par la mairie de Paris, ces menuisiers, peintres, tapissiers, métalliers, encadreurs et chauffeurs s’occupent de l’entretien et de la mise en place des expositions de 14 musées de la capitale.

Après des années de dégradation de leurs conditions de travail, de problèmes de sécurité et de réduction des effectifs, la direction des ateliers impose une badgeuse et veut revenir sur une conquête gagnée il y a plus de 30 ans : la répartition de leurs 39 heures de travail hebdomadaire sur 4,5 jours. « C’est l’attaque de trop, la goutte d’eau qui fait déborder le vase », nous confie l’un des menuisiers en grève.

Des années de recul 

En 2013, Bertrand Delanoë, alors maire de Paris, réformait la gestion des musées parisiens et créait « Paris Musées », un établissement public à caractère administratif. Censée améliorer la gestion des bâtiments et des œuvres d’art, l’autonomisation du budget prévue par cette réforme n’a pas échappé aux politiques d’austérité.

Depuis, les effectifs ont été pratiquement divisés par deux dans les ateliers d’Ivry. « Avant, il y avait 14 menuisiers, nous ne sommes plus que 7. Il n’y avait que des titulaires. Quand je suis arrivé, en 2013, j’étais le premier contractuel. Aujourd’hui, la majorité des nouveaux ouvriers sont contractuels ».

La direction est aussi gravement négligente en matière de sécurité : « Les machines ne sont pas entretenues, notamment les aspirations, ce qui risque de provoquer des cancers. En plus, les visites médicales ne sont pas faites depuis 5 ans »

De manière générale, la crise du capitalisme menace la culture – jusque dans les infrastructures permettant de la mettre en valeur. La dégradation des conditions de travail des ouvriers de « Paris Musées » se répercute sur leurs missions : « Les délais sont raccourcis et on manque de personnel sur les chantiers. Avant, les menuisiers intervenaient, avaient le temps de bien faire leur travail, puis les peintres arrivaient. Suite à ça les œuvres étaient exposées et un peintre venait faire les finitions. Ce temps a été réduit. On se retrouve tous au même endroit et on doit travailler dans l’urgence. Cela se ressent sur le résultat. Pourtant nous aimons notre travail et nous avons une forte cohésion d’équipe, malgré les difficultés »

Tous en grève !

Avant 1982, l'atelier était situé dans le Bois de Boulogne. L’organisation du temps de travail sur 4,5 jours a été obtenue en 1990 car le nouveau site d’Ivry était loin des transports en commun – ce qui n’a pas changé, depuis. Suite à la grève du 9 avril, une réunion a eu lieu avec la direction. Face aux demandes légitimes des ouvriers, celle-ci a répondu par le mépris.

« Personnellement », nous explique le menuisier, « je pensais que la direction nous écouterait, qu’on pourrait au moins garder notre vendredi après-midi. J’étais naïf. On est tombé face à un mur. Et un mur qui parlait, qui répétait "non" de manière intransigeante et nous souriait de façon méprisante. Ça ne passe pas. Nous sommes ouvriers, oui, et fiers de l’être ! Nous ne sommes pas juste des numéros de matricule. On était tous sur le piquet de grève. Même les contractuels se sont mobilisés. C’était unanime, ce qui créé un engouement pour continuer le combat. Pour beaucoup, dont moi-même, c’était notre première grève. Si la direction continue de nous mépriser, on fera de nouveau grève. Mais au lieu d’aller devant la direction, on ira dans les musées : on ne va pas lâcher le morceau ! ».

Quand la Cour des comptes s’en mêle

En 2021, la Cour des comptes passait au crible la gestion de « Paris Musées ». L’étude concluait qu’il fallait rallonger les plages d’ouverture des musées et affirmait que « Paris Musées » dépendait trop des subventions de la ville. Il faudrait que cet établissement public dégage des fonds propres, par exemple en mettant fin à tout élément de gratuité dans la totalité des musées. 

La Cour des comptes ajoute un rappel au « droit » : il faut mettre en conformité la durée de travail des agents ! En réponse, la direction des ateliers fait preuve de servilité et applique les consignes : une badgeuse et 5 jours de travail complets.

