Cet article, écrit le 24 octobre 2012, est la suite de l’article Hobsbawm était-il un marxiste ? (1ère partie)


Les années 60 laissant place aux années 70, Hobsbawm arrêta de défendre l’économie nationalisée et planifiée pour devenir membre de la tendance Eurocommuniste – à l’intérieur du Parti Communiste Britannique (PCGB). Il y fournit des justifications théoriques non seulement en faveur de la dissolution du Parti Communiste, mais également pour le virage droitier du Parti Travailliste de Grande-Bretagne, ce qui lui valut l’épithète de « communiste préféré » de la part de Neil Kinnock.

La rupture d’Hobsbawm avec le Stalinisme

En 1956, Khrouchtchev exposa les crimes du stalinisme lors du 20e congrès du Parti Communiste Soviétique. Le résultat eut l’effet d’une bombe sur ceux qui, comme Hobsbawm, avaient servilement défendu le stalinisme pendant des années.

Bien qu’il rompit officiellement avec le stalinisme, Hobsbawm persista dans la justification de son passé stalinien jusqu’à la fin – tout en cherchant à couvrir ses traces. Dans un de ses derniers livres, ironiquement intitulé Comment changer le monde, voici ce qu’il écrit sur les fameuses purges de Staline :
« Il est impossible de comprendre la réticence des hommes et des femmes de gauche à critiquer, ou même le plus souvent à reconnaître ce qu’il se passait en URSS ces années-là, ou l’isolement des critiques de gauche sur l’URSS, sans réaliser que dans cette bataille contre le fascisme, le communisme et le libéralisme combattaient, au sens profond, pour la même cause. Sans oublier de mentionner le fait évident que, dans le contexte des années 30, ce que Staline a fait était un problème russe, certes choquant, mais ce que Hitler fit était une menace mondiale. » (How to change the world, p. 268)

Les infâmes procès de Moscou n’étaient rien d’autre qu’une violente guerre interne menée par Staline contre le Parti Bolchévique et contre les vétérans bolcheviks de la Révolution d’Octobre – dont en particulier Léon Trotsky — qui avaient participé à la création de l’Union Soviétique en compagnie de Lénine. Dans le but de consolider la bureaucratie totalitaire du régime, Staline se devait d’exterminer tous les camarades de Lénine. Comme un criminel des plus ordinaires, il ne voulait laisser aucun témoin en vie qui aurait pu le dénoncer.

Ces procès truqués ont été élaborés sur la base de confessions et d’aveux extorqués par le chantage et la torture. Les charges contre les accusés étaient si manifestement fausses que, même à l’époque, énormément de monde doutait de leur véracité. D’ailleurs, elles ont été totalement dénoncées par la Commission Dewey [1]comme étant une gigantesque supercherie.

D’éminents stalinistes britanniques comme Campbell et Prit écrivirent des livres entiers sur le sujet, tentant de démontrer que les procès de Moscou étaient complètement légaux et justes. Le journal du parti communiste américain, The Daily Worker suivit Moscou et placarda en gros titre à sa une : « Tuons la vermine ! ». Les accusés y étaient décrits dans les termes les plus abjects : « Ils sont un chancre purulent et douloureux et nous faisons écho avec ferveur au verdict des travailleurs : tuez la vermine ! » (Daily Worker, 24 août 1936).

De tout cela, notre ami Hobsbawm n’a rien à dire. Sa seule inquiétude n’est pas de dénoncer ces monstruosités — que l’on peut réellement comparer à l’inquisition espagnole —, mais de justifier sa complicité à ce régime ainsi que celle de gens comme Pritt et Campbell, lorsqu’ils étaient tous prêts à soutenir chacun des crimes de Staline.

De nos jours, tout le monde ayant été parfaitement informé des crimes de Staline, Hobsbawm ne pouvait plus les défendre. Mais il se révéla avide de trouver des excuses à son comportement de l’époque. Pour lui, ce n’est pas un souci d’avoir soutenu les procès de Moscou « à cause de la nécessité de lutter contre le fascisme ». Concernant la brochure qu’il écrivit avec Raymond Williams défendant le pacte entre Hitler et Staline, une fois de plus, il n’a rien à en dire. Vraisemblablement, cela faisait partie aussi de la « lutte contre le fascisme » !

Les révélations de Khrouchtchev provoquèrent immédiatement un ferment révolutionnaire en Europe de l’Est qui conduisit à des manifestations de masse en Pologne et au soulèvement de la classe ouvrière en Hongrie. En octobre 1956, la révolution hongroise fut brutalement réprimée par les tanks soviétiques. Cela provoqua une crise sérieuse dans les partis communistes, y compris en Grande-Bretagne où beaucoup de monde quitta le parti en signe de protestation.

