Les politiques d’austérité imposées par les gouvernements successifs ont eu un impact très négatif sur les structures hospitalières des petites villes. C’est le cas par exemple aux urgences de Voiron (Isère), comme nous l’explique Cyrille Venet, médecin anesthésiste-réanimateur et militant syndical à Force Ouvrière.


Révolution : Quelle est la situation à l’hôpital de Voiron ?

De manière générale, la situation à Voiron est similaire à celle de nombreux hôpitaux. On évoque souvent la souffrance du personnel : elle est réelle ; des gens s’en vont ou dépriment. Mais à cela s’ajoute la décision de fermer des lits. C’est une politique voulue, délibérée, affichée. A Voiron, il y a deux ans, il y avait 90 lits. Aujourd’hui, il y en a 60 qui fonctionnent. On a perdu un tiers de capacité d’hospitalisation. En conséquence, des patients sont soit chez eux, soit dans le couloir des Urgences. Le problème fondamental, c’est le recrutement, et c’est les lits. Pourtant, on a vu que l’argent pouvait couler à flots, durant la pandémie. Mais décidément, il ne coule pas dans notre direction…

Quelles en sont les conséquences, sur le terrain ?

Depuis plusieurs mois, les fermetures de lits mènent à la fermeture des Urgences certaines nuits, notamment le week-end. Pour qualifier un tel dysfonctionnement, on parle de « fonctionnement adapté » ! Et cette situation est aggravée par la fermeture de services entiers dans les hôpitaux voisins : Rives, Saint-Laurent-du-Pont, Pont-de-Beauvoisin, Saint-Geoire-en-Valdaine…

La suspension du personnel réfractaire à la vaccination a encore aggravé la situation en diminuant de facto les effectifs. Certes, il n’y a pas eu beaucoup de cas de suspension, mais un seul médecin qui manque à l’appel à l’hôpital de Rives, c’est 25 lits fermés. A Voiron, les suspensions ont entraîné la fermeture de deux salles d’opération.

Quelles sont les conséquences pour les usagers ?

Il y a des retards de diagnostic, des retards de prise en charge et même, au final, des erreurs de diagnostic. Nous ne pouvons plus faire correctement notre travail. Prenons un exemple concret : si on n’opère pas une fracture du col du fémur dans les 48 heures, on double les risques de mortalité. Il y a quelques années, à Voiron, on opérait 80 % des cas dans les 24 heures. Ces derniers temps, il y a eu des périodes où aucun patient n’était opéré dans les 48 heures.

A Voiron, on a une petite unité d’hospitalisation de courte durée. Le matin, il y a 12 lits pour 30 patients. A Grenoble, c’est entre 80 et 100 patients qui arrivent aux Urgences avant minuit et qui sont encore là à 8 heures du matin, en train d’attendre. Il n’y a que deux médecins. Deux médecins pour 100 patients, c’est la Cour des Miracles ! Alors, même si quasiment aucun chercheur n’étudie ce phénomène, il est évident que des patients meurent faute de soins, dans ces conditions.

Y a-t-il eu des mobilisations contre cette situation ?

Oui, il y a eu des mobilisations. Déjà, durant toute l’année qui a précédé la pandémie, les urgentistes étaient en grève à Voiron, comme partout en France. Et ils étaient très impliqués dans les différentes actions.

Aujourd’hui, du côté des soignants, deux collectifs sont présents : le Collectif Inter Hôpitaux (CIH) et le Collectif Inter Urgences (CIU). Ces collectifs se sont fondés en dehors des organisations syndicales, parce qu’ils leur reprochaient de ne pas avoir pris les devants dans les mobilisations. Malgré tout, un certain nombre d’actions se font en commun (syndicats et collectifs), mais la discussion n’est pas toujours facile. Par exemple, le CIH a une mentalité « sans-étiquette », et ne veut aucun drapeau syndical dans les rassemblements.

Dernièrement, des usagers ont lancé le Collectif Santé Voironnais. La première réunion a rassemblé plus de 150 personnes. L’objectif, c’est de faire l’unité entre les revendications des hospitaliers et celles des usagers. On se rend compte assez rapidement que les revendications des usagers sont les mêmes que les nôtres ! Mais cela nécessite des discussions : nous n’avons pas le même langage, pas la même culture et pas le même niveau d’information.

Quelles revendications portez-vous ?

A Voiron, la réouverture des Urgences, 24 heures sur 24, est la priorité. Le recrutement de 10 médecins est nécessaire, et il faut leur proposer des moyens d’action, en particulier l’ouverture d’une salle d’opération supplémentaire. Il faut rouvrir 30 lits et recruter le personnel requis : 18 infirmiers, 4 médecins et 1 cadre. Il faudrait aussi recruter des brancardiers, des agents de services hospitaliers (qui sont des agents polyvalents) et des standardistes (aujourd’hui, le standard téléphonique est à Grenoble, faute de salariés !). On ne parle jamais de ces emplois-là, mais ils sont indispensables. De telles embauches entraîneraient déjà le système vers le haut. La question est : qui va décider de mener une telle politique ? 

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