L’accès à l’art et à la culture devrait être gratuit pour tous. Dans le même temps, il faut défendre les conditions de vie et de travail de ceux qui permettent aux musées d’ouvrir leurs portes et d’accueillir du public dans de bonnes conditions. Où trouver les financements ? Le menuisier gréviste a des éléments de réponse : « ils disent qu’il n’y a plus d’argent, mais il y en a. Il ne se trouve simplement pas au bon endroit. Le gouvernement attaque les petites gens. On est en plein dans le capitalisme ». Précisément ! 

 

P rofondément endetté, le groupe Casino – qui comprend Monoprix, Franprix, Cdiscount et Naturalia – a été racheté le 27 mars dernier par un consortium regroupant les milliardaires Daniel Kretinsky, Marc Ladreit de Lacharrière et le fonds d’investissement Attestor. Dès le lendemain, sa cotation boursière s’est effondrée de 67,3 %.

Le plan de « sauvegarde »

Signe de ce qui attend les salariés, la première mesure des nouveaux dirigeants a été de réclamer à 900 salariés le remboursement d’avances sur salaire datant des années 1990. Face à la polémique provoquée par cette exigence mesquine, la nouvelle direction y a renoncé. Mais la situation désastreuse du groupe Casino n’en reste pas moins inquiétante pour ses 50 000 salariés.

Fin novembre, c’est-à-dire avant le rachat du groupe, la presse avait déjà révélé que des centaines de magasins de la chaîne étaient vendus à Auchan et Intermarché. Un millier de salariés s’étaient mis en grève pour protester contre cette annonce.

De leur côté, les nouveaux propriétaires ont promis de préserver les sièges de l’entreprise ainsi qu’un « noyau dur de magasins » – mais pas plus. Début mars, le Tribunal de commerce de Paris a approuvé ce plan de « sauvegarde » qui prévoit la vente de près de 288 magasins, sans aucune garantie pour leurs employés.

Nationalisation !

Au début de l’année, les syndicats ont lancé un nouveau préavis de grève. Mais comme l’expliquaient eux-mêmes les dirigeants de l’intersyndicale, il ne s’agissait que d’une tentative de faire pression sur les dirigeants du groupe. En vain : les nouveaux propriétaires veulent rentrer dans leurs frais même si cela signifie licencier massivement. Dans ces conditions, il n’y a rien à attendre d’une négociation avec eux. Pour les faire reculer et sauvegarder les milliers d’emplois menacés, il faut préparer une grève reconductible embrassant un maximum de magasins.

Les patrons de la grande distribution sont incapables de maintenir les emplois menacés par la crise du capitalisme. Ils devraient être expropriés et leurs entreprises placées sous le contrôle démocratique de leurs salariés. Cet objectif susciterait sans doute l’approbation de la masse des consommateurs, qui en ont assez d’être spoliés par les grands capitalistes de ce secteur.

Depuis le début de la mobilisation des enseignants de la Seine-Saint-Denis (93), les élèves de plusieurs lycées de ce département se mobilisent pour dénoncer leurs conditions d’études.

Début mars, dans une vidéo TikTok vue plusieurs millions de fois, les élèves et enseignants du lycée Blaise Cendrars, à Sevran, dénonçaient l’insalubrité et le manque de moyens criants de leur établissement. Cette vidéo a contribué à populariser la lutte que mènent enseignants et lycéens du 93 pour exiger au gouvernement un plan d’urgence.

Le 5 mars, des affrontements éclataient entre élèves et policiers au lycée polyvalent de Cachan, dans le Val-de-Marne. Des centaines d’élèves s’y étaient mobilisés spontanément pour les mêmes raisons que leurs camarades de Seine-Saint-Denis.

Assemblées générales, manifestations, blocages de lycées, tractages : les lycéens mobilisés apprennent vite comment mener la lutte. Ils ont notamment compris que le succès d’un tel mouvement passe par l’élargissement de la mobilisation à d’autres établissements. C’est avec cet objectif en tête que les lycées les plus actifs ont organisé des distributions de tracts dans les autres établissements scolaires du département – et ont conseillé leurs camarades qui souhaitent mobiliser leur lycée, eux aussi.