Hobsbawm prétendit plus tard qu’il avait dénoncé l’invasion de la Hongrie par la Russie et qu’à l’époque il avait écrit au journal du Parti Communiste pour protester. C’est, au mieux, une demi-vérité. Voici véritablement ce qu’il écrivit dans la lettre qu’il publia le 9 novembre 1956 dans le Daily Worker :
« Tous les socialistes devraient être en mesure de comprendre qu’une Hongrie à la Mindszenty [Mindszenty était le cardinal catholique de Budapest], aurait probablement pu devenir une base d’opérations pour la contre-révolution. Elle pouvait être un danger sérieux et grave pour l’URSS, pour la Yougoslavie, pour la Tchécoslovaquie et pour la Roumanie qui bordent celle-ci. 
« Si nous avions été à la place du gouvernement soviétique, nous serions intervenus ; et si nous avions été à la place du gouvernement yougoslave, nous aurions été pour l’intervention. »

Hobsbawm continue ensuite de couvrir ses traces — il décrit la répression du peuple hongrois comme une « nécessité tragique » :
« Tout en approuvant, avec le cœur lourd, ce qu’il se passe actuellement en Hongrie, nous devrions dire aussi franchement que nous pensons que l’URSS devrait retirer ses troupes du pays dès que possible.
« Cela devrait être dit publiquement par le Parti Communiste Britannique si les Britanniques ont un minimum confiance en notre sincérité et en notre jugement ; et s’ils n’ont pas confiance, comment peut-on attendre de leur part qu’ils suivent notre orientation ?
« Et s’ils ne suivent pas notre orientation, comment peut-on espérer aider la cause des états socialistes existants que nous connaissons, ainsi que le socialisme dans le monde, dont la Grande-Bretagne dépend en grande partie ? »

Ceci ne peut être présenté comme une « dénonciation » de quoi que ce soit, mais plutôt comme une façon assez lâche de faire face à toutes les éventualités. Cette attitude si malhonnête était tout à fait la caractéristique d’Hobsbawm –, et ce, du début à la fin.

« Eurocommunisme »

Alors que de nombreux membres du PC avaient déchiré leurs cartes en signe de dégoût, il resta membre du Parti Communiste Britannique presque jusqu’à sa dissolution en 1991. Dans un article publié le 26 janvier 1957 dans Les Nouvelles du Monde, répondant au secrétaire adjoint du Parti communiste George Matthews, il écrivait :
« Nous avons présenté les faits de manière incorrecte ou omis d’y faire face, et malheureusement, bien que nous ayons ridiculisé quelques personnes, nous nous sommes aussi ridiculisés. Je ne parle pas principalement des faits révélés lors du XXe Congrès ou des autres du même genre. Beaucoup d’entre nous avaient de forts soupçons à leur égard — équivalent à une certitude morale — et ce bien des années avant que Khrouchtchev ne parle. Et je suis étonné que le camarade Matthews n’en ait pas eu. Il y avait des raisons écrasantes à l’époque de garder le silence, et nous avons eu raison de le faire. Non, là où nous avons véritablement échoué, c’est de ne pas avoir fait face à la réalité de la Grande-Bretagne, à nos tâches et à nos erreurs ».

La rupture d’Hobsbawm avec le stalinisme aurait pu être une avancée si elle avait signifié un retour aux traditions authentiques de Lénine et du Parti Bolchevick. Mais au lieu de revenir à Lénine, Hobsbawm et les autres défenseurs du soi-disant Eurocommunisme décidèrent d’abandonner le léninisme en totalité. Et plus les partis communistes européens devenaient indépendants de Moscou, plus ils devenaient dépendants de leur bourgeoisie nationale.

Trotsky avait prévu ce développement dans sa brochure Critique du projet de programme de l’Internationale Communiste parue en 1928. Il y avertit que l’adoption de la « théorie » du socialisme dans un seul pays se terminerait par la dégénérescence nationale-réformiste des partis de l’Internationale Communiste. Avec un retard de quelques années, ce fut exactement ce qu’il se passa. Les partis communistes italien, français et espagnol s’affranchirent du contrôle de Moscou, mais ce faisant, ils abandonnèrent toute prétention de suivre les idées de Marx, Engels et Lénine.

Hobsbawm est devenu une figure de proue de la tendance eurocommuniste dans le Parti Communiste de Grande-Bretagne (PCGB). Celle-ci commença à se développer après 1968, lorsque le PCGB critiqua l’invasion soviétique de la Tchécoslovaquie. Mais Hobsbawm fit cette critique d’un point de vue étroit et nationaliste. Il voulait que le parti britannique contrôle ses propres affaires, sans l’ingérence de Moscou. De la même manière, les dirigeants des Partis italien, français et espagnol réclamèrent la même chose.

