Le 29 mai dernier, l’Agence France Presse annonçait à Paris un temps « nuageux avec des averses éparses de plastique ». Ce bulletin météorologique, digne d’un roman de science-fiction, reflète la dystopie dans laquelle le capitalisme est en train de plonger l’humanité. Chaque jour, entre 40 et 48 kilos de plastique sont en suspension dans l’air au-dessus de la capitale.

Le plastique pollue toute la planète, de sorte qu’on le retrouve partout : dans nos villes, au fond des océans, dans nos aliments, dans les forêts les plus lointaines, sur les plages les plus reculées, et même dans les glaces de l’Arctique. Chaque année, le capitalisme produit plus de 430 millions de tonnes de plastique, et 167 000 tonnes de granulés plastiques se retrouveraient dans la nature, soit l’équivalent de 40 milliards de bouteilles plastiques.

La production mondiale de ce matériau a triplé en 25 ans. La planète en consomme 200 fois plus qu’en 1950. Or si rien ne change, l’avenir ne sera guère plus réjouissant : la croissance de la production mondiale de plastique est de 4,5 % par an depuis 1990, en moyenne, et l’OCDE prévoit que la production annuelle pourrait tripler d’ici 2060. La quantité de déchets plastiques augmentera donc dans des proportions similaires.

Impacts multiples

Pour comprendre tous les impacts de ce matériau, il faut considérer l’ensemble de sa chaîne de production. 99 % des plastiques mis en circulation sont produits à partir de pétrole (70 % de la matière première), de gaz (25 %) et de charbon (entre 1 et 5 %). La quasi-totalité des types de plastique étant fabriquée à partir de ressources fossiles, son impact sur l’environnement débute dès sa phase d’extraction, via des méthodes ultra-polluantes telles que la fracturation hydraulique, un procédé utilisé pour extraire du gaz de schiste.

Lors de la phase de raffinage, où le pétrole est transformé en naphta et le gaz en éthane – deux éléments nécessaires à la fabrication de plastique –, d’énormes quantités d’eau douce sont consommées pour séparer les hydrocarbures. L’ultime étape, consistant à transformer les matières traitées en plastique, nécessite l’utilisation de nombreux additifs classés cancérigènes ou hautement toxiques.

Dans l’industrie du plastique, le pétrole et le gaz ne constituent pas seulement l’énergie utilisée pour produire le matériau et le transformer ; ils sont aussi sa matière première. De fait, cette industrie est la plus énergivore au monde. Elle est aussi la troisième industrie en termes d’émissions de gaz à effet de serre (GES), après la cimenterie et la sidérurgie. Selon le GIEC, la production et l’incinération de plastique, à l’échelle mondiale, libèrent plus de 850 millions de tonnes de GES dans l’atmosphère, soit autant que 189 centrales à charbon de taille moyenne.

Le rôle de la pétrochimie

Premier dérivé du pétrole, le plastique est devenu le nouvel eldorado des géants pétro-gaziers. Selon l’Agence Internationale de l’Energie, la pétrochimie mondiale consomme déjà 14 % de la production totale de pétrole, et 8 % de celle de gaz. Ce secteur est appelé à croître d’un tiers entre 2020 et 2030 : l’utilisation de pétrole comme matière première pétrochimique devrait atteindre les 3,3 millions de barils par jour d’ici 2040. A ce rythme, le pétrole sera donc davantage utilisé pour la fabrication de plastique que comme carburant pour les voitures.

La multiplication de projets de construction, d’agrandissement ou de reconfiguration de raffineries orientées vers la production de plastique témoigne de l’engouement des multinationales pétro-gazières pour ce matériau. Le géant saoudien Aramco, premier exportateur mondial de pétrole, a annoncé 100 milliards de dollars d’investissements dans la pétrochimie au cours de la prochaine décennie. En avril 2018, il a signé avec des compagnies pétrolières indiennes la construction d’un gigantesque site pétrochimique dans l’Etat du Maharashtra, pour un coût estimé à 44 milliards de dollars. A Jubail, en Arabie Saoudite, il s’est lié au français Total pour engager 5,5 milliards de dollars dans l’agrandissement de l’un des sites de raffinage les plus rentables au monde. Baptisé « Amiral », ce projet pharaonique devrait permettre de produire chaque année 2,7 millions de tonnes de produits chimiques, dès 2024. Et ainsi de suite.

Alors que se sont tenues au siège parisien de l’UNESCO, début juin, des négociations de 175 pays pour conclure un futur traité international contre la pollution du plastique, une « Coalition pour la haute ambition » regroupant une cinquantaine de pays a affiché l’objectif de « mettre fin à la pollution plastique d’ici à 2040 ». Ce sont autant de vœux pieux et hypocrites, pour la simple et bonne raison que ses auteurs n’ont pas la moindre intention de s’attaquer à la véritable source du problème : le mode de production capitaliste – et l’immense source de profits que représente le plastique pour les multinationales pétro-gazières.

Le mouvement ouvrier est donc confronté à l’alternative suivante : soit exproprier ces multinationales et mettre un terme à ce fléau, soit subir des « averses de plastique » de plus en plus fortes – entre autres calamités.

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