Le gouvernement craint la jeunesse

Cette mobilisation est symptomatique de la profondeur et de la combativité du mouvement initié par les enseignants du 93. En élargissant leur programme au-delà de leurs revendications immédiates, les enseignants ont créé les conditions d’une mobilisation impliquant les élèves et leurs parents. C’est exactement ce qu’il faut faire pour créer une dynamique de lutte impliquant l’ensemble des jeunes et des travailleurs concernés.

Par nature, les mobilisations lycéennes ont un caractère explosif et difficilement prévisible. Pour y mettre un terme, le gouvernement est tenté d’employer la force. Mais la répression brutale de jeunes lycéens est extrêmement impopulaire dans l’opinion et peut déclencher une mobilisation massive d’autres secteurs de la classe ouvrière. Voilà pourquoi le gouvernement craint particulièrement un embrasement de la jeunesse lycéenne, mais aussi étudiante.

Les lycéens du 93 se mobilisent pour défendre leur condition de vie et d’études. Mais ce sont les multiples oppressions et inégalités frappant les habitants de ce département qui alimentent leur détermination. Les préoccupations de la jeunesse lycéenne dépassent largement la question de leurs conditions d’études. Dans la lutte, nombre d’entre eux tireront la conclusion que seul le renversement du capitalisme leur garantira un avenir digne de leurs capacités et de leurs aspirations.

Mardi 2 avril, des enseignants, des personnels éducatifs, des élèves et des parents d’élèves sont descendus une nouvelle fois dans la rue partout en France.

Dans son communiqué du 26 mars, l’intersyndicale réclame « l’abandon des mesures “Choc des savoirs” », à commencer par les « groupes de niveaux », mais aussi « une revalorisation salariale sans contreparties et des moyens pour l’école publique ».

Depuis le 1er février dernier, plusieurs mobilisations nationales ont eu lieu à l’appel de la même intersyndicale – et sur la base des mêmes revendications. En réponse, le gouvernement a renommé les « groupes de niveaux » : il s’agira désormais de « groupes de besoins ».

C’est une mauvaise plaisanterie. Quel qu’en soit le nom, ce système ne peut qu’aggraver les inégalités sociales qui existent déjà. Les enfants des travailleurs les plus pauvres recevront un enseignement de moindre qualité. Et comme il sera postulé qu’un tel enseignement correspond à leurs « besoins », cela coupera court aux revendications des enseignants pour avoir plus de moyens et moins d’élèves par classe.

Aux revendications portant sur la « revalorisation salariale sans contreparties » et sur les « moyens pour l’école publique », le gouvernement répond en faisant exactement le contraire : il remet à l’ordre du jour la « rémunération au mérite » des fonctionnaires et annonce 700 millions d’euros de coupe budgétaire dans l’Education nationale.

Quelle stratégie ?

Il est clair que les mobilisations, comme celle du 2 avril, à elles seules, n’y changeront rien. Mais cela renvoie à un problème plus général : la stratégie des « journées d’action » saute-mouton ne peut pas faire reculer le gouvernement. C’est vrai au niveau interprofessionnel ; ça l’est aussi – et à plus forte raison – à l’échelle d’un seul secteur.

L’intersyndicale souligne la « fébrilité » du gouvernement face aux nombreuses initiatives et mobilisations des enseignants, des élèves et des parents d’élèves en Seine-Saint-Denis – qui est l’avant-garde du mouvement – et dans bien d’autres départements.

Oui, le gouvernement observe avec inquiétude l’ébullition sociale qui traverse l’ensemble de l’Education nationale. Mais il ne reculera que face à la généralisation de la grève reconductible des enseignants et à l’extension du mouvement gréviste à d’autres secteurs de la classe ouvrière. Dès lors, l’enjeu sera la chute du gouvernement lui-même. Dans le contexte actuel, toute autre stratégie est une impasse.

Située dans les quartiers nord de Marseille, la blanchisserie Pamar appartient à un grand groupe de santé privé. Elle compte une vingtaine de salariés qui ont pour mission de traiter le linge des cliniques Beauregard, Saint-Jean et Vert Coteau.

Dénonçant des conditions de travail insupportables, les salariés sont en grève depuis le 15 janvier.

La cadence de travail exigée est telle que les salariés n’ont même pas de chaise pour s’asseoir. Ils passent directement du traitement du linge sale à celui du linge propre sans pouvoir prendre de douche ou changer de tenue. Plusieurs d’entre eux se sont brûlés en intervenant sur les machines, car ils n’ont pas le temps de les laisser refroidir. Soumis à de très fortes chaleurs, ils frôlent souvent la déshydratation et le malaise. Selon leur direction, une seule bouteille d’eau par journée de travail serait suffisante.