En Grande-Bretagne, le journal théorique du parti communiste Marxism Today, devint l’organe de la tendance révisionniste. En septembre 1978, un discours d’Hobsbawm y fut publié « La classe ouvrière britannique, 100 ans après Marx ». Hobsbawm y affirmait que la classe ouvrière avait irrémédiablement perdu son rôle central dans la société et que, désormais, les partis de gauche ne pouvaient plus s’appuyer sur cette classe. C’était précisément la période de croissance du militantisme syndical, où la Grande-Bretagne était le théâtre de grèves de masse qui ont secoué la classe dirigeante, et dans lesquelles les dirigeants du Parti communiste ont joué un rôle de premier plan.

En juillet 1979, encore avec la revue Marxism Today, Hobsbawm choisit ce moment pour donner une conférence sur Marx, publiée plus tard sous le titre La marche en avant du Labour stoppée (The Forward March of Labour Halted). Il commença à remettre en question le rôle de la classe ouvrière dans la révolution socialiste. Il s’avère que, depuis, cet argument est devenu un cri de ralliement pour toutes les tendances petites-bourgeoises et révisionnistes, à l’intérieur comme à l’extérieur du mouvement ouvrier. L’ancien journal du PCGB, The Morning Star, a publié une nécrologie le 5 octobre 2012 dans laquelle on peut lire la chose suivante :
« Écrivant au moment où le mouvement syndical était au sommet de sa puissance – et la gauche influença énormément cela – Hobsbawm affirma que la classe ouvrière était en déclin numérique, et que le caractère de la politique était par nature économique. Prise au piège des limites des négociations salariales égoïstes, la gauche devait, par conséquent, chercher à l’avenir à élargir ses alliances au sein des mouvements sociaux.
« Cette conférence est devenue un texte emblématique de cette aile au sein du Parti communiste, qui cherchait à détourner le parti de la politique de classe et contestait les éléments clés du marxisme. »

Ces idées révisionnistes ne sont pas tombées du ciel. Après des décennies de politique opportuniste — et sous les énormes pressions du capitalisme durant la longue croissance économique d’après-guerre —, le processus de dégénérescence nationaliste et réformiste des partis communistes était achevé. Ils devinrent des organisations réformistes comme les autres. En rompant avec Moscou, ils tombèrent de plus en plus sous la pression de leur propre classe capitaliste, et de l’opinion publique bourgeoise. Voilà quelle était la signification réelle du soi-disant « Eurocommunisme ».

Toutes les conclusions qu’Hobsbawm a tirées du coup d’État au Chili en 1973 furent erronées. Pour lui, la leçon n’était pas qu’Allende avait échoué en ne mobilisant pas la classe ouvrière, et en ne l’armant pas pour écraser la contre-révolution. Au contraire, pour lui, Allende avait échoué car il avait essayé d’aller trop loin et trop vite. En cela, Hobsbawm soutint la ligne réformiste du PC italien, la ligne du « compromis historique », c’est-à-dire la ligne de collaboration de classes.

Durant les années 60 et 70, Hobsbawm développa des liens étroits avec l’aile droite du Parti Communiste Italien (PCI), qui préconisait la rupture avec l’Union Soviétique. Hobsbawm a toujours admiré le PCI. De tous les partis communistes européens, le PCI était celui qui avait le plus dégénéré à droite. Hobsbawm devint un proche de Giorgio Napolitano, qui dans les années 70 était le leader de l’aile droite du PCI. Il était le plus réformiste des réformistes, un homme en qui la bourgeoisie avait tellement confiance qu’elle le choisit comme Président de la République.

En 1977, Hobsbawm arrangea une longue interview avec Girogio Napolitano, ainsi qu’avec le secrétaire international du PCI, et également avec l’un des leader de la droite Eurocommuniste. Plus tard, il publia l’interview sous la forme d’un livre La route italienne vers le socialisme, où Napolitano dit ceci :
« Le seul chemin réaliste pour une transformation socialiste en Italie et dans l’Europe occidentale – en temps de paix – se trouve à travers la lutte pour le processus démocratique. »

La politique des « broad alliances » (alliances ouvertes et larges) est un retour aux politiques des mencheviks, auxquelles était férocement opposé Lénine. Ressuscitées par Staline à travers la forme du Front Populaire, elles enchaînèrent défaite après défaite. L’idée de réformes graduelles est impossible à différencier de la position de la Sociale Démocratie. L’idée même qu’il soit possible de réformer le capitalisme graduellement est contredite par toute l’histoire de ces cent dernières années. Le résultat de ce « réalisme », visible aujourd’hui, c’est que le tout-puissant PCI d’autrefois a été complètement liquidé.

Avec la chute du stalinisme, et après 1989, ce processus de dégénération s’intensifia davantage. Le résultat fut l’effondrement quasi total des partis communistes de Belgique, de Grande-Bretagne et de Norvège. En Italie, le Parti Communiste autrefois puissant se transforma en un parti bourgeois grâce à ses leaders eurocommunistes. En Grande-Bretagne, le Parti Communiste originel du « théoricien » Eric Hobsbawm capitula complètement devant le capitalisme, et se plaça même plus à droite que les tendances de gauche du Parti Travailliste.

Hobsbawm se déplace vers la droite

Le déclin littéraire d’Hobsbawm s’est déroulé en tandem avec sa dégénérescence politique, car elle lui est étroitement liée. Mais d’où vient cette dégénérescence ? Afin de répondre à cette question, il faut d’abord comprendre le contexte historique dans lequel ces livres ont été écrits.

Les années 60 ont vu une vague de radicalisation, en particulier parmi les étudiants, qui a dû toucher Hobsbawm. Ce processus débuta avec la première récession mondiale depuis 1945, pour s’approfondir dans les années 70. Il s’en suivit une vague de révolutions et de ferment révolutionnaire au Portugal, en Espagne, en Grèce, en Italie et en France. La Grande-Bretagne elle-même a été balayée par une vague de grèves. Il ne fait aucun doute que ces événements ont dû avoir une influence positive sur les écrits d’Hobsbawm, et ce n’est pas un hasard si ses meilleurs livres ont été publiés à cette époque.

En avril et mai 1974, à la suite de la chute de la dictature de Caetano, des millions de travailleurs portugais descendirent dans les rues. Ce mouvement révolutionnaire balaya tout sur son passage. Le Parti Communiste Britannique apporta son soutien au Général Spinola qui tenta plus tard d’organiser un coup d’État. C’est uniquement grâce à la mobilisation des travailleurs et des soldats – en particulier de la base du mouvement — que ce coup d’État fut évité.

En mars 1975, The Times publia un édito ayant pour titre : « Le Capitalisme est mort au Portugal ». Et cela aurait dû être le cas. À cette époque, la majorité de l’économie avait été nationalisée, et le pouvoir était, en pratique, entre les mains de la classe ouvrière. Mais tout cela a été réduit à néant du fait des politiques des dirigeants des partis socialiste et communiste. La même chose s’est déroulée en Espagne.

La mort de Franco, en novembre 1975, était le signal d’entrée dans une période révolutionnaire tumultueuse, avec des grèves et des manifestations de masse. Des éléments de double pouvoir étaient présents. Le mouvement social avait un caractère nettement anticapitaliste. Le parti communiste espagnol était dans une position extrêmement puissante. Il comptait dans ses rangs une large majorité de l’avant-garde prolétarienne. Mais, comme dans les années 30, la direction avait une politique de collaboration de classes.

En 1973, alors que la dictature était chancelante, les dirigeants communistes espagnols avaient déjà signé la « Junta democratica » — une infâme coalition avec les libéraux, d’anciens fascistes et comptant même certains partis monarchistes. Les travailleurs étaient pourtant prêts à tout. Mais le PCE (Parti Communiste Espagnol) freina des quatre fers. Lors de son congrès de 1978, le parti abandonna officiellement le léninisme. En vérité, c’était juste une reconnaissance formelle du fait que le parti avait depuis longtemps abandonné toute position authentiquement révolutionnaire.

Cette période est connue sous le nom de « Transition Démocratique » (prétendument de la dictature à la démocratie), mais en réalité ce fut la fraude du siècle. La monarchie détestée fut maintenue, et joua un rôle central. La Garde civile et d’autres organes de répression restèrent en place. Personne ne fut tenu responsable des crimes et des atrocités de l’ancien régime. Les assassins et les tortionnaires marchaient librement dans les rues. On demanda au peuple espagnol d’oublier le million de personnes tuées durant la guerre civile, comme s’il ne s’était rien passé.

Durant ces années-là, l’Italie aussi a été secouée dans ses fondements par une énorme vague de grèves. La situation devenait de plus en plus révolutionnaire. Le PCI (Parti Communiste Italien) dominait le mouvement ouvrier de manière écrasante. Mais les dirigeants eurocommunistes comme Berlinguer et Napolitano prônaient un « compromis historique » avec la bourgeoisie et les démocrates-chrétiens. Comme en Espagne, cela dévia et détruisit le mouvement. Le problème, comme en Espagne dans les années 1930, était fondamentalement un problème de direction. Les dirigeants « communistes » ont partout joué un rôle clé dans l’avortement des mouvements révolutionnaires.

Les années 70, « rouges » et si pleines d’espoir, ont finalement cédé la place à la grisaille des années 80 — une période de désillusion, d’abattement et de désespoir. Le résultat fut une vague de désenchantement qui prépara la voie à une période de semi-réaction, et ce, dès le début des années 80. En conséquence, le capitalisme survécut et la bourgeoisie retrouva graduellement son audace, et passa à l’offensive. Les ouvriers de l’avant-garde du monde entier furent saisis par une humeur de scepticisme et de pessimisme.