Kalah, salariée de Pamar et militante à la CGT, nous explique que faute de bonnes conditions de travail, le linge propre destiné aux nourrissons hospitalisés peut se retrouver mélangé à des draps souillés ou à du linge « contaminé ». Une autre salariée témoigne : « Dès le matin, la cheffe d’équipe nous crie dessus en permanence. Elle nous insulte, nous humilie, nous menace de mort. Elle n’arrête pas de traiter l’un de mes collègues de singe. Et quand on a le malheur de répliquer, elle nous menace de nous renvoyer à Pôle emploi. »

Les différentes tentatives de médiation avec l’Inspection du travail, tout comme la saisine de l’ARS, n’ont rien changé. Les patrons ont même embauché des intérimaires pour tenter de briser la grève. Les frais de blanchisserie ont fortement augmenté cette année – de 64 %, par exemple, en ce qui concerne la clinique Beauregard, par ailleurs actionnaire de Pamar. Cela représenterait près de 500 000 euros supplémentaires dans le chiffre d’affaires du groupe. Les salariés n’en voient pas la couleur.

Depuis plus de 100 jours, les salariés de Pamar dénoncent une hygiène déplorable et un management digne de l’esclavage. Kalah explique : « Travailler dans ces conditions ne nous plaît pas, parce que ce sont des vies qui sont en jeu. Si les patrons de Pamar ne pensent pas aux malades et aux nouveau-nés, nous on pense vraiment à eux. Parce que ce sont eux, notre avenir. Aujourd’hui on a décidé de lever la tête, de lutter pour nous, pour les patients, pour les soignants et pour le public. »

Pour soutenir cette lutte, vous pouvez participer à la caisse de grève « Solidarité Pamar » sur cotizup.com.

En Seine-Saint-Denis, la lutte se poursuit dans l'Education Nationale. Après une première journée de mobilisation réussie hier, une bonne partie du personnel a reconduit la grève aujourd’hui.

Dans le département, les conditions de travail et d'étude sont particulièrement mauvaises. Les grévistes réclament un plan d’urgence pour le 93 qui comprend, entre autres, la création de plusieurs milliers de postes (enseignants, CPE, AESH, AED, etc) et l’abaissement à 20 du nombre maximum d’élèves par classe.

Les ministres changent, la politique reste la même

Suite à ses déclarations scandaleuses en faveur des écoles privées – et sous la pression de la grève du 1er février – la ministre Amélie Oudéa-Castéra a dû céder sa place à Nicole Belloubet. A l’Education Nationale, les ministres se succèdent mais la politique reste la même. Elle consiste à réduire les budgets et faire des économies sur le dos des élèves et du personnel. Tout récemment, le gouvernement a d’ailleurs annoncé 700 millions d'euros de coupe budgétaire pour l'école. Cette cure d’austérité sera particulièrement désastreuse pour le département du 93, qui est le plus pauvre de France et qui manque déjà cruellement de moyens.

Comment gagner ?

Hier, 40 % des professeurs étaient en grève, avec des pics à 70 % dans certains collèges et lycées. Il est clair que la volonté de lutter est présente. Pour l’emporter, il faut aller vers une grève reconductible offensive. C’est cette perspective que les camarades de Révolution ont défendue, hier, lors d’une Assemblée Générale des personnels en grève.

 

 

Depuis la rédaction de cet article, les grévistes ont eu gain de cause sur une partie de leurs revendications. Cependant, Spencer n'a pas été réintégrée. Une procédure judiciaire sera engagée afin de revenir sur ce licenciement abusif.

Le jeudi 15 février 2024, les salariés de la librairie d’occasion Boulinier, à Saint-Michel (Paris) se sont mis en grève. Leur revendication est claire : le respect des droits des salariés, qui sont bafoués par la direction de cette entreprise « familiale ». A quoi s’est ajouté le licenciement de Spencer, une salariée que Révolution a rencontrée le 16 février. 