Les écrits d’Hobsbawm reflètent la désillusion générale du socialisme affectant les intellectuels de gauche de cette époque. Comme il l’écrivait en 1978 : « Nous n’avons pas de perspective claire sur la façon dont la crise peut amener à la transformation socialiste et, pour être honnête, pas d’attente réelle que cela n’arrive. » Nous avons ici l’essence distillée d’un intellectuel petit-bourgeois qui, incapable d’aller à contre-courant, déserte le combat révolutionnaire et bat en retraite, derrière le mur du pessimisme.

Hobsbawm et la liquidation du Parti Communiste

Hobsbawm évolua de plus en plus vers la droite. Dans ses derniers livres, la mince « attache » marxiste qui avait pu exister auparavant disparut complètement. L’âge des empires (1987) contient beaucoup de documentation intéressante, mais l’ouvrage est complètement imprégné par l’idée qu’il n’y a aucune alternative au capitalisme – une idée qui poursuivit l’esprit d’Hobsbawm jusqu’à la fin, et qui conditionna son évolution politique. La conclusion logique fut le liquidationnisme.

Comme de nombreuses tendances de gauche et de « communistes », les perspectives d’Hobsbawm ont été influencées par la longue période de croissance qui suivit la Seconde Guerre mondiale. Sur la base de la mondialisation, l’argument selon lequel l’État nation n’avait plus d’importance a été à plusieurs reprises mis en avant par les bourgeois, dont en particulier les apologistes petits-bourgeois du capitalisme.

Le même argument avait été avancé par Kautsky durant la Première Guerre Mondiale (la soi-disant théorie de l’« ultra-impérialisme »). Il soutenait que le développement du monopole capitaliste et de l’impérialisme permettraient d’éliminer graduellement les contradictions du système capitaliste. Il n’y aurait plus de guerres parce que le développement même du capitalisme rendrait les états nationaux redondants. La même théorie a été défendue par Éric Hobsbawm, de la même manière que tous les autres révisionnistes l’ont fait.

En effet, cet ex-stalinien affirmait que l’état national était juste une période transitoire de l’histoire humaine, et qu’elle était désormais obsolète. Tout au long de l’histoire, les économistes bourgeois ont avancé le même argument. Ils tentent d’abolir les contradictions inhérentes au système capitaliste en niant simplement leur existence. Pourtant, c’est précisément durant cette période, où le marché mondial s’imposa comme la force dominant la planète, que les antagonismes nationaux s’amplifièrent de toute part. La question nationale, loin d’être partout abolie, prit un caractère particulièrement intense et toxique. Hobsbawm a essayé de présenter le mouvement vers le libre-échange et la mondialisation comme un processus inévitable et automatique — abstraction faite de toutes les tendances contradictoires et compensatoires. En fait, même l’examen le plus superficiel de l’Histoire montre que les périodes de libre échange les plus franches (comme avant la Première Guerre mondiale) ont alterné avec des périodes de guerres commerciales féroces, et de protectionnisme (comme les années 1930) ; et qu’au final, la bourgeoisie a recours au protectionnisme à chaque fois que ses intérêts sont menacés.

Cela reste tout aussi valable pour l’époque actuelle que ce l’était du vivant de Marx ou de Lénine. En réalité, Hobsbawm n’était plus intéressé par la défense du marxisme. Dans les dernières décennies de sa vie, il se sépara de plus en plus du marxisme, comme aveuglé par les succès du capitalisme et de l’économie de marché. Il révéla sa véritable opinion lorsqu’il déclara que le communisme était « d’un intérêt historique limité » par rapport à l’énorme succès de « l’économie mixte » capitaliste (à partir de la moitié des années 50 jusqu’à 1973) qu’il décrit comme « la révolution la plus profonde de la société depuis l’âge de pierre ».

En octobre 1979, Hobsbawm rejoignit le comité de rédaction de Marxism Today, le journal théorique du Parti Communiste de Grande-Bretagne (PCGB). Avec Martin Jacques, il utilisa ce journal comme une plate-forme pour diffuser le point de vue Eurocommuniste dans le parti. Cette aile droite révisionniste ne voulait ni plus ni moins que la dissolution du PCGB. Dès 1983, Martin Jacques pensait que « le PCGB était irréformable... mais [il est] resté dedans parce qu’ [il] avait besoin des fonds du Parti pour continuer à publier Marxism Today ».

Le parti communiste britannique disparut dans un fiasco total, se divisant en quatre groupes minuscules. Quant au parti communiste espagnol, qui aurait pu prendre le pouvoir en 1976-77, il ne fut plus que l’ombre de ce qu’il avait été. La faillite idéologique du parti communiste peut être résumée par la déclaration de Chris Myant, secrétaire international du PCGB, qui a osé dire que la révolution d’Octobre était « une erreur aux proportions historiques ».

Jacques était convaincu que le parti communiste était mort. Et de fait, d’un point de vue politique, il était mort depuis longtemps. Mais Hobsbawm et Jacques ont aimé en être les fossoyeurs officiels. En 1991, quand l’Union Soviétique éclata, la tendance eurocommuniste dominait la direction du PCGB. Nina Temple, à la tête du PCGB, qui avait exclu toute personne en désaccord, décida de dissoudre le Parti.

Le stalinisme vient-il du léninisme ?

Le socialisme, selon Hobsbawm, s’effondra finalement car en fin de compte « [...] presque personne ne croyait dans ce système ou ne ressentait de loyauté envers lui, pas même ceux qui le conduisaient. »

Cette explication n’explique absolument rien. Cet homme qui pendant des décennies défendait le stalinisme sans rougir, conclut après coup qu’il devait y avoir une erreur dès le départ, avec la Révolution d’Octobre. Par conséquent, il rallie le wagon de la bourgeoisie qui décrit tous les crimes de Staline comme étant le péché originel de Lénine et du parti bolchevik.

Tout en défendant subrepticement Staline, Hobsbawm donne du crédit à la calomnie la plus dégoûtante inventée par les ennemis bourgeois de la révolution d’Octobre — à savoir que les racines du stalinisme se trouvent dans le bolchevisme, et que le léninisme et le stalinisme sont par essence la même chose. Le problème de cette théorie est qu’il est impossible d’expliquer pourquoi Staline, afin de consolider le pouvoir de la bureaucratie, devait exterminer tous les vieux bolcheviks.

La vérité est que le stalinisme et le léninisme sont mutuellement incompatibles. Il n’y a rien de commun entre le régime de démocratie ouvrière établi par Lénine et Trotsky et la monstruosité totalitaire que Staline a érigé sur les ossements du Parti Bolchevik.

Après la Révolution d’Octobre, le jeune État soviétique a été envahi par 21 armées étrangères, ce qui plongea le pays dans un bain de sang. Même dans la république bourgeoise la plus démocratique, en temps de guerre, les travailleurs acceptent certaines restrictions à leurs droits. Ce fut aussi le cas en Russie durant la guerre civile.

Le problème auquel furent confrontés les Bolchevick en 1917 vient du fait qu’ils prirent le pouvoir dans une Russie extrêmement arriérée. C’est cela, et en aucun cas un quelconque « péché originel » du bolchévisme-léninisme, qui condamna la Révolution Russe à la dégénérescence bureaucratique.

Dans L’idéologie allemande (1846), Marx avait déjà expliqué que dans n’importe quelle société où la pauvreté est générale, tout le vieux fatras (« Die ganze alte Scheisse ») renaît. Il entendait par là l’inégalité, l’oppression, la bureaucratie, la corruption et tous les autres fléaux de la société de classe.

Dès 1920, Lénine admit honnêtement que « notre État est un État ouvrier avec des déformations bureaucratiques ». Mais celles-ci étaient des déformations relativement petites, et sans commune mesure avec le régime monstrueux établi plus tard par Staline. Malgré tout, la classe ouvrière avait plus de droits démocratiques que n’importe où dans le monde.

La grande réussite historique de la révolution russe est d’avoir prouvé sans conteste la possibilité réelle et concrète de diriger une économie aussi importante que celle de l’URSS, tout en se passant des propriétaires privés, des banquiers et des capitalistes, et en obtenant d’excellents résultats. Ces résultats remarquables de l’Union Soviétique furent possibles grâce à l’économie nationalisée et planifiée des premières décennies. Une transformation de cette ampleur – telle qu’elle s’est produite en URSS entre 1917 et 1965 – n’a jamais été vue ailleurs au cours de l’histoire.

Cependant, après la mort de Lénine, la révolution russe souffrit des conditions arriérées effroyables du pays, et le processus de dégénérescence bureaucratique sous Staline finit par saper l’économie planifiée. Cela conduisit finalement à la chute de l’Union Soviétique.

Dès 1936, Trotsky expliquait que la bureaucratie russe ne se satisferait pas de ses énormes privilèges (qu’elle ne pouvait, cependant, léguer à ses enfants), et qu’elle se tournerait inéluctablement vers la restauration du capitalisme.

Trotsky a souligné que l’économie nationalisée et planifiée a besoin de démocratie comme le corps humain a besoin d’oxygène. Sans le contrôle démocratique de la classe ouvrière, une économie nationalisée et planifiée serait inévitablement anéantie par la bureaucratie, la corruption et la mauvaise gestion. Or c’est exactement ce qu’il s’est passé.

L’affreuse caricature qu’Hobsbawm persistait à appeler « socialisme » jusqu’à la fin de sa vie a causé des dommages colossaux, précisément sur l’idée du socialisme et du communisme que s’en faisaient les travailleurs du monde entier. Pendant des décennies, Hobsbawm, qui n’a jamais été un véritable marxiste, justifia le totalitarisme stalinien et dénigra ceux qui luttaient pour un retour à la politique de Lénine (les « trotskystes »).