Licenciement abusif 

« Ce licenciement est celui de trop ! », affirment les salariés en grève dans un communiqué. Six jours après un entretien avec Spencer, la direction l’a licenciée sur des motifs arbitraires : « Le fait exact qui est signalé, dans mon licenciement, est un désaccord avec un client :  il me demandait une réduction que je n’étais pas autorisée à lui faire. Mais sous prétexte que ce client est connu depuis plus de 40 ans et qu’il a les numéros des patrons, la direction considère qu’il est plus légitime que moi dans ses revendications, et qu’il est donc justifié de me licencier. » Ce client avait déjà eu des comportements véhéments envers d’autres salariés. En prenant une sanction lourde et abusive, la direction manifeste son mépris envers le personnel.

Les procédures disciplinaires abusives sont fréquentes, chez Boulinier. Sur la base de « faits » inexistants, les salariés subissent des pressions sous la forme des convocations et d’avertissements. La direction n’écoute jamais ce qu’ils essayent de lui dire : « A aucun moment on ne se sent libres de finir nos phrases »,  explique Spencer.

Vidéosurveillance 

Les salariés sont « vidéo-surveillés » de manière permanente par la direction, et ce depuis des années, alors que ce procédé est parfaitement illégal. « Ça n’est pas une technique qui a été utilisée dans ma situation, mais elle l’a été pour des collègues qui ont subi la même pression professionnelle et un harcèlement au quotidien. On leur a reproché certains faits à partir de la vidéosurveillance. Or cette technique est illégale. C’est censé nous protéger et pas nous fliquer », explique Spencer.

Les salariés réclament le respect de la loi et l’arrêt immédiat des sanctions injustifiées. La direction s’est d’abord engagée à satisfaire ces revendications, mais dans les faits les problèmes ont continué, ce qui a poussé les salariés à tenir un piquet de grève devant le magasin du boulevard Saint-Michel.

Remarques sexistes et homophobes

Il arrive régulièrement que des clients tiennent des propos sexistes et homophobes, nous explique Spencer. « Et lorsque nous les signalons à la hiérarchie, elle nous répond que nous devons rester tolérants, courtois, et ne pas le prendre personnellement. C’est précisément la phrase qu’on nous répète régulièrement : "Il ne faut pas le prendre personnellement". Comme si c’était possible ! Car enfin, c’est nous qui sommes personnellement insultées. »

Pour ne pas froisser les clients (qui « est roi »), la direction manque à ses obligations et refuse de prendre les mesures nécessaires pour protéger ses employés. Pourtant, Loïse Boulinier, directrice générale déléguée de Boulinier, affirmait en 2022, sur BFMTV, que « le but [pour les clients] est de venir en boutique dans des véritables lieux de vie, d’échanger. Il y a une ambiance chez nous qu’il n’y a pas ailleurs. » En réalité, l’« ambiance » actuelle à Boulinier est celle du flicage, des propos désobligeants des clients à l’égard des salariés, mais aussi des sanctions disciplinaires abusives et répétitives.

Solidarité

« On est quand même assez solidaires », souligne Spencer. « Aujourd’hui [le 16 février] il y a douze salariés sur vingt-cinq présents sur le piquet de grève. Mais hier, c’était 80 % de l’effectif en grève, et on reçoit énormément de soutien des clients qui passent et échangent avec nous. »

Les salariés en grève revendiquent une prévention et une lutte effective contre les comportements discriminatoires et à caractère sexuel au sein de l’entreprise. Ils demandent l’arrêt de la vidéosurveillance du personnel et l’arrêt de toutes les sanctions disciplinaires abusives. Et enfin, ils demandent la réintégration de Spencer et la levée de toutes les sanctions arbitraires. Une cagnotte en soutien aux travailleurs en grève a été ouverte. 

« Il y a des vies en jeu, il y a des situations en jeu, moi je ne peux pas me permettre de perdre mon travail, et ce n’est pas justifié pour mes collègues qui font très bien leur travail qu’ils aient des avertissements à tue-tête sans raison valable », conclue Spencer.

 

L e 16 novembre dernier, la direction de la faculté Schuman, à Aix-en-Provence, annonçait la suppression de 332 places (sur 1032) en première année de psychologie. Cette coupe drastique devait être effective dès la rentrée de septembre 2024.