Même dans ses derniers écrits, il est honteux qu’il fasse encore référence aux régimes staliniens de Russie et d’Europe de l’Est comme étant le « socialisme réel » ou le « communisme ». Et puisque le « socialisme » et le « communisme » ont échoué, il fournit une justification « théorique » pour défendre le capitalisme.

Une telle transformation peut sembler contradictoire. En réalité, c’est très simple. Suivant la même logique, la plupart des anciens dirigeants du Parti « Communiste » de l’Union Soviétique se sont tranquillement transformés en capitalistes et en milliardaires. Comme le « professeur Rouge », ils ont accompli cette transition avec la même facilité que l’on change de compartiment dans un train, en passant de la deuxième classe à la première classe. Cette incroyable aisance de leur part s’explique par le fait qu’en réalité ils n’ont jamais été des communistes, et ce, dès le départ.

Théoricien du New Labour

Bien que le Parti communiste britannique fût loin d’être aussi fort que son équivalent italien, la bourgeoisie fut toutefois ravie d’en apprendre la dissolution. Et le Professeur Hobsbawm joua un rôle clé dans cette affaire. Non seulement Hobsbawm a activement participé à détruire le PCGB de l’intérieur, mais il a également collaboré activement avec l’aile droite du Parti Travailliste dans la défaite de la gauche. C’était encore plus précieux pour l’« establishment ».

Hobsbawm et Jacques souhaitaient dissoudre le PCGB dans la « gauche », en particulier la gauche molle autour de Neil Kinnock du Parti travailliste. Ce n’est donc pas un hasard qu’à la mort d’Hobsbawm, Ed Miliband — leader de l’aile droite du parti travailliste — n’ait pas perdu de temps avant de se joindre au chœur des courtisans.

Selon Miliband, Hobsbawm était :
« [...] Un historien extraordinaire, un homme passionné par ses idées politiques et un grand ami de ma famille [...] Mais il n’était pas simplement un universitaire, il se souciait profondément de la direction politique du pays. En effet, il fut l’un des premiers à reconnaître les défis pour le Parti Travailliste, à la fin des années 70 et 80, pour suivre l’évolution de notre société.
« Il était aussi un homme charmant, avec qui j’ai eu quelques conversations des plus stimulantes et motivantes sur la politique et le monde. »

De quelle manière Hobsbawm a-t-il « reconnu les défis du Parti Travailliste à la fin des années 70 et 80 » ? Et quel rôle a-t-il joué dans la création du New Labour ? Comme beaucoup de gens de gauche dans les années 80, Hobsbawm avait plongé dans le pessimisme. Il n’avait aucune confiance dans la classe ouvrière, ni même dans la perspective du socialisme. Ces humeurs sceptiques se sont reflétées dans son article écrit en 1982,L’État de la gauche en Europe de l’Ouest, qui présente un sombre tableau :
« ... à la différence des années 1930, la gauche, aujourd’hui, ne peut ni se diriger vers une société alternative à l’abri de la crise (comme l’URSS semblait le faire) ni vers aucune politique concrète qui soient très prometteuses pour la surmonter à court terme (comme les politiques keynésiennes ou similaires semblaient le promettre à l’époque). »

Comme nous l’avons vu, à ce moment-là, Hobsbawm avait complètement fait une croix sur la classe ouvrière :
« La classe ouvrière manuelle, essence des partis socialistes traditionnels, se contracte et ne se développe plus aujourd’hui. [...] Elle a été transformée, et dans une certaine mesure divisée, lorsque pendant des décennies son niveau de vie a atteint des sommets inédits, même en 1939 où elle fut bien payée. On ne peut plus présupposer que tous les travailleurs sont sur le chemin d’identifier leur situation de classe pour enfin s’aligner derrière un parti ouvrier socialiste, même si des millions de personnes croient encore cela. »

Ces idées étaient pain bénit pour la bourgeoisie et l’aile droite du Parti Travailliste (qui sont fondamentalement la même chose). Ils ont immédiatement reconnu dans le Professeur Hobsbawm un allié des plus précieux. Ils purent fournir une justification théorique utile à l’aile droite du Parti Travailliste, impliquée dans une lutte acharnée contre la gauche du Parti Travailliste. Ce n’est pas un hasard si la presse, en particulier The Guardian, le mettait en avant à cette époque.

La classe dirigeante avait eu une mauvaise surprise lorsque les marxistes ont réussi à gagner une influence considérable dans le Parti Travailliste dans les années 70. Ils organisèrent une scission de l’aile droite, devenue le Parti social-démocrate (SDP), afin de saper le Parti Travailliste. Parallèlement, ils orchestrèrent une vaste chasse aux sorcières contre la Militant Tendency (la tendance marxiste) et la gauche travailliste, dont Tony Benn en particulier. Leur agent principal dans la campagne pour battre la gauche du Parti Travailliste et le pousser vers la droite était l’ultracarriériste Neil Kinnock.

Hobsbawm a soutenu avec enthousiasme la lutte de Neil Kinnock, contre la tendance de gauche dirigée par Tony Benn, et contre la Militant Tendency. Pour sa part, Kinnock parlait d’Hobsbawm, d’un air approbateur (et ironique), comme étant son « marxiste préféré » au moment où ce dernier organisait une véritable chasse aux sorcières contre les marxistes du Parti Travailliste.

Prenant exemple docilement sur l’establishment et les médias, Hobsbawm s’empara de la lutte contre la tendance de gauche avec le zèle d’un croisé, ce qui provoqua une scission dommageable dans le Parti Travailliste qui démoralisa ses militants et lui fit perdre le soutien des masses. En conséquence, en dépit de l’impopularité du gouvernement Thatcher, le Parti Travailliste perdit deux élections générales.

Cette « grande-gueule » d’arriviste détient le record peu enviable du plus long service au sein de l’opposition de l’histoire britannique, sans jamais être devenue Premier Ministre. Interviewé sur Channel Four au lendemain de la mort d’Hobsbawm, Kinnock, avec son style habituellement arrogant, s’est vanté d’avoir utilisé les arguments de ce « marxiste » pour lutter contre « la gauche Bennite et la Militant Tendency ». Il ajouta qu’il en avait parlé avec Hobsbawm, qui « pensa que c’était une bonne idée ».

Après la défaite électorale de 1983, Hobsbawm préconisa une alliance avec les traîtres de la scission de droite du Parti Travailliste — le PSD et leurs alliés libéraux, en les présentant comme les « forces anti-Thatcher ». Cette politique « Lib-Lab » est la base sur laquelle le Blairisme a été fondé. Tony Blair lui-même pensait que le Parti Travailliste n’aurait jamais dû être fondé, et il plaida pour des liens plus étroits avec les libéraux — une position encore maintenue à l’heure actuelle par l’aile droite du Parti Travailliste.

Ainsi, le glissement vers la droite d’Hobsbawm finit par le mener dans le camp du Blairisme et de l’aile droite du Parti Travailliste britannique, duquel il devint le conseiller et le théoricien. Il était le « marxiste préféré » de Kinnock pour la simple et bonne raison qu’il n’était en aucun cas un marxiste. Son unique rôle était d’apporter à l’aile droite du parti de « profonds » arguments pour justifier leur lutte contre les marxistes au sein du Parti Travailliste.

Pour justifier son soutien actif au New Labour, Hobsbawm déclara qu’il était « préférable d’avoir un gouvernement travailliste que rien. » Plus tard, quand le nom de Tony Blair sentait tellement mauvais qu’il était impossible pour quiconque de gauche de le défendre même de loin, Hobsbawm fit quelques faibles critiques à son encontre. Il s’agissait d’une tentative de brouiller les pistes et de faire oublier aux gens que ses théories révisionnistes, représentant l’aile droite, avaient aidé à préparer le terrain pour la Troisième Voie, pour le New Labour, pour Tony Blair et tout le reste.

Certains tentent de défendre sa capitulation au Blairisme en soulignant qu’il était critique envers la conduite de la « guerre contre le terrorisme » et qu’il a accusé les États-Unis de vouloir « recoloniser » le monde. Cela ne veut pas dire grand-chose, car la grande majorité de la population en Grande-Bretagne s’est opposée à l’invasion de l’Irak. Cet anti-américanisme facile et bon marché est l’argument le plus usé : il a trop été employé depuis l’origine de la « gauche » stalinienne.

L’aile droite du Parti Travailliste a toutes les raisons d’être reconnaissante envers cet homme. Mais la gauche n’a absolument aucune raison de l’être.


Traduction de l’article Hobsbawm, part 2 : The Apostle of Blairism

[1] La Commission Dewey (officiellement la « Commission d’enquête sur les accusations portées contre Léon Trotsky dans les procès de Moscou ») a été lancée en Mars 1937 par le Comité américain pour la défense de Léon Trotsky, une organisation du front trotskyste. Elle a été nommée de son président, le philosophe John Dewey. Ses autres membres étaient Carleton Beals, Otto Rühle, Benjamin Stolberg et le secrétaire Suzanne La Follette, Alfred Rosmer, Wendelin Thomas, Edward A. Ross, John Chamberlain, Carlo Tresca et Francisco Zamora. Après des mois d’enquête, la Commission Dewey a fait part de ses conclusions publiques à New York le 21 Septembre 1937 ; qui conclurent à la non-pertinence des accusations portées par Joseph Staline à l’encontre de Léon Trotsky.

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