La raison d’une telle décision est – ô surprise – budgétaire. La filière de psychologie de cette fac a beau avoir une excellente réputation à l’échelle nationale, cela ne pèse rien face à l’argument suivant : « il faut faire des économies ». En outre, comme chacun le sait, les études de psycho ne peuvent guère contribuer au « réarmement de la France ».

Au lieu d’assumer la logique bassement budgétaire de sa décision, la direction de l’université a expliqué, sans sourciller, que le nombre de places supprimées correspondait au nombre d’abandons en première année. Magnifique argument ! A la limite, la direction de la fac rend un fier service à tous ceux qui auraient commis l’étourderie de s’inscrire en psycho, à la rentrée prochaine, alors qu’ils étaient statistiquement prédestinés à l’abandon.

La puissance de cette démonstration mathématique aurait désarmé toutes les oppositions si la direction de la faculté n’avait pas cru bon de formuler un deuxième argument, que voici : il y a trop d’étudiants inscrits en psycho au regard des moyens dont dispose la faculté Schuman.

Mais voilà qui change tout ! Car dès lors, la théorie des « abandons prévisibles » s’effondre au profit d’une nouvelle perspective, et même d’une alternative claire à la suppression de places : l’allocation de moyens supplémentaires.

Mieux encore : l’argument portant sur le manque de moyens offre un début d’explication aux abandons eux-mêmes – car il est vrai que les conditions d’étude, en psycho, sont loin d’être idéales : les amphithéâtres sont tellement bondés que les étudiants doivent arriver au moins 15 minutes en avance pour avoir une chance de ne pas être assis… par terre.

Le 28 novembre, une trentaine de militants syndicaux – dont une majorité de la Fédération syndicale étudiante (FSE) – envahissaient et interrompaient la réunion de la « Commission de la formation et de la vie universitaire » censée ratifier les suppressions de places. Quelques semaines plus tard, on apprenait que 100 places, et non plus 332, seraient supprimées. Il n’y a pas de quoi crier « victoire ». C’est une régression inacceptable qui, plus que jamais, souligne l’urgence d’une lutte massive pour un enseignement supérieur de qualité et accessible à tous.

En septembre dernier, la maire UDI d’Aubervilliers, Karine Franclet, a annoncé son intention d’expulser les syndicats du bâtiment occupé par la Bourse du travail. En plein conseil municipal,
lors d’une discussion sur la domiciliation d’une association, l’édile a signalé que « 400 m² » allaient « se libérer ». L’information est d’abord accueillie par un bref silence interrogatif : « 400 m² » ? Puis, très vite, un élu du PCF fait le lien : la mairie veut expulser les syndicats de la Bourse du travail ! Karine Franclet confirme.

En guise de « solution », la maire de cette ville de 83 000 habitants suggère aux syndicats de réserver des salles municipales pour organiser leurs permanences. Ainsi serait garantie « l’équité » entre associations, ose affirmer Karine Franclet. En réalité, il s’agit évidemment d’une attaque délibérée contre les syndicats. La Bourse du travail est un lieu précieux qui doit être défendu, a fortiori dans l’une des villes les plus pauvres de France. Elle permet à la fois de conseiller les travailleurs qui en ont besoin et d’organiser le mouvement ouvrier local.

Ces derniers mois, les syndicats de la ville ont organisé une campagne d’affichage et cinq manifestations pour protester contre ce projet d’expulsion. En janvier, ils ont mis en place une « veille permanente » des lieux. L’expulsion était prévue pour le 12 janvier, mais à l’heure où nous écrivons ces lignes personne n’est venu déloger les syndicats. « Pour l’instant », menace Didier Vallet, le chef de cabinet de Karine Franclet. Il exclut de revenir sur la décision de la mairie – et, au passage, nie toute « position dogmatique » de l’équipe municipale. Après tout, explique-t-il, Aubervilliers n’est « pas la seule ville » (de droite) à déloger sa Bourse du travail.

Effectivement : en 2014, le maire (de droite) du Blanc-Mesnil a lui aussi expulsé les syndicats de leurs locaux. A Arles, le maire (de droite) veut transformer la Bourse du travail en office de tourisme. Nous laissons au lecteur le soin de décider du caractère « dogmatique » ou non des décisions de ces maires (de droite). Mais leur caractère de classe, lui, ne fait aucun